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Liturgie - Page 376

  • Premier dimanche de carême

    Ce dimanche est le premier jour de la liturgie du carême. Car le carême a été prolongé jusqu’au mercredi précédent pour obtenir 40 jours réels de jeûne, mais la liturgie était jusqu’ici celle du temps de la Septuagésime.

    Il n’est peut-être pas sans intérêt de voir quels sont les premiers mots de la liturgie du carême.

    Dans l’office divin, elle commence par les premières vêpres, le samedi soir. Les antiennes et les psaumes sont « du psautier », comme ils le seront jusqu’au mercredi saint. Le premier texte spécifique est le capitule :

    Fratres: Hortamur vos, ne in vacuum gratiam Dei recipiatis. Ait enim: Tempore accepto exaudivi te, et in die salutis adiuvi te.

    « Mes Frères : nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain. Car il dit : "Au temps favorable, je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai porté secours." »

    C’est le début de l’épître de la messe. Légèrement modifié ; « hortamur », au lieu de « exhortamur » (le sens est identique), et déjà le texte de saint Paul est modifié dans l’épître car le premier mot, qui est d’ailleurs assez mystérieux, a été supprimé.

    Les premiers mots du carême sont donc cette exhortation de l’Apôtre, à être attentif à la grâce de Dieu qui va venir pendant ce temps de pénitence. Et aussitôt il y a une citation. D’Isaïe. D’un des textes d’Isaïe qui annoncent si précisément le Christ. Deux versets après « Je t’ai fait lumière des peuples – lumen gentium – pour tu sois mon salut jusqu’aux extrémités de la terre » .

    « Au temps favorable »… En grec le kairos. Le moment privilégié. Le moment… de grâce. Saint Paul explicitera : « C’est maintenant le temps favorable, c’est maintenant le jour du salut. »

    Ensuite il y a, pour la première fois, l’hymne des vêpres du carême : Audi benigne Conditor : Ecoute, bienveillant Créateur, les prières que nous répandons avec des larmes, au cours de ce jeûne sacré…

    Puis c’est le Magnificat, avec son antienne qui est également un verset d’Isaïe et qui apporte la réponse que désire le pénitent : Tunc invocabis, et Dominus exaudiet ; clamabis, et dicet: Ecce adsum : « Alors tu l’invoqueras, et le Seigneur exaucera ; tu crieras, et il dira : Me voici. » C’est le dernier verset de la lecture de la messe de vendredi, quand Dieu explique ce qu’est le jeûne qui lui plaît : exercer les œuvres de miséricorde. Si nous mettons ce jeûne en pratique, il viendra.

    Et c’est la collecte (celle de la messe du dimanche) qui rassemble tout cela :

    Deus, qui Ecclesiam tuam annua Quadragesimali observatione purificas: praesta familiae tuae; ut quod a te obtinere abstinendo nititur, hoc bonis operibus exsequatur.

    « O Dieu, qui purifiez chaque année votre Eglise par l’observation du Carême, faites que votre famille poursuive par ses bonnes œuvres le bien qu’elle s’efforce d’obtenir au moyen de l’abstinence. »

    La messe quant à elle commence par un introït qui est la suite logique des éléments des vêpres :

    Invocábit me, et ego exáudiam eum : erípiam eum, et glorificábo eum : longitúdine diérum adimplébo eum.

    « Il m’invoquera et je l’exaucerai ; je le sauverai et je le glorifierai, je le comblerai de jours. »

    Or ce verset qui pourrait bien être lui aussi d’Isaïe est en fait un verset du psaume 90. La première citation de ce psaume, qu’on retrouvera dans tous les chants de la messe, qui sera chanté presque intégralement dans le trait, et que l’on retrouvera à l’office tous les jours du carême. C’est le chant du combattant du carême, celui que Satan croyait pouvoir utiliser pour vaincre Jésus, au centre même de l’évangile de ce jour, mais qui servira à sa défaite.

  • Samedi après les Cendres

    La grande peine que les disciples avaient à ramer, et le vent qui leur était contraire, nous marquent les travaux et les afflictions de la sainte Eglise, qui parmi les flots que le monde son ennemi soulève contre elle, et les vents furieux qu’excite le souffle des esprits impurs, s’efforce de gagner le port de la céleste patrie, où elle doit trouver un repos tranquille et assuré.

    Ce n’est pas aussi sans raison que l’Evangile dit que la barque était au milieu de la mer, et que Jésus était seul sur la terre : parce que l’Eglise se trouve quelquefois non seulement agitée, mais même si défigurée par les persécutions des gentils qu’il semblerait, si cela était possible, que son Rédempteur l’aurait entièrement abandonnée. C’est ce qui lui fait pousser cette plainte amoureuse, lorsqu’elle se trouve battue des flots et des tempêtes, et qu’elle adresse ses cris en tremblant à celui dont elle demande la protection. C’est, dis-je, ce qui lui fait proférer ces paroles : Pourquoi, Seigneur, vous êtes-vous retiré si loin de moi ? Pourquoi me méprisez-vous dans le besoin et dans l’affliction ? (psaume 9) A quoi elle ajoute les paroles de l’ennemi qui la persécute, lorsqu’elle dit dans les versets suivants : Car il a dit dans son cœur : Dieu a oublié ce qui se passe, il a détourné les yeux afin de ne voir jamais rien.

    Mais Dieu n’oublie point la prière des pauvres, et il ne détourne point sa face de ceux qui espèrent en lui (cf. psaume 21) : au contraire il les aide dans le combat qu’ils ont à soutenir contre leurs ennemis, afin qu’ils remportent la victoire ; et il récompense cette victoire d’une couronne éternelle. Aussi est-il dit ici expressément que le Seigneur vit la peine que ses disciples avaient à ramer. Et il est sur la terre, et il voit la peine que souffrent ceux que la tempête agite sur la mer ; parce qu’en effet, quoiqu’il paraisse différer pour quelque temps le secours nécessaire à ceux qui sont dans l’affliction, il ne laisse pas de les fortifier par un regard secret de sa miséricorde, afin qu’ils ne perdent pas courage dans la tentation ; et quelquefois même il les assiste visiblement, et il les délivre entièrement en faisant cesser leurs peines, comme il délivra les apôtre en marchant sur les eaux, et en calmant les vagues irritées.

    Lecture des matines : saint Bède, commentaire de l’évangile du jour (Marc 6, 47-56). Traduction du Breviarium Benedictinum de 1725. On voit que le dernier paragraphe s’applique bien au carême.

  • Vendredi après les Cendres

    Les dispositions dans lesquelles le jeûne doit être accompli, tel est l’objet de la lecture que nous venons de faire dans le prophète Isaïe. C’est le Seigneur lui-même qui parle, le Seigneur qui lui-même avait prescrit le jeûne à son peuple. Il déclare que le jeûne des aliments matériels n’est rien à ses yeux, si ceux qui s’y livrent n’arrêtent pas enfin le cours de leurs iniquités. Dieu exige le sacrifice du corps ; mais il ne peut l’accepter, si celui de l’âme n’est pas offert en même temps. Le Dieu vivant ne peut consentir à être traité comme les dieux de bois et de pierre qu’adoraient les Gentils. Des hommages purement extérieurs étaient tout ce qu’il leur fallait ; car ces dieux étaient aveugles et insensibles. Que l’hérétique cesse donc de reprocher à l’Église ses pratiques qu’il ose traiter de matérielles ; c’est lui-même qui, en voulant affranchir le corps de tout joug, s’est précipité dans la matière. Les enfants de l’Église jeûnent, parce que les saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament recommandent le jeûne à chaque page, parce que Jésus-Christ lui-même a jeûné quarante jours ; mais ils n’estiment cette pratique qui leur est imposée de si haut, qu’autant qu’elle est relevée et complétée par l’hommage d’un cœur qui a résolu de réformer ses penchants vicieux. Il ne serait pas juste, en effet, que le corps, qui n’est devenu coupable que par la perversité de l’âme, fût dans la souffrance, tandis que celle-ci continuerait le cours de ses mauvaises œuvres. De même aussi, ceux que la faiblesse de leur santé empêche de se soumettre, en ce saint temps, aux satisfactions qui pèsent sur le corps, ne sont point dégagés de l’obligation d’imposer à leur âme ce jeûne spirituel qui consiste dans l’amendement de la vie, dans la fuite de tout ce qui est mal, dans la recherche de toute sorte de bonnes œuvres.

    Dom Guéranger

    Ce commentaire de la lecture d’Isaïe s’applique aussi bien à la collecte de ce jour :

    Inchoáta jejúnia, quǽsumus, Dómine, benígno favore proséquere : ut observántiam, quam corporáliter exhibémus, méntibus etiam sincéris exercére valeámus. Per Dóminum…

    Favorisez dans votre bonté, Seigneur, nous vous en supplions, les jeûnes dont nous avons commencé le cours ; afin qu’accomplissant corporellement cette observance, nous puissions aussi la poursuivre d’un cœur sincère.

  • Jeudi après les Cendres

    Aux matines il y a un répons dont les paroles sont celles de l’évangile de la messe du jour, et dom Pius Parsch souligne que cela n’arrive que trois fois dans tout le carême.

    Ce répons a en outre comme particularité de n’avoir strictement que les paroles prononcées par le centurion et par Jésus dans les versets 6 à 8, donc seulement le début du dialogue. Ce qui a priori change le sens, d’autant que l’on reprend en refrain : « J’irai et je le guérirai », comme si Jésus y allait effectivement alors qu’on sait qu’il n’ira pas.

    Qu’il n’ira pas parce qu’il a déjà guéri le serviteur à cause de la foi du centurion.

    Or cela se trouve dans la musique.

    Jésus répond au centurion avec les mêmes notes, et l’on remarque forcément la même étonnante formule haut perchée quand le centurion dit « (puer) meus », et quand Jésus répond « veniam ». Mon serviteur qui gît paralysé et qui souffre beaucoup, dit le centurion. Et, avec les mêmes notes, Jésus répond qu’il ira et qu’il le guérira. Il remplace donc, en quelque sorte, les mots du centurion par les siens, sa parole s’applique au serviteur malade, et comme c’est la parole de Dieu le serviteur est déjà guéri. Comme le dit le centurion dans le verset…

    R/. Dómine, puer meus jacet paralyticus in domo, et male torquétur : * Amen dico tibi, ego véniam, et curábo eum.

    V/. Dómine, non sum dignus ut intres sub tectum meum : sed tantum dic verbo, et sanábitur puer meus.

    R/. Amen dico tibi, ego véniam, et curábo eum.

    Seigneur, mon serviteur est couché, paralysé, et souffre beaucoup. En vérité, je te le dis, j’irai et je le guérirai. Seigneur, je ne suis pas digne que tu viennes sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri.

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  • Mercredi des Cendres

    « Quia pulvis es et in pulverem reverteris »…

    En ce jour Dieu nous chasse du paradis. Et nous voilà errant pendant 40 jours dans nos tuniques de peau.

    Ceux qui vieillissent et ceux qui sont malades connaissent bien la lourdeur, l’épaisseur, la propension à la souffrance, de la tunique de peau. Les bien portants vont en savoir quelque chose, par le jeûne et autres privations. Ils vont expérimenter le cruel inconfort infligé à la tunique de peau, à la chair de péché qui se révolte contre toute mortification, même contre toute restriction, contre toute pénitence.

    Bref c’est toujours difficile d’entrer dans le carême, si on le fait un tout petit peu sérieusement, même si on s’y est préparé depuis la Septuagésime. Et pourtant, l’expérience montre que ce temps d’épreuve qu’on s’impose est aussi, et même d’abord, un temps de grâce, et que plus la pénitence est pénible et plus la grâce abonde, sans attendre l’Exsultet pascal.

    Ce qui est normal, puisque l’éternité n’est pas au bout du temps, mais au-dessus du temps.

  • Melchisédech

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    La lecture des matines est le chapitre 14 de la Genèse. C’est le récit de la curieuse guerre des « cinq rois contre quatre », qui se termine par le rapt de Lot et de tous ses gens et de tous ses biens, mais, l’apprenant, Abraham mobilise 318 serviteurs et va libérer Lot, ses gens et ses biens.

    Et c’est alors qu’au détour du récit apparaît brièvement un personnage appelé Melchisédech. Il est le roi de Salem, il offre du pain et du vin parce qu’il est prêtre du Très-Haut, il bénit Abraham, et Abraham lui donne la dîme de toutes choses. Point final. On n’entendra plus jamais parler de ce Melchisédech, qui est pourtant au-dessus d’Abraham, patriarche du peuple élu et père des croyants, puisque c’est lui qui bénit et qui reçoit la dîme.

    Plus mystérieux encore que cette fugitive apparition est le psaume 109 où, brusquement, Dieu dit « à mon Seigneur », et le « jure » : « Tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech. » Propos incompréhensible, puisqu’il ne peut pas y avoir d’autres prêtres en Israël que des descendants d’Aaron.

    C’est évidemment le Christ qui donnera la clef du mystère, en sa personne, en son propre corps. L’épître aux Hébreux explique pourquoi et comment Jésus est prêtre selon l’ordre de Melchisédech, et Melchisédech va être cité au canon de la messe, dans une sublime prière qui l’associe à Abel et à Abraham. A eux trois ils sont la prophétie totale du Saint Sacrifice de la messe : Abel sacrifie un agneau qui est cet Agneau immolé depuis le début du monde dont parle l’Apocalypse à l’autre extrémité de la Sainte Ecriture, Abraham sacrifie son fils bien aimé mais c’est un sacrifice non sanglant, et Melchisédech offre le pain et le vin, qui sont l’Agneau, le Fils, le corps et le sang de la Nouvelle Alliance, qui dépasse infiniment l’ancienne.

    C’est ce qu’exprime admirablement la mosaïque de Ravenne.

  • Sodome et le paradis

    La lecture des matines, ce jour, est le chapitre 13 de la Genèse. Celui où Abraham et sa femme, son neveu Lot, leurs serviteurs, leurs esclaves et leurs troupeaux, sortent d’Egypte pour s’installer en Chanaan, c’est-à-dire la terre (déjà) promise à Abraham et sa descendance. Abraham et Lot sont extrêmement riches, notamment en troupeaux, et il finit par y avoir des bagarres entre les bergers de Lot et ceux d’Abraham, car il n’y a plus assez de place pour tout le monde en un même endroit. Abraham décide donc de se séparer de Lot, et il lui demande de choisir le lieu qu’il voudra : si tu vas à gauche j’irai à droite, si tu vas à droite j’irai à gauche. Lot leva les yeux, dit la Bible, et vit le pays autour du Jourdain, qui était entièrement irrigué, et qui, avant que le Seigneur eut détruit Sodome et Gomorrhe, était « comme le paradis du Seigneur ». Et c’est ainsi que Lot s’établit à Sodome.

    Le mot « paradis » est très rare dans la Bible en dehors des deux premiers chapitres de la Genèse. L’expression « paradis du Seigneur », ou « paradis de Dieu », se compte sur les doigts d’une seule main. Et cette expression avec l’article défini (dans le texte grec de la Septante) ne se trouve qu’ici et en Ezéchiel.

    Cet emploi exceptionnel attire donc l’attention. Il ne s’agit pas d’un guide touristique dont toutes les destinations sont commercialement paradisiaques. Sodome et Gomorrhe se trouvent dans un pays qui est réellement « comme le paradis du Seigneur », comme le jardin d’avant la chute.

    Or « les hommes de Sodome étaient très mauvais, et extrêmement pécheurs devant Dieu ».

    Et l’on sait quel était ce péché, même si aujourd’hui c’est un délit de dire publiquement que c’est un péché…

    Dans le Nouveau Testament, en dehors de Jésus en croix s’adressant au larron, seul saint Paul emploie le mot « paradis », pour dire qu’il y a été ravi et qu’il y a entendu des choses ineffables. Et saint Paul affirme explicitement (I Cor 5,10), dans une liste des péchés les plus graves, que les homosexuels ne posséderont pas le royaume de Dieu.

    Telle est l’antithèse fortement établie dans le texte de la Genèse : « pessimi », les pires hommes habitent le pays qui est comme le paradis de Dieu. A cause du péché des hommes, Dieu n’hésitera pas à détruire ce pays et à en faire un désert apocalyptique.

    N’en déplaise aux amis de François, la Sainte Ecriture est en noir et blanc. « Que votre parole soit oui oui, non non, ce qui est en plus vient du Mauvais », dit le Seigneur (Matthieu 5, 37).

  • Quinquagésime

    Les trois répons des matines chantent les trois axes principaux de la liturgie de ce dimanche, annonçant le carême qui vient.

    Le premier souligne que le grand personnage du jour, après Adam à la Septuagésime et Noé à la Sexagésime, est Abraham. Et Abraham auquel Dieu demande de sortir de chez lui. C’est le début de l’exode d’Abraham, figure de l’Exode des Hébreux, figure de l’exode de 40 jours auquel nous sommes tous conviés pendant le carême : sortir du péché, sortir de nous-mêmes, fixer son regard et son désir sur le Royaume. « Et, bénissant, je te bénirai… »

    Le deuxième est l’annonce prophétique du sacrifice du Christ, l’holocauste du Vendredi Saint, point culminant du carême : Dieu n’a pas épargné son Fils qu’il aime, mort sur le bois pour notre salut éternel.

    Le troisième est le miracle raconté dans l’évangile de ce dimanche. Nous sommes des aveugles et pendant le carême nous devons demander à Dieu qui passe sur notre chemin qu’il nous ouvre les yeux afin que nous puissions, à Pâques, voir la Lumière, Lumen Christi.

    Ouvrir les yeux, voir la lumière… On remarquera que dans le texte évangélique l’aveugle répond simplement au Christ : « Seigneur, que je voie. » Très tôt, dans les versions syriaques et arabes (et géorgienne), puisque c’est déjà dans Tatien (IIe siècle), l’aveugle répond : « Seigneur, que mes yeux s’ouvrent et que je voie ».

    Et dans le répons liturgique a été ajouté : « lumen » : « Seigneur, que je voie la lumière ». C’est déjà ainsi dans l’antiphonaire de saint Grégoire. Est-ce le saint pape et docteur et liturge qui l’a ajouté ? Il a pu être inspiré par les Soliloques de saint Augustin, où on lit : « Et tu quidem Domine, lux mea, illumina oculos meos, ut videam lumen, et ambulem in lumine tuo… » Et toi, Seigneur, ma lumière, illumine mes yeux afin que je voie la lumière, et que je marche dans ta lumière…

    Cet ajout a inspiré l'antienne de prime (à moins que ce ne soit le contraire): « Iter faciente Iesu, dum appropinquaret Iericho, caecus clamabat ad eum, ut lumen recipere mereretur. » Tandis que Jésus, faisant route, passait à Jéricho, un aveugle criait vers lui pour obtenir de recevoir la lumière.

    Et aussi l’antienne de none : « Cæcus magis ac magis clamábat, ut eum Dóminus illumináret. » L'aveugle criait de plus en plus pour que le Seigneur l’illumine.

    Je reproduis ensuite ce répons tel qu’il se trouve dans l’antiphonaire des cordeliers de Fribourg, réalisé à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle. On remarque que l’aveugle dit bien « Domine », alors que dans presque tous les manuscrits (déjà dans l'antiphonaire de saint Grégoire) il dit « Rabboni » : contamination de l’évangile de saint Marc, dans un répons qui reprend l’évangile de saint Luc.

    ℟. Locutus est Dominus ad Abram, dicens: Egredere de terra tua et de cognatione tua, et veni in terram quam monstravero tibi: * Et faciam te in gentem magnam.
    ℣. Benedicens benedicam tibi, et magnificabo nomen tuum, erisque benedictus.
    ℟. Et faciam te in gentem magnam.

    Le Seigneur parla à Abram, disant : Sors de ta terre et de ta parentèle, et viens dans la terre que je t’aurai montrée, et je ferai de toi un grand peuple. Bénissant je te bénirai, et je magnifierai ton nom, et tu seras béni, et je ferai de toi un grand peuple.

    ℟. Tentavit Dominus Abraham, et dixit ad eum: * Tolle filium tuum, quem diligis, Isaac, et offer illum ibi in holocaustum super unum montium, quem dixero tibi.
    ℣. Vocatus quoque a Domino respondit Adsum: et ait ei Dominus.
    ℟. Tolle filium tuum, quem diligis, Isaac, et offer illum ibi in holocaustum super unum montium, quem dixero tibi.

    Le Seigneur mit Abraham à l’épreuve et lui dit : Prends ton fils que tu aimes, Isaac, et là offre-le en holocauste sur une montagne que je te dirai. Appelé par le Seigneur il répondit : Je suis là, et le Seigneur lui dit : Prends ton fils que tu aimes, Isaac, et là offre-le en holocauste sur une montagne que je te dirai.

    ℟. Caecus sedebat secus viam, transeunte Domino, et clamavit ad eum: et ait illi Dominus: * Quid vis ut faciam tibi? * Domine, ut videam lumen.
    ℣. Stans autem Iesus, iussit illum duci ad se, et cum appropinquasset, interrogavit eum, dicens.
    ℟. Quid vis ut faciam tibi?
    Glória Patri et Filio et Spiritui Sancto.
    ℟. Domine, ut videam lumen.

    Un aveugle était assis le long du chemin, tandis que passait le Seigneur, et il cria vers lui, et le Seigneur lui dit : Que veux-tu que je te fasse ? – Seigneur, que je voie la lumière. Or Jésus s’étant arrêté ordonna qu’on le lui amène, et comme il approchait il l’interrogea, disant : Que veux-tu que je te fasse ? - Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit – Seigneur, que je voie la lumière.

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  • De la Sainte Vierge le samedi

    Christus virgo, mater virginis nostri virgo perpetua, mater et virgo. Jesus enim clausis ingressus est ostiis: et in sepulchro ejus, quod novum et in petra durissima fuerat excisum, nec antea quis, nec postea positus est. Hortus conclusus, fons signatus: de quo fonte ille fluvius manat, juxta Joel, qui irrigat torrentem vel funium, vel spinarum: funium, peccatorum, quibus ante alligabamur: spinarum, quae sufficiant sementem patrisfamilias. Haec est porta Orientalis, ut ait Ezechiel, semper clausa et lucida, operiens in se, vel ex se proferens Sancta sanctorum: per quam sol justitiae, et Pontifex noster secundum ordinem Melchisedech ingreditur, et egreditur.

    Saint Jérôme, lettre au sénateur Pammaque

    Le Christ est vierge, la mère de notre vierge est vierge perpétuelle (1), mère et vierge. Jésus en effet est entré, les portes étant closes (2) ; et dans son sépulcre, qui était neuf et creusé dans une roche très dure, personne ne fut déposé, ni avant, ni après lui (3). Jardin clos, source scellée (4) ; de cette source émane un fleuve, selon Joël, qui arrose le torrent des liens, ou des épines (5) : les liens des péchés par lesquels nous étions liés auparavant, les épines, qui étouffent la semence du père de famille (6). Elle est la porte orientale dont parle Ezéchiel (7), qui est toujours fermée et lumineuse, qui cache en elle-même ou qui fait voir par elle-même le Saint des saints ; par laquelle entre et sort le Soleil de justice (8) et notre Pontife selon l’ordre de Melchisédech (9).

    (1) Cf. « Ille virgo de virgine, de incorrupta incorruptus » (saint Jérôme, Contre Jovinien).
    (2) Jean 20, 19.
    (3) Luc 23, 53.
    (4) Cantique des cantiques 4, 12.
    (5) Joël 3, 18 dans la Vulgate, 4, 18 dans la Septante. Comme à son habitude quand il commente le texte sacré, saint Jérôme donne les deux traductions, de la Septante et la sienne, qui sera la Vulgate. Celle-ci, c’est le « torrent des épines ». Le mot hébreu que saint Jérôme avait était différent de celui qu’avaient les Septante, qu’ils ont traduit par σχοίνων : un mot qui veut dire « de joncs », ou tout ce qui est fait, tressé, avec des joncs. On remarque que pour saint Jérôme le mot paraît avoir perdu son sens de jonc pour désigner un « lien », une corde (tressée). Dans son commentaire du livre de Joël d’après les Septante, il traduit par le diminutif « funiculorum » : des cordelettes. Le mot qui figure dans le texte massorétique, Chittim, a été gardé tel quel, comme un nom propre, dans la Bible du rabbinat et quelques autres traductions. Chittim, ou Sittim, comme le lieu où les Israéliens couchèrent avec les femmes de Moab, et le dernier campement avant l’entrée dans la terre promise. Mais Joël ne peut pas parler ici de ce lieu, puisque précisément il ne faisait pas partie a priori de la terre promise dont parle ce verset. La majorité des traductions récentes donnent « la vallée » (ou « le ravin »)… « des acacias », parce que MM. Brown, Driver et Briggs en ont décidé ainsi…
    (6) Mat. 13, 7 ; Marc, 4, 7 ; Luc 8, 7.
    (7) Ezéchiel 44, 1.
    (8) Malachie 4, 2.
    (9) Psaume 109, 4 ; Hébreux 5, 1-9.

  • Ponam arcum meum

    ℟. Ponam arcum meum in nubibus caeli, dixit Dominus ad Noë: * Et recordabor foederis mei, quod pepigi tecum.
    . Cumque obduxero nubibus caelum, apparebit arcus meus in nubibus.
    ℟. Et recordabor foederis mei, quod pepigi tecum.

    Je mettrai mon arc dans les nuées du ciel, dit le Seigneur à Noé. Et je me souviendrai de l’alliance que j’ai conclue avec toi. Lorsque j’aurai couvert le ciel de nuages, mon arc apparaîtra dans les nuages. Et je me souviendrai de l’alliance que j’ai conclue avec toi.

    Ce répons des matines est composé de morceaux des versets 13 à 15 du chapitre 9 de la Genèse. Il ajoute « cæli » et « dixit Dominus ad Noë » à la citation du début du verset 13, et au lieu de le continuer il met le début du verset 15, qui est ainsi avant le verset 14 qui est quant à lui cité en entier… néanmoins le répons se termine bien avec le verset 15…

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    (Antiphonaire de Salzinnes, 1555)