Je me vois « contraint » de reproduire dans son intégralité le discours de Benoît XVI aux jeunes, samedi après-midi au stade dos Coqueiros de Luanda. Ce discours est véritablement, tout entier, celui d'un père de l'Eglise, dans les deux sens du terme. D'une part, il est du niveau théologique, spirituel et pastoral des meilleures homélies des grands évêques des IVe-Ve siècles auxquels on donne ce titre. D'autre part, en tenant un tel discours aux jeunes Angolais, Benoît XVI se montre véritablement comme le géniteur de l'Eglise de demain, dans la pleine lumière de l'Eglise d'hier, l'Eglise toujours la même et toujours nouvelle. Merci à Dieu de nous donner la grâce d'un tel pape, qui déchire les ténèbres du siècle.
Très chers jeunes,
Vous êtes venus très nombreux, sans parler de tous ceux qui vous sont unis spirituellement, pour rencontrer le successeur de Pierre et, avec lui, proclamer devant tous la joie de croire en Jésus-Christ et renouveler l'engagement d'être aujourd'hui ses fidèles disciples. Une rencontre semblable avait eu lieu en cette même cité, le 7 juin 1992, avec le bien-aimé Pape Jean-Paul II. Sous des traits un peu différents, mais avec le même amour dans le cœur, voici devant vous l'actuel successeur de Pierre, qui vous prend tous dans ses bras en Jésus-Christ qui « est le même, hier et aujourd'hui, et pour l'éternité » (He 13, 8).
Avant tout, je désire vous remercier pour cette fête que vous me faites, pour cette fête que vous êtes vous-mêmes, pour votre présence et pour votre joie. J'adresse un salut affectueux à mes vénérés Frères dans l'Épiscopat et dans le Sacerdoce et à ceux qui animent ce rassemblement. De grand cœur, je remercie et je salue tous ceux qui ont préparé cette rencontre et, en particulier, la Commission épiscopale pour la Jeunesse et les Vocations, ainsi que son Président, Monseigneur Kanda Almeida, à qui j'exprime ma reconnaissance pour les paroles chaleureuses de bienvenue qu'il m'a adressées. Je salue tous les jeunes, catholiques et non catholiques, qui sont à la recherche d'une réponse à leurs problèmes, dont certains ont été évoqués par vos représentants : j'ai écouté leurs paroles avec gratitude. L'accolade que j'ai échangée avec eux s'étend naturellement à vous tous.
Rencontrer des jeunes est, pour tous, bienfaisant ! Ils ont sans doute beaucoup de problèmes, mais ils portent en eux tant d'espérance, tant d'enthousiasme, tant d'envie de recommencer. Chers jeunes, vous détenez en vous la dynamique de l'avenir. Je vous invite à regarder celui-ci avec les yeux de l'apôtre Jean : « Alors j'ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle (...) et j'ai vu descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux. Et j'ai entendu la voix puissante qui venait du Trône divin ; elle disait : 'Voici la demeure de Dieu avec les hommes' » (Ap 21, 1-3). Chers amis, la présence de Dieu fait la différence. Cela se vérifie en commençant par la sereine intimité entre Dieu et le couple humain présent dans le jardin d'Éden, en passant par la gloire divine qui irradiait la Tente de la Rencontre plantée au milieu du peuple d'Israël durant la traversée du désert, jusqu'à l'Incarnation du Fils de Dieu qui s'est indissolublement uni à l'homme en Jésus-Christ. Ce même Jésus reprend la traversée du désert humain en passant à travers la mort et parvient à la résurrection, entraînant avec lui l'humanité entière vers Dieu. Maintenant, Jésus ne se trouve plus situé dans les limites d'un lieu et d'un temps déterminé, mais son Esprit, l'Esprit Saint, vient de Lui et pénètre en nos cœurs, nous unissant ainsi avec Lui et par Lui avec le Père - avec le Dieu un et trine.
Oui, mes chers amis ! Dieu fait la différence... Qui plus est, Dieu nous rend différents, nous refait à neuf ! Telle est la promesse qu'il fait Lui-même : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). Et cela est vrai ! L'apôtre saint Paul nous le dit : « Si quelqu'un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2 Co 5, 17-18). Étant monté au ciel et étant entré dans l'éternité, Jésus-Christ est devenu le Seigneur de tous les temps. C'est pourquoi, il peut se faire notre compagnon dans le présent, portant le livre de nos jours dans sa main : en elle, il tient fermement le passé, avec les sources et les fondements de notre être ; en elle, il garde jalousement notre avenir, en nous laissant apercevoir la plus belle aube qu'il fait lever sur notre vie, c'est-à-dire la résurrection en Dieu. L'avenir de l'humanité nouvelle, c'est Dieu, et le commencement de tout cela, c'est son Église. Quand vous en aurez la possibilité, lisez attentivement son histoire : vous vous rendrez compte avec surprise que l'Église, au cours des âges, ne vieillit pas ; elle devient au contraire de plus en plus jeune, parce qu'elle chemine vers le Seigneur, se rapprochant chaque jour de la seule et véritable source d'où jaillissent la jeunesse, la régénération, la force de la vie.
Amis qui m'écoutez, l'avenir, c'est Dieu. Comme nous l'avons entendu il y a peu, « il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort n'existera plus ; il n'y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse ; car la première création aura disparu » (Ap 21, 4). En même temps, je vois présents ici - mais il y en a des milliers d'autres - de jeunes angolais qui sont mutilés à cause de la guerre et des mines, je pense aux torrents de larmes que tant de vous ont versé à cause de la perte de membres de vos familles, et il n'est pas difficile d'imaginer les sombres nuages qui couvrent encore le ciel de vos rêves les plus beaux... Je lis dans vos cœurs un doute, que vous m'objectez : « C'est cela qui est notre réalité. Ce que tu nous dis, nous ne le voyons pas ! La promesse est garantie par Dieu - et nous y croyons -, mais quand Dieu se lèvera-t-il pour renouveler toutes choses ? » La réponse de Jésus est la même que celle qu'il a faite à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? » (Jn 14, 1-2). Mais vous, chers jeunes, vous insistez : « D'accord ! Mais quand cela adviendra-t-il ? » À une question semblable faite par ses apôtres, Jésus répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Mais vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins (...) jusqu'aux extrémités de la terre » (Ac 1, 7-8). Vous le voyez, Jésus ne nous laisse pas sans réponse ; il nous dit clairement une chose : le renouvellement commence en nous ; vous recevrez une force d'En-Haut. La force dynamique de l'avenir se trouve en vous.
Elle se trouve en nous... mais comment ? Tout comme la vie est à l'intérieur d'une semence : ainsi Jésus l'a-t-il expliqué, en un moment décisif de son ministère. Son ministère avait débuté dans l'enthousiasme, puisque les gens voyaient les malades guéris, les démons chassés, l'Évangile annoncé ; mais pour le reste, le monde tournait comme avant : les Romains dominaient encore, la vie était difficile dans la succession des jours, bien qu'il y ait eu ces signes et ces belles paroles. L'enthousiasme était allé en diminuant jusqu'à s'éteindre, au point que plusieurs disciples avaient abandonné le Maître (cf. Jn 6, 66), qui prêchait mais ne changeait pas le monde. Et tous se demandaient : au fond, quelle valeur ce message a-t-il ? Qu'est-ce que nous apporte ce Prophète de Dieu ? Alors, Jésus se mit à parler d'un semeur qui semait dans le champ du monde, et il expliqua ensuite que la semence était sa parole (cf. Mc 4, 3-20) et les guérisons qu'il avait opérées : en vérité peu de choses en regard des immenses besoins et difficultés de chaque jour. Et pourtant, dans la semence, l'avenir est présent, parce que la semence porte en elle le pain de demain, la vie de demain. La semence semble n'être presque rien, mais elle est la présence de l'avenir, elle est la promesse déjà tangible aujourd'hui ; quand elle tombe dans une bonne terre, elle fructifie trente, soixante et même parfois cent fois pour un.
Mes amis, vous êtes une semence jetée par Dieu sur la terre ; elle porte dans le cœur une force d'En-Haut, la force de l'Esprit Saint. Cependant, pour passer de la promesse de vie au fruit, la seule voie possible est d'offrir sa vie par amour, et de mourir par amour. Jésus l'a dit lui-même : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd, celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle » (Jn 12, 24-25). Ainsi Jésus a-t-il parlé, et ainsi a-t-il vécu : sa crucifixion semble être un échec total, mais il n'en est rien ! Jésus, animé par la force de « l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache » (He 9, 14). Et de cette façon, tombé en terre, Il a pu donner du fruit en tout temps et tout au long du temps. Au milieu de vous se trouve le Pain nouveau, le Pain de la vie qui vient, la sainte Eucharistie qui nous nourrit et fait s'épanouir la vie trinitaire dans le cœur des hommes.
Chers jeunes, semences animées de la force de l'Esprit éternel lui-même, ouvrez-vous au feu de l'Eucharistie, dans laquelle se réalise le testament du Seigneur : Il se donne à nous et nous répondons en nous donnant aux autres par amour pour Lui. C'est là chemin de la vie ; mais il sera possible de le parcourir à la seule condition qu'existe un dialogue constant avec le Seigneur et un dialogue vrai entre vous. La culture sociale dominante ne vous aide pas à vivre la Parole de Jésus ni le don de vous-même auquel il vous appelle selon le dessein du Père. Chers amis, la force se trouve en vous, comme elle était en Jésus qui disait : « Le Père qui demeure en moi (...) accomplit ses propres œuvres (...) Celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père » (Jn 14, 10.12). N'ayez donc pas peur de prendre des décisions définitives. La générosité ne vous manque pas - je le sais ! Cependant, face au risque de s'engager pour toute la vie, que ce soit dans le mariage ou dans une consécration particulière, vous éprouvez de la crainte : « Le monde vit dans un mouvement continuel et la vie est riche de possibilités. Puis-je disposer aujourd'hui de ma vie alors que j'ignore les imprévus qu'elle me réserve ? Par une décision définitive, est-ce que je ne mets pas en jeu toute ma liberté et est-ce que je ne me lie pas les mains ? » Tels sont les doutes qui vous assaillent et la culture individualiste et hédoniste les renforce. Le résultat : vous ne vous décidez pas, et vous risquez ainsi de demeurer d'éternels enfants !
Je vous le dis : Courage ! Osez prendre des décisions définitives parce que ce sont les seules qui ne détruisent pas la liberté, mais qui lui donnent la juste orientation, en permettant d'avancer et de faire quelque chose de grand dans la vie. La vie n'a de valeur que si vous avez le courage de l'aventure et la certitude confiante que le Seigneur ne vous laissera jamais seuls. Jeunesse de l'Angola, libère en toi l'Esprit Saint, la force d'En-Haut ! Confiant en cette force, à l'image de Jésus, risque ce saut dans le « définitif » et, par lui, offre une chance à la vie ! Ainsi naîtront parmi vous des points, puis des oasis et enfin de grandes étendues de culture chrétienne, à travers laquelle deviendra visible cette « cité sainte, qui descend du ciel, d'auprès de Dieu, toute prête, comme une fiancée parée pour son époux ». Voilà la vie qui mérite d'être vécue et que, de tout cœur, je vous souhaite. Vive la jeunesse de l'Angola !