Saint Grégoire, évêque de Néocésarée, dit le Thaumaturge en raison du nombre de miracles éclatants qu’il réalisa, ou plutôt, comme il le soulignait, que Dieu réalisait par son intermédiaire, est un maillon important de la tradition des pères. Il fut en effet le grand disciple d’Origène, et le maître de sainte Macrine l’ancienne, grand-mère de saint Grégoire de Nysse et de saint Basile, nés à Néocésarée. Saint Grégoire le Thaumaturge a écrit un éloge d’Origène, et saint Grégoire de Nysse un éloge de saint Grégoire le Thaumaturge, dont voici un extrait. Cela se passe juste avant son arrivée à la grande ville de Néocésarée, où il trouvera 17 chrétiens, et où il ne restera, à sa mort, que 17 païens.
Alors qu'il se rendait du lieu de sa retraite à la ville, comme le soir était tombé et qu'une pluie très violente se prolongeait, il entre dans un sanctuaire avec ceux qui le suivaient. Ce sanctuaire était un des plus fameux : les démons y venaient ouvertement assister les desservants du temple dans leur pratique de la divination des oracles. Entré dans le temple avec ses compagnons, il terrifia les démons en invoquant le nom du Christ. Ayant purifié l'air souillé par les odeurs des sacrifices au moyen du signe de la croix, il y passa la nuit tout entière, en veillant, à son habitude, dans les prières et les hymnes, de manière à transformer en maison de prière celle qui inspirait de l'horreur par le sang répandu sur l'autel et les statues. Quand il eut passé la nuit de cette manière, il allait reprendre son voyage.
Or, comme le desservant du sanctuaire, à l'aube, célébrait le culte habituel des démons, on dit que les démons lui apparurent et lui dirent que le sanctuaire leur était inaccessible à cause de celui qui y avait demeuré. Lui, au moyen de purifications et de sacrifices, s'efforçait de faire rentrer les démons dans le temple. Mais comme, malgré toutes ses tentatives, ses efforts étaient inefficaces, car les démons n'obéissaient pas du tout, comme d'habitude, à son invocation, pris de fureur et de colère, le desservant saisit ce Grand et lui adressait les menaces les plus terribles – de le dénoncer aux autorités, d'user de violence à son endroit et de dénoncer à l'empereur ce qu'il avait eu l'audace de faire. Chrétien, ennemi des dieux, il avait osé pénétrer à l'intérieur du sanctuaire; son entrée avait fait se détourner la puissance qui agissait dans les lieux sacrés, et la force divinatrice des démons ne résidait plus, comme d'habitude, en ces lieux.
Mais celui-ci, rejetant la colère inconsidérée et stupide du desservant au moyen d'une pensée supérieure et opposant à toutes les menaces l'assistance du Dieu véritable, dit qu'il était à ce point convaincu de la puissance de celui qui combattait pour lui qu'il avait le pouvoir de les chasser comme il le voulait et de les faire entrer où il voudrait, et il promit de donner aussitôt les preuves de ce qu'il disait. Le desservant, émerveillé et frappé de stupeur par la grandeur de son pouvoir, lui demanda de montrer en cela même sa puissance et de faire revenir les démons dans le sanctuaire. En entendant cela, le Grand déchira un petit fragment d’un livre et le donna au desservant, après avoir écrit une parole impérative contre les démons. Le texte de ce qui était écrit là-dessus était : «Grégoire à Satan, entre». Le desservant prit le petit écrit et le plaça sur l'autel; ensuite, ayant offert les graisses habituelles et les offrandes impures, il vit à nouveau ce qu'il voyait précédemment, avant que les démons n'aient été chassés du temple. Quand cela se fut produit, il se fit la réflexion que Grégoire possédait une puissance divine grâce à laquelle il s'était montré plus fort que les démons.
Il le rejoignit en hâte avant qu'il ne parvienne à la ville et demanda d'apprendre de lui le mystère et quel était ce dieu auquel était soumise la nature des démons. Lorsque le Grand lui eut expliqué le mystère de la piété, le desservant éprouva un sentiment bien naturel de la part d'un non-initié aux choses divines, et il jugea qu'il était indigne de la conception de Dieu de croire que le divin soit apparu aux hommes dans la chair. Comme celui-ci disait que la foi en ce mystère ne s'appuyait pas sur des paroles, mais qu'elle tirait sa crédibilité du caractère extraordinaire des faits, le desservant lui demanda de voir un miracle, pour être conduit par ce fait à l'acceptation de la foi.
Alors, dit-on, ce Grand fit le plus incroyable des miracles. Comme le desservant souhaitait qu'une pierre de grande taille qui se trouvait sous leurs yeux, une pierre qui ne pouvait être mue de main d'homme, soit transportée dans un autre endroit par la puissance de la foi sur l'ordre de Grégoire, sans hésiter, ce Grand ordonna aussitôt à la pierre, comme à un être animé, de se déplacer vers le lieu qu'avait montré le desservant. Quand cela se fut produit, l'homme aussitôt crut à la parole, et abandonnant tout, famille, maison, épouse, enfants, amis, sacerdoce, foyer, richesses, il préféra à tous ses biens la compagnie du Grand et la participation à ses fatigues, ainsi qu'à cette philosophie et à cet enseignement divins.