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Ecriture sainte - Page 15

  • Le venin de la Bible de Jérusalem

    « Venez, retournons vers Yahvé. Il a déchiré, il nous guérira ; il a frappé, il pansera nos plaies ; après deux jours, il nous fera revivre, et le troisième jour, il nous relèvera, et nous vivrons en sa présence. »

    Telle est la traduction de Osée 6, 1-2 dans la Bible de Jérusalem. La Vulgate dit : « Il nous ressuscitera », et la Septante : « nous serons ressuscités ». Mais il faut éviter à tout prix cette prophétie de la résurrection le troisième jour. Cette expression « après deux jours... Le troisième jour », nous dit doctement une note de la Bible de Jérusalem, « désigne un court laps de temps ». Et rien d’autre. Certes, « depuis Tertullien, la tradition chrétienne a appliqué ce texte à la résurrection du Christ le troisième jour. Mais il n’est jamais cité dans le NT » (le Nouveau Testament). « Cependant il est possible » que la résurrection le troisième jour  « selon les Ecritures », comme dit le kérygme, fasse allusion à ce verset, « interprété selon les règles exégétiques du temps ». Qui naturellement ne sont plus du tout les nôtres.

    Au chapitre 13, le verset 14 est ainsi traduit : « Et je les libérerais du pouvoir du Shéol ? De la mort je les rachèterais ? Où est ta peste, ô mort ? Où est ta contagion, ô Shéol ? »

    Une note nous explique : «  Le contexte exige d’interpréter ce v. 14 comme une menace. Les deux premières questions appellent une réponse négative, les deux suivantes sont un appel invitant la mort et le Shéol à envoyer ses fléaux sur le peuple rebelle. Saint Paul cite ce texte pour annoncer que la mort est vaincue, 1 Cor 15 55 ; mais il l’interprète selon les usages de son temps où l’on ne craignait pas (sic) d’isoler une phrase de son contexte. »

    Bref, on savait déjà que la tradition chrétienne à partir de Tertullien est dans l’erreur, à cause de son exégèse absurde, voici donc que cela commence avec saint Paul…

    En réalité, saint Paul se contentait de citer le véritable texte de la Bible selon la Septante. Où il n’y a pas deux premières questions, mais deux affirmations : « Je les tirerai des mains de l’enfer, et je les délivrerai de la mort », suivies de ces deux questions reprises par saint Paul et qui sont donc des exclamations de la victoire contre la mort : « ô mort, où est ta victoire ? ô enfer, où est ton aiguillon ? »

    Pour faire bonne mesure, ajoutons que, au début du chapitre 11, Dieu dit par la bouche d’Osée : « et d’Egypte j’appelai mon fils ». Il y a ici une longue note, qui ne fait pas la moindre allusion au fait que ce verset est cité explicitement par saint Matthieu comme une prophétie de la fuite en Egypte et du retour d’Egypte…

    Mais la citation existe bien. Bref, c’est à partir de l’Evangile que l’exégèse commence à errer… Et il a fallu attendre le XXe siècle pour savoir que tout cela était bidon.

    Cette traduction et ces notes sont a priori de « E. Osty PSS », autrement dit du chanoine Osty qui a par ailleurs donné une traduction complète de la Bible sous son nom. Et dans « sa » Bible, pour Osée 6, 1-2, c’est pire. Car après l’indication sur le « court laps de temps », il ajoute : « L’expression est peut-être empruntée au culte d’Hadad, dieu qui ressuscitait trois jours après sa mort ». Sic.

    Ce que n’ose pas dire le chanoine Osty, ni aucun de ses confrères de l’exégèse moderne, c’est que l’exégèse qui a toujours été celle de l’Eglise n’a pas commencé avec Tertullien, ni avec saint Paul, ni même avec saint Matthieu. C’est le Christ lui-même qui en a donné le principe, sur le chemin d’Emmaüs : « Et, commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur interprétait dans toutes les Ecritures ce qui était dit de lui. » Ce qu’il avait déjà fait à maintes reprises, notamment en montrant comment David avait prophétisé à son sujet, dans des psaumes qui pour nos doctes exégètes ne sont pas de David et ne parlaient pas du Christ…

  • 21e dimanche après la Pentecôte

    La parabole que conte Jésus dans l’évangile de ce dimanche est une illustration de ce qu’il vient de répondre à Pierre qui lui demandait si l’on devait pardonner jusqu’à sept fois. Jésus lui a répondu qu’on ne doit pas pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois. Le nombre 7 multiplié par 10 puis par lui-même ne donne pas un nombre mais une indéfinité : on doit toujours pardonner, sans aucun calcul d’aucune sorte. Comme Dieu pardonne.

    Alors Jésus raconte la parabole de cet « homme roi » qui découvre qu’un serviteur lui doit 10.000 talents. Aujourd’hui cela ne nous dit rien. Mais pour Pierre et les autres apôtres, la somme est inimaginable. Du reste aucun serviteur ne peut devoir 10.000 talents : l’équivalent d’au moins 60 millions de deniers, quelque chose comme 25 à 30 tonnes d’argent, cinquante fois plus que les impôts perçus par Hérode. Ces 10.000 talents sont l’équivalent du « 70 fois 7 fois ». Du reste, le mot grec pour dire 10.000 est le mot qui a donné « myriade ». Et déjà en grec, s’il voulait bien dire 10.000, il signifiait souvent « innombrable ». Comme on le voit aussi dans la première épître aux Corinthiens : « Dans l’église, j’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d’instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue ». Et la « myriade » d’hommes dont il est question au premier verset du chapitre 12 de l’évangile de saint Luc en grec a été traduit dans la Vulgate par « multis ».

    Donc les apôtres ont aussitôt compris que Jésus parlait d’une dette incommensurable, d’autant qu’ils venaient d’entendre les « 70 fois 7 fois » du pardon : il ne parlait pas d’une dette d’argent, mais de celle du Pater : « dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ».

    Ce que confirme la suite de la parabole, puisque celui qui se reconnaît débiteur insolvable de « l’homme roi » refuse de remettre sa dette à son compagnon qui lui doit 100 deniers. Soit six cent mille fois moins. Et toutefois ce n’est pas rien : c’est plus de trois mois de salaire d’un ouvrier. Car il faut garder en tête qu’on parle du pardon des offenses. Jésus ne parle pas du pardon des offenses les plus minimes, mais de vraies offenses, qui font vraiment mal.

    En bref, si tu n’arrives pas à pardonner une offense qui, convertie en frappe au porte-monnaie, équivaut à trois mois de salaire, comment veux-tu que Dieu te pardonne tes péchés, qui sont incommensurables, parce que tout péché est une blessure infligée à la bonté et à la beauté infinies de Dieu.

    Et, in fine, Jésus insiste : il ne s’agit pas de pardonner en paroles, du bout des lèvres, ou en faisant des restrictions mentales, mais « de tout son cœur ». Comme « l’homme roi » avait remis sa dette au serviteur parce qu’il avait été ému par sa supplication. Le grec emploie le verbe formé sur le mot splagkhna, qui veut dire entrailles, et spécifiquement les entrailles de la mère, traduisant l’hébreu rahamim, qui est la plus profonde miséricorde. Quand nous demandons pardon à Dieu, il en est remué dans ses entrailles maternelles. Puisque nous devons être parfaits comme notre Père céleste est parfait, nous aussi devons faire miséricorde à celui qui nous a blessé. Comme une mère, sans compter.

  • 19e dimanche après la Pentecôte

    La parabole des invités aux noces, chez saint Matthieu, ressemble beaucoup à une parabole, également des invités aux noces, chez saint Luc, mais elle est aussi très différente. Ou bien saint Luc a coupé le milieu et la fin, ou bien ce sont deux paraboles distinctes à partir de la même image du roi offrant un banquet pour les noces de son fils.

    Il semble bien que la seconde solution soit la bonne. Car si l’on examine le texte de saint Matthieu, on constate que la parabole comporte deux parties. La première contient une reprise, spécialement dramatique dans le contexte, de la parabole des vignerons homicides, que saint Matthieu venait de rapporter. Dans cette parabole, Jésus annonçait que la vigne serait enlevée aux mauvais vignerons, qui seraient tués, et donnée à d’autres vignerons, et il dit explicitement que le royaume de Dieu sera enlevé aux juifs et donné aux païens.

    Dans la parabole des invités aux noces, la réaction des invités, qui tuent les envoyés, comme du roi qui brûle leur ville, paraît pour le moins très excessive. C’est un rappel de ce qu’il venait de dire et en même temps une explication de la parabole : les juifs sont invités, mais ils tuent les envoyés, eh bien moi je vais détruire leur ville : c’est une première annonce de la ruine de Jérusalem.

    Et cette première partie de la parabole se termine comme celle de saint Luc : allez par les chemins et faites entrer tous ceux que vous trouverez.

    A cela près que saint Matthieu précise : les serviteurs rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais et les bons.

    Cela montre que la parabole de saint Matthieu, jusqu’ici, a un aspect historique, un peu à la façon des vignerons homicides, mais en se concentrant sur la venue du Fils. Les juifs le rejettent et le tuent, leur ville est détruite, les païens sont conviés à entrer dans l’Eglise, bons et mauvais, bon grain et ivraie.

    Mais ici vient ce que certains appellent la seconde parabole, qui est plutôt une seconde partie : on passe de l’Eglise (de la terre) au Royaume. Où les mauvais ne sont pas admis. Ils ont eu tout le temps de s’amender quand ils étaient dans l’Eglise. Mais voici que le temps se renverse en éternité, où seul est admis le vêtement de noces. On remarque un intéressant changement de vocabulaire. Dans la première partie, les « serviteurs » sont en grec des douloi, en latin des servi, c’est-à-dire des esclaves. Dans la deuxième partie, les « serviteurs », qui sont a priori les mêmes, sont en grec des diakonoi, en latin des ministri : des ministres (du culte), des diacres (le mot grec désignait déjà des agents des cultes païens), des assistants du grand prêtre de la liturgie céleste.

    NB. Aujourd'hui, à la demande de l'évêque d'Islamabad, c'est une journée mondiale de prière pour Asia Bibi, qui est en prison depuis juin 2009, condamnée à mort en première instance en novembre 2010, dont la condamnation a été confirmée en appel avant-hier, et qui demeure d'une inébranlable fermeté dans la foi catholique.

    Le mari d'Asia Bibi, Ashiq Masih, avec deux de leurs cinq enfants et Shahbaz Bhatti, alors ministre, assassiné le 2 mars 2011 :

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    Les trois filles d'Asia Bibi avec une photo de leur mère :

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  • Une perle de la Bible de Jérusalem

    Le dernier verset du discours d’Eliphaz au chapitre 22 de Job, selon la Bible de Jérusalem :

    « Il délivre même celui qui n’est pas innocent : il sera délivré par la pureté de tes mains. »

    Il y a une note :

    « On suit le TM [texte massorétique] en comprenant ‘î comme une négation (non attestée en hébreu biblique) ou en supposant que le n final serait tombé par haplographie devant naqî. Les versions ont lu ‘îsh et interprété : “il délivre l’homme innocent… par la pureté de ses mains”, ce qui semble mieux en accord avec la pensée traditionnelle, exprimée par Eliphaz. »

    Donc, les traducteurs de la Septante et saint Jérôme pour la Vulgate latine avaient un texte hébreu que l’on comprenait sans problème et qui était la conclusion logique du discours d’Eliphaz. Mais nous avons décidé de suivre, coûte que coûte, le texte massorétique des rabbins des IX-Xe siècles. Lequel est incompréhensible. Eh bien il suffit de demander aux rabbins : ils expliquent qu’en fait ‘î est une négation, même si on ne voit ça nulle part ailleurs, ou bien qu’il y a une lettre qui a disparu, et donc on donne comme traduction, la bouche en cœur, un texte qui contredit tout ce qu’on vient de lire, et qui est en outre choquant pour tout chrétien (et pour tout croyant en général), puisqu’il prétend que Dieu sauvera (il s’agit bien de salut, y compris dans le « TM », même si la Bible de Jérusalem tente, en outre, d’affaiblir le sens des mots) « celui qui n’est pas innocent », c’est-à-dire le pécheur non repenti.

    La Septante dit :

    ῥύσεται ἀθῷον, καὶ διασώθητι ἐν καθαραῖς χερσίν σου.

    Il délivrera l’innocent, oui, qu’il soit sauvé par ses mains pures.

    Et la Vulgate :

    Salvabitur innocens : salvabitur autem in munditia manuum suarum.

    L’innocent sera sauvé : oui, il le sauvera par la pureté de ses mains.

    On signalera enfin que « Il délivre même celui qui n’est pas innocent » est censé traduire trois mots hébreux (dont le mystérieux ‘î qui voudrait donc dire : « même celui qui n’est pas »…)

  • 13e dimanche après la Pentecôte

    L’évangile est celui des dix lépreux que Jésus envoie aux prêtres. En chemin les dix sont guéris, mais un seul, un Samaritain, revient remercier Jésus.

    Cet évangile n’est pas une leçon de politesse. C’est l’un des nombreux paradoxes de la Sainte Ecriture, de ces paradoxes qui forcent l’attention et la réflexion.

    Jésus envoie les lépreux se montrer aux prêtres, pour qu’ils suivent les rites prescrits par la Loi. Les dix lépreux obéissent, et s’en vont donc se montrer aux prêtres. En chemin ils sont subitement guéris. Les neuf juifs continuent leur chemin, ils continuent d’obéir au Christ en allant voir les prêtres qui vont constater juridiquement leur guérison et leur faire suivre les rites prescrits par la Loi pour les lépreux purifiés. Le dixième est un Samaritain, qui ne suit pas la Loi comme les juifs, et qui n’ira certainement pas voir les prêtres des juifs. Donc il désobéit au Christ en revenant sur ses pas. Et Jésus loue son attitude, et condamne ceux qui lui ont obéi.

    Une fois encore c’est un Samaritain qui montre la voie. Et, comme dans l’épisode précédent dit du « bon Samaritain », il peut le faire parce qu’il n’est pas soumis aux prescriptions de la pureté rituelle.

    Dans l’épisode du « bon Samaritain », il est clair que le Samaritain est le Christ lui-même. Il montre qu’il est au-dessus de la Loi de Moïse, il montre qu’au-delà des prescriptions rituelles il y a la présence de Dieu, qui seule compte. Dieu fait homme rend vaines les prescriptions de la Loi pourtant données par Dieu.

    Le Samaritain « se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus, et il lui rendit grâce ». En grec : eucharistein.

    Telle est la prescription de la Loi nouvelle : nous devons aller au temple nous montrer aux prêtres, comme dans la Loi ancienne, mais c’est pour rendre grâce, pour célébrer l’eucharistie, pour nous jeter aux pieds du Seigneur qui est réellement présent dans le temple, sur l’autel, comme il était présent à la frontière de Samarie et de Galilée. Comme le Samaritain, nous revenons, nous retournons vers Jésus, pour « rendre gloire à Dieu », afin que Jésus nous dise à nous aussi : « Lève-toi, va, ta foi t’a sauvé. » Le grec le dit dans un seul mouvement : « te levant va », et le premier verbe est celui de la résurrection : anastas.

  • Le psaume 28

    Le psaume 28 est un des textes les plus extraordinaires du psautier. Déjà il attire l’attention par son style particulièrement archaïque, avec ses sept propositions sans verbe commençant par « Vox Domini » : voix du Seigneur. On remarque aussi que le nombre se décompose en 2 et 8 : il insiste donc sur le caractère christique du psaume : 8, nombre du Christ, 2, nombre du Christ aussi par les deux natures et les deux préceptes de la charité. En outre, 2+8=10, les dix commandements. 28, c’est aussi 4x7 (le 4 de la création : membres de l’homme, éléments, points cardinaux ; le 7 de la totalité de la création par la Trinité). Et encore, le nombre 28 est un nombre parfait. Le nombre parfait est celui qui est le même que la somme de ses diviseurs. Les deux premiers nombres parfaits sont 6 (1+2+3) et 28 (1+2+4+7+14), et tous les suivants se terminant par 6 ou 28. (6 est un nombre parfait parce que la création a été faite en 6 jours et qu’elle a été refaite par le Christ crucifié le 6e jour à la 6e heure.)

    Enfin, en opérant ce qu’on appelle une agrégation, c’est-à-dire en additionnant les chiffres à partir de 1, on s’aperçoit qu’on arrive à 28 quand on a tout additionné jusqu’au 7 (1+2+3+4+5+6+7). Or dans le psaume 28 il y a sept fois la « Voix du Seigneur ». Ce psaume a été logiquement choisi pour être le premier psaume des matines de l’Epiphanie : la voix du Seigneur sur les eaux. C’est donc de ce point de vue le psaume du baptême du Christ, qui est l’un des mystères de l’Epiphanie, et le premier que célèbrent les matines, comme on le voit aussi par les deux premiers répons. Baptême où l’on voit le Saint-Esprit venir sur Jésus sous l’apparence d’une colombe, et donc apporter ses sept dons : le 7 de l’agrégation qui fait 28, et qui multiplié par 4 faire encore 28.

    Mais ce psaume est aussi un psaume de l’Epiphanie, de la Manifestation divine, par sa façon de révéler le Dieu caché en son centre même.

    Car il est construit comme une double boîte, qui renferme un trésor : le Christ qui attend qu’on aille le chercher.

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    La première boîte est constituée par les deux premiers et les deux derniers versets.

    Dans les deux premiers versets, on a quatre fois l’expression « Apportez au Seigneur ». Dans les deux derniers versets, on a quatre fois le mot « le Seigneur » comme sujet de quatre actions. Quatre et quatre font huit, le huit qui est le nombre du Christ.

    Ce huit se divise donc en deux. On ouvre la boîte, et l’on trouve les versets centraux, qui comportent sept fois l’expression « Voix du Seigneur » (1).

    Sept est le nombre de la perfection. Il est constitué de 4 et 3. Or il y a d’abord quatre fois la « voix du Seigneur », puis un verset qui ne comporte pas cette expression, puis trois fois la « voix du Seigneur ».

    On ouvre la seconde boîte, divisée en quatre et trois. Et l’on découvre « le bien-aimé ». Qui était annoncé par la boîte quatre et trois, puisque quatre est le nombre de l’homme et trois le nombre de Dieu : le bien-aimé est le fils de l’homme et le fils de Dieu. Et le bien-aimé était annoncé dès la première boîte, puisque huit est le nombre du Christ.

    Au cœur de ce psaume, de façon un peu décalée à cause de la dissymétrie du nombre 7, mais au centre exact si l’on ajoute une doxologie, on a donc le bien-aimé. Le bien-aimé qui est comme un fils de licornes. Ou plutôt « comme le fils des licornes ». Le fils unique de toutes les licornes. C’est-à-dire Celui qui concentre en sa personne toute la puissance de toutes les licornes (de toutes les « cornes uniques »), or la licorne est le symbole de la puissance, la puissance à l’état brut, qui peut servir pour le bien comme pour le mal, pour persécuter le fils de l’homme, comme dans le psaume 21, ou qui est l’exaltation même du fils de l’homme, du bien-aimé, au centre de ce psaume, au milieu de l’orage apocalyptique de Dieu qui se rend présent.

    Ce psaume est d’autre part un psaume de sacrifice. Les « afferte » du début sont des appels à apporter l’animal du sacrifice : des petits de béliers, précise le premier verset. Le dernier verset nous donnera le fruit du sacrifice : la puissance, la bénédiction et la paix. Au centre du psaume a eu lieu le sacrifice : celui du Bien Aimé, bien plus que fils de bélier, fils de licornes.

    (1) « Quand il cria, les sept tonnerres firent entendre leurs voix. Et quand les sept tonnerres eurent fait entendre leurs voix, j'allais écrire ; et j'entendis du ciel une voix qui disait : Scelle ce qu'ont dit les sept tonnerres, et ne l'écris pas » (Apocalypse 10, 3-4).

    Traduction française

    Apportez au Seigneur, fils de Dieu, apportez au Seigneur les fils des béliers.

    Apportez au Seigneur gloire et honneur, apportez au Seigneur la gloire de son nom, adorez le Seigneur en son saint parvis.

    Voix du Seigneur sur les eaux : le Dieu de majesté a tonné, le Seigneur au-dessus des grandes eaux.

    Voix du Seigneur en force, voix du Seigneur en magnificence.

    Voix du Seigneur brisant les cèdres ; et il brisera, le Seigneur, les cèdres du Liban.

    Et il les mettra en pièces comme le veau du Liban, et le bien-aimé est comme un fils de licornes.

    Voix du Seigneur fendant la flamme de feu, voix du Seigneur qui ébranle le désert, et le Seigneur agitera le désert de Cadès.

    Voix du Seigneur préparant les cerfs, et elle mettra à nu les forêts. Et dans son temple tous diront sa gloire.

    Le Seigneur fait habiter le déluge, et le Seigneur siégera, roi pour l’éternité.

    Le Seigneur donnera la force à son peuple, le Seigneur bénira son peuple dans la paix.

  • 2e dimanche après la Pentecôte

    « Hora cœnæ », à l’heure de la cène, dit l’évangile, « l’homme » envoie son esclave dire aux « invités » (le mot grec veut d’abord dire appelés) de venir, car tout est prêt. Le mot grec pour dire le « souper », le « banquet », le « festin », dont il est question dans la parabole, est aussi celui qui désigne la « cène », et que la liturgie de saint Jean Chrysostome utilise dans la prière qui précède immédiatement la communion : « A votre cène mystique faites-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu… » et que le chantre proclame comme un héraut, sur un ton élevé : « Tou dipnou sou tou mystikou… » (on remarquera le jeu des voyelles, comme une sorte d’appel en morse : ou-i-ou-ou, ou-i-i-ou).

    Aujourd’hui, oui, et plus précisément à cette heure-ci, cette heure même. C’est maintenant le « kairos », le temps opportun, le temps favorable, c’est maintenant le jour du salut (II Cor. 6,2). Il est donc urgent d’accourir au divin festin. Qui ne s’y précipiterait pas ?

    Or voici qu’aucun des invités ne se déplace. Ils ont tous une « excuse » pour ne pas participer à la communion avec les personnes divines dans le Royaume. Ils rejettent l’invitation, ils rejettent l’appel du Ciel éternel pour répondre aux appels de la terre éphémère. L’auditoire de Jésus comprend aussitôt qu’il s’agit de chefs du peuple élu.

    « L’homme » alors dit à son esclave de se dépêcher d’aller sur les places et dans les rues chercher les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux : ce sont ceux du peuple qui ont accueilli la Parole, les pauvres et les malades.

    Mais il y a encore de la place. Alors « l’homme » demande à son esclave d’aller hors de la Ville, et de « contraindre les gens d’entrer » pour que la maison soit remplie. C’est le fameux « compelle intrare » qui a fait couler beaucoup d’encre… et de sang, quand il a été utilisé politiquement pour réprimer les hérétiques et « faire entrer » les païens. Cette interprétation ne cadre ni avec le contexte immédiat ni avec le contexte général de l’évangile de saint Luc. Cette contrainte est celle de l’amour, de la prévenance, de l’ami qui m’a « contraint » à venir avec lui au meilleur restaurant, et qui m’a « obligé » à accepter un somptueux cadeau. Ces gens qui sont « dans les chemins et le long des haies », ils sont sales et mal habillés, leur premier réflexe est de refuser d’entrer dans une salle de banquet, ils ont honte de leur tenue, c’est pourquoi il faut les « contraindre » à entrer. On est en plein dans l’évangile de la miséricorde, qui est l’évangile de saint Luc : entrez vite, c’est l’heure, il n’est plus temps de tergiverser, le Seigneur vous attend, tels que vous êtes, salis d’avoir trop traîné dans les chemins boueux du monde, dans les haies du paganisme, souillés par vos péchés. Entrez seulement, le Seigneur se charge de tout. (Où l’on voit que ce n’est pas la même parabole qu’en saint Matthieu, malgré les grandes ressemblances.)

  • 3e dimanche après Pâques

    « Un peu »… Le mot se trouve sept fois en quatre versets. Dans un balancement : un peu, encore un peu. « Un peu et vous ne me voyez plus, encore un peu vous me verrez », dit Jésus. Les disciples se répètent la phrase entre eux. Et ils insistent : que veut-il dire par « un peu » ? Et Jésus répète la phrase, sans l’expliquer. Mais en ajoutant qu’ils pleureront et que le monde se réjouira. Ils éprouveront de la douleur comme une femme qui enfante. Et ils se réjouiront comme la femme qui vient d’enfanter.

    Jésus renvoie implicitement aux prophètes. Isaïe, dans son chapitre 26 qui chante l’attente amoureuse, la langueur de l’attente de la manifestation de Dieu, dit en son verset 17 : « Comme une femme sur le point d’accoucher se tord et crie de douleur, ainsi sommes-nous pour ton bien aimé par ta crainte » (selon la Septante qui est toujours en filigrane des évangiles).

    Et Michée, 4, 10 : « Souffre et prends courage, et approche, Sion, ma fille ; souffre comme une femme qui enfante ; car maintenant tu sortiras de tes murs, tu dresseras tes tentes dans la plaine, et tu iras jusqu'à Babylone ; puis le Seigneur ton Dieu t'en délivrera, et Il te tirera des mains de tes ennemis. »

    Encore un peu. Le grec dit « mikron », le latin « modicum ». Il ne faut pas traduire « un peu de temps ». Le mot « temps » ne se trouve pas dans le texte. Il faut garder l’ambiguïté. Car il ne s’agit pas seulement du temps. Il s’agit de l’espace, il s’agit de toute la création qui gémit des douleurs de l’enfantement, comme dit saint Paul reprenant les prophètes. Encore un peu. Une petite quantité. Avant de jouir de la qualité sans limite.

    Encore un peu. Parce que c’est le moment de l’accouchement. Mais c’est déjà « maintenant », dit Michée tant dans la Vulgate que dans la Septante que dans le texte massorétique. Maintenant.

    C’est pourquoi, dans le texte grec, le premier verbe est déjà au présent : « Un peu, et vous ne me voyez plus. » Le texte latin a le futur, et il ajoute ensuite « car je vais au Père », qui ne se trouve que dans de rares manuscrits grecs. Cette addition a pour but de préciser que Jésus a aussi dit cela, que les apôtres répètent sans comprendre. Mais il convient de garder les formules les plus elliptiques, les plus… prophétiques.

    N.B. – Ce dimanche est le jour de la « fête nationale de Jeanne d’Arc, fête du patriotisme », instituée en 1920. Par indult de Benoît XV, on peut célébrer ce jour la solennité de la fête liturgique de sainte Jeanne d’Arc, qui est le 30 mai.

  • Mardi Saint

    Pour la première fois la liturgie annonce que, désormais, son heure est venue. C’est l’antienne du Benedictus : « Avant le jour de la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin. »

    C’est en fait le premier verset de l’évangile du lavement des pieds, celui de la messe In cœna Domini du Jeudi Saint. La raison en est que primitivement c’est cet évangile qui était chanté aujourd’hui. Il fut ensuite transféré au Jeudi Saint, et pour aujourd’hui on assigna la Passion selon saint Marc.

    La première lecture se limite à trois versets de Jérémie, dont l’essentiel constitue l’une des plus importantes prophéties de la Passion :

    « Et moi j’étais comme un doux agneau qu’on conduit à l’immolation, et je n’ai pas su qu’ils ont formé des desseins contre moi, disant : Mettons du bois dans son pain, et retranchons-le de la terre des vivants, et qu’on ne se souvienne plus de son nom. »

    C’était déjà le capitule des laudes du temps de la Passion, ce sera aussi le 7e répons des matines du Jeudi Saint.

    Ce texte, comme d’autres prophéties christiques, a fait l’objet de falsifications par les rabbins qui ont fabriqué la bible massorétique. Ce qui est effarant est que ces falsifications se retrouvent jusque dans les missels, et sont présentées comme le texte authentique de Jérémie dans la « Bible de la liturgie »© et donc dans la néo-liturgie en français de la Semaine Sainte. (Puisque pour tout le monde désormais – sauf certains spécialistes de la Septante - le texte massorétique est l'"original" hébreu.)

    On remarque une différence entre la lecture de la messe et le répons du Jeudi Saint. Le texte dit à la messe est celui de la Vulgate (de saint Jérôme) qui dit « agnus mansuetus », un doux agneau, alors que le répons est une traduction de la Septante : « agnus innocens ». Les deux traductions désignent le Christ. Mais les massorètes ont changé le mot, dont la traduction est « docile » selon les rabbins, mais qui est aussi traduit par : « confiant » ou « familier »…

    On remarque une autre différence, juste après : cet agneau est conduit « ad immolandum », selon le répons, « ad victimam », selon la Vulgate. On voit que les deux expressions sont équivalentes : il s’agit de l’agneau du sacrifice. Or cela est gommé dans le texte massorétique : il ne reste qu’un agneau laïcisé, mené « à la boucherie », ou « à l’abattoir ».

    Le plus grave est la falsification de « Mettons du bois dans son pain », qui évoque de façon synthétique à la fois la crucifixion et l’eucharistie, bref tout le Sacrifice, comme les pères de l’Eglise l’ont abondamment expliqué. Et déjà saint Jérôme disait que « c’est le consensus de toutes les Eglises que, sous la personne de Jérémie, on comprend que cela est dit du Christ, de sorte que le Père lui ait montré le dessein des Juifs, et que ceux-ci aient dit : Mettons du bois dans son pain, c’est-à-dire la croix sur le corps du Sauveur. »

    Or la néo-liturgie, traduisant le texte massorétique, dit : « Coupons l’arbre à la racine ». Les rabbins traduisent : « Détruisons l’arbre dans sa sève » ; d’autres traductions disent : « Détruisons l’arbre avec son fruit. »

    Il est significatif que le texte de la Septante soit en plein accord avec celui de saint Jérôme. C’est une preuve que le texte hébreu dont disposaient les Septante, et le texte hébreu dont disposait saint Jérôme, disaient ici la même chose.

    Saint Jérôme ajoutait : « Les Juifs, et nos judaïsants, pensent que cela est dit de la personne de Jérémie. Mais je ne vois pas comment ils pourraient démontrer que Jérémie fût crucifié, puisque les Ecritures n’en font pas état. »

    Puisque ce n’est pas Jérémie, puisque ce ne saurait être Jésus, il restait à… modifier le texte, ce qu’ils ont fait sans vergogne, comme en d’autres endroits où la prophétie désignait de façon trop évidente le Messie des chrétiens.

    Dès le IIe siècle, saint Justin avait dénoncé cette falsification, dans son Dialogue avec Tryphon. Ou, plus exactement, il constatait qu’alors les Juifs avaient carrément supprimé le passage gênant : « De Jérémie, ils ont supprimé ces mots : “Je suis comme un agneau que l'on porte au sacrifice. Voici ce qu'ils méditaient contre moi, ils disaient : Venez, mettons du bois dans son pain. Retranchons-le de la terre des vivants, et que son nom s'efface à jamais.” Ce passage se lit encore dans quelques-uns des exemplaires conservés par vos synagogues ; car il n'y a pas longtemps qu'il a été retranché. Quand on prouve aux Juifs, d'après ce passage, que leur projet était de crucifier le Christ et de le faire mourir, quand on leur montre d'ailleurs l'identité de ce même passage avec celui d'Isaïe, qui nous présente le Messie conduit à la mort comme une brebis, ils se trouvent dans un étrange embarras et vous les voyez recourir aux injures et aux blasphèmes. »

    Comme il n’était pas possible de soutenir durablement que le passage n’existait pas, il fallut le reprendre et le falsifier. Et c’est la version falsifiée que toute l’Eglise latine proclame aujourd’hui comme étant la Sainte Ecriture. Je dis bien toute l’Eglise latine, toute celle de la « forme ordinaire », puisque la néo-Vulgate elle-même a été falsifiée selon le texte massorétique. Ce qui est une monstrueuse impiété, et une ignominie.

  • Samedi de la Passion

    L’évangile de ce jour anticipe sur les Rameaux, mais il contient beaucoup d’autres choses, et qui sont amenées de façon mystérieuse. Voilà des païens qui viennent adorer à Jérusalem. Ils sont encore païens, mais ils savent que c’est à Jérusalem qu’on adore le vrai Dieu. Ils s’approchent de Philippe, pour parler en grec à un apôtre qui a un nom grec. Ils disent à Philippe qu’ils veulent voir Jésus. Ce Jésus à qui Philippe demandera bientôt de lui montrer le Père, et à qui Jésus répondra : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » Philippe les conduit à André, l’autre apôtre qui a un nom grec. Puis tous deux vont voir Jésus. Jésus paraît ne rien leur répondre à propos des païens qui veulent le voir. Comme s’il ignorait purement et simplement la demande. Mais le discours qu’il tient alors est l’annonce du salut proposé à tous les païens, par la Croix.

    « Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » La gloire, c’est la croix, comme le souligne fortement saint Cyrille d’Alexandrie dans son commentaire de saint Jean.

    Et l’on remarque alors que ce propos renvoie à un propos tenu juste avant la Transfiguration, selon les trois synoptiques : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup (…) et qu’il ressuscite le troisième jour. »

    Ensuite c’est encore plus net : « Celui qui aime sa vie, la perdra ; et celui qui hait sa vie dans ce monde, la conserve pour la vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et là où je suis, mon serviteur sera aussi. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » Dans les synoptiques, avant la Transfiguration : « Qui voudrait sauver son âme la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. » Et : « Si quelqu’un veut venir à ma suite (…) qu’il prenne sa croix et vienne à moi. »

    Dans son évangile, saint Jean ne parle pas de la Transfiguration. Il ne parle pas non plus de l’Agonie au jardin des oliviers. C’est l’essentiel, mystique, de ces deux épisodes, qui est ici évoqué, comme l'avait remarqué Xavier Léon-Dufour (Etudes d'Evangile, cité dans Bible chrétienne II*).

    Voici l’évocation du jardin des oliviers : « Maintenant, mon âme est troublée (…) Père, sauve-moi de cette heure. Mais c'est pour cela que je suis arrivé à cette heure. Père, glorifie ton Nom. » (« Mon âme est triste jusqu'à la mort (...) Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi; cependant, qu'il en soit non pas comme je veux, mais comme tu veux. »)

    « Alors vint une voix du ciel… » Comme à la Transfiguration. Et aussi au baptême… chez les synoptiques.

    La voix dit : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai ».

    Par la Croix, comme le dit ensuite Jésus : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. » Notamment ces Grecs qui veulent me voir…