La mitre et la houlette te furent un fardeau, à un moment, Albert.
Il est plus doux de se cacher au sein de la Sagesse.
Extrait des Lettres décrétales In thesauris sapientiæ sur l'extension de la fête de saint Albert le Grand à l'Eglise Universelle et sa proclamation comme docteur de l'Eglise, Pie XI, 16 décembre 1931.
En vrai théologien, Albert ne voyait pour sa part aucun inconvénient dans l’étude judicieuse des œuvres de la nature ou de la raison naturelle, du moment qu’elles abritent la lumière du Créateur lui – même.
C’est ainsi qu’entre tous les Docteurs du moyen âge Albert fît passer dans les écoles de son époque les richesses de la culture scientifique ancienne, puis, sous une forme vraiment constructive, dans sa grande encyclopédie, qui part des notions les plus infimes pour s’élever jusqu’à la théologie sacrée ; il y réussit au reste d’excellente manière.
Dès lors, rien d’étonnant à ce que les anciens auteurs aient déclaré qu’Albert le Grand « savait tout ce qu’on peut savoir, n’ignorait aucune espèce de science » (Pie II), « et pouvait être à bon droit proclamé le phénomène le plus étonnant, la merveille de son siècle » (Ulric de Strasbourg). Rien non plus d’étonnant à ce qu’il ait reçu d’eux le titre de « Docteur universel » et passé pour être l’astre le plus brillant parmi tous les philosophes de la chrétienté entière » (Henri de Hervodia).
A ces louanges, des savants contemporains, même acatholiques, ne craignent pas de se joindre. Ils célèbrent volontiers en lui le plus grand observateur du moyen âge au point de vue des sciences naturelles. L’un deux, écrivain distingué, appelle très justement Albert « le précurseur le plus perspicace des études naturelles en Occident, le premier qui ait mis au service de la religion chrétienne et lui ait infusé les sources sublimes de la sagesse grecque, le premier qui ait mis l’histoire naturelle sur le même rang que la doctrine ecclésiastique, le premier qui, en Allemagne, ait régulièrement dépeint les phénomènes naturels, le premier qui se soit efforcé de ramener les formes des objets crées à un plan morphologique, le premier enfin et le seul qui ait exposé en toutes ses parties l’histoire de la nature entière » (Karl Jessen).
Il eut de plus cet honneur que, ni en philosophie, ni en théologie, ni dans l’interprétation de la Sainte Écriture, il n’y eut presque aucun autre Docteur, saint Thomas excepté, qui jouit d’une telle autorité.
Il serait assurément trop long d’exposer et de faire ressortir les progrès qu’Albert le Grand fit accomplir à la science théologique.
S’adonner aux études théologiques était d’ailleurs un besoin de son esprit. L’autorité qu’il avait acquise en philosophie grandit encore étonnamment quand, pour expliquer nettement la théologie suivant le système scolastique, il se servit de la philosophie comme d’un instrument. C’est pour cette raison qu’on le considère, entre tous, comme l’auteur de cette méthode de théologie qui, dans l’Eglise du Christ, est demeurée pour les élèves, jusqu’à nos jours, la méthode de choix et la norme la plus sûre.
L’œuvre théologique extrêmement vaste du bienheureux Albert, de même que ses commentaires pénétrants sur la Sainte Écriture, attestent non seulement un esprit parfaitement lucide et une connaissance approfondie de la doctrine catholique, mais encore une piété si suave et un désir si vif d’attirer les âmes vers le Christ qu’on y reconnaît, sans la moindre hésitation, le langage d’un saint parlant des choses saintes.
C’est le lieu de rappeler sa Somme théologique, qui exhale un tel parfum et de sagesse et de piété ; le Commentaire de l’Evangile de saint Luc, qui nous le montre interprète aussi expert que sûr du texte sacré ; les doux et suaves Traités de louanges à la Bienheureuse Vierge dans lesquels s’épanchent son amour et les ardents mouvements de son cœur pour la Mère de Dieu ; l’écrit incomparable Du Très Saint Sacrement de l’Autel, où se manifestent si vivement sa foi sincère en Dieu et sa brûlante dévotion au culte du mystère de la divine Incarnation.
Rappelons enfin ses ouvrages mystiques, qui nous apprennent à quelle hauteur de la contemplation infuse la grâce du Saint-Esprit voulut bien l’élever, et qui, au xive siècle, devinrent en Allemagne la règle, le principe et l’origine de la vie mystique.
Bref, toute l’œuvre théologique d’Albert s’élève comme un monument impérissable de l’autorité qu’on lui reconnaissait. Aussi, avec Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire Léon XIII, pouvons-Nous dire à bon droit de sa doctrine tout entière : « Bien qu’après l’époque d’Albert les sciences de toute nature aient connu chaque jour de nouveaux et de nombreux progrès, cependant la puissance et la richesse de sa doctrine, dont fut nourri saint Thomas d’Aquin, et qui firent l’admiration de ses contemporains, ne lui permettent en aucune façon de vieillir. »