Les antiennes du lever et du coucher du soleil sont les suivantes : « Vous n’avez qu’un docteur qui est dans le ciel, le Christ, le Seigneur » (Ant. Benedictus). « Quant à vous, vous êtes tous frères ; et n’appelez personne père sur la terre, car vous n’avez qu’un Père qui est dans le ciel ; ne vous faites pas appeler docteurs, car vous n’avez qu’un docteur, le Christ » (Ant. Magnificat). Dans ces deux antiennes, la liturgie a, en trois pensées, caractérisé toute la vie avec l’Église : Dieu notre Père, le Christ notre docteur, nous tous frères entre nous.
Liturgie - Page 375
-
Mardi de la deuxième semaine de carême
-
Lundi de la deuxième semaine de carême
Les deux lectures de la messe de ce jour sont terribles. On est bel et bien redescendu de la montagne de la Transfiguration, pour être plongé dans l’affliction de l’Eglise pour les péchés de ses membres (la sombre supplication de Daniel), dans la perspective de la Passion.
« Je m’en vais », dit Jésus au début de l’évangile. « Je m’en vais, et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché. » C’est un passage d’une longue discussion, d’une longue dispute, avec les juifs. Dispute dont on voit tout de suite qu’il n’en sortira pas vainqueur à vue humaine, et il dit lui-même de façon mystérieuse qu’ils vont le crucifier : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez que Je Suis… » Et l’on voit qu’en même temps il proclame sa divinité, et il le fait de façon très appuyée par ces « Je Suis » qui parsèment tout le discours (le plus souvent très mal traduits par des gens qui ne croient pas vraiment que Jésus est le Dieu du Sinaï), par le « Principium » : Je Suis le Principe (ce que l’on ne veut plus traduire ainsi non plus), discours qui culminera (mais l’évangile de ce jour ne va pas jusque-là) avec l’affirmation prodigieuse : « Avant qu’Abraham vînt à l’existence, Je Suis. » Ce qui clôt le débat : les juifs prennent des pierres pour le lapider.
Mais ceci est l’évangile du dimanche de la Passion, et l’on y va…
-
Deuxième dimanche de carême
L’évangile est celui de la Transfiguration, selon saint Matthieu, comme hier. Parce que dans l’antiquité chrétienne il n’y avait pas de messes du samedi et du dimanche, mais une messe qui concluait à l’aube du dimanche la longue veillée du samedi des quatre temps (après un jeûne total qui durait depuis le vendredi soir).
Cette messe ne célèbre pas le fait de la Transfiguration, la vision de la gloire divine de Jésus en son corps, ce qui est l’objet de la fête du 6 août, l’Epiphanie du cœur de l’été, où la lumière n’est plus celle d’une étoile dans la nuit mais le rayonnement même du Soleil sans couchant.
Cette messe rappelle le sens que donnait Jésus à la Transfiguration pour ses apôtres, alors qu’il allait souffrir sa Passion, le sens, mutatis mutandis, qu’elle doit avoir pour nous sur le chemin du carême qui nous mène aux célébrations de la Passion.
Ce n’est pas un hasard si l’épisode est placé entre deux annonces par Jésus de sa Passion. Sept versets plus tôt, saint Matthieu nous dit : « A partir de ce moment-là Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il devait aller à Jérusalem, et beaucoup souffrir de la part des anciens, et des scribes, et des chefs des prêtres, et être tué, et ressusciter le troisième jour. »
Ex-inde, à partir de ce moment-là, cœpit Jesus ostendere discipulis suis, Jésus commença à montrer à ses disciples… C’est en quelque sorte la genèse de la Passion.
On connaît la vive réaction de Pierre : « Loin de toi, Seigneur, cela ne sera pas pour toi ! », puis celle de Jésus : « Va derrière moi, Satan », etc.
Puis c’est l’enseignement que si l’on perd sa vie on la trouve.
Et après six jours, dit l’évangéliste, c’est la Transfiguration.
Et après la Transfiguration, « comme ils étaient ensemble en Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l’Homme va être livré entre les mains des hommes. Ils le tueront, et le troisième jour il ressuscitera. »
« Et ils en furent très attristés », dit saint Matthieu. « Mais eux ne comprenaient pas cette parole », dit saint Marc.
Or, du point de vue historique, chronologique, qui est aussi le nôtre pendant le carême, Jésus s’est transfiguré pour tenter de montrer aux trois plus grands apôtres que sa gloire, sa vie de lumière, est plus forte que la mort, et donc qu’il ressuscitera.
Car le chemin difficile du carême conduit à la Passion douloureuse, mais l’histoire ne finit pas à la mise au tombeau. Elle est tout entière tendue vers l’Exsultet, vers le triple Alléluia. Vers l’explosion de lumière de la nuit pascale.
Et, bien sûr, les deux témoins du Christ, Elie et Moïse, sont aussi nos compagnons pendant le carême : eux aussi ont jeûné 40 jours. Et ils ont vu Dieu sur la montagne.
-
Samedi des quatre temps de carême
L’Évangile de la Transfiguration nous paraît, au premier abord, ne pas convenir au temps du Carême. Pour ne pas tirer de conclusions erronées et ne pas introduire d’éléments étrangers dans la liturgie, recherchons les pensées des plus anciennes messes de Carême. Ce sont celles du premier dimanche de Carême, du mercredi et du samedi des Quatre-Temps. Ces trois jours nous donnent les grandes lignes de la pensée de l’Église primitive :
• 1. Dimanche de Carême. — Le Christ jeûne pendant quarante jours, il est tenté, il triomphe du diable, il est servi par les anges.
• Mercredi des Quatre-Temps. — Moïse et Élie jeûnent pendant quarante jours sur la sainte montagne, dans le désert ; le premier reçoit la Loi, le second parvient à la montagne de Dieu.
• Samedi des Quatre-Temps. — Le Christ, Moïse et Élie, sur la montagne de la Transfiguration.
Nous remarquons encore une liaison interne :
• 1. Dimanche de Carême. — Le Christ dit : « Tu ne serviras que Dieu seul. »
• Mercredi des Quatre-temps. — « Celui qui fait la volonté de mon Père est mon frère, ma sœur et ma mère. »
• Samedi des Quatre-Temps. – « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis ma complaisance, écoutez-le. »
Que nous enseigne ce rapprochement ? Examinons quatre points :
a) Le Christ, Moïse et Élie jeûnent quarante jours.
b) Ce jeûne est la préparation à la tentation, aux relations avec Dieu, à la marche dans le désert.
c) Il y a une direction commune : servir Dieu.
d) Le but est la Transfiguration.
Nous avons donc, ici, une philosophie du jeûne. Le jeûne nous prépare efficacement aux difficultés de la vie chrétienne, qui est remplie de tentations, qui est une véritable marche dans le désert, mais aussi une vie d’intimité avec Dieu. Il nous prépare au service de Dieu et nous conduit au but suprême : la transfiguration glorieuse. C’est ce que nous dit la préface du Carême en termes d’une beauté classique : « Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices ; tu élèves l’esprit, tu donnes la vertu et la récompense. »
-
Vendredi des quatre temps de carême
Il est difficile, aujourd’hui, de dire auquel de ces deux groupes s’adresse surtout l’Église : aux pénitents ou aux catéchumènes. Cependant, le thème de la pénitence est souligné plus fortement par les Quatre-temps. Le Prophète Ézéchiel nous fait entendre une prédication pénétrante de pénitence ; il emploie des paroles de consolation et d’avertissement : Dieu est miséricordieux ; Dieu est juste. Dieu ne fait pas acception de personne ; quand on se repent de ses péchés ; il n’y pense plus ; mais quand le juste abandonne obstinément la voie droite, il perd la vie divine et est rejeté. L’Évangile nous dévoile une action dramatique très consolante. Le monde est une maison de malades, où gît l’humanité accablée sous le poids du péché originel et des nombreux péchés personnels. La piscine miraculeuse est l’Église avec ses sources intarissables du baptême et de l’Eucharistie, qui jaillissent de la Croix du Christ. Le Christ, le divin médecin, vient visiter les malades privés de secours et qui aspirent à la délivrance. Il s’avance à travers les galeries et il trouve un malade. Ce malade c’est chacun de nous ; il lui demande : veux-tu être guéri ? Le Christ, dans le baptême, nous a donné la vie divine, et il la renouvelle sans cesse dans son Église. Pendant le carême, nous venons encore vers l’Église, implorant la délivrance et la guérison de nos faiblesses. Le Seigneur nous rencontre et nous adresse cet avertissement : « Te voilà guéri, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire. » Dans la source salutaire de l’Eucharistie, notre jeunesse de grâce trouve son renouvellement et sa fleur.
Sur la « piscine Probatique », voir ici.
-
Jeudi de la première semaine de carême
La station du jour, instituée par saint Grégoire II, est l’église Saint Laurent in Panisperna, ce qui est assez amusant puisque « panis-perna » veut dire pain-jambon, appellation sans doute populaire à cause du couvent d’à côté où l’on distribuait des vivres aux nécessiteux… mais sûrement pas des sandwiches au jambon pendant le carême…
C’est pourquoi notamment l’introït de la messe est le même que celui de la fête de saint Laurent.
L’évangile est celui de la Cananéenne qui, d’abord rejetée par Jésus, finit par obtenir la guérison de sa fille.
« Ce choix, dit le bienheureux cardinal Schuster, a été suggéré à Grégoire II par un magnifique répons de l’office nocturne de cette première semaine du Carême : Tribularer, si nescirem misericordias tuas... qui Cananeam et publicanum vocasti ad poenitentiam... Il est intéressant de constater ce merveilleux développement de la liturgie romaine, qui, même après son âge d’or, l’époque de saint Grégoire, déploie avec tant de naturel ses propres richesses, qu’elle produit toujours de nouveaux chefs-d’œuvre. Le répons en question est probablement traduit du grec, mais de ce thème oriental, Rome a su d’abord tirer une magnifique mélodie responsoriale, puis le motif d’une des plus émouvantes lectures évangéliques (Matth., XV, 21-28) pour la solennité stationnale de Saint-Laurent. »
Ce répons était autrefois le premier du troisième nocturne des matines du premier dimanche de carême, après la lecture du début du commentaire de saint Grégoire le Grand sur l’évangile de la tentation de Jésus au désert. C’est sa place dans la plupart des manuscrits du moyen âge. Mais il a été transféré aux matines de ce jeudi dans le bréviaire de saint Pie V. C’est une indication parmi quelques autres qu’il y avait déjà chez les liturgistes romains ce rationalisme obtus qui présidera à la destruction de la liturgie après Vatican II.
℟. Tribulárer, si nescírem misericórdias tuas, Dómine: tu dixísti, Nolo mortem peccatóris, sed ut magis convertátur et vivat: * Qui Chananǽam et publicánum vocásti ad pœniténtiam.
℣. Secundum multitúdinem dolórum meórum in corde meo, consolatiónes tuæ lætificavérunt ánimam meam.
℟. Qui Chananǽam et publicánum vocásti ad pœniténtiam.Je serais dans la tribulation, Seigneur, si je ne connaissais vos miséricordes ; mais c’est vous qui avez dit : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais plutôt qu’il se convertisse et qu’il vive (Ezéchiel 33,11). C’est vous qui avez appelé la Cananéenne et le publicain à la pénitence. Selon la multitude de mes douleurs dans mon cœur, vos consolations ont réjoui mon âme (psaume 33). C’est vous qui avez appelé la Cananéenne et le publicain à la pénitence.
-
Mercredi des quatre temps de carême
Nous voyons devant nous, aujourd’hui, quatre prédicateurs de carême : le Christ, la Sainte Vierge, Moïse et Élie. Ils nous disent comment nous devons observer le Carême. Dimanche dernier, nous avons vu comment le Christ jeûna pendant quarante jours et fut ensuite tenté par le diable. Le jeûne et la tentation sont en étroite relation. Le jeûne fut la préparation au combat contre le prince de ce monde. Aujourd’hui, le Seigneur nous parle de l’entrée du diable dans la demeure de l’âme. Le Christ nous enseigne l’importance du jeûne dans le combat contre le démon, dans le combat contre notre nature inférieure. « Par le jeûne corporel, tu réprimes les vices, » dit la Préface du Carême (1). Il faut sans cesse répéter que c’est là le travail principal du carême. Tous les autres exercices seront sans valeur si nous ne triomphons pas du diable.
Marie, qui est le coryphée dans le sacrifice d’aujourd’hui (2), nous prêche la soumission à la volonté de Dieu. L’Évangile nous présente Marie dans une situation subordonnée. Le Christ laisse de côté sa Mère ; son regard embrasse ses disciples, il les appelle sa mère et ses frères, s’ils « accomplissent la volonté de son Père céleste. » C’est Marie qui nous précède, à l’Offertoire, et qui chante ces paroles : « Je veux méditer sur tes commandements, je les aime extrêmement. »
Moïse (3) nous apprend à utiliser le jeûne de quarante jours comme un temps d’union avec Dieu et de prière. La prière et le jeûne se complètent mutuellement. Si nous voulons nous entretenir avec Dieu, il faut imposer silence à la chair, au monde, à la nature. Le Christ ne nous dit-il pas : « Cette espèce (de mauvais Esprits) ne peut être chassée que par la prière et le jeûne »
Élie (4) jeûne dans son voyage à travers le désert et, fortifié par la nourriture céleste, il marche, pendant quarante jours, jusqu’au mont Horeb, la montagne de Dieu.
Ainsi, chacun des quatre prédicateurs de Carême nous fait voir ce temps de grâces sous un aspect différent : le jeûne dans le combat contre le diable, le jeûne dans l’accomplissement des commandements, le jeûne et la prière, le jeûne sur le rude chemin de la vie.
Dom Pius Parsch
(1) La préface du carême synthétise en trois brèves expressions l’enseignement de la tradition sur le jeûne : « Qui corporáli jejúnio vitia cómprimis, mentem élevas, virtútem largíris et prǽmia. » Vous qui par le jeûne corporel réprimez les vices, élevez notre esprit, accordez la force et la récompense.
(2) La « station » romaine est à Sainte Marie Majeure.
(3) Première lecture de la messe.
(4) Deuxième lecture de la messe.
(Notes YD)
-
La messe à Singapour
A lire sur Paix liturgique, la traduction d’un article du magazine Regina intitulé « Le long et tortueux chemin vers Saint-Joseph », qui raconte comment des fidèles ont fini par réussir à avoir la messe traditionnelle à Singapour. Notamment par le biais d’une excellente chorale grégorienne, ce qui est intéressant car l’histoire montre que le grégorien conduit fatalement à la « forme extraordinaire » pour laquelle il a été créé quand c’était la forme ordinaire.
On pourra se reporter à l’article, qui comporte dix photos, et jeter un œil sur les autres articles : le numéro est consacré à des portraits de paroisses vouées à la forme extraordinaire, dont Saint-Eugène à Paris (une interview de l’abbé Iborra, nombreuses photos, et c'est une photo de Saint-Eugène qui illustre l'éditorial). Et aussi La Londe les Maures, avec un prêtre de la Fraternité Saint-Joseph Gardien, venu du Chili…
-
Saint Matthias
« Pourquoi m'as-tu repoussé loin de ta face, Lumière inaccessible ? Malheureux que je suis ! Les ténèbres extérieures m'ont enveloppé ; fais-moi revenir, je t'en supplie, et dirige mes pas vers la lumière de ta loi. »
La Vigne véritable t'a fait pousser comme un sarment qui porte beaucoup de fruit et produit le raisin qui nous verse le salut ; en buvant de son vin, les captifs de l'ignorance, Bienheureux, ont rejeté l'ivresse des croyances erronées.
Des douze Disciples, Matthias, comme apôtre choisi par le sort, tu complétas le groupe bienheureux dont le traître s'est exclu pour gagner le funeste gibet après avoir levé contre le Christ son talon.
Bienheureux apôtre Matthias, le Seigneur t'a répandu comme sel sur la terre afin de purifier par tes enseignements les plaies de l'erreur, pour éloigner les maladies et chasser les souffrances des âmes et des corps.
Des tuniques difformes et de l'antique malédiction voici qu'Adam s'est dépouillé, divine Epouse, par ton virginal enfantement, pour se vêtir désormais de la robe sainte en vérité que les passions ne souilleront jamais plus.
Liturgie byzantine (au 9 août), matines, canon de saint Matthias (de saint Théophane l'Hymnographe), ode 5.
-
Lundi de la première semaine de carême
Un répons des matines, sur l’épître d’hier (parce que les répons de la semaine reprennent ceux du dimanche) :
℟. Ecce, nunc tempus acceptábile, ecce, nunc dies salútis : commendémus nosmetípsos in multa patiéntia, in jejúniis multis, * Per arma justítiæ virtútis Dei.
℣. In ómnibus exhibeámus nosmetípsos sicut Dei minístros in multa patiéntia, in jejúniis multis.
℟. Per arma justítiæ virtútis Dei.C’est maintenant le temps vraiment favorable, c’est maintenant le jour du salut. Rendons-nous recommandables par une grande patience, par des jeûnes nombreux, par les armes de la justice de la puissance de Dieu. Montrons-nous en toutes choses comme des ministres de Dieu, dans une grande patience, dans des jeûnes fréquents, par les armes de la justice de la puissance de Dieu.
Et ce « Ecce » avait inspiré le moine copiste de Saint-Lambrecht (on peut cliquer sur la photo et l'agrandir) :