Ce qui suit est le texte d’une séquence médiévale donnée (et traduite) par dom Guéranger dans son Année liturgique. Il s’agit manifestement d’une extension de Victimae pascali laudes. Elle reprend la forme interrogative en posant d’autres questions à Marie-Madeleine, puis reprend le Victimae pascali laudes à partir de « Dic nobis, Maria, Quid vidisti in via ? » L’an dernier, Alexandre m’avait fait remarquer que dans le texte actuel de la séquence il manque une strophe, sur les juifs. Cette strophe se trouve ici. Elle fut supprimée par saint Pie V quand Victimae pascali laudes fut choisie comme séquence de Pâques dans le Missel Romain.
Surgit Christus cum trophæo,
Jam ex Agno factus
Leo Solemni victoria.
D’Agneau devenu Lion, le Christ victorieux se lève avec gloire, armé de son trophée.
Mortem vicit sua morte,
Reseravit seram portæ
Suæ mortis gratia.
Par sa mort il a vaincu la mort : par son trépas il a ouvert les portes
Hic est Agnus qui pendebat,
Et in cruce redimebat
Totum gregem ovium.
C’est cet Agneau qui fut suspendu à la croix, et qui racheta le troupeau tout entier
Cui cum nullus condolebat,
Magdalenam consumebat
Doloris incendium.
Nul alors ne lui compatissait ; mais une douleur ardente consumait le cœur de Madeleine.
Dic, Maria, quid vidisti
Contemplando crucem Christi ?
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous en contemplant la croix du Christ ?
Vidi Jesum spoliari,
Et in cruce sublevari
Peccatorum manibus.
J’ai vu Jésus que l’on dépouillait, et les mains des pécheurs qui relevaient en croix.
Dic, Maria, quid vidisti
Contemplando crucem Christi ?
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous en contemplant la croix du Christ ?
Spinis caput coronatum,
Vultum sputis maculatum,
Et plenum livoribus.
J’ai vu sa tête couronnée d’épines, son visage souillé de crachats, et tout livide de meurtrissures.
Dic, Maria, quid vidisti
Contemplando crucem Christi ?
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous en contemplant la croix du Christ ?
Clavos manus perforare,
Hastam latus vulnerare,
Vivi fontis exitum.
J’ai vu des clous percer ses mains, une lance blesser son côté, et une source vive qui en découlait.
Dic, Maria, quid vidisti
Contemplando crucem Christi ?
Dites-nous, Marie, que vîtes-vous en contemplant la croix du Christ ?
Quod se Patri commendavit,
Et quod caput inclinavit
Et emisit spiritum.
Je l’ai vu se recommander à son Père, puis il inclina sa tête et rendit l’esprit.
Dic, Maria, quid fecisti,
Postquam Jesum amisisti ?
Dites-nous, Marie, que fîtes-vous, après avoir perdu Jésus ?
Matrem flentem sociavi,
Cum qua domum remeavi,
Et in terram me prostravi,
Et utrumque deploravi.
J’accompagnai la Mère en pleurs ; avec elle je revins à la maison. Là, je me prosternai contre terre, et je pleurai sur le fils et sur la mère.
Dic, Maria, quid fecisti,
Postquam Jesum amisisti ?
Dites-nous, Marie, que fîtes-vous, après avoir perdu Jésus ?
Post unguenta comparavi,
Et sepulcrum visitavi,
Planctus meos duplicavi.
Ensuite je préparai des parfums ; j’allai visiter le sépulcre, et mes sanglots redoublèrent.
Dic, Maria, quid fecisti,
Postquam Jesum amisisti ?
Dites-nous, Marie, que fîtes-vous, après avoir perdu Jésus ?
Angelus hæc dixit clare :
O Maria, noli flere ;
Jam surrexit Christus vere.
Un Ange m’adressa ces paroles : « Ne pleure pas, ô Marie ! Le Christ est déjà ressuscité ! »
Dic, Maria, quid fecisti,
Postquam Jesum amisisti ?
Dites-nous, Marie, que fîtes-vous, après avoir perdu Jésus ?
Certe multis argumentis,
Vidi signa resurgentis
Filii omnipotentis.
Enfin par moi-même je reconnus les signes évidents de la résurrection du Fils du Tout-Puissant.
Dic nobis, Maria,
Quid vidisti in via ?
Dites-nous, Marie, qu’avez-vous vu, quand vous allâtes au tombeau ?
Sepulcrum Christi viventis
Et gloriam vidi resurgentis.
J’ai vu le tombeau du Christ qui était vivant ; j’ai vu la gloire du Christ ressuscité.
Angelicos testes,
Sudarium et vestes.
Les Anges étaient témoins, avec le suaire et les linceuls.
Surrexit Christus spes mea,
Præcedet suos in Galileam.
Il est ressuscité, le Christ, mon espérance ; il précédera les siens en Galilée.
Credendum est magis soli Mariæ veraci,
Quam Judæorum turbæ fallaci.
Croyons plutôt à Marie seule et véridique, qu’à la tourbe perfide des Juifs
Scimus Christum surrexisse
A mortuis vere ;
Tu nobis, victor rex, miserere.
Amen.
Nous aussi, nous savons que le Christ est vraiment ressuscité des morts ; mais vous, ô Roi vainqueur, prenez pitié de nous. Amen.