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Liturgie - Page 372

  • Lundi Saint

    Jésus est à table, avec Lazare qu’il a ressuscité des morts, et il annonce sa propre mort – et sa propre résurrection, mais de façon mystérieuse. Car la résurrection de Jésus est un mystère, la résurrection de Lazare était un « signe », comme aime à dire saint Jean : un signe de la résurrection pascale.

    Il est émouvant de voir que c’est Marie, celle qui aimait être aux pieds du maître, celle qui avait choisi la meilleure part, qui est l’actrice de ce qui est aussi un « signe » de la mort et de la résurrection du Christ.

    Elle verse sur les pieds de Jésus un nard « pistique » de grand prix. Oui, à mon sens, on devrait traduire « pistique ». Car c’est ce qu’ont fait ceux qui ont traduit du grec en latin, et saint Jérôme l’a ratifié (ou l’a mis lui-même), et tous les manuscrits latins ont « pistici », à savoir pisticus au génitif, comme tous les manuscrits grecs ont « πιστικῆς », à savoir « pisticos » au génitif.

    Or « pisticus » n’existe pas en latin. Les traducteurs ont laissé le mot grec, de peur peut-être de se tromper. Ou pour laisser le mystère. Ou plutôt pour souligner le mystère. Pisticos vient de pistis, la foi, comme le remarquait saint Augustin. Il veut dire « de confiance », « fiable ». Mais plus que cela. C’est le parfum de la foi que verse Marie, et qui répand sa bonne odeur dans toute la maison, et dans l’évangile de saint Marc Jésus dit que partout où l’on prêchera l’Evangile on racontera ce qu’elle a fait : « in universo mundo », dans l’univers entier se répandra l’odeur de ce parfum.

    Et cette bonne odeur renvoie naturellement à tous les « parfums de bonne odeur » que répandent dans tout l’Ancien Testament les sacrifices que Dieu agrée. Or c’est LE Sacrifice qui est ici annoncé. Et Jésus le souligne : « Pour le jour de ma sépulture elle le garde. » Elle « le garde », ce parfum qu’elle vient pourtant de verser entièrement. Elle le garde pour l’embaumer. Mais elle ne pourra pas l’embaumer, car il sera ressuscité avant que les myrophores puissent accomplir leur œuvre. Il sera ressuscité, c’est pourquoi Marie a versé le parfum en ce jour, elle a embaumé celui qui reviendra des morts avant de pouvoir être embaumé. Car il aura répandu la bonne odeur de son sacrifice pour le salut de tous les hommes.

  • Dimanche des Rameaux

    Dans le rite byzantin, ce jour est tout entier un jour de fête, c’est même l’une des 13 fêtes majeures du Seigneur. On y célèbre la liturgie de saint Jean Chrysostome, et non la liturgie du carême qui est celle de saint Basile. On y chante le triomphe du Christ entrant à Jérusalem parmi les acclamations des « enfants des Hébreux », et s’y joint le souvenir très présent de la résurrection de Lazare (célébrée la veille) qui préfigure la résurrection du Christ. La bénédiction et la procession des rameaux fait normalement partie des matines, et c’est sans doute pourquoi elle a disparu de la plupart des Eglises byzantines. Chez les melkites catholiques elle a lieu à la fin de la divine liturgie, et c’est une grande fête des enfants, qui sont revêtus de leurs plus beaux habits et portent des rameaux attachés à un cierge et chargés de bonbons.

    Dans le rite latin, jusqu’au VIe ou VIIe siècle, ce dimanche était celui de la Passion. Il est toujours le « deuxième dimanche de la Passion ». Et la messe ne parle que de la Passion. Le regard de la liturgie est même fixé sur le Vendredi Saint : la Crucifixion.

    Puis est venue s’ajouter la procession des rameaux, qui était un rite de la liturgie de Jérusalem. Et l’on a créé, précédant la messe de la Passion, une messe des rameaux, où la bénédiction des rameaux remplace la consécration du pain et du vin, et où la distribution des rameaux remplace la communion. Il est très regrettable que la réforme de la Semaine Sainte, en 1955, ait gravement mutilé cet office, car le contraste était encore plus saisissant entre les deux parties de la liturgie de ce jour.

    Contraste ? Oui, sans aucun doute, entre la joyeuse procession royale et la lamentation funèbre. Et pourtant… l’Eglise a choisi, comme lecture du deuxième nocturne des matines, le début de la 11e homélie prononcée par saint Léon le Grand en ce jour. Donc bien avant qu’il y ait une procession. Or voici comment commence le sermon :

    Desideráta nobis, dilectíssimi, et univérso optábilis mundo adest festívitas Domínicæ passiónis, quæ nos inter exsultatiónes spirituálium gaudiórum silére non patítur…

    Objet de nos désirs, très chers, et souhaitée par le monde entier, voici venue la fête de la Passion du Seigneur, qui ne souffre pas que nous nous taisions au milieu des exultations de joies spirituelles…

    Les exultations de joies spirituelles, tout cela au pluriel, caractérisent donc, pour le saint pape, la liturgie de ce jour tout entière centrée sur la Passion. On voit là de façon toute particulière à quel point il n’y avait aucune trace de dolorisme chez les anciens. Pourquoi cette joie débordante ? Parce que la Passion est le couronnement liturgique de ce qui est l’objet privilégié de la contemplation de saint Léon, sur laquelle il revient inlassablement : l’union de Dieu et de l’homme dans le Christ, l’indicible humilité de la toute-puissance, « l’anéantissement de la majesté divine » qui permet « l’élévation sublime de la condition servile ». La Passion du Dieu incarné est la gloire de l’homme divinisé.

  • Samedi de la Passion

    L’Évangile nous présente encore un trait de l’histoire de la Passion intérieure. Nous sommes dans les derniers jours qui précèdent la mort du Christ, les princes des prêtres sont tellement aveuglés par leur haine qu’ils veulent faire mourir Lazare, le témoin du grand miracle. Jean décrit ensuite le dimanche des Rameaux et les acclamations du peuple qui va au devant de Jésus avec des palmes. Pendant que le Seigneur enseigne dans te temple, des païens viennent le trouver. Quel contraste ! Les Juifs veulent faire mourir leur Messie, les païens le recherchent. La prière des païens fait naître dans l’âme du Christ des pensées joyeuses et des pensées tristes. Il voit se lever l’aurore du jour de moisson et cette aurore brille au milieu de la nuit de la passion. Des pensées du mont des Oliviers et des pensées du Thabor traversent son Cœur. Il songe à sa mort douloureuse et son âme frissonne ; mais il voit aussi la gloire de Dieu et la rédemption des hommes qui seront les fruits de sa mort, et son âme se rassérène. Il désigne ces fruits par deux images. C’est d’abord la belle image du grain de froment. Il faut que le divin grain de froment meure, soit enfoncé dans le sol ; dans huit jours, ce sera le grand jour de repos du divin grain de froment. Puis lèvera une pousse magnifique qui produira des fruits abondants : le jour de Pâques du Christ et de tous les chrétiens ressuscités. Ce sera la moisson. Voici la seconde image : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. » C’est là une image qui dépasse les temps et nous montre les rachetés de tous les temps, groupés autour de la Croix ; nous aussi, nous avons été attirés par lui. Ainsi l’Évangile parle de toutes les grandes journées de la semaine qui va commencer : du dimanche des Rameaux, du Vendredi Saint (« élevé »), du Samedi-Saint (le grain de froment) et de la splendeur de Pâques.

    Dom Pius Parsch

  • Vendredi de la Passion

    La liturgie d’hier annonçait celle du Jeudi Saint, celle d’aujourd’hui annonce celle du Vendredi Saint. Tant dans les antiennes du Benedictus et du Magnificat que dans les chants de la messe. Et le souligne la mémoire de Notre Dame des sept douleurs.

    L’épître, tirée de Jérémie, pourrait elle-même être un de ces chants. Car elle est très utilisée par la liturgie.

    La première phrase a été reprise comme capitule de l’heure de tierce au temps de la Passion :

    Dómine, omnes, qui te derelínquunt, confundéntur : recedéntes a te in terra scribéntur : quóniam dereliquérunt venam aquárum vivéntium Dóminum.

    Seigneur, tous ceux qui vous abandonnent seront confondus ; ceux qui se retirent de vous seront écrits sur la terre, parce qu’ils ont abandonné le Seigneur, la source des eaux vives.

    La deuxième phrase est le capitule de tierce pendant l’année :

    Sana me, Dómine, et sanábor : salvum me fac, et salvus ero : quóniam laus mea tu es.

    Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi, et je serai sauvé, car vous êtes ma louange.

    (Dans la troisième phrase il y a une formule qui sera souvent reprise par les auteurs spirituels : « diem hóminis non desiderávi » : je n’ai pas désiré le jour de l’homme.)

    La dernière phrase est le capitule de sexte au temps de la Passion :

    Confundántur, qui me persequúntur, et non confúndar ego : páveant illi, et non páveam ego. Induc super eos diem afflictiónis, et dúplici contritióne cóntere eos, Dómine, Deus noster.

    Que ceux qui me persécutent soient confondus, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu’ils aient peur, et que je n’aie pas peur ; faites venir sur eux le jour du malheur, et brisez-les d’un double brisement, ô Seigneur notre Dieu.

    Dans la première phrase, on note cette expression à propos de ceux qui rejettent le Christ : « In terra scribentur » : ils seront écrits sur la terre. Forte image : ils seront jetés au sol, leur nom sera dispersé dans la poussière au lieu d'être écrit au Livre de Vie.

    On constate que cette expression figure dans le texte massorétique (le texte hébreu), dans le texte grec de la Septante, et dans la Vulgate latine. Il y a donc accord parfait entre les trois témoins bibliques.

    Or, l’ineffable chanoine Osty, qui traduit les « textes originaux », donc le texte massorétique, décrète : « On ne peut tirer aucun sens recevable de l’hébreu. » Et il traduit selon deux versions très marginales et évidemment fautives : « ils seront extirpés du pays ». Sic. C'est un exemple parmi beaucoup d'autres de l'incompréhension du texte sacré dont peut faire preuve un ecclésiastique spécialiste de la Bible et considéré par tous comme tel... Et aussi du mépris de la liturgie.

  • Jeudi de la Passion

    La messe de ce jeudi, fortement pénitentielle, annonce celle de jeudi prochain, le Jeudi Saint. C’est explicite dans l’office, puisque les antiennes du Benedictus et du Magnificat se rapportent au Jeudi Saint, et précisément à la Cène. « Le Maître dit : mon temps est proche, je fais la Pâque chez toi avec mes disciples. » « J’ai désiré, d’un ardent désir, de manger cet agneau pascal avec vous avant que de souffrir. »

    C’est aussi le Jeudi Saint qu’annonce l’évangile de saint Luc nous montrant une femme lavant les pieds de Jésus de ses larmes : la pénitente lavant ses péchés aux pieds du Seigneur.

    Résumant les chants de la messe, dom Pius Parsch écrit : « Tout ce que pouvait produire l’Ancien Testament était ceci : la reconnaissance des péchés, l’acceptation de la peine, le repentir profond. Le Nouveau Testament est bien plus consolant : il nous donne la grâce du pardon. »

    Ce n’est pas tout à fait exact. Car à la fin de l’introït, Azarias dit à Dieu : « Agissez à notre égard selon la multitude de vos miséricordes. » L’espérance dans la miséricorde de Dieu est un thème majeur de la prière de l’Ancien Testament. Mais assurément elle est espérance, quand l’évangile nous en donne la réalité. Et l’épisode de la pécheresse de saint Luc fait fleurir magnifiquement cette miséricorde sur le fumier de la pénitence.

    «  Ce qu’elle s’était accordé à elle-même d’une façon honteuse, elle l’offrait désormais à Dieu d’une manière digne de louange. Elle avait désiré les choses de la terre par ses yeux, mais les mortifiant à présent par la pénitence, elle pleurait. Elle avait fait valoir la beauté de ses cheveux pour orner son visage, mais elle s’en servait maintenant pour essuyer ses larmes. Sa bouche avait prononcé des paroles d’orgueil, mais voici que baisant les pieds du Seigneur, elle fixait cette bouche dans la trace des pas de son Rédempteur. Ainsi, tout ce qu’elle avait en elle d’attraits pour charmer, elle y trouvait matière à holocauste. Elle transforma ses crimes en autant de vertus, en sorte que tout ce qui en elle avait méprisé Dieu dans le péché fût mis au service de Dieu dans la pénitence. »

    Dans la Catena Aurea de saint Thomas d’Aquin, cette citation de saint Grégoire le Grand se poursuit par cette phrase audacieuse, mais qui correspond à la parole de Jésus : « Ainsi cette prostituée devient plus vertueuse que les vierges, car à cette pénitence si pleine de ferveur succède un amour plus ardent pour Jésus-Christ. »

    En fait cette phrase remarquable n’est pas de saint Grégoire le Grand. Comme l’indique la traduction française de la Catena Aurea, elle est de saint Jean Chrysostome, dans sa sixième homélie sur saint Matthieu. Plus exactement le résumé d’un propos qui est précédé d’une autre très belle phrase : « Comme la joie du monde a toujours la tristesse pour compagne, de même les larmes que l’on verse selon Dieu font croître dans l’âme une fleur de joie qui ne meurt ni ne se fane jamais. »

    La pécheresse a rencontré la miséricorde, parce qu’elle a connu le besoin de miséricorde et qu’elle a reconnu celui qui était la miséricorde. « Tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds, mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes. Tu ne m’as pas donné de baiser ; mais elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé de baiser mes pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile ; mais elle, elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le dis, beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. »

    Telle est aussi notre vocation, sur le chemin de Pâques.

  • Annonciation

    Khairé kekharitoménè. C’est ainsi que le héraut de Dieu s’adresse à la Vierge. Par un jeu de mots insolite, inédit, chargé de mystère. Khairé, c’est la salutation banale en grec. Salut. Bonjour. Mais étymologiquement il ne s’agit ni du salut, ni de la paix de sa traduction arabe (as-salamou aleiki), il s’agit de la joie. Celui qui est salué par « Khairé » n’y fait guère attention. Mais ici il y a allitération avec le mot qui suit. Or ce mot est formé sur la même racine, mais avec le sens de « grâce », et c’est ici un participe parfait passif, il veut dire « pleine de grâce », qui a été totalement remplie de la grâce et qui est donc réellement pleine de grâce. Tout entière pénétrée de la grâce divine. Et assurément c’est un motif de joie pour Dieu, pour l’Ange et pour les hommes. Ainsi la mention de la grâce dont Marie est remplie, en s’entrechoquant avec le salut, rappelle-t-elle que ce salut est joie.

    Origène est peu loquace sur Marie. Le moment n’est pas encore venu. C’est l’époque où il faut déjà établir la foi en la Trinité, ce qui n’est pas une mince affaire, et en Jésus Fils de Dieu vrai Dieu et vrai homme, Verbe incarné, ce qui n’est pas simple non plus.

    Toutefois, Origène est frappé par la parole de l’Ange. Si bien qu’après avoir longuement expliqué pourquoi la Vierge qui va être enceinte est fiancée et même plus que fiancée, et avoir conclu son commentaire, écrit : « Je dois ajouter quelques mots sur la formule employée par l’Ange pour saluer Marie. » Pourquoi ? Parce que « c’est une formule nouvelle que je n’ai pas pu trouver ailleurs dans l’Ecriture. » Il constate que jamais cette formule n’a été adressée à un homme. Et Marie le savait, car elle connaissait la Loi, « elle était sainte et connaissait par ses méditations de chaque jour les oracles des prophètes ». « Si Marie avait su qu’une formule de ce genre avait été adressée également à un autre, jamais elle n’eût été effrayée de cette salutation qui lui paraissait étrange. C’est pourquoi l’Ange lui dit : Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce devant le Seigneur… »

    Saint Ambroise, qui reprend souvent le commentaire d’Origène, poursuit en quelque sorte dans le même sens et voit lui aussi une première, quand il commente la réponse de Marie : « Comment cela se fera-t-il ? »

    Marie connaît l’Ecriture, dit saint Ambroise après Origène. Et elle connaît donc la prophétie d’Isaïe : « Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils. » Sa question n’est pas du tout de défiance. Elle croit ce que lui dit l’Ange. Elle sait qu’il en sera ainsi. Mais elle demande comment cela se fera-t-il.

    « Marie l’avait lu, aussi a-t-elle cru à l’accomplissement ; mais comment cela s’accomplirait-il, elle ne l’avait pas lu, car ce comment n’avait pas été révélé, même à un si grand prophète. C’est que l’annonce d’un tel mystère devait tomber des lèvres non d’un homme mais d’un ange. Aujourd’hui pour la première fois on entend : L’Esprit Saint descendra sur toi… »

  • Mardi de la Passion

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    L’épisode de Daniel au milieu des lions (Dan., XIV, 27-42) était très familier aux chrétiens des premiers siècles, aussi est-il fréquemment reproduit dans les catacombes. (…)

    Daniel dans la fosse aux lions est une figure de l’Église primitive, lorsque toute la société contemporaine la poursuivait jusqu’à la mort et confiait à la loi la mission d’exécuter ce décret sanglant : non licet esse vos [il ne vous est pas permis d’exister]. Comme Daniel, l’Église aussi éleva ses bras, et plus encore son cœur, vers Dieu ; et Dieu ne manque jamais à qui se confie en Lui.

    Il faut donc faire comme Daniel : descendre tranquillement dans la fosse aux lions chaque fois qu’il plaira au Seigneur, et attendre là, avec confiance, l’heure de la divine miséricorde. Ce ne sont pas les tribulations qui nuisent à l’âme, mais l’inquiétude.

    Bienheureux cardinal Schuster

     

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  • Lundi de la Passion

    Le dernier jour de la fête des Tentes, ce jour où l’on apporte en solennelle procession l’eau de la piscine de Siloé et qu’on la verse autour de l’autel du Temple, Jésus se dresse et, debout il crie. Il n’est pas assis comme le maître qui enseigne, il est debout comme le prophète : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme dit l’Ecriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein. »

    Comme dit l’Ecriture. Or il n’y a pas, dans l’Ecriture, de verset qui dise cela.

    Mais le propos rappelle des prophéties célèbres. Celle de Zacharie (14,8-9) :

    Et ce jour-là une eau vive sortira de Jérusalem (…) et le Seigneur sera roi de toute la terre (…).

    Surtout celle d’Ezéchiel (47, 1-2) :

    Et il me conduisit sous les portiques du temple ; et là de l'eau sortait de la cour et coulait à l'orient ; car la façade du temple regardait l'orient, et l'eau descendait à droite au midi de l'autel (…) et voilà que l’eau coulait du côté droit.

    Ce qui renvoie aussi au psaume 77, quand il parle de Dieu qui a fait sortir l’eau du rocher, et en « a sorti des eaux comme des fleuves », et ce rocher qui suivait les Hébreux dans le désert, dit saint Paul rappelant une tradition juive, c’était le Christ.

    Ainsi donc Jésus parle… de lui-même. Puisque le rocher du désert, le Temple d’Ezéchiel, la Jérusalem de Zacharie, c’est lui. C’est lui notamment crucifié, quand la lance ouvrira son côté.

    Pourtant il dit bien que c’est du sein de celui qui croit en lui que jailliront des fleuves d’eau vive. Parce que ceux-là seront devenus des membres du Christ, dans l’Eglise qui est le corps du Christ. Ils auront bu l’eau vive que donne le Christ, cette eau que l’on achète sans argent comme disait Isaïe (55,1), cette eau dont il parlait à la Samaritaine, ses sacrements sortis de son côté, et la grâce les conforme au Christ. C’est l’eau vive qui fait du chrétien un fils adoptif dans le Fils unique. C’est l’eau vive de l’intime communion au Christ, qui devient notre propre eau vive, et qui jaillit dans la vie éternelle, comme il l’a dit à la Samaritaine, parce qu’elle vient de lui qui est la vie éternelle, comme il l’a dit à Marthe avant de ressusciter Lazare (c’était vendredi dernier).

    N.B. Depuis hier, la lecture biblique assignée par la liturgie est le livre de Jérémie. Or au chapitre 2 Dieu dit: "Ils m'ont abandonné, moi la source d'eau vive." Et le cantique des laudes du lundi est le passage d'Isaïe où Dieu dit : "Puisez les eaux dans la joie aux sources du Sauveur."

  • Premier dimanche de la Passion

    La liturgie du carême change aujourd’hui, pour s’orienter uniquement sur la Passion du Christ.

    C’est l’annonce solennelle, à l’épître, du mystère de la rédemption par le sang de la victime qui est le grand prêtre :

    Le Christ ayant paru comme grand prêtre des biens à venir, c’est en passant par un tabernacle plus excellent et plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme, c’est-à-dire, qui n’appartient pas à cette création-ci et ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang, qu’il est entré une fois pour toutes dans le saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle.

    C’est le Christ dans l’évangile qui souligne qu’il est Dieu, le même que celui du Sinaï :

    En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham ne vînt à l’existence, je suis.

    C’est le chant de communion (mon corps livré pour vous, le calice de l’Alliance dans mon sang) qui rappelle les paroles de l’institution de l’eucharistie transmises par saint Paul.

    Ce sont les hymnes magnifiques de la Passion :

    Vexílla Regis pródeunt :
    Fulget Crucis mystérium,
    Qua vita mortem pértulit,
    Et morte vitam prótulit.

    Les étendards du Roi s’avancent :
    il resplendit le mystère de la Croix,
    sur laquelle la Vie a souffert la mort,
    et par la mort a produit la vie.

    Ce sont les antiennes et les répons qui désormais sont tous l’écho des souffrances de Jésus dans sa Passion, telles que les psaumes et les prophètes les chantaient déjà, et maintenant elles sont réelles, devant nous.

    Mais le premier répons des matines est différent. Il est l’annonce solennelle de la Pâque, dans quinze jours. Annonce prophétique elle aussi, puisque c’est par une citation du Lévitique que l’Eglise souligne le temps qui reste avant la célébration de la solennité du Seigneur Très-Haut :

    . Isti sunt dies, quos observáre debétis tempóribus suis : * Quartadécima die ad vésperum Pascha Dómini est : et in quintadécima solemnitátem celebrábitis altíssimo Dómino.

    . Locútus est Dóminus ad Móyses, dicens : Lóquere fíliis Israël, et dices ad eos.

    . Quartadécima die ad vésperum Pascha Dómini est : et in quintadécima solemnitátem celebrábitis altíssimo Dómino.

    Voici les jours de fête que vous observerez en leurs temps : Au quatorzième jour du premier mois, vers le soir, est la Pâque du Seigneur, et au quinzième jour vous célébrerez une solennité en l’honneur du Dieu Très-Haut. Le Seigneur parla à Moïse, disant : Parle aux enfants d’Israël, et tu leur diras : Au quatorzième jour du premier mois, vers le soir, est la Pâque du Seigneur, et au quinzième jour vous célébrerez une solennité en l’honneur du Dieu Très-Haut.

    Ce répons dans l’antiphonaire de Saint-Maur des Fossés, début du XIIe siècle, avec l’initiale « I » spécialement décorée en ouverture de ce temps :

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  • Una Voce

    Una Voce.jpgDans ce numéro 301 d’Una Voce, j’ai écrit un article intitulé La Pâque de Marie-Madeleine, où je synthétise notamment des réflexions menées dans trois numéros du défunt Daoudal Hebdo pour la fête de sainte Marie-Madeleine, et où j’évoque le Dialogo per la Pascua de Schütz, dont le texte est celui de la rencontre entre Jésus ressuscité et sainte Marie-Madeleine.

    Mais il y a surtout dans ce numéro un article d’un moine du Barroux sur les chants de la messe vépérale du Jeudi Saint, un article d’un moine de Triors sur l’office des Ténèbres, et un article d’un dominicain de Chémeré sur une particularité des laudes du Triduum dans la liturgie dominicaine.