L’oraison de la messe de saint Henri II est un exemple parmi des dizaines de ce que la nouvelle liturgie de Rome, qui est « la seule expression de la lex orandi du Rite romain », selon le pape, est celle d’une autre religion que la religion catholique.
La collecte traditionnelle :
Deus, qui hodierna die beatum Henricum, confessorem tuum, e terreni culmine imperii ad regnum aeternum transtulisti, te supplices exoramus, ut, sicut illum, gratiae tuae ubertate praeventum, illecebras saeculi superare fecisti, ita nos facias, ejus imitatione, mundi hujus blandimenta vitare, et ad te puris mentibus pervenire.
O Dieu, en ce jour, vous avez fait passer le bienheureux Henri, votre Confesseur, du sommet de l’empire de la terre au royaume du ciel : nous vous demandons en suppliant que, comme en le prévenant par l’abondance de votre grâce, vous l’avez fait triompher des attraits du siècle, vous nous fassiez aussi, à son imitation, éviter les séductions du monde et parvenir jusqu’à vous avec des cœurs purs.
La collecte de ce qu’on est censé considérer comme « la seule expression de la lex orandi du Rite romain » :
Deus, qui beatum Henricum, gratiae tuae ubertate praeventum, e terreni cura regiminis ad superna mirabiliter erexisti, ejus nobis intercessione largire, ut inter mundanas varietates puris ad te mentibus festinemus.
Voici la « traduction » française officielle :
Seigneur, tu as comblé saint Henri de ta grâce pour qu'il sache gouverner son empire et tu l'as élevé à la gloire du ciel ; accorde-nous par son intercession, au milieu des changements de ce monde, de tendre vers toi dans la simplicité du cœur.
Lauren Pristas fait remarquer que la nouvelle oraison est « anachronique » : elle décrit le gouvernement de l’empereur « dans des termes qui reflètent la sensibilité démocratique moderne ». Elle le fait de façon tellement médiocre (« le soin du gouvernement terrestre ») que la traduction officielle français a rétabli l’« empire » (qui ne se trouve pourtant pas dans la version de référence de « la seule expression de la lex orandi du Rite romain »). Mais le pire n’est pas cette anachronique révérence démocratique. C’est, comme on le voit partout dans le nouveau « missel », la suppression du fait que par la grâce Henri ait triomphé des attraits de ce siècle et évité les séductions du monde. La vie chrétienne ne consiste plus en cette ascèse informée par la grâce. Du reste les choses de ce monde sont seulement changeantes, inconstantes, on n’a pas à se méfier de leurs attraits ni de leur séduction qui nous entraîneraient dans le péché. Et comme il n’y a plus de combat, on peut supprimer aussi « nous te prions en suppliant ». Quant au but il n’est plus le même non plus. La collecte traditionnelle nous fait demander en suppliant de parvenir à Dieu, en Dieu, tandis que la nouvelle demande que Dieu nous accorde de nous hâter vers lui - verbe encore trop fort, que la traduction officielle corrige en : tendre vers toi – sans qu’il soit donc primordial d’arriver.
Il est remarquable que l’on a le texte bien connu de saint Henri lui-même, sa lettre à l’évêque de Bamberg, qui condamne par avance la dérive liturgique et professe la vérité de la vie chrétienne :
Nous devons abandonner les biens temporels et mettre au second plan les avantages terrestres pour nous efforcer d’atteindre les demeures célestes qui sont éternelles. Car la gloire présente est fugitive et vaine si, tandis qu’on la possède, on omet de penser à l’éternité céleste.