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Liturgie - Page 374

  • Saint Grégoire le Grand

    Les rubriques de 1960 ont relégué la fête de saint Grégoire le Grand au rang de simple mémoire. Mais, chez les bénédictins, la fête du grand pape bénédictin prime toujours la férie de carême.

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    Cette fête, également célébrée par les Grecs, se trouve déjà dans le Sacramentaire grégorien du temps d’Hadrien Ier, et c’est une des rares qui aient pénétré dès l’antiquité dans le Calendrier romain durant la période quadragésimale. Nous savons même qu’à Rome, au IXe siècle, eius anniversaria solemnitas, cunctis... pernoctantibus,... celebratur. In qua pallium eius, et phylacteria, sed et balteus eius consuetudinaliter osculantur [La solennité de son anniversaire est célébrée par tous… toute la nuit. En laquelle on baise son pallium, ses phylactères, mais aussi sa ceinture.]. La célébrité de saint Grégoire (+ 604) et surtout le sens symbolique assumé par sa personnalité historique, alors que, au moyen âge, il incarna l’idéal de la papauté romaine dans la plus sublime expression de sa primauté sur toute l’Église, justifiaient cette exception. On peut dire en effet que le moyen âge tout entier vécut de l’esprit de saint Grégoire ; la liturgie romaine, le chant sacré, le droit canonique, l’ascèse monacale, l’apostolat chez les infidèles, la vie pastorale, en un mot toute l’activité ecclésiastique dérivait du saint Docteur, dont les écrits semblaient être devenus comme le code universel du catholicisme. Le très grand nombre d’anciennes églises dédiées à Rome au saint Pontife atteste la popularité de son culte, lequel, outre son antique monastère de Saint-André au Clivus Scauri, avait pour centre sa tombe vénérable dans la basilique vaticane.

    Bienheureux cardinal Schuster

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    Les modes puissants et mesurés, saints et sanctifiants, du choral liturgique de l’Église romaine, portent encore aujourd’hui son nom et le porteront pour tous les temps. Il a, aussi, puissamment contribué à la constitution du latin d’Église par son style naturel, plein d’onction et de sentiment. Ses quarante sermons sur des péricopes liturgiques de l’Évangile sont presque tous devenus des leçons du bréviaire. Aucun prêtre ne peut célébrer la sainte messe sans rencontrer à tout moment la trace de saint Grégoire. C’est lui qui a introduit, dans la seconde oraison avant la Consécration (Hanc igitur), ces trois prières si riches de sens : « et dispose nos jours dans la paix et ordonne que nous soyons arrachés à l’éternelle damnation et que nous soyons comptés dans le troupeau de tes élus ». Son missel est devenu, à peu de choses près, le missel de tout l’Occident et il l’est resté. Pour ce qui est du culte divin, Grégoire mérite aussi d’être appelé le Grand.

    Karl Bihlmeyer (cité par dom Pius Parsch)

    *

    On lira ci-après l’essentiel de ce que dom Guéranger dit de saint Grégoire le Grand dans ses Institutions liturgiques. Pour les autres aspects de la vie et de l’œuvre de ce pape véritablement exceptionnel, on lira les deux catéchèses de Benoît XVI.

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  • Mercredi de la troisième semaine de carême

    La messe d’aujourd’hui forme un tout unique et est entièrement consacrée au thème des catéchumènes. Dans l’Église ancienne, c’était aujourd’hui un jour important. On soumettait les catéchumènes au premier scrutin, leurs noms étaient inscrits dans le livre baptismal, « dans le livre de vie » ; aujourd’hui aussi, on leur remettait les dix commandements de Dieu (c’est pourquoi dans, la leçon et l’Évangile, il est question des commandements). Nous, les fidèles, vivons en esprit avec les catéchumènes. L’Église nous propose de nouveau les commandements de Dieu ; nous les recevons même des mains du Christ.

    La leçon nous enseigne le grand respect que nous devons avoir pour les commandements de Dieu ; ils sont, en effet, la volonté expressément déclarée de la divine majesté. Le respect est le pivot du monde, dit Shakespeare ; le respect de Dieu est la base de toute morale. C’est la grande faiblesse de notre temps de ne plus avoir ce profond respect de la majesté divine et, par suite, de ne plus prendre les commandements autant au sérieux. L’histoire du salut nous montre pourtant quelle importance Dieu attribue à l’observation des commandements. Nous le voyons au paradis terrestre, après la transgression du premier commandement ; la malédiction de l’humanité, l’océan de misères qui découla du péché originel nous l’attestent ; ce qui nous le montre encore plus, c’est la mort du Christ sur la Croix, car cette mort est, en somme, le jugement et le châtiment du péché.

    L’Évangile nous fait entrer dans un autre ordre de pensées : nous chrétiens, nous devons accomplir les commandements en esprit et de tout cœur. Pour nous, ce ne sont pas, à proprement parler, des commandements ; pour nous, la volonté de Dieu est une joie : nous sommes comme de bons enfants qui accomplissent avec joie la volonté de leurs parents et qui, au lieu d’y voir un joug pénible, font de leur obéissance une preuve et une expression de leur amour. C’est pourquoi nous ne devons pas seulement accomplir la lettre de la loi, mais encore en comprendre et en observer l’esprit. L’esprit de la loi est l’amour, l’amour de Dieu et du prochain.

    Encore une considération : Aujourd’hui a lieu le premier scrutin. Les fidèles se rassemblent pour porter un jugement sur les catéchumènes, pour décider s’ils sont dignes d’être admis dans leurs rangs. Nous nous trouvons dans un cas tout à fait semblable. Nous sommes les catéchumènes du ciel. Ce que les « illuminés » étaient pour l’Église, nous le sommes pour le ciel. La mort est, pour nous, le baptême qui nous fait entrer dans le véritable royaume du ciel. Et les saints, les citoyens du ciel, tiennent, pour ainsi dire, conseil pour décider si nous sommes déjà assez mûrs pour entrer dans le sanctuaire éternel. Quand nous récitons aujourd’hui le Confiteor, nous pouvons nous représenter, d’une manière vivante, ce scrutin du ciel. Sur le trône est assis l’Évêque éternel, les saints sont rangés autour de lui : Marie, Michel, les Apôtres et tous les saints ; tous doivent m’accuser à cause de ma transgression des commandements — je me fais tout petit ; mea culpa, mea maxima culpa. Cependant, la cour céleste ne me condamne pas, mais prie pour moi. — Considérons le Carême comme un temps de catéchuménat pour le ciel. Pâques et le temps pascal sont l’avant-goût de la vie du ciel. A Pâques, nous devons être mûrs pour entrer dans la communauté des citoyens du ciel.

    Dom Pius Parsch

  • Mardi de la troisième semaine de carême

    Le bienheureux cardinal Schuster tire admirablement, en quelques mots, la leçon de l’évangile de ce jour :

    La lecture évangélique (Matth., XVIII, 15-22) établit trois liens puissants qui conservent à l’Église son unité mystique dans l’amour de Dieu et dans la charité du prochain. Ce sont : le sacrement de Pénitence, pour la rémission des péchés ; le pardon fraternel des offenses réciproques que nous pouvons nous faire les uns aux autres ; la solidarité de tous les membres du corps mystique de Jésus dans un unique esprit. Le chrétien n’agit jamais solitairement. En vertu de la communion des Saints, il vit, souffre, prie et agit dans l’Église et avec l’Église, ce qui revient à dire : avec Jésus.

    La fin de l’évangile est le célèbre dialogue entre Pierre et Jésus :

    - Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il aura péché contre mot ? Sera-ce jusqu’à sept fois ?

    - Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.

    Ces nombres renvoient à un passage de la Genèse, aux tout débuts de l’humanité, quand Lamech, le septième après Adam, chante dans son chant aussi mystérieux que sauvage : « On vengera sept fois la mort de Caïn, et celle de Lamech soixante-dix fois sept fois. »

    Jésus renverse la malédiction pour en faire une bénédiction. La vengeance qui en sept générations était passée de 7 fois à 70 fois 7 fois se transforme en pardon, non pas 7 fois selon la générosité de Pierre qui outrepassait déjà largement celle des scribes, mais 70 fois 7 fois : le cycle de la semaine multiplié par lui-même et multiplié par 10 : indéfiniment. Jésus a rompu le cycle de la vengeance : le Fils de l’Homme est, dans la généalogie de saint Luc, la 70e génération depuis Lamech, la 77e depuis Adam…

  • Toujours en avant…

    Propos de François après la messe commémorative du cinquantenaire de la soi-disant « première messe en vernaculaire » célébrée par Paul VI (en réalité le canon avait été en latin) :

    « On ne peut revenir en arrière, nous devons toujours aller de l’avant, toujours en avant, et celui qui revient en arrière se trompe. »

    Comme disait l’autre, nous étions au bord du gouffre et nous avons fait un grand pas en avant…

    Il a dit encore :

    « Ce fut vraiment un geste courageux de l’Eglise de se rapprocher du peuple de Dieu pour qu’il puisse bien comprendre ce qu’elle fait. »

    C’est sûr, avant, les fidèles ne comprenaient rien…

    N.B. – La messe célébrée par Paul VI le 7 mars 1965, celle qui était « obligatoire » à partir de ce jour selon l’instruction Inter oecumenici (dite « messe de 1965 ») n’était pas la première célébration de la « messe de Paul VI » mais, comme l’a dit Klaus Gamber, la dernière forme du rite romain traditionnel réformée selon les dispositions du concile Vatican II. La « messe de Paul VI », la vraie « nouvelle messe », arrivera cinq ans plus tard.

  • Lundi de la troisième semaine de carême

    Jésus déclare que la grâce va être transférée du peuple élu aux païens. Il le fait plusieurs fois au cours de sa prédication, de différentes façons, mais celle-ci est particulièrement originale puisqu’il le fait en rappelant des épisodes du passé : Elie et la veuve de Sarepta de Sidon, Elisée et Naaman le Syrien.

    Deux faits anciens qui annoncent l’avenir et qui sont en même temps des prophéties christiques très claires : le premier est une annonce de l’eucharistie, le second une annonce du baptême.

    On remarque que Jésus parle d’une famine de « trois ans et six mois ». C’est aussi ce que dira saint Jacques à la fin de son épître. Pourtant le livre des Rois dit que c’est pendant la troisième année de sécheresse que Elie y mit fin. Ces « trois ans et six mois », qu’on retrouve dans l’Apocalypse pour évoquer une persécution (détaillés en 42 mois puis en 1260 jours) viennent du livre de Daniel qui indique ainsi le temps qui reste avant la fin du temps : la durée de la vie de l’Eglise militante, qui peut affronter la famine comme la veuve de Sarepta parce qu’elle a un pain qui ne s’épuise jamais : le pain eucharistique, jusqu’à ce qu’Il vienne.

  • 3e dimanche de carême

    Depuis la promulgation de l’Évangile, le pouvoir de Satan sur les corps s’est trouvé restreint par la vertu de la Croix, dans les pays chrétiens ; mais il reprend une nouvelle extension, si la foi et les œuvres de la piété chrétienne diminuent. De là toutes ces horreurs diaboliques qui, sous divers noms plus ou moins scientifiques, se commettent d’abord dans l’ombre, sont ensuite acceptées dans une certaine mesure par les gens honnêtes, et pousseraient au renversement de la société, si Dieu et son Église n’y mettaient enfin une digue. Chrétiens de nos jours, souvenez-vous que vous avez renoncé à Satan, et prenez garde qu’une ignorance coupable ne vous entraîne dans l’apostasie. Ce n’est pas à un être de raison que vous avez renoncé sur les fonts baptismaux : c’est à un être réel, formidable, et dont Jésus-Christ nous dit qu’il a été homicide dès le commencement.

    Mais si nous devons redouter l’affreux pouvoir qu’il peut exercer sur les corps, et éviter tout contact avec lui dans les pratiques auxquelles il préside, et qui sont le culte auquel il aspire, nous devons aussi craindre son influence sur nos âmes. Voyez quelle lutte la grâce divine a dû engager pour l’arracher de votre âme. En ces jours, l’Église nous offre tous ses moyens pour triompher de lui : le jeûne uni à la prière et à l’aumône. Vous arriverez à la paix ; et votre cœur, vos sens purifiés, redeviendront le temple de Dieu. Mais n’allez pas croire que vous ayez anéanti votre ennemi. Il est irrité ; la pénitence l’a expulsé honteusement de son domaine, et il a juré de tout tenter pour y rentrer. Craignez donc la rechute dans le péché mortel ; et pour fortifier en vous cette crainte salutaire, méditez la suite des paroles de notre Évangile.

    Le Sauveur nous y apprend que cet esprit immonde, chassé d’une âme, s’en va errant dans les lieux arides et déserts. C’est là qu’il dévore son humiliation, et qu’il sent davantage les tortures de cet enfer qu’il porte partout avec lui, et dont il voudrait se distraire, s’il le pouvait, par le meurtre des âmes que Jésus-Christ a rachetées. L’Ancien Testament nous montre déjà les démons vaincus, réduits à fuir dans des solitudes éloignées : c’est ainsi que le saint Archange Raphaël relégua dans les déserts de l’Égypte supérieure l’esprit infernal qui avait fait périr les sept maris de Sara. Mais l’ennemi de l’homme ne se résigne pas à rester ainsi toujours éloigné de la proie qu’il convoite. La haine le pousse, comme au commencement du monde, et il se dit : « Il faut que je retourne à ma maison d’où je suis sorti ». Mais il ne viendra pas seul ; il veut triompher, et pour cela il amènera, s’il le faut, avec lui sept autres démons plus pervers encore. Quel choc se prépare pour la pauvre âme, si elle n’est pas vigilante, fortifiée ; si la paix que Dieu lui a rendue n’a pas été une paix armée ! L’ennemi sonde les abords de la place ; dans sa perspicacité, il examine les changements qui se sont opérés pendant son absence. Qu’aperçoit-il dans cette âme où il avait naguère ses habitudes et son séjour ? Notre Seigneur nous le dit : le démon la trouve sans défense, toute disposée à le recevoir encore ; point d’armes dirigées contre lui. Il semble que l’âme attendait cette nouvelle visite. C’est alors que, pour être plus sûr de sa conquête, l’ennemi va chercher ses renforts. L’assaut est donné ; rien ne résiste ; et bientôt, au lieu d’un hôte infernal, la pauvre âme en recèle une troupe ; « et, ajoute le Sauveur, le dernier état de cet homme devient pire que le premier ».

    Comprenons l’avertissement que nous donne la sainte Église, en nous faisant lire aujourd’hui ce terrible passage de l’Évangile. De toutes parts, des retours à Dieu se ménagent ; la réconciliation va s’opérer dans des millions de consciences ; le Seigneur va pardonner sans mesure ; mais tous persévéreront-ils ? Lorsque le Carême reviendra dans un an convoquer les chrétiens à la pénitence, tous ceux qui, dans ces jours, vont se sentir arrachés à la puissance de Satan, auront-ils maintenu leurs âmes franches et libres de son joug ? Une triste expérience ne permet pas à l’Église de l’espérer. Beaucoup retomberont, et peu de temps après leur délivrance, dans les liens du péché. Oh ! S’ils étaient saisis par la justice de Dieu en cet état ! Cependant, tel sera le sort de plusieurs, d’un grand nombre peut-être. Craignons donc la rechute ; et pour assurer notre persévérance, sans laquelle il nous eût peu servi de rentrer pour quelques jours seulement dans la grâce de Dieu, veillons désormais, prions, défendons les abords de notre âme, résignons-nous au combat ; et l’ennemi, déconcerté de notre contenance, ira porter ailleurs sa honte et ses fureurs.

    Dom Guéranger

  • Samedi de la deuxième semaine de carême

    Aux matines du jeudi après les Cendres, il y avait un répons composé sur des paroles de l’évangile de la messe du jour. Ce qui n’arrive que trois fois au cours du carême, souligne dom Pius Parsch. Or voici une des deux autres fois. Avec la parabole de l’enfant prodigue, qui est « la parabole du carême », selon le même moine liturgiste. De fait il y a non seulement le répons des matines, mais, en outre, l’antienne de communion de la messe est également tirée de l’évangile.

    .  Pater, peccávi in cælum, et coram te : jam non sum dignus vocári fílius tuus : * Fac me sicut unum ex mercenáriis tuis.
    . Quanti mercenárii in domo patris mei abúndant pánibus, ego autem hic fame péreo ! Surgam, et ibo ad patrem meum, et dicam ei.
    .  Fac me sicut unum ex mercenáriis tuis.

    Mon Père, j’ai péché contre le ciel et à tes yeux ; je ne suis pas digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes mercenaires. Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, et j’irai vers mon père, et je lui dirai : Traite-moi comme l’un de tes mercenaires.

    On remarque que le répons reprend, logiquement en ce temps liturgique, ce qui dans la parabole exprime spécifiquement la pénitence, le repentir : la metanoia. Et il insiste, davantage que l’évangile, car le propos qui, par l’inversion des versets, est présenté comme celui de l’enfant prodigue face à son père (du pénitent face à Dieu) est en réalité celui que, dans l’évangile, il se tient à lui-même. Dans la parabole, il ne peut en dire que le début, car son père s’est précipité sur lui pour l’embrasser et il ne peut pas continuer. (Il y a là un enseignement pour les confesseurs.)

    C’est pourquoi, sur le plan musical, le répons est seulement une longue plainte. La plainte du pécheur qui se rend compte, pendant le carême, combien il s’est éloigné de Dieu. Le répons est du septième mode, donc de sol, avec teneur en ré, à la quinte, et souvent une forte présence du do. Le si est généralement inexistant, car il paraît dissonant et est attiré par le do ou descend sur le la. Or ici on voit la forte présence du si, plaintif, sur « non sum dignus », en finale de « filius tuus » puis sur « mercenariis ». Puis vient le verset, qui s’établit d’abord au demi-ton supérieur, au do, pour affirmer, avec un accent presque de rage, que les mercenaires de son père ont tout ce dont ils ont besoin, puis il monte, enfin, à ce qui est théoriquement la teneur du mode, au ré : « j’irai chez mon père ».

    Dans le manuscrit ci-dessous, qui est l’antiphonaire de Saint-Lambrecht en Autriche, datant de l’an 1400, on voit que la plainte, qui monte, amère, plusieurs fois sur le demi-ton mi-fa, crie même sur le sol de l’octave sur le mot « dicam » : je lui dirai. Il semble que ce soit une faute, puisque c’est le seul manuscrit visible sur internet qui donne cette version, et que les éditions modernes ne l’ont pas non plus. Mais sur le plan expressif c’est remarquable. Trop, peut-être, pour du plain chant ?

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  • Vendredi de la deuxième semaine de carême

    Hæc in nobis sacrifícia, Deus, et actióne permáneant, et operatióne firméntur. Per Dóminum…

    La collecte sur les oblations est concise, et, traduite, perd beaucoup de sa valeur. On y demande deux choses : que le divin Sacrifice actione permaneat et operatione firmetur ; c’est-à-dire que l’efficacité et le contenu mystique du Sacrement aient leur pleine et stable réalisation dans l’âme des communiants ; et que, même, la correspondance assidue des fidèles à ces grâces eucharistiques en intensifie l’effet. Ceci n’est qu’une paraphrase qui ne vaut pas la beauté sculpturale de l’original latin.

    *

    Fac nos, quǽsumus, Dómine : accépto pígnore salútis ætérnæ, sic téndere congruénter ; ut ad eam perveníre póssimus. Per Dóminum…

    La collecte [après la communion] a une saveur exquise d’antiquité classique : « Ayant reçu dans nos cœurs le gage du salut éternel, faites, Seigneur, que nous y aspirions avec tant d’insistance que nous l’obtenions heureusement. » Mais, répétons-le, la traduction gâte l’original si concis et si élégant.

    Bienheureux cardinal Schuster

  • Jeudi de la deuxième semaine de carême

    L’évangile est la parabole « du mauvais riche et du pauvre Lazare ».

    Ce mauvais riche peut conduire à de mauvaises interprétations moralisantes. Car rien ne dit que ce riche ait acquis ses richesses de façon malhonnête. Rien ne dit non plus qu’il soit méchant.

    De même, rien ne dit que le pauvre Lazare soit vertueux, et qu’il ne soit pas responsable de sa misère.

    Pourtant leur sort éternel est bien celui d’un riche méchant et d’un pauvre vertueux.

    L’explication est que le riche ne peut même pas être méchant avec Lazare, parce que tout simplement il ne le voit pas. Il vit tellement dans ses richesses qu’il est enfermé en lui-même, coupé des autres, coupé de Dieu.

    L’épître l’illustre : « Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme, qui met sa force en la chair, et dont le cœur s'éloigne du Seigneur. » Le sort de cet homme est celui du riche de la parabole : « Il habite les lieux brûlés du désert, une terre salée, solitaire. »

    En revanche, « heureux est l'homme qui se confie dans le Seigneur, et dont le Seigneur est l'espoir. Il est comme un arbre planté au bord des eaux. »

    Cette parabole est la seule qui présente un personnage qui ait un nom : Lazare.

    Or le nom de Lazare veut dire : Dieu aide, Dieu a secouru, Dieu est mon secours. Le pauvre Lazare est un vrai pauvre selon les béatitudes, qui met son espérance dans le seul secours de Dieu.

    La parabole se termine par cette réponse d'Abraham au riche : « S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, même si quelqu'un ressuscite des morts, ils ne croiront pas. »

    Or, à Béthanie, « maison du pauvre », quelqu'un est ressuscité des morts : Lazare...

    Et ils n'ont pas cru.

  • Mercredi de la deuxième semaine de carême

    Au début de l’évangile de ce jour Jésus annonce sa Passion. C’est la troisième fois qu’il dit à ses apôtres ce qui va se passer, selon saint Matthieu. L’Eglise en a repris l’essentiel dans les antiennes du Benedictus, aux Laudes, et du Magnificat, aux vêpres :

    Ecce ascéndimus Jerosólymam, et Fílius hóminis tradétur ad crucifigéndum.

    Voici que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré pour être cricifié.

    Tradétur enim Géntibus ad illudéndum, et flagellándum, et crucifigéndum.

    Il sera livré aux païens pour être moqué, et flagellé, et crucifié.

    C’est l’essentiel concernant la Passion. Mais il manque la mention finale : « et tértia die resúrget » : et le troisième jour il ressuscitera.

    Mais nous sommes encore au début du carême, et nous allons vers la Croix, avant de pouvoir goûter à la Résurrection.

    L’évangile se poursuit par l’épisode de la mère de Jacques et Jean qui vient réclamer les plus hautes places pour ses fils quand Jésus régnera. Précisément, ce n’est pas le moment. Jésus en profite donc pour rappeler que l’actualité est la Passion (« Pouvez-vous boire le calice que je dois boire ? »). Puis il tire la leçon d’humilité qui s’impose, laquelle se termine par un nouvel éclairage de la Passion : « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et pour donner sa vie comme la rançon d’un grand nombre ». Comme rachat pour beaucoup. Le mot latin est « redemptio ».