L’audience de la Cour suprême du Pakistan sur le sort d’Asia Bibi a été reportée.
La capitale du Pakistan, Islamabad, était en quasi état de siège ce matin, avec environ 3.000 policiers et agents de forces spéciales dans les rues, et une centaine de policiers anti-émeute devant la porte de la Cour suprême.
L’un des trois juges, Iqbal Hamid ul Rehman, a déclaré qu’il ne pouvait pas siéger parce qu’il avait déjà participé à l’audience qui avait confirmé la condamnation à mort de Mumtaz Qadri, l’assassin du gouverneur du Pendjab Salman Taseer. L’audience a donc été suspendue sine die.
Le juge Hamid ul Rehman justifie sa défection par le fait que selon lui les deux affaires sont liées. Même si elles le sont d’une certaine façon, dans la mesure où l’un des motifs de l’assassinat de Salman Taseer était son soutien à Asia Bibi, sur le plan juridique il n’y a aucun lien.
« Je demande à tout le monde de prier pour elle, dit à l'agence Fides le P. Emmanuel Yousaf Mani, directeur de la commission Justice et Paix de l’épiscopat. Nous prions pour un verdict favorable à cette femme innocente. Je ne comprends pas pourquoi ils ont lié son affaire à celle du défunt gouverneur. L’avocat d’Asia voulait parler, mais on ne le lui a pas permis… »
Mon idée est que ce que veut dire le juge est ceci : « C’est déjà un miracle que je sois toujours en vie après avoir été l’un des trois juges envoyant à la mort Mumtaz Qadri, qui est considéré comme un martyr dans de nombreuses mosquées (il a même un sanctuaire), il est clair que mes jours sont comptés pour de bon si je participe à l’acquittement d’Asia Bibi. »
La question qui demeure est : pourquoi ne s’est-il pas désisté avant. La réponse est sans doute que la Cour suprême ne sait pas comment se dépatouiller de l’affaire et cherche toutes les excuses pour faire traîner les choses, en attendant par exemple que le gouvernement prenne une initiative, ou que Asia Bibi soit miraculeusement exfiltrée…
Car du côté musulman la mobilisation ne faiblit pas.
La « Fondation des martyrs » de la Mosquée Rouge d’Islamabad a déclaré que ses militants prendraient la rue si Asia Bibi était libérée et ne permettraient pas au gouvernement de continuer de gouverner. « La Mosquée Rouge deviendra un centre du mouvement anti-gouvernemental si Asia Masih ("Asia la Chrétienne") est libérée. Nous sommes gravement préoccupés par les efforts visant à relâcher la blasphématrice Asia Masih et nous nous occuperons de ces blasphémateurs qui la défendent, où qu’ils soient et en quelque endroit où ils travaillent. »
Quelque 150 « clercs » de la Sunni Tehreek (ST) ont signé un texte réclamant la juste condamnation d’Asia Bibi conformément à la Constitution et à la charia : selon le Coran et la Sunna la seule punition pour insulte au Prophète Mohammed est la peine de mort. Le porte-parole de cette organisation a ajouté : « La pendaison de celui qui aimait le Prophète a été une rébellion contre la loi. Nous demandons la même action, rapidement, pour Bibi. Nous organisons des réunions pour une future stratégie incluant des sit-in et des manifestations. »
Asia Bibi est donc retournée dans sa prison de Multan. Cela fait 7 ans qu’elle est incarcérée, bientôt six ans qu’elle a été condamnée à mort.