Extraits :
« Je m’appelle Alif, j’ai 27 ans et cela fait trois ans que je fais des allers-retours, au gré de mes expulsions, entre la France et l’Albanie, mon pays d’origine. J’ai été déboutée du droit d’asile en France, tout comme mes parents et mes deux frères.
Je travaille dans un magasin solidaire à Grisolles, près de Toulouse. Je trie des vêtements issus de dons et je les vends. Je suis logée sur place : il y a une grande maison où vivent 23 autres sans-papiers comme moi. J’ai une chambre pour moi toute seule. Comparé au reste de ma famille, je ne suis pas à plaindre.
Mes parents vivent dans la rue, sous une tente, à Toulouse avec mes deux nièces âgées de deux ans et quatre ans. Mon petit frère de 24 ans, lui, dort devant la gare d’Austerlitz, à Paris. La journée, il travaille de manière clandestine dans le secteur du bâtiment. C’est dur, mais qu’est-ce que tu veux qu’il fasse ? Quant à mon grand frère de 31 ans, il a été renvoyé en Albanie, comme nous tous à un moment ou à un autre, mais il n’est pas revenu en France.
Je suis mieux lotie qu’eux, certes, mais c’est très difficile pour moi aussi. J’ai des problèmes avec mon supérieur hiérarchique, un sans-papiers lui aussi. Il me met mal à l’aise, il est toujours après moi. Le 15 décembre, il m’a dit : ‘Viens, je dois te parler’ et il m’a embrassée. Puis il m’a dit : ‘Tu restes un peu, comme ça, avec moi. Et tu me fais un bisou’. Je pleure beaucoup depuis.
J’ai raconté à mes parents ce qu’il se passait avec mon chef. Ils m’ont dit de faire attention. De toute façon, je n’ai pas de solution : j’irais où si je partais de là où je suis ?
Dans la vie de tous les jours, je suis très prudente dans mes déplacements. J’ai peur que la police me contrôle. Je ne sors pas beaucoup. Je travaille toute la semaine et le lundi, je me repose ou bien je prends le train pour Toulouse pour aller voir mes parents et mes nièces. Eux ne viennent pas chez moi car mon chef refuse que j’aie de la visite.
Nous avons pris l’avion pour Marseille tous les sept - mes parents, mes deux frères, ma belle-sœur, ma nièce et moi. En France, nous avons tout de suite demandé l'asile et, quelques semaines plus tard, nous avons obtenu une place en Cada (Centre d’accueil de demandeur d’asile) près d’Albi. C’était bien : on était tous dans une maison. Là, j’ai fait la connaissance de Z., un réfugié afghan qui vivait juste à côté du Cada. Nous sommes tombés amoureux. Lui avait un statut et un travail.
En mars dernier, Z. a été arrêté par la police. Il est accusé d’avoir tué un autre Afghan lors d’une rixe, mais je suis sûre qu’il est innocent. Ce soir-là, il était sorti aider des amis à lui à se défendre face à un groupe d’hommes qui les provoquaient. Il n’aurait pas dû y aller.
Cela fait bientôt un an que je n‘ai pas vu Z. Pour moi, ce n’est pas possible d’aller au parloir vu que je n'ai pas de papiers. On se parle par téléphone. J’ai mal, je pleure, mais je ne lui ne dis jamais ça. Il n’aime pas que je sois triste pour lui. J'espère qu'il sortira vite. »
N.B. Infomigrants est ouvertement un site d’aide aux clandestins. Il a été créé par « France Médias Monde » (France 24, RFI, MCD), Deutsche Welle, ANSA, et il est cofinancé par l’UE. Il dit que « pour s’adresser au plus grand public possible, il se décline en trois langues, français, arabe et anglais ». En fait il est aussi en pachto et en dari, deux langues d’Afghanistan (deux pompes aspirantes).