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L’Agence de la biomédecine, la loi et le citoyen

Texte de Gènéthique, où l'on voit la recherche sur l'embryon en pleine illégalité, et le DPI en plein eugénisme.

1- Recherche sur l'embryon

Les 3 et 10 mars derniers sont parues au Journal Officiel de nouvelles autorisations de recherches sur l'embryon humain et les cellules embryonnaires humaines délivrées par l'Agence de la biomédecine 1. Comme pour les autres autorisations avant celles-ci, on est en droit de s'interroger sur leur légalité.

Rappelons qu'actuellement, la loi interdit, par principe, toute recherche sur l'embryon humain. Toutefois, ces recherches sont autorisées, par dérogation, à condition qu'elles soient "susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs" et qu'elles ne puissent pas "être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable" (art. L.2151-5 du Code de la santé publique).

La 1ère autorisation vise un programme dont le but est d'étudier l'effet d'un gène et de sa protéine (BCL2L10) sur la mort cellulaire programmée (apoptose). Ce gène existant chez la souris, est-il nécessaire d'utiliser des embryons humains pour l'étudier ? Par ailleurs, on peut se demander quelle est l'orientation thérapeutique de ce programme ?

La 2ème autorisation porte sur un programme qui se propose de modéliser l'ataxie spinocérébelleuse de type 7. Or, il est possible de prélever des cellules souches chez l'adulte malade et/ou de créer des cellules reprogrammées dites iPS à cette fin. Ni l'aspect thérapeutique, ni la nécessité de travailler sur des embryons ne sont ici évidents.

Les 3ème et 4ème autorisations concernent un programme d'études du contrôle et de la stabilité des régulations épi-génétiques avec étude de l'inactivation du chromosome X sur des cellules souches embryonnaires humaines. Ici encore, l'aspect thérapeutique paraît inexistant et l'étude de l'inhibition de l'X, n'étant pas spécifique de l'homme, peut certainement être réalisée chez l'animal.

Les 5ème et 6ème autorisations sont relatives à un programme souhaitant étudier la différenciation neurale des cellules souches embryonnaires humaines pour une approche de thérapie cellulaire chez la souris. Par quel paradoxe, pour traiter l'animal, est-il nécessaire d'expérimenter d'abord sur l'humain ?

Outre l'embryologie, l'Agence de la biomédecine traite, dans son domaine de compétence, de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Il lui revient ainsi de délivrer les autorisations des centres de diagnostic préimplantatoire (DPI) et d'agréer les praticiens qui recourent à ce procédé. Ici également, l'actualité nous invite à nous interroger sur la manière dont l'Agence applique la loi.

2- Diagnostic préimplantatoire (DPI)

Au sein de la communauté médicale, un consensus, fondé sur les textes législatifs, semblait s'être établi pour réserver le recours au DPI à la destruction d'embryons dont on était certain qu'ils allaient développer une maladie "d'une particulière gravité" et "incurable au moment du diagnostic", excluant ainsi la recherche de prédisposition à des cancers 2.

Pourtant, le 26 décembre 2008, l'Agence de la biomédecine a tenu à rappeler, via un communiqué diffusé la veille de la naissance du premier bébé britannique sélectionné par DPI sur une prédisposition au cancer du sein, qu'une telle sélection était autorisée en France, dans certains cas de cancers familiaux. Entre janvier 2000 et juin 2007, 22 DPI associés à un risque de cancer ont ainsi été pratiqués en France, conduisant à la naissance sélective de 6 enfants indemnes des formes héréditaires de cancer ou de maladie associée recherchée 3.

En 2006, l'équipe du Pr Stéphane Viville, directeur de l'Institut de génétique de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, avait en effet reconnu recourir au DPI pour identifier les embryons porteurs de gènes prédisposant à certains cancers 4.
Réagissant à l'annonce du Pr Viville, la directrice de l'Agence de la biomédecine de l'époque, Carine Camby, avait d'abord appelé à un débat public sur le sujet, estimant qu'"une interprétation extensive de la loi de bioéthique » ne pouvait « être le fait d'un seul centre" 4.
En lieu et place de débat public, une mission dirigée par le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet et à laquelle participait le Pr Viville, a, le 9 avril 2008, conclu qu'"aucune modification de la loi de bioéthique » n'était « nécessaire pour que cette pratique puisse continuer" 5.

Et l'Agence de la biomédecine a finalement décidé, en attendant la prochaine loi de bioéthique, de suivre les recommandations de cette mission.

Ces deux exemples devraient alerter les citoyens soucieux de l'évolution de la loi de bioéthique, alors que le processus de sa révision est déjà engagé. En effet, dans les deux cas cités, il est difficile de ne pas constater que l'Agence de la biomédecine interprète extensivement une loi qui, en raison de la gravité des sujets qu'elle traite, devrait être au contraire d'interprétation stricte. Cela est d'autant plus regrettable que certains souhaitent passer d'une loi détaillée et régulièrement réexaminée par le Parlement à une loi dite "cadre" fixant les principes et laissant à l'Agence de la biomédecine le soin d'en régler les modalités d'application. Mais que recouvriront ces modalités ? Et comment consentir à la confiscation du débat citoyen au profit d'un pouvoir technicien - alors même que, pour la première fois, l'opinion publique est associée par le biais des Etats généraux ?

1- JORF n°0052 du 3 mars 2009 - Textes n°19, 20, 21, 22 et JORF n°0052 du 10 mars 2009 - Textes n°24 et n°25
2- L'article L.2131-4 du Code de la santé publique autorise le DPI lorsqu'"un couple du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic" et qu'a été au préalable identifiée "chez l'un des parents ou l'un de ses ascendants immédiats dans le cas d'une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, l'anomalie ou les anomalies responsables d'une telle maladie".
3- Bilan d'application de la loi de bioéthique du 6 août 2004, Agence de la biomédecine, octobre 2008
4- Le Monde (Jean-Yves Nau) 27/09/09
5- Le Monde (Jean-Yves Nau) 11/04/08

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