Des militants nationalistes ukrainiens ont dressé hier soir à l’entrée du monastère des Grottes de Kiev deux grands panneaux de 3 mètres de haut.
D’un côté, les méchants qui « crucifient » l’Ukraine. Au premier chef évidemment Vladimir Poutine. Avec le patriarche Cyrille, le métropolite primat de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, le père abbé du monastère, Prigojine et Kadirov, Loukachenko, et aussi Victoria Kokhanovska, et même… tout-à-fait à droite… celui qui était il y a peu encore le plus célèbre conseiller de Zelensky : Oleksiy Arestovitch…
De l’autre côté la consommation du blasphème : « Le Christ est ressuscité, l’Ukraine ressuscitera », avec les héros qui vont permettre ce miracle : au premier rang bien sûr Zelensky, flanqué de ses deux autorités ecclésiastiques : le métropolite grec-catholique et Serge Doumenko dit « métropolite Epiphane ». On voit aussi notamment Stoltenberg, Duda, Trudeau, Johnson, Sean Penn… Et dans les noms de ceux qui font ressusciter l’Ukraine, plus haut, on n’a pas oublié Bandera…
Il s’agit de « protéger l’identité ukrainienne », a dit à Kanal 5 l’un des organisateurs. Protéger l’identité ukrainienne contre le monastère qui est le centre même de l’identité ukrainienne…
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La commission du Parlement ukrainien « pour la politique humanitaire et d’information » a proposé aux députés de voter un texte présenté ainsi :
« Afin de protéger l’espace national, d’empêcher les manifestations de propagande par les représentants de l’Église orthodoxe ukrainienne, et aussi de restaurer l’État de droit et la justice historique, le projet de décret propose de s’adresser au gouvernement pour qu’il vérifie d’urgence le respect des termes du contrat d’utilisation du complexe de bâtiments de la Laure de Potchaïev et d’autres biens, qui sont la propriété de l’État. »
Ce projet « recommande fortement » que le gouvernement « suive la même voie concernant la Laure de Potchaïev que celle suivie par l’État concernant la Laure des Grottes de Kiev », a précisé le président de la commission.
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Le conseil municipal de Tchernivsti a décidé de retirer à l’Eglise orthodoxe ukrainienne le droit d’utiliser les terres utilisées par 24 paroisses et monastères. Un avocat de Tchernivsti a fait remarquer qu’une telle décision ne peut être prise qu’après le jugement d’un tribunal constatant que l’Eglise viole les conditions d’utilisation du terrain. Mais qu’importe le droit. Le conseil municipal ne craint pas de préciser qu’il va maintenant vérifier si les 24 terrains sont une propriété municipale…
La région de Tchernivsti, l’une des plus frappées par la persécution, est historiquement roumaine : c’est la Bucovine du nord (et les orthodoxes de la Bucovine toujours roumaine sont les plus actifs sur les réseaux sociaux pour défendre l’Eglise orthodoxe d’Ukraine). Le député roumain Dumitru Viorel Focșa a lancé hier un appel au Parlement et au gouvernement roumains :
« Malheureusement, les autorités du nord de la Bucovine, qui est une région multiethnique, ont copié les décisions prises dans d'autres régions, d'autres villes et dans les terres mono-ethniques d'Ukraine. Les églises qui n'ont pas voulu se séparer de l'Église orthodoxe ukrainienne risquent de perdre les terres sur lesquelles elles officient depuis des décennies. En conséquence, les Roumains risquent de perdre un certain nombre de leurs églises. Les églises de nos ancêtres, dont certaines ont été construites avec des fonds de l'Église ou de l'État roumain, n'appartiendront plus à la communauté roumaine, pour des raisons difficiles à expliquer et à comprendre. Nous demandons des consultations immédiates avec les membres de la communauté roumaine - paroissiens, prêtres, responsables d'associations, intellectuels - avant de prendre toute décision sur le sort des lieux de culte qui ont une valeur historique et culturelle pour nous. »
Le conseil municipal de Tchernivsti vient de lui répondre…
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Le conseil municipal de Bila Tserkva (région de Kiev) a décidé de résilier les 10 contrats de location de terrains avec les communautés de l'Église orthodoxe ukrainienne et leur donne dix jours pour partir, et il a également voté pour le « transfert » de la cathédrale de la Transfiguration, dans les dix jours, aux autorités de la ville… Un seul prêtre avait été autorisé à entrer dans la salle, mais le conseil municipal a voté pour lui interdire de s’exprimer.
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Le conseil municipal de Brovary (région de Kiev) a résilié les contrats d’utilisation de quatre terrains sur lesquels se trouvent cinq sanctuaires de l’Eglise orthodoxe ukrainienne.
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Le conseil régional de Jitomir a adopté une décision d'interdiction de toute activité de l’Eglise orthodoxe ukrainienne dans la région. Il a également lancé un appel au Parlement pour qu’il adopte les deux projets de loi interdisant l’Eglise orthodoxe ukrainienne sur tout le territoire ukrainien.
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Le conseil municipal d’Irpin envoie un appel au président Zelensky, au Parlement, au gouvernement et au Conseil national de sécurité et de défense pour qu’ils « adoptent d'urgence des lois et des règlements interdisant les activités des organisations religieuses (associations) de l'Église orthodoxe ukrainienne et facilitant la procédure de transfert de ces communautés religieuses vers d'autres organisations religieuses ».
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Selon le député Inna Sovsun, les projets de loi d’interdiction de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, qui sont au Parlement depuis la fin de l’année dernière, n’ont toujours pas été soumis au vote… parce qu’ils n’obtiendraient pas la majorité. Même dans un Parlement où les partis d’opposition (dits « pro-russes ») sont interdits. Y compris dans le groupe du parti de Zelensky. De nombreux députés sont en effet des fidèles (ou des membres sociologiques) de cette Eglise qui est toujours majoritaire…
Du fait de ce manque de volonté du Parlement, ajoute Inna Sovsun, les autorités locales sont « contraintes » d’utiliser la force contre les fidèles et les prêtres de l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Alors que si le Parlement votait l’interdiction cela « réduirait les tensions sur le terrain »…
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L’archevêque Théodose de Sébaste (patriarcat orthodoxe de Jérusalem) lance un nouvel appel en faveur de l’Eglise orthodoxe ukrainienne :
« Toutes les Églises chrétiennes du monde, ainsi que le Conseil œcuménique des Églises, doivent mettre un terme à ces crimes vraiment terribles contre cette Église bien connue dans le monde entier. L’orthodoxie existe sur le sol ukrainien depuis plus d’un millier d’années, et aujourd’hui, ce pays lui-même souffre de la guerre et de la violence permanente. Comme nous pouvons le constater, l’objectif réel de la pression actuelle sur l’Église orthodoxe ukrainienne canonique est de promouvoir une structure alternative non canonique. Elle a été créée par un accord entre les pays occidentaux et les autorités de Kiev, qui ont entraîné leur pays dans la guerre, souhaitant servir les revendications avides et dominatrices de l’Occident »
« La persécution des évêques de l’Église orthodoxe ukrainienne doit cesser et la Laure des Grottes de Kiev doit être rendue à ses véritables hôtes. Ce monastère conserve les reliques de nombreux saints pères, et des services et des prières y sont continuellement organisés. Il s’agit d’un centre spirituel, mais pas d’un musée, comme le souhaite le président Zelensky, qui veut le donner à une alternative schismatique non canonique à l’Église orthodoxe ukrainienne canonique ».