(Mosaïque de Sainte-Sophie de Constantinople)
Extrait d’une lettre de saint Jean Chrysostome au pape saint Innocent Ier sur ce qui se passa dans la « grande église » de Constantinople lors de la veillée pascale de 404. Les soldats dont il est question sont 400 soldats de la garde impériale, aux ordres d’évêques syriens à la solde du patriarche d’Alexandrie Théophile. Deux mois plus tard Jean sera envoyé en exil, où il mourra en 407.
« Le jour même du grand samedi, une troupe de soldats entra, sur le soir, dans les églises, en chassa de vive force tout le clergé qui nous était favorable, et assiégea le sanctuaire. Les femmes mêmes qui à ce moment avaient ôté leurs vêtements pour recevoir le baptême, saisies de crainte à la vue de cette irruption, s'enfuirent toutes nues, et on ne leur laissa pas le temps de se vêtir, comme l'exigeait la décence ; un grand nombre même furent blessées, les piscines étaient remplies de sang, et le sang rougissait ces bains sacrés. Mais ce ne fut pas tout. Les soldats envahirent le lieu où se gardaient les choses saintes, plusieurs d'entre eux, nous le savons, n'étaient pas même initiés à nos mystères, et ils virent tout ce qui devait être dérobé à leurs regards. Bien plus, le sang divin de Jésus-Christ, chose inévitable dans un pareil tumulte, fut répandu sur leurs vêtements : on les eût pris pour des barbares se livrant à tous les excès. Le peuple était chassé loin de la ville : Constantinople, était déserte, et dans une si grande fête, les églises étaient vides. Plus de quarante évêques de notre communion, avec le peuple et le clergé, avaient été chassés sans aucun motif. Ces monstrueux forfaits excitaient partout, sur les places, dans les maisons, hors de la ville, dans la ville, des gémissements et des lamentations. Tous fondaient en larmes, et ce n'était pas seulement ceux que l'on maltraitait, mais ceux même qui n'avaient rien à souffrir ; ce n'étaient pas seulement les fidèles, mais les hérétiques, les juifs, les païens, qui déploraient avec nous ces atrocités. On eût dit une ville prise d'assaut, tant il y avait de tumulte et d'effroi, tant on entendait de gémissements. Voilà ce que l'on a osé, malgré notre pieux empereur, au milieu des ténèbres de la nuit. C'étaient des évêques qui avaient tout disposé ; ils dirigeaient eux-mêmes des bandes armées, et leurs diacres étaient les maîtres de camp qui les précédaient. Dès que le jour eut paru, tous les habitants sortirent des murs de la ville, et allèrent célébrer la fête de Pâques sous des arbres et au milieu des bois, comme des brebis dispersées. »