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Dimanche in albis

Quasi modo géniti infántes, allelúia, rationabiles, sine dolo lac concupíscite, allelúia, allelúia allelúia.

Comme des enfants nouveaux-nés, alléluia, spirituels, désirez le lait sans tromperie, alléluia, alléluia.

Au temps de la chrétienté il n’y avait plus de baptêmes d’adultes et l’on baptisait les enfants à la naissance. De ce fait le nom de ce dimanche, in albis depositis, « quand les vêtements blancs ont été déposés » par les nouveaux baptisés de Pâques, ne correspondait plus à rien concrètement. Et comme pour beaucoup d’autres dimanches, on l’a désigné par les premiers mots de l’introït : « Quasi modo geniti ». Paradoxalement, si vous cherchez « Quasi modo geniti » sur Youtube, la grande majorité des vidéos sont… protestantes. Parce que les luthériens continuent d’appeler ainsi ce dimanche. Même s’ils seraient bien en peine d’en chanter l’antienne d’introït... (En fait il suffit de dire « Quasi modo », mais si l’on n’ajoute pas « geniti » on se retrouve avec une avalanche de vidéos de Notre-Dame de Paris…)

Le texte est le début d’un verset de la première épître de saint Pierre (2,2). Mais on ne le trouve… quasi nulle part sous cette forme. La quasi-totalité des manuscrits de la vieille latine et de la Vulgate ont : « Sicut modo geniti ». Ce qui est plus immédiatement compréhensible. Et pourtant c’est sous la plume de saint Jérôme qu’on voit « quasi modo ». Et trois fois de suite dans son commentaire d’Isaïe :

Quasi modo nati parvuli, rationale lac desiderate.

Quasi modo nati parvuli, rationabile et absque dolo lac desiderate.

Quasi modo nati parvuli, rationabiles, et absque dolo lac desiderate.

Saint Jérôme est ensuite le seul (puisque même la liturgie ne le suit pas) à dire : « nati parvuli » pour désigner les petits enfants nouveaux nés.

Puis il évoque deux fois (de deux façons différentes) le « lait spirituel », et la troisième fois il reproduit curieusement la faute qui se trouve aussi dans le texte liturgique : « comme des petits enfants spirituels ». Le texte grec ne laisse aucun doute sur le fait que c’est le lait qui est spirituel. Mais l’erreur d’attribution de l’épithète, dans les textes latins, n’était pas rare. On la trouve notamment dans les manuscrits prestigieux de Fulda, de Saint-Gall et de Vérone, et dans le non moins prestigieux consensus des codex d’Alcuin. C’est une des nombreuses qualités de la Vulgate clémentine d’avoir imposé le texte authentique.

La mélodie, qui est d’une noble simplicité, a une intéressante particularité. Elle est du 6e mode, donc la dominante est la. Mais elle ne s’établit jamais sur le la, qui n’est qu’une note de passage. En revanche la note qui est de très loin la plus importante est le fa, qui est la tonique. Certains spécialistes de plain chant ne veulent pas parler de tonique parce que ça renvoie à la musique tonale, et ils ne veulent voir qu’une « note finale ». Mais ici la « note finale » est celle qui sous-tend toute la mélodie…

Voici une interprétation… tonique de cet introït par les Pères du Saint-Esprit de Chevilly (avant la révolution, en 1957…) :


podcast

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Commentaires

  • Merci cher Yves pour ce commentaire rees intéressant

    Ce n est pas la première fois qu on note le relatif conservatisme des luthériens...certains oecumenistes français étaient manifestement 0lus tournés vers les calvinistes...

  • L'antienne est ce qu'elle est, avec sa propre logique harmonique, faite d'ornements autour de teneurs. Ici, clairement, une teneur s'établit sur la corde dénotée Fa (on pourrait transcrire en Do), et il n'y a pas d'autre appui, c'est en tout cas net vers l'aigü. On peut hésiter vers le grave à identifier une teneur sur le Ré, suggérée dans l'incipit, mais cet appui est nié dès la fin du segment, avec le "infantes" qui retombe sur le Do (finalement, mettre un enfant sur le dos ... bref) sans même mentionner le Ré - ce qui *_ne se fait pas_* dans une logique modale.
    La curiosité de cette pièce est plutôt dans l'incipit et son récitatif: si ce n'est pas une corde modale, faut-il y voir un récitatif d'attente? Le Graduale Triplex n'est pas très éclairant sur cette question, tout au plus confirme-t-il par des "e" (equaliter) qu'il s'agit bien d'un récitatif.
    Le commentaire "donc la dominante est La" est relativement inexact. Ce n'est pas parce que une pièce est du sixième mode que sa teneur est sur le Fa, mais parce qu'elle a une teneur en Fa qu'elle est (probablement) dans l'ambiance modale du sixième mode. S'il y a une corde secondaire aigüe sur le La, on sera dans le sixième mode, si la corde est au grave sur le Ré, ce sera plutôt l'ambiance du deuxième mode, s'il y a les deux on est dans le premier mode, mais il faut bien voir qu'il y a une continuité dans l'ambiance modale de ces modes. Notre pièce ici n'a pas de corde secondaire, donc pas de rattachement net.

    Il ne faut pas se laisser aveugler par la théorie de l'Octoéchos, qui n'est après tout qu'une théorie, et postérieure à la constitution de la plupart des pièces. Il ne s'agit "que" de savoir sur quelle formule standardisée les versets du psaume doivent conventionnellement être chantés, mais cette convention n'influe pas sur la composition de l'antienne. Elle est artificielle, souvent étrangère au génie des pièces, et n'a pas d'intérêt liturgique particulier.
    Certes, ici, le *_verset_* fait ses récitatifs sur le La, donc la dominante *_du verset_* est La, mais tout ce qu'on peut en conclure est que cette formule standard du 6ème mode ne correspond pas à l'ambiance modale de l'antienne. En réalité, un verset du 2ème mode, avec ses appuis utilisant Do et Ré grave comme l'antienne, serait bien mieux adapté à cette pièce. Mais voilà: pour son malheur l'antienne a "une finale en Fa", ce qui la condamne, dans la logique inflexible de l'octoéchos, à rester incomprise.
    Au diable l'octoéchos, et soulignons la joie pascale par un transgressif Modern'Greg! Chantons donc le verset en deuxième mode, ce qui mettra en lumière le caractère propre de cette pièce, bien identifié par Wikipédia (sixième mode) : "Ces pièces ont le charme simple et naïf du deuxième mode, mais la finale en fa leur donne une coloration confiante et joyeuse". Ne trahissons pas l'ambiance modale par un verset inadapté.

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