Jusqu’ici on n’avait vu cela qu’au Pakistan. Mais cette fois c’est en Jordanie : un écrivain inculpé pour blasphème, Nahed Hattar, a été tué alors qu’il montait les marches du tribunal d’Amman pour assister à son procès.
Encore qu’au Pakistan on tue le « blasphémateur » quand il redescend les marches, une fois qu’il a été acquitté en appel. Ici on a pris les devants…
L’assassin s’appelle Riad Ismail Abdullah, c’est un imam de l’est d’Amman (un imam qui n’a rien à voir avec l’islam, cela va sans dire).
Nahed Hattar faisait partie des chrétiens jordaniens, mais il était personnellement athée. Il était connu pour son opposition totale non seulement à l’Etat islamique et à al-Qaïda, mais aussi à l’Arabie saoudite (et à son parrain américain), et il soutenait Bachar al-Assad au point qu’on a dit qu’il en recevait des subsides.
Il avait été arrêté le 13 août après avoir relayé sur sa page Facebook une caricature (d’origine inconnue) dénigrant « l’Essence divine » et « incitant à la division interreligieuse », selon l’acte d’accusation. Dès le début de la polémique il avait retiré cette caricature, mais il fit deux semaines de prison avant d’être libéré sous caution dans l’attente de son procès.
Nahed Hattar entendait souligner pour sa défense que ce dessin n’était pas du tout une offense à l’Essence divine puisque, au contraire, il s’agit d’une critique des jihadistes qui veulent se servir de Dieu et le mettent à leur service de façon… blasphématoire.
On verra ci-dessous que Nahed Hattar avait parfaitement raison et que, en dehors du fait que la loi jordanienne interdit toute représentation de Dieu, le dessin n’est pas du tout offensant pour l’islam, mais seulement pour les jihadistes. Ce qui en dit long sur les musulmans (forcément modérés) qui ont lancé la campagne contre l’écrivain.
Voici ce (mauvais) dessin, quoique pas plus mauvais que ceux de Charlie Hebdo.
[Dans le cartouche vert] : Au paradis.
Dieu : « Que votre soirée soit agréable, Abou Saleh… Avez-vous besoin de quelque chose ? »
Abou Saleh : « Oui, Seigneur. Apporte-moi le verre de vin, et dis à Jibril [l’ange Gabriel] de m’apporter des cacahuètes. Et après cela envoie-moi un serviteur éternel pour nettoyer par terre, et emporte les assiettes vides. »
Et il ajoute : « N’oublie pas de mettre une porte à la tente, de sorte que tu frappes avant d’entrer la prochaine fois, ô Glorieux… »