Voyons donc ce que le Christ a voulu mous faire entendre par ce paralytique ; car le Sauveur, comme je l'ai dit en commençant, a respecté, lui aussi, ce que le nombre un a de mystérieux, et, de tous les malades rangés autour de la piscine, il n'a daigné guérir que celui-là. Dans l'âge de cet homme il a trouvé un nombre d'années qui indique une maladie : « Il était malade depuis trente-huit ans ». Comment ce nombre d'années indiquait-il plutôt la maladie que la santé ?
Le nombre quarante nous est signalé comme un nombre sacré, parce qu'en un sens, il est parfait. Votre charité, je le suppose, n'en ignore pas; et les divines Ecritures l'attestent en maints endroits. Vous le savez, le jeûne tire sa consécration de ce nombre de jours. En effet, Moïse a jeûné quarante jours; Elie a fait de même ; et notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a aussi jeûné le même espace de temps. Moïse représentait la loi, Elie les Prophètes, et Jésus-Christ l'Evangile : c'est pourquoi ils apparurent tous les trois sur la montagne où le Sauveur se manifesta à ses disciples avec un visage et des vêtements tout radieux. Dans cette apparition, Jésus se trouvait entre Moïse et Elie, comme si l'Evangile tirait sa force du témoignage de la loi et des Prophètes. Qu'il s'agisse donc de la loi, des Prophètes ou de l'Evangile, le nombre quarante nous est signalé comme consacré au jeûne. (...)
La charité accomplit la loi : et à l'entier accomplissement de la loi, en n'importe quelles oeuvres, se rapporte le nombre quarante. Mais, relativement à la charité, nous avons reçu deux commandements: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Ces deux commandements renferment toute la loi et les Prophètes ». La veuve de l'Evangile n'a-t-elle pas fait don à Dieu de deux misérables pièces d'argent qui composaient tout son avoir ? Est-ce que l'hôtelier n'a pas reçu deux deniers pour veiller à la guérison du malheureux blessé que des voleurs avaient laissé à moitié mort sur le chemin ? Jésus n'a-t-il point passé deux jours chez les Samaritains, pour les affermir dans la charité ? Lorsqu'il s'agit de quelque bonne oeuvre, le nombre deux a donc trait au double précepte de la charité: de là il suit que le nombre quarante indique l'entier accomplissement de la loi, et que la loi n'est accomplie que par l'observation du double précepte de la charité : alors, pourquoi s'étonner si celui à qui le nombre deux manquait pour parvenir à quarante, gisait sous le poids de la maladie ?
(Saint Augustin, traité sur l'évangile de saint Jean, 17)