L’introït de la messe de ce jour nous plonge déjà dans la Passion, en un sévère contraste avec celui d’hier qui appelait à la joie. En revanche il y a un rapport étroit entre l’épître de ce jour et celle d’hier, et entre les deux évangiles. Dans les deux épîtres il est question de deux femmes, Agar et Sara, puis les deux femmes anonymes du jugement de Salomon : chaque fois il s’agit de figures de la Jérusalem terrestre et de la Jérusalem céleste, de l’ancienne et de la nouvelle Alliance. Quant aux évangiles, ils soulignent tous deux que la Pâque est proche, et ils nous livrent sous une forme symbolique un aspect de la Pâque du Christ : hier le don de l’eucharistie, aujourd’hui la résurrection.
L’épisode de Jésus chassant les marchands du Temple ne doit jamais être pris sur le plan littéral, et en ce moment de l’année liturgique encore moins. Sur le plan littéral l’action de Jésus est insensée, car les animaux qu’il chasse sont les animaux du sacrifice et les changeurs sont là pour que l’on puisse les acheter, comme le remarque saint Augustin dans la lecture des matines*. (Et il est bien évident que dans les minutes qui ont suivi tout le monde s’est remis à sa place.) On peut seulement le prendre au sens moral : nous devons chasser les marchands malhonnêtes qui envahissent notre âme.
Saint Jean est le seul qui souligne explicitement qu’il s’agit d’un acte prophétique (et les actes prophétiques paraissent toujours insensés). Le culte va déserter ce temple, qui d’ailleurs va être détruit, Jésus vient instaurer le culte en esprit et en vérité, qui n’est plus lié à un lieu de cette terre. Et la parole importante, dans cette approche de la Pâque, est : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. » « Il parlait du temple de son corps », précise l’évangéliste. Passion et résurrection : la prophétie va être réalisée à la lettre.
* Selon saint Jean, Jésus s'adresse aux seuls marchands de colombes. Ce qui est une façon de souligner qu'il s'agit bien des animaux destinés aux sacrifices ; et aussi, puisque la colombe est le symbole du Saint-Esprit - saint Jean l'a dit lui-même quelques versets plus tôt lors du baptême du Christ - c'est une condamnation de la simonie, qui vaudra pour toute l'histoire de l'Eglise.