Mercredi dernier, je titrais « L’axe Berlin-Ankara ne passe pas », en soulignant les oppositions au projet Merkel-Erdogan sur les « réfugiés ». Mais les Allemands et les Turcs ont quand même réussi à faire passer l’essentiel de leur accord (dont la teneur exacte n’a été que discrètement et tardivement publiée) dans la nuit de vendredi à samedi.
J’avais signalé trois vetos. En fait celui de Viktor Orban était déjà sans objet dans le projet final d’accord, qui ne mentionnait pas de nouveaux quotas obligatoires de « réfugiés ».
L’éventuel veto britannique concernait la suppression des visas pour les Turcs entrant dans l’espace Schengen. Finalement on se contentera… d’accélérer le processus de libéralisation, ce qui revient au même à court terme. Mais de toute façon le ministre qui avait évoqué ce veto vient de démissionner (pour des raisons de politique intérieure).
Restait le veto chypriote. Mais comme d’habitude on a demandé à ce petit pays qui ne compte pas, humilié en permanence par la Turquie qui occupe un bon tiers de son territoire, de bien vouloir avaler une nouvelle couleuvre. On ne va pas « relancer le processus d’adhésion » de la Turquie, on va… ouvrir un nouveau chapitre…
La disposition essentielle est donc la disposition « temporaire et extraordinaire » qui prévoit le renvoi vers la Turquie de tous les nouveaux migrants qui arriveront sur les îles grecques, à partir du dimanche 21 mars selon les termes de l’accord, en fait à partir du 4 avril, a dit ensuite Angela Merkel… Pour chaque Syrien renvoyé, les Européens s’engagent à « réinstaller » dans l’UE un autre Syrien depuis la Turquie. Jusqu’à concurrence de 72.000 personnes… (alors que plus d’un million de personnes sont déjà passées par la Turquie et la Grèce).
Pour amadouer l’ONU et les organisations de défense des droits de l’homme, l’accord stipule que chaque demandeur d’asile qui arrivera sur les côtes grecques aura droit à un examen individualisé de sa requête et le droit de faire appel de la décision de renvoi… (Quelque 2.300 experts vont être envoyés en Grèce…)
Pour la Turquie c’est un accord « historique ». Parce que, en attendant de voir s’il va changer quoi que ce soit, l’UE s’engage à accélérer le versement des 3 milliards d’euros déjà promis, et à ajouter 3 milliards d’euros d’ici la fin de 2018…