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Liturgie - Page 373

  • Saint Benoît

    Depuis la réforme de 1960, la fête de saint Benoît est supplantée par la férie de carême. Mais dans le calendrier bénédictin c’est toujours la solennité du « transitus » du patriarche des moines d’Occident.

    D’autre part l’office romain est simplement celui du commun des abbés, alors que l’office bénédictin est propre, tissé de citations de la vie de saint Benoît écrite par ce grand bénédictin qu’était saint Grégoire le Grand, dont la fête est le 12 mars.

    Voici le premier répons des matines, qui cite tout simplement les premiers mots du texte de saint Grégoire. Le verset quant à lui est pris quelques lignes plus loin, à la fin du paragraphe : c’est la célèbre double expression paradoxale « scienter nescius » et « sapienter indoctus », qui est impossible à traduire à la fois dans sa concision et dans son ampleur : saint Benoît se retira du monde, se faisant ignorant avec science, et inculte avec sagesse.

    .  Fuit vir vitae venerabilis gratia Benedictus et nomine, ab ipso pueritiae suae tempore cor gerens senile ; * aetatem quippe moribus transiens, nulli animum voluptati dedit.

    . Recessit igitur scienter nescius et sapienter indoctus.

    .  Aetatem quippe moribus transiens, nulli animum voluptati dedit.

    Il y eut un homme d’une vie vénérable, Béni (Benoît) par la grâce et par le nom, portant dès le temps de son enfance un cœur d’ancien ; dépassant son âge par ses mœurs, il ne donna son âme à aucune volupté. Il se retira donc, savamment ignorant et sagement inculte.

    Voici ce répons dans l’antiphonaire de Salzinnes (milieu du XVIe siècle), et dans celui d’Einsiedeln (début du XIVe siècle). - Je m'aperçois que le verset n'est pas le même dans ce dernier manuscrit.

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  • L’Acathiste

    Demain est, dans la liturgie byzantine, le "samedi de l’Acathiste". Parce qu’aux matines on chante l’intégralité de l’Acathiste à la Mère de Dieu, qui a été chanté partiellement les vendredis précédents depuis le début de carême. Les vendredis, parce qu’en général les matines où l’on chante l’Acathiste sont anticipées au vendredi soir.

    Voici, en pensant à la Syrie chrétienne martyrisée, le tropaire initial et le tropaire final, ainsi que l'hymne de la victoire qui conclut le chant des odes et des strophes, dans la tradition d’Alep, chantés par le P. Maximos Fahmé.

    Tous trois en arabe, puis en grec. (Le CD est ici.)
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    Lorsque l'incorporel prit connaissance de l'ordre mystérieux, il se présenta aussitôt dans la maison de Joseph et dit à la Vierge : Celui qui, en descendant sur la terre, a incliné les cieux, demeure entièrement en toi, sans éprouver de changement. Le voyant dans ton sein prendre la forme d'un esclave, de stupeur vers toi je m'écrie : Salut à toi, Epouse et Vierge !
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    L’ange Gabriel, stupéfait de votre virginité, et de l’éclat de votre pureté, s’écria vers vous : « O Mère de Dieu, quelle digne louange puis-je vous offrir ? Comment puis-je vous appeler ? Je suis embarrassé et interdit. C’est pourquoi, fidèle à l’ordre que j’ai reçu, je crie vers vous : « Salut, pleine de grâce ! »
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    A vous les accents de victoire ! Libérée du danger, votre ville, ô Mère de Dieu, vous offre des hymnes de reconnaissance. Vous dont la puissance est irrésistible, de tout péril délivrez-moi, pour que je puisse vous acclamer : Salut à vous, Epouse sans époux !

  • Saint Joseph

    La messe et l’office de saint Joseph datent de 1714. Surtout l’office, puisque la messe emprunte aux divers communs (sauf l'antienne de communion), saint Pie V ayant rejeté celles qui existaient à l’époque parce qu’elles étaient récentes.

    On a ainsi un office rationnel flamboyant, si j’ose dire… Les antiennes sont tirées des évangiles, où l’on a pris soigneusement tout ce qui peut se rapporter à Joseph, et se succèdent dans un ordre chronologique sans faille. Les lectures et répons du premier nocturne des matines sont exclusivement consacrés au patriarche Joseph devenu chef de l’Egypte. Les lectures et répons du deuxième nocturne comparent les deux Joseph, et le troisième nocturne célèbre le seul époux de la Vierge.

    Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on fabrique la liturgie. Il y a longtemps que le ver était dans le fruit. Mais alors ce n’était que pour de rares nouvelles fêtes…

    On ne sait pas pourquoi la fête de saint Joseph fut fixée au 19 mars, mais cela a certainement un rapport avec le fait qu’on lit aux matines du troisième dimanche de carême le début de l’histoire de Joseph dans la Genèse. Lecture qu’on est censé poursuivre les jours suivants, et c’est souvent vers le milieu de mars.

    Léon XIII, dans son encyclique Quamquam pluries, affirme qu’un « grand nombre de pères de l’Eglise » ont fait le rapprochement entre les deux Joseph. Mais il ne donne aucun exemple. En réalité, ce que l’on voit chez les pères de l’Eglise, c’est la vision du patriarche Joseph comme figure du Christ.

    Sauf erreur, je ne pense pas que la relation entre les deux Joseph ait été vraiment faite avant que commence à émerger le culte de saint Joseph. Et il est vraisemblable que saint Bernard soit l’un des premiers, ou le premier, à le faire aussi nettement. C’est même pour cela, à coup sûr, que le passage de son deuxième des « sermons sur Missus est » a été mis au deuxième nocturne des matines (et non un texte introuvable d'un père antérieur). [Il est permis et recommandé de me contredire, le cas échéant, avec des références.]

    Ce n’est d’ailleurs pas sans avoir rappelé le parallèle traditionnel Joseph-Jésus que saint Bernard passe au parallèle Joseph-Joseph :

    Si ce Joseph, vendu par l’envie de ses frères et conduit en Égypte, préfigura le Christ qui devait être vendu lui aussi, saint Joseph fuyant la haine d’Hérode porta le Christ en Égypte. Le premier, pour demeurer fidèle à son maître, refusa de coucher avec sa maîtresse ; le second, reconnaissant sa Maîtresse dans la Vierge mère de son Maître, vécut aussi dans la continence et se montra son fidèle gardien. A l’un fut donnée l’intelligence des songes mystérieux ; à l’autre, il a été accordé d’être le confident et participant des mystères célestes. L’un a mis du blé en réserve, non pour lui, mais pour tout un peuple ; l’autre a reçu la garde du pain du ciel, tant pour lui que pour le monde entier. On ne peut douter que ce Joseph à qui fut mariée la mère du Sauveur n’ait été un homme bon et fidèle. C’est, dis-je, le serviteur fidèle et prudent que le Seigneur a établi pour être le consolateur de sa mère, le nourricier de son enfance, enfin le seul et très fidèle coopérateur, ici-bas, de son grand dessein.

  • La messe en Ecosse

    J’apprends par Rorate Caeli qu’une première messe dans la "forme extraordinaire" a été célébrée dimanche dernier en la chapelle du couvent Saint-Joseph de Dundee, en Ecosse, et que cette messe sera désormais célébrée chaque mois, le troisième dimanche à 16h.

    C’est un groupe d’une soixantaine de fidèles qui a demandé cette messe au nouvel évêque, Mgr Stephen Robson. Lequel assistait, au trône, à la première messe, célébrée par l’abbé John Emerson, de la Fraternité Saint-Pierre.

    L’évêque paraît particulièrement bienveillant. Non seulement il était présent, mais le site internet du diocèse fait une large place à l’événement, avec un article et une galerie de photos !

    « Il y avait environ 130 personnes, dit l’évêque. Le groupe d’origine qui m’avait fait la demande comptait à peu près 65 personnes, donc le nombre de participants a été beaucoup plus élevé que prévu, avec pas mal de jeunes et d’adolescents. La belle grand-messe était célébrée par le P. John Emerson FSSP et servie par nos propres servants de messe, la musique étant interprétée par les étudiants de la chapelle de l’université Saint-André. »

    L’article ajoute que la petite réunion qui s’est tenue ensuite a montré que si la messe dans la forme extraordinaire était célébrée de façon régulière elle serait grandement appréciée.

    La question qu’on se pose immédiatement est évidemment celle-ci : s’il y a une demande aussi conséquente, et si l’évêque est si bienveillant, pourquoi seulement une messe mensuelle et au milieu de l’après-midi ?

    Je crois que la réponse se trouve sur le site de la FSSP Ecosse. Le P. Emerson est manifestement tout seul. Il célèbre la messe à Edimbourg, où il réside, et l’après-midi du premier dimanche du mois à Stirling, l’après-midi du quatrième dimanche du mois à Saint-Andrews, et donc désormais l’après-midi du troisième dimanche à Dundee…

    En bref on demande un prêtre… Ou plutôt au moins trois prêtres… Et Mgr Robson ne semble pas pouvoir en trouver dans son clergé…

  • Mercredi de la quatrième semaine de carême

    Dans l’antiquité chrétienne c’était aujourd’hui à Rome le jour du « grand scrutin ». Les candidats au baptême devenaient officiellement catéchumènes, et l’on y accomplissait pendant la messe les rites préparatoires au baptême.

    Avant la messe, ils étaient marqués du signe de la croix par un prêtre qui bénissait le sel et le leur faisait goûter.

    Puis ils ressortaient de l’église et la messe commençait, par l’introït où le Seigneur annonce qu’il réunira ses élus de toutes les nations, et qu’il répandra sur eux une eau purifiante pour laver toutes leurs souillures.

    On faisait appel nominal des catéchumènes, qui rentraient dans l’église. Les parrains et marraines les signaient sur le front, et des acolytes prononçaient sur chacun d’eux trois exorcismes, puis un diacre prononçait le quatrième exorcisme.

    Pendant les deux lectures et les deux graduels, un prêtre faisait sur chacun d’eux le rite de l’Ephpheta (en touchant une oreille).

    C’est semble-t-il toute cette partie qui s’appelait « aperitio aurium », ouverture des oreilles.

    Alors quatre diacres venaient déposer les quatre Evangiles aux quatre coins de l’autel. Un prêtre faisait la présentation des quatre évangélistes, et un diacre lisait le début de chaque évangile.

    Puis c’était la transmission du Credo, en grec et en latin, et du Pater. Le tout commenté de façon rituelle.

    Venait alors le chant de l’évangile de ce jour, qui raconte la guérison de l’aveugle né, symbole baptismal par excellence, et minutieusement expliqué dans cette optique par saint Augustin, dans un sermon qui est toujours la lecture des matines.

    Alors les catéchumènes sortaient, et le saint sacrifice proprement dit commençait.

    « Et nous ? » s’exclame dom Pius Parsch. Il répond :

    La journée d’aujourd’hui présente, à l’âme qui veut faire revivre la grâce du baptême, aliment et lumière. Nous accompagnons, en esprit, les catéchumènes d’il y a environ 1500 ans. Nous entrons dans la basilique de Saint-Paul : il est notre père spirituel à nous aussi ; presque tous les dimanches, sa voix nous exhorte et nous instruit. Renouvelons sur son tombeau la grâce de notre baptême. Le sens de ce renouvellement nous est expliqué dans les lectures : « Je mettrai en vous un nouveau cœur et un nouvel esprit. J’enlèverai de votre poitrine votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. » « J’allai, je me lavai et maintenant je vois. » Il s’agit donc d’une nouvelle vie et d’une nouvelle créature.

    Nous recevons aujourd’hui, de la main de l’Église, trois cadeaux précieux : l’Évangile, la profession de foi et le Notre-Père. Baisons le livre des évangiles. L’Évangile remplace pour nous le Christ ; dans l’Évangile, la liturgie voit et honore le Christ. Selon l’esprit de la liturgie, nous devons vivre de la vie du Seigneur. Sur la terre, le Christ a vécu pour nous aussi ; ce qu’il fit alors aux malades, ce qu’il leur dit, il le fait et il le dit pour nous. Quel prix n’a pas l’Évangile ! Il nous manifeste les sentiments, les actions et les paroles du Christ. Chaque parole de la profession de foi a été scellée du sang des martyrs. Au Moyen Age, on la récitait aux mourants. Le Notre-Père est la seule prière que nous ait enseignée le Seigneur. Récitons-le avec respect. Il occupe la plus belle place à la messe ; dans l’antiquité, on le considérait comme un sacrement.

  • Dédicace de la cathédrale

    Ce 17 mars, fête de saint Patrick quasiment occultée par la liturgie du mardi de la quatrième semaine de carême, est dans mon diocèse la fête de la dédicace de la cathédrale.

    En effet la cathédrale de Vannes a été consacrée le 17 mars 1476. Cette année-là c’était le troisième dimanche de carême.

    Je me suis demandé pour quelle raison on avait décidé de procéder à ce rite si solennel, avec les festivités qui l’entourent, en plein carême.

    J’ai donc cherché. Or, non seulement je n’ai pas trouvé de raison, mais en outre j’ai découvert que cette année-là… il n’y avait pas d’évêque de Vannes. Mgr Yves de Pontsal était mort l’année précédente, et son successeur n’avait pas encore été nommé. La cathédrale n’était pas finie, mais le chapître avait décidé qu’elle devait être consacrée. On est allé chercher un dominicain qui était alors à Rennes pour conférer des ordinations, Robert de Berges, évêque in partibus de Sinope. On a la relation du voyage et du séjour de Robert de Berges à Vannes, où il menait grand train apparemment, et table ouverte… en plein carême (il avait fallu réquisitionner un chef cuisinier supplémentaire…).

    Ensuite seulement on s’est préoccupé de trouver un nouvel évêque, ce fut le frère de la duchesse, Pierre de Foix. Lequel fut élu en même temps évêque… d’Aire-sur-l’Adour, et créé cardinal l’année suivante, avant de devenir aussi administrateur des diocèses de Bayonne et de… Palerme, tout en étant abbé de trois abbayes (Tarbes, Rennes et Dijon…). Devenu archevêque de Palerme en 1490, il abandonna le diocèse de Vannes, où il n’avait pas dû beaucoup mettre les pieds sinon pour visiter sa sœur la duchesse…

    Celui qui lui succéda fut le cardinal Lorenzo Cibo, neveu du pape Innocent VIII, archevêque de Bénévent, cardinal-prêtre de trois églises romaines, puis de deux quand il devint cardinal-évêque d’Albano, et il était aussi chanoine de Saint-Pierre de Rome, préfet du château Saint-Ange, protonotaire apostolique, abbé de six abbayes… Inutile de préciser qu’il ne se rendit jamais à Vannes…

    Les deux suivants furent deux Français qui ne vinrent jamais à Vannes, puis il y eut le cardinal Lorenzo Ier Pucci, chanoine de Florence, évêque de Pistoie, administrateur apostolique de trois autres diocèses, célèbre pour ses trafics d’indulgences…

    Après Lorenzo Ier qu’on ne vit jamais à Vannes il y eut… son neveu le cardinal Antonio Ier Pucci qui évidemment ne vint jamais non plus. Lui succéda… Lorenzo II Pucci…

    Et après on s’étonne qu’il y eût la Réforme protestante… On pourrait plutôt se demander comment des peuples sont restés catholiques…

    Bref j’ai découvert une page du triste passé de l’Eglise, mais rien sur la Dédicace en carême. Mais savaient-ils seulement que c’était le carême ?

    Cela dit, il faut avouer que le sermon du troisième nocturne des matines de l’office de la dédicace convient parfaitement à ce temps liturgique. Il est donné dans les bréviaires comme étant de saint Augustin, car il figurait dans l’homiliaire de Paul Diacre sous ce nom, il est en fait de saint Césaire d’Arles :

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  • Lundi de la quatrième semaine de carême

    L’introït de la messe de ce jour nous plonge déjà dans la Passion, en un sévère contraste avec celui d’hier qui appelait à la joie. En revanche il y a un rapport étroit entre l’épître de ce jour et celle d’hier, et entre les deux évangiles. Dans les deux épîtres il est question de deux femmes, Agar et Sara, puis les deux femmes anonymes du jugement de Salomon : chaque fois il s’agit de figures de la Jérusalem terrestre et de la Jérusalem céleste, de l’ancienne et de la nouvelle Alliance. Quant aux évangiles, ils soulignent tous deux que la Pâque est proche, et ils nous livrent sous une forme symbolique un aspect de la Pâque du Christ : hier le don de l’eucharistie, aujourd’hui la résurrection.

    L’épisode de Jésus chassant les marchands du Temple ne doit jamais être pris sur le plan littéral, et en ce moment de l’année liturgique encore moins. Sur le plan littéral l’action de Jésus est insensée, car les animaux qu’il chasse sont les animaux du sacrifice et les changeurs sont là pour que l’on puisse les acheter, comme le remarque saint Augustin dans la lecture des matines*. (Et il est bien évident que dans les minutes qui ont suivi tout le monde s’est remis à sa place.) On peut seulement le prendre au sens moral : nous devons chasser les marchands malhonnêtes qui envahissent notre âme.

    Saint Jean est le seul qui souligne explicitement qu’il s’agit d’un acte prophétique (et les actes prophétiques paraissent toujours insensés). Le culte va déserter ce temple, qui d’ailleurs va être détruit, Jésus vient instaurer le culte en esprit et en vérité, qui n’est plus lié à un lieu de cette terre. Et la parole importante, dans cette approche de la Pâque, est : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. » « Il parlait du temple de son corps », précise l’évangéliste. Passion et résurrection : la prophétie va être réalisée à la lettre.

    * Selon saint Jean, Jésus s'adresse aux seuls marchands de colombes. Ce qui est une façon de souligner qu'il s'agit bien des animaux destinés aux sacrifices ; et aussi, puisque la colombe est le symbole du Saint-Esprit - saint Jean l'a dit lui-même quelques versets plus tôt lors du baptême du Christ - c'est une condamnation de la simonie, qui vaudra pour toute l'histoire de l'Eglise.

  • 4e dimanche de carême

    Lundi dernier on lisait à la messe l’histoire de la guérison de Naaman le Syrien par Elisée ; mardi, le miracle de l’huile accompli par Elisée ; jeudi prochain ce sera la résurrection du fils de la Sunamite par Elisée. Ces deux miracles figurent au chapitre 4 du deuxième livre des Rois, le premier est le début du chapitre 5. Entre les deux derniers il y a un autre miracle, auquel on ne fait guère attention :

    Et il vint un homme de Baal-Salisa, qui portait à l'homme de Dieu des pains des prémices, vingt pains d'orge, et du froment nouveau dans son sac. Elisée dit : Donnez à manger au peuple. Son serviteur lui répondit : Qu'est-ce que cela pour servir à cent personnes? Elisée dit encore : Donnez à manger au peuple; car voici ce que dit le Seigneur : Ils mangeront, et il y en aura de reste. Il servit donc ces pains devant ces gens; ils en mangèrent, et il y en eut de reste, selon la parole du Seigneur.

    C’est presque mot pour mot les miracles de multiplication des pains dans les Evangiles.

    Ce dimanche, l’évangile est celui de la multiplication des pains selon saint Jean, qui est exposée de façon eucharistique, après l’indication : la Pâque était proche. Et ce récit sera suivi du discours sur le pain de vie.

    On remarque que lorsque le Messie est là, l’abondance messianique dépasse de loin l’annonce qu’en faisaient les prophètes : Avec 20 pains Elisée donne à manger à 100 personnes, avec 5 pains Jésus donne à manger à 5.000 hommes.

    Dans l’évangile on remarque l’insistance sur le 5 : il convient d’ajouter que le mot « pain » apparaît 5 fois dans le texte, de même que le mot « Jésus » : Jésus est le pain. Le nombre 5 indique ce qui est consacré : David avait obtenu cinq pains consacrés. Or cela se trouve déjà dans le récit d’Elisée, puisque le prophète multiplie 5 fois les pains. Le nombre 5 apparaît cinq fois dans l’évangile de saint Jean, de même que les mots « saint », « d’en haut », « royaume ». Les 5.000 sont donc les saints : l’Eglise, nourris par le pain eucharistique qui est donné en abondance.

    Il y a deux poissons, et c’est dit deux fois. Dans l’évangile de saint Jean, Jésus est désigné deux fois comme « Messie », et deux fois comme « Agneau de Dieu ». L’Agneau de la Pâque véritable, qui se donnera à manger pour réunir ce qui était divisé, pour rassembler les « morceaux » dans la vie éternelle par les 12 « couffins » des apôtres.

    5x2 = 10, parce que la Pâque se célèbre le 10e jour et que la première Pâque fut célébrée au moment de la 10e plaie d’Egypte. Lorsque Jean-Baptiste dit à deux disciples « Voici l’Agneau de Dieu », et que les deux disciples suivent Jésus, l’évangéliste note que c’est la 10e heure.

    (Pour aller encore plus loin dans le symbolisme des nombres en lien avec la multiplication des pains, voir cet article de François Quiévreux.)

  • Samedi de la troisième semaine de carême

    L’évangile d’hier (la Samaritaine) était le plus long de l’année liturgique. Et c’est l’« épître » de ce jour qui est la plus longue de l’année : il s’agit de l’histoire de Suzanne, qui dans la Bible grecque est même un livre à part entière, alors que dans la Bible latine on l’a agrégée au livre de Daniel – en suggérant que l’enfant en effet « clairvoyant » appelé Daniel qui sauve Suzanne est le jeune prophète de ce nom.

    Il y a un lien entre les deux textes, c’est l’eau. Comme chaque fois que le thème de l’eau apparaît dans la liturgie du carême, il s’agit, dans ce cadre liturgique, du baptême que vont recevoir les catéchumènes à Pâques. J’avais cité en 2011 le texte d’Hippolyte qui explicite le symbolisme du bain de Suzanne. On peut ajouter que le baptême donne la force de résister au mal, et en ce sens l’histoire de Suzanne sera vue comme exprimant le courage du nouveau chrétien qui affrontera le martyre plutôt que de renier son Dieu.

    Mais pour l’heure ces catéchumènes sont des pénitents. Il leur faudra confesser leurs péchés avant de recevoir le baptême. L’évangile, qui est celui de la femme adultère, leur montre ce qu’est le tribunal du Christ. C’est un vrai tribunal, avec un juge infaillible, mais dont la justice s’appelle miséricorde, et qui acquitte systématiquement celui qui se confesse sérieusement. Il y a manifestement une correspondance entre ce que dit Jésus : « Moi non plus, je ne te condamnerai pas. Va, et désormais ne pèche plus. », et ce que dit le prêtre dans le sacrement de pénitence : « Ego te absolvo… Allez en paix. »

  • Vendredi de la troisième semaine de carême

    A partir de ce jour l’Eglise a exclusivement recours à saint Jean pour l’évangile de la messe (sauf le jeudi qui était aliturgique à Rome aux premiers siècles). Et cela commence par l’histoire prodigieuse de la Samaritaine. Et avec le commentaire de saint Augustin que je retrouve chaque année avec autant d’émotion. Il faut le lire en latin pour le goûter pleinement, mais même en traduction apparaît le génie du prédicateur qui distille le suspense :

    « Jésus donc, fatigué du chemin, s’assit sur la fontaine. C’était vers la sixième heure ». Déjà commencent les mystères. Ce n’est pas sans raison que Jésus se fatigue : ce n’est pas sans raison que nous voyons accablée de lassitude la vertu même de Dieu, celui qui calme nos fatigues, celui dont l’absence est pour nous une cause d’épuisement et dont la présence restaure nos forces. Cependant Jésus est fatigué, il est fatigué sur le chemin et il s’assied, il s’assied au bord d’un puits, et c’est à la sixième heure du jour. Autant de circonstances significatives, qui nous donnent à penser et nous indiquent quelque chose : elles nous rendent attentifs et nous engagent à frapper. Qu’il ouvre donc a vous et à moi, celui qui a daigné nous encourager à frapper, en nous disant: « Frappez, et il vous sera ouvert ». C’est pour toi, mon frère, que Jésus est fatigué du chemin. Nous voyons en Jésus, et la force et la faiblesse : il nous apparaît tout à la fois puissant et anéanti. Il est puissant, car « au commencement il était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; au commencement  était en Dieu ». Veux-tu savoir quelle est la puissance de ce Fils de Dieu? «Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait » Y a-t-il rien de plus fort que celui qui a fait toutes choses sans éprouver de lassitude? Veux-tu t’assurer qu’il a été faible? « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». Par sa puissance, le Christ t’a créé ; il t’a donné une nouvelle vie, en s’anéantissant ; par sa puissance, il a fait ce qui n’était pas ; en devenant faible, il a empêché ce qui était de périr. C’est en sa force qu’il nous donne l’être; c’est en son infirmité qu’il nous a attirés à lui.

    Jésus-Christ s’est fait infirme pour nourrir des infirmes, pareil en cela à la poule qui nourrit ses poussins; c’est la comparaison qu’emploie le Sauveur lui-même. « Combien de fois », dit-il à Jérusalem, « j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule ramasse ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! » Vous savez, mes frères, comme une poule se fait petite par amour pour ses petits; de tous les oiseaux, elle est la seule qui se montre véritablement mère. Nous voyons les passereaux faire leur nid sous nos yeux; il en est de même des hirondelles, des cigognes, des pigeons; mais nous ne nous apercevons qu’ils ont des petits qu’au moment où nous les voyons dans leurs nids. Pour la poule, elle se fait si petite pour ses petits que, même lorsqu’ils en sont éloignés et même sans qu’on les voie, on reconnaît qu’elle est mère. En preuve, ses ailes pendantes, ses plumes hérissées, la rudesse de sa voix, le laisser-aller et l’abattement de son corps, tout en elle, comme j’en ai fait la remarque, dénote une mère, lors même qu’on ne la verrait point suivie de sa petite famille. Voilà l’image de l’infirmité de Jésus fatigué par le chemin. Son chemin, c’est la chair qu’il a prise pour notre amour. En effet, quel chemin pouvait suivre celui qui se trouve partout et ne manque nulle part? Où pouvait-il aller? D’où pouvait-il venir? Evidemment il venait vers nous, et il n’y venait qu’en se revêtant de la forme visible de notre corps. Puisqu’il a daigné venir parmi nous en prenant un corps, en se montrant dans la forme de serviteur, son incarnation est donc son chemin. C’est pourquoi « la fatigue qu’il a ressentie du chemin » n’est autre chose que la fatigue résultant pour lui de son Incarnation. L’infirmité de Jésus-Christ vient donc de son humanité; mais ne t’affaiblis pas toi-même. Que l’infirmité de Jésus-Christ soit ta force; car ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que tous les hommes.

    J’ai poursuivi la citation un peu au-delà de ce qui est cité dans le bréviaire. On comprend que ce n’est que le début d’une longue explication. En effet. Et il faut tout lire. Notamment l’extraordinaire développement sur les cinq maris de la Samaritaine. Ici, ou . Et en latin (tractatus 15).