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Ecriture sainte - Page 15

  • Deux points ouvrez les guillemets

    La prophétie d’Isaïe 40, 3 est célèbre parce qu’elle est reprise dans les quatre évangiles, soit pour évoquer saint Jean Baptiste, soit mise dans la bouche même du Précurseur (par l’évangéliste saint Jean), et parce qu'elle se trouve aux laudes de tous les jours de l'Avent :

    Voix de celui qui crie dans le désert : « Préparez la voie du Seigneur… »

    En fait c’est tout le chapitre qui est une claire prophétie christique, puisqu’il annonce la consolation par la rémission des péchés, et la venue du Seigneur dans la puissance mais comme un pasteur qui va paître son troupeau, rassembler ses agneaux et les mettre dans son sein, et porter les brebis pleines.

    La Bible de Jérusalem dit :

    Une voix crie : « Dans le désert, frayez le chemin de Yahvé… »

    De nombreuses autres Bibles modernes (pas toutes, cependant) adoptent cette ponctuation. Parce que c’est celle de la Bible massorétique, stupidement considérée comme le « texte original ».

    La Bible de Jérusalem met une note pour dire que « les évangélistes (…), citant ce texte d’après les LXX (…), l’ont appliqué à Jean-Baptiste annonçant la venue prochaine du Messie ». Toujours cette distanciation, perpétuelle : c’est pas nous, c’est les évangélistes, nous on ne prend pas parti…

    Mais ce n’est pas seulement le texte des Septante. Lorsque saint Jérôme a effectué sa propre traduction (d’après un authentique original, comme l’avaient fait les Septante), il a lui aussi traduit de la même façon : Vox clamantis in deserto : Parate viam Domini.

    C’est un des nombreux exemples où la Bible juive cherche à amoindrir, à estomper, les prophéties christiques, ici à l’aide de la ponctuation.

    La « voix de celui qui crie dans le désert », cela renvoie immédiatement à Jean Baptiste, parce qu’il est la voix qui annonce le Verbe, et qu’il vit dans le désert, ce que soulignait Jésus dans l’évangile de dimanche dernier : « Qu’êtes-vous allé voir dans le désert ? »

    Mais si c’est une voix qui crie qu’il faut préparer le chemin de Dieu dans le désert, ce n’est plus du tout aussi évident.

    Or dans les vrais textes originaux (que nous n’avons pas) il n’y avait pas de ponctuation. La ponctuation qui s’impose naturellement est celle des Septante et de saint Jérôme, ou plutôt celle qu’on a traditionnellement et naturellement et unanimement ajoutée, puisqu’il n’y avait pas non plus de ponctuation dans les manuscrits grecs et latins.

    Non seulement la ponctuation massorétique découpe le texte de façon non naturelle, mais en outre elle met « deux points ouvrez les guillemets » au beau milieu de l’expression qui est devenue en hébreu celle qui veut dire « prêcher dans le désert ». Ce qui souligne encore le côté artificiel de l’entreprise. Artificiel, et surtout antichrétien. Et repris benoîtement par des Bibles « catholiques »…

  • L’Agneau d’Isaïe et la Bible de Jérusalem

    Emitte Agnum, Domine, dominatorem terræ, de petra deserti ad montem filiæ Sion.

    Tel est le premier verset du chapitre 16 d’Isaïe : « Seigneur, envoyez l'Agneau dominateur de la terre, de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion. »

    Ce verset se trouve dans le Rorate caeli, qui est le chant par excellence de l’Avent. Il fait aussi l’objet d’un verset et d’un répons de la liturgie de l’Avent.

    Car bien sûr cet Agneau, celui qu’annonce Jean-Baptiste et que l’on retrouve dans l’Apocalypse, est le Christ qui vient du désert où il est tenté pour monter à Jérusalem où il régnera par la croix.

    Mais la Bible de Jérusalem traduit : « Envoyez l’agneau du maître du pays, de Séla, située vers le désert, à la montagne de la fille de Sion. »

    Et il y a une note qui dit ceci :

    « Texte difficile et diversement interprété. Il semble que les Moabites, menacés par l’invasion, cherchent à se mettre sous la protection du roi de Juda ou à trouver chez lui un refuge. L’agneau envoyé serait un signe de soumission, cf. 2R 3,4. En traduisant : “Envoie, Seigneur, l’agneau souverain de la terre”, s. Jérôme propose pour ce passage une interprétation messianique. »

    Donc l’individu Jérôme, néanmoins canonisé, a « proposé » une traduction messianique. Comme si c’était une fort étrange proposition. Alors qu’il s’agit d’un texte messianique. De ces textes dont Jésus montrait aux pèlerins d’Emmaüs qu’ils parlaient de lui. Mais les spécialistes ne veulent pas le savoir. Et la note omet soigneusement de préciser que toute la tradition patristique et liturgique latine a ainsi compris le verset.

    Puisqu’on refuse l’évidence, le texte devient « difficile ». Puisqu’on ne veut pas voir le Christ, on se rabat sur les Moabites. Mais l’explication est tout simplement grotesque. En quoi l’envoi d’un agneau serait-il un signe de soumission ? Quand un roi voulait la protection d’un voisin, il lui envoyait de l’or, ou de grosses quantités de blé et d’huile, ou des troupeaux. L’envoi d’un seul agneau aurait été vu comme une minable provocation. La Bible de Jérusalem se donne, en outre, le ridicule de renvoyer au deuxième livre des Rois. Or que lit-on dans le verset en question ? Que le roi de Moab (au siècle précédent) livrait en tribut annuel au roi d’Israël 100.000 agneaux et 100.000 béliers…

    C’est pourquoi de nombreuses traductions mettent « agneau » au pluriel, en faisant semblant de voir un collectif qui n’a pas lieu d’être ici.

    D’autre part, si la Bible de Jérusalem, et d’autres, parlent de « l’agneau du maître », d’autres disent que c’est l’agneau qu’on envoie au maître… Il faut à tout prix éviter de dire que c’est l’Agneau, le Maître…

  • Le venin de la Bible de Jérusalem

    « Venez, retournons vers Yahvé. Il a déchiré, il nous guérira ; il a frappé, il pansera nos plaies ; après deux jours, il nous fera revivre, et le troisième jour, il nous relèvera, et nous vivrons en sa présence. »

    Telle est la traduction de Osée 6, 1-2 dans la Bible de Jérusalem. La Vulgate dit : « Il nous ressuscitera », et la Septante : « nous serons ressuscités ». Mais il faut éviter à tout prix cette prophétie de la résurrection le troisième jour. Cette expression « après deux jours... Le troisième jour », nous dit doctement une note de la Bible de Jérusalem, « désigne un court laps de temps ». Et rien d’autre. Certes, « depuis Tertullien, la tradition chrétienne a appliqué ce texte à la résurrection du Christ le troisième jour. Mais il n’est jamais cité dans le NT » (le Nouveau Testament). « Cependant il est possible » que la résurrection le troisième jour  « selon les Ecritures », comme dit le kérygme, fasse allusion à ce verset, « interprété selon les règles exégétiques du temps ». Qui naturellement ne sont plus du tout les nôtres.

    Au chapitre 13, le verset 14 est ainsi traduit : « Et je les libérerais du pouvoir du Shéol ? De la mort je les rachèterais ? Où est ta peste, ô mort ? Où est ta contagion, ô Shéol ? »

    Une note nous explique : «  Le contexte exige d’interpréter ce v. 14 comme une menace. Les deux premières questions appellent une réponse négative, les deux suivantes sont un appel invitant la mort et le Shéol à envoyer ses fléaux sur le peuple rebelle. Saint Paul cite ce texte pour annoncer que la mort est vaincue, 1 Cor 15 55 ; mais il l’interprète selon les usages de son temps où l’on ne craignait pas (sic) d’isoler une phrase de son contexte. »

    Bref, on savait déjà que la tradition chrétienne à partir de Tertullien est dans l’erreur, à cause de son exégèse absurde, voici donc que cela commence avec saint Paul…

    En réalité, saint Paul se contentait de citer le véritable texte de la Bible selon la Septante. Où il n’y a pas deux premières questions, mais deux affirmations : « Je les tirerai des mains de l’enfer, et je les délivrerai de la mort », suivies de ces deux questions reprises par saint Paul et qui sont donc des exclamations de la victoire contre la mort : « ô mort, où est ta victoire ? ô enfer, où est ton aiguillon ? »

    Pour faire bonne mesure, ajoutons que, au début du chapitre 11, Dieu dit par la bouche d’Osée : « et d’Egypte j’appelai mon fils ». Il y a ici une longue note, qui ne fait pas la moindre allusion au fait que ce verset est cité explicitement par saint Matthieu comme une prophétie de la fuite en Egypte et du retour d’Egypte…

    Mais la citation existe bien. Bref, c’est à partir de l’Evangile que l’exégèse commence à errer… Et il a fallu attendre le XXe siècle pour savoir que tout cela était bidon.

    Cette traduction et ces notes sont a priori de « E. Osty PSS », autrement dit du chanoine Osty qui a par ailleurs donné une traduction complète de la Bible sous son nom. Et dans « sa » Bible, pour Osée 6, 1-2, c’est pire. Car après l’indication sur le « court laps de temps », il ajoute : « L’expression est peut-être empruntée au culte d’Hadad, dieu qui ressuscitait trois jours après sa mort ». Sic.

    Ce que n’ose pas dire le chanoine Osty, ni aucun de ses confrères de l’exégèse moderne, c’est que l’exégèse qui a toujours été celle de l’Eglise n’a pas commencé avec Tertullien, ni avec saint Paul, ni même avec saint Matthieu. C’est le Christ lui-même qui en a donné le principe, sur le chemin d’Emmaüs : « Et, commençant par Moïse et tous les prophètes, il leur interprétait dans toutes les Ecritures ce qui était dit de lui. » Ce qu’il avait déjà fait à maintes reprises, notamment en montrant comment David avait prophétisé à son sujet, dans des psaumes qui pour nos doctes exégètes ne sont pas de David et ne parlaient pas du Christ…

  • 21e dimanche après la Pentecôte

    La parabole que conte Jésus dans l’évangile de ce dimanche est une illustration de ce qu’il vient de répondre à Pierre qui lui demandait si l’on devait pardonner jusqu’à sept fois. Jésus lui a répondu qu’on ne doit pas pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois. Le nombre 7 multiplié par 10 puis par lui-même ne donne pas un nombre mais une indéfinité : on doit toujours pardonner, sans aucun calcul d’aucune sorte. Comme Dieu pardonne.

    Alors Jésus raconte la parabole de cet « homme roi » qui découvre qu’un serviteur lui doit 10.000 talents. Aujourd’hui cela ne nous dit rien. Mais pour Pierre et les autres apôtres, la somme est inimaginable. Du reste aucun serviteur ne peut devoir 10.000 talents : l’équivalent d’au moins 60 millions de deniers, quelque chose comme 25 à 30 tonnes d’argent, cinquante fois plus que les impôts perçus par Hérode. Ces 10.000 talents sont l’équivalent du « 70 fois 7 fois ». Du reste, le mot grec pour dire 10.000 est le mot qui a donné « myriade ». Et déjà en grec, s’il voulait bien dire 10.000, il signifiait souvent « innombrable ». Comme on le voit aussi dans la première épître aux Corinthiens : « Dans l’église, j’aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d’instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue ». Et la « myriade » d’hommes dont il est question au premier verset du chapitre 12 de l’évangile de saint Luc en grec a été traduit dans la Vulgate par « multis ».

    Donc les apôtres ont aussitôt compris que Jésus parlait d’une dette incommensurable, d’autant qu’ils venaient d’entendre les « 70 fois 7 fois » du pardon : il ne parlait pas d’une dette d’argent, mais de celle du Pater : « dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ».

    Ce que confirme la suite de la parabole, puisque celui qui se reconnaît débiteur insolvable de « l’homme roi » refuse de remettre sa dette à son compagnon qui lui doit 100 deniers. Soit six cent mille fois moins. Et toutefois ce n’est pas rien : c’est plus de trois mois de salaire d’un ouvrier. Car il faut garder en tête qu’on parle du pardon des offenses. Jésus ne parle pas du pardon des offenses les plus minimes, mais de vraies offenses, qui font vraiment mal.

    En bref, si tu n’arrives pas à pardonner une offense qui, convertie en frappe au porte-monnaie, équivaut à trois mois de salaire, comment veux-tu que Dieu te pardonne tes péchés, qui sont incommensurables, parce que tout péché est une blessure infligée à la bonté et à la beauté infinies de Dieu.

    Et, in fine, Jésus insiste : il ne s’agit pas de pardonner en paroles, du bout des lèvres, ou en faisant des restrictions mentales, mais « de tout son cœur ». Comme « l’homme roi » avait remis sa dette au serviteur parce qu’il avait été ému par sa supplication. Le grec emploie le verbe formé sur le mot splagkhna, qui veut dire entrailles, et spécifiquement les entrailles de la mère, traduisant l’hébreu rahamim, qui est la plus profonde miséricorde. Quand nous demandons pardon à Dieu, il en est remué dans ses entrailles maternelles. Puisque nous devons être parfaits comme notre Père céleste est parfait, nous aussi devons faire miséricorde à celui qui nous a blessé. Comme une mère, sans compter.

  • 19e dimanche après la Pentecôte

    La parabole des invités aux noces, chez saint Matthieu, ressemble beaucoup à une parabole, également des invités aux noces, chez saint Luc, mais elle est aussi très différente. Ou bien saint Luc a coupé le milieu et la fin, ou bien ce sont deux paraboles distinctes à partir de la même image du roi offrant un banquet pour les noces de son fils.

    Il semble bien que la seconde solution soit la bonne. Car si l’on examine le texte de saint Matthieu, on constate que la parabole comporte deux parties. La première contient une reprise, spécialement dramatique dans le contexte, de la parabole des vignerons homicides, que saint Matthieu venait de rapporter. Dans cette parabole, Jésus annonçait que la vigne serait enlevée aux mauvais vignerons, qui seraient tués, et donnée à d’autres vignerons, et il dit explicitement que le royaume de Dieu sera enlevé aux juifs et donné aux païens.

    Dans la parabole des invités aux noces, la réaction des invités, qui tuent les envoyés, comme du roi qui brûle leur ville, paraît pour le moins très excessive. C’est un rappel de ce qu’il venait de dire et en même temps une explication de la parabole : les juifs sont invités, mais ils tuent les envoyés, eh bien moi je vais détruire leur ville : c’est une première annonce de la ruine de Jérusalem.

    Et cette première partie de la parabole se termine comme celle de saint Luc : allez par les chemins et faites entrer tous ceux que vous trouverez.

    A cela près que saint Matthieu précise : les serviteurs rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais et les bons.

    Cela montre que la parabole de saint Matthieu, jusqu’ici, a un aspect historique, un peu à la façon des vignerons homicides, mais en se concentrant sur la venue du Fils. Les juifs le rejettent et le tuent, leur ville est détruite, les païens sont conviés à entrer dans l’Eglise, bons et mauvais, bon grain et ivraie.

    Mais ici vient ce que certains appellent la seconde parabole, qui est plutôt une seconde partie : on passe de l’Eglise (de la terre) au Royaume. Où les mauvais ne sont pas admis. Ils ont eu tout le temps de s’amender quand ils étaient dans l’Eglise. Mais voici que le temps se renverse en éternité, où seul est admis le vêtement de noces. On remarque un intéressant changement de vocabulaire. Dans la première partie, les « serviteurs » sont en grec des douloi, en latin des servi, c’est-à-dire des esclaves. Dans la deuxième partie, les « serviteurs », qui sont a priori les mêmes, sont en grec des diakonoi, en latin des ministri : des ministres (du culte), des diacres (le mot grec désignait déjà des agents des cultes païens), des assistants du grand prêtre de la liturgie céleste.

    NB. Aujourd'hui, à la demande de l'évêque d'Islamabad, c'est une journée mondiale de prière pour Asia Bibi, qui est en prison depuis juin 2009, condamnée à mort en première instance en novembre 2010, dont la condamnation a été confirmée en appel avant-hier, et qui demeure d'une inébranlable fermeté dans la foi catholique.

    Le mari d'Asia Bibi, Ashiq Masih, avec deux de leurs cinq enfants et Shahbaz Bhatti, alors ministre, assassiné le 2 mars 2011 :

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    Les trois filles d'Asia Bibi avec une photo de leur mère :

    3 filles.jpg

  • Une perle de la Bible de Jérusalem

    Le dernier verset du discours d’Eliphaz au chapitre 22 de Job, selon la Bible de Jérusalem :

    « Il délivre même celui qui n’est pas innocent : il sera délivré par la pureté de tes mains. »

    Il y a une note :

    « On suit le TM [texte massorétique] en comprenant ‘î comme une négation (non attestée en hébreu biblique) ou en supposant que le n final serait tombé par haplographie devant naqî. Les versions ont lu ‘îsh et interprété : “il délivre l’homme innocent… par la pureté de ses mains”, ce qui semble mieux en accord avec la pensée traditionnelle, exprimée par Eliphaz. »

    Donc, les traducteurs de la Septante et saint Jérôme pour la Vulgate latine avaient un texte hébreu que l’on comprenait sans problème et qui était la conclusion logique du discours d’Eliphaz. Mais nous avons décidé de suivre, coûte que coûte, le texte massorétique des rabbins des IX-Xe siècles. Lequel est incompréhensible. Eh bien il suffit de demander aux rabbins : ils expliquent qu’en fait ‘î est une négation, même si on ne voit ça nulle part ailleurs, ou bien qu’il y a une lettre qui a disparu, et donc on donne comme traduction, la bouche en cœur, un texte qui contredit tout ce qu’on vient de lire, et qui est en outre choquant pour tout chrétien (et pour tout croyant en général), puisqu’il prétend que Dieu sauvera (il s’agit bien de salut, y compris dans le « TM », même si la Bible de Jérusalem tente, en outre, d’affaiblir le sens des mots) « celui qui n’est pas innocent », c’est-à-dire le pécheur non repenti.

    La Septante dit :

    ῥύσεται ἀθῷον, καὶ διασώθητι ἐν καθαραῖς χερσίν σου.

    Il délivrera l’innocent, oui, qu’il soit sauvé par ses mains pures.

    Et la Vulgate :

    Salvabitur innocens : salvabitur autem in munditia manuum suarum.

    L’innocent sera sauvé : oui, il le sauvera par la pureté de ses mains.

    On signalera enfin que « Il délivre même celui qui n’est pas innocent » est censé traduire trois mots hébreux (dont le mystérieux ‘î qui voudrait donc dire : « même celui qui n’est pas »…)

  • 13e dimanche après la Pentecôte

    L’évangile est celui des dix lépreux que Jésus envoie aux prêtres. En chemin les dix sont guéris, mais un seul, un Samaritain, revient remercier Jésus.

    Cet évangile n’est pas une leçon de politesse. C’est l’un des nombreux paradoxes de la Sainte Ecriture, de ces paradoxes qui forcent l’attention et la réflexion.

    Jésus envoie les lépreux se montrer aux prêtres, pour qu’ils suivent les rites prescrits par la Loi. Les dix lépreux obéissent, et s’en vont donc se montrer aux prêtres. En chemin ils sont subitement guéris. Les neuf juifs continuent leur chemin, ils continuent d’obéir au Christ en allant voir les prêtres qui vont constater juridiquement leur guérison et leur faire suivre les rites prescrits par la Loi pour les lépreux purifiés. Le dixième est un Samaritain, qui ne suit pas la Loi comme les juifs, et qui n’ira certainement pas voir les prêtres des juifs. Donc il désobéit au Christ en revenant sur ses pas. Et Jésus loue son attitude, et condamne ceux qui lui ont obéi.

    Une fois encore c’est un Samaritain qui montre la voie. Et, comme dans l’épisode précédent dit du « bon Samaritain », il peut le faire parce qu’il n’est pas soumis aux prescriptions de la pureté rituelle.

    Dans l’épisode du « bon Samaritain », il est clair que le Samaritain est le Christ lui-même. Il montre qu’il est au-dessus de la Loi de Moïse, il montre qu’au-delà des prescriptions rituelles il y a la présence de Dieu, qui seule compte. Dieu fait homme rend vaines les prescriptions de la Loi pourtant données par Dieu.

    Le Samaritain « se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus, et il lui rendit grâce ». En grec : eucharistein.

    Telle est la prescription de la Loi nouvelle : nous devons aller au temple nous montrer aux prêtres, comme dans la Loi ancienne, mais c’est pour rendre grâce, pour célébrer l’eucharistie, pour nous jeter aux pieds du Seigneur qui est réellement présent dans le temple, sur l’autel, comme il était présent à la frontière de Samarie et de Galilée. Comme le Samaritain, nous revenons, nous retournons vers Jésus, pour « rendre gloire à Dieu », afin que Jésus nous dise à nous aussi : « Lève-toi, va, ta foi t’a sauvé. » Le grec le dit dans un seul mouvement : « te levant va », et le premier verbe est celui de la résurrection : anastas.

  • 9e dimanche après la Pentecôte

    Et comme il approchait de Jérusalem, voyant la cité, Jésus pleura sur elle.

    Jésus vient de Béthanie, par le mont des Oliviers. Béthanie, où il a pleuré la mort de son ami Lazare avant de le ressusciter. Le mont des Oliviers, où il sera triste à en mourir, et où son corps lui-même tout entier pleurera des larmes de sang.

    Jésus descend du mont des Oliviers, du mont de l’Agonie, pour remonter, au-delà du Cédron, vers Jérusalem, vers le Temple du Dieu vivant.

    C’est le triomphe des Rameaux, mais Jésus descend dans la mort. Puis il ressuscite et entre dans le Temple de sa gloire, maison de prière qu’il débarrasse de tout négoce du monde des mortels.

    Pleurant sur Jérusalem, Jésus annonce de façon précise la destruction de la ville sainte par les Romains. Parce qu’elle n’a pas connu le temps où elle a été visitée. Jésus ne pleure pas sur les pierres mais sur les âmes. Or une autre Jérusalem va succéder à la première : l’Eglise. Dont nous sommes les membres. Origène : « Nous sommes nous-mêmes la Jérusalem sur laquelle le Seigneur pleure : quand malgré la connaissance de l’Evangile, l’enseignement de l’Eglise et ses sacrements, l’un de nous vient à pécher, il y a lieu de gémir et de pleurer sur lui. »

    C’est sur nous que pleure Jésus. Mais nous pouvons encore connaître le temps de sa visitation. Nous pouvons connaître aujourd’hui, in hac die, ce qui nous donnera la Paix, Celui qui est notre paix.

  • Le psaume 28

    Le psaume 28 est un des textes les plus extraordinaires du psautier. Déjà il attire l’attention par son style particulièrement archaïque, avec ses sept propositions sans verbe commençant par « Vox Domini » : voix du Seigneur. On remarque aussi que le nombre se décompose en 2 et 8 : il insiste donc sur le caractère christique du psaume : 8, nombre du Christ, 2, nombre du Christ aussi par les deux natures et les deux préceptes de la charité. En outre, 2+8=10, les dix commandements. 28, c’est aussi 4x7 (le 4 de la création : membres de l’homme, éléments, points cardinaux ; le 7 de la totalité de la création par la Trinité). Et encore, le nombre 28 est un nombre parfait. Le nombre parfait est celui qui est le même que la somme de ses diviseurs. Les deux premiers nombres parfaits sont 6 (1+2+3) et 28 (1+2+4+7+14), et tous les suivants se terminant par 6 ou 28. (6 est un nombre parfait parce que la création a été faite en 6 jours et qu’elle a été refaite par le Christ crucifié le 6e jour à la 6e heure.)

    Enfin, en opérant ce qu’on appelle une agrégation, c’est-à-dire en additionnant les chiffres à partir de 1, on s’aperçoit qu’on arrive à 28 quand on a tout additionné jusqu’au 7 (1+2+3+4+5+6+7). Or dans le psaume 28 il y a sept fois la « Voix du Seigneur ». Ce psaume a été logiquement choisi pour être le premier psaume des matines de l’Epiphanie : la voix du Seigneur sur les eaux. C’est donc de ce point de vue le psaume du baptême du Christ, qui est l’un des mystères de l’Epiphanie, et le premier que célèbrent les matines, comme on le voit aussi par les deux premiers répons. Baptême où l’on voit le Saint-Esprit venir sur Jésus sous l’apparence d’une colombe, et donc apporter ses sept dons : le 7 de l’agrégation qui fait 28, et qui multiplié par 4 faire encore 28.

    Mais ce psaume est aussi un psaume de l’Epiphanie, de la Manifestation divine, par sa façon de révéler le Dieu caché en son centre même.

    Car il est construit comme une double boîte, qui renferme un trésor : le Christ qui attend qu’on aille le chercher.

    psaume 28.jpg

    La première boîte est constituée par les deux premiers et les deux derniers versets.

    Dans les deux premiers versets, on a quatre fois l’expression « Apportez au Seigneur ». Dans les deux derniers versets, on a quatre fois le mot « le Seigneur » comme sujet de quatre actions. Quatre et quatre font huit, le huit qui est le nombre du Christ.

    Ce huit se divise donc en deux. On ouvre la boîte, et l’on trouve les versets centraux, qui comportent sept fois l’expression « Voix du Seigneur » (1).

    Sept est le nombre de la perfection. Il est constitué de 4 et 3. Or il y a d’abord quatre fois la « voix du Seigneur », puis un verset qui ne comporte pas cette expression, puis trois fois la « voix du Seigneur ».

    On ouvre la seconde boîte, divisée en quatre et trois. Et l’on découvre « le bien-aimé ». Qui était annoncé par la boîte quatre et trois, puisque quatre est le nombre de l’homme et trois le nombre de Dieu : le bien-aimé est le fils de l’homme et le fils de Dieu. Et le bien-aimé était annoncé dès la première boîte, puisque huit est le nombre du Christ.

    Au cœur de ce psaume, de façon un peu décalée à cause de la dissymétrie du nombre 7, mais au centre exact si l’on ajoute une doxologie, on a donc le bien-aimé. Le bien-aimé qui est comme un fils de licornes. Ou plutôt « comme le fils des licornes ». Le fils unique de toutes les licornes. C’est-à-dire Celui qui concentre en sa personne toute la puissance de toutes les licornes (de toutes les « cornes uniques »), or la licorne est le symbole de la puissance, la puissance à l’état brut, qui peut servir pour le bien comme pour le mal, pour persécuter le fils de l’homme, comme dans le psaume 21, ou qui est l’exaltation même du fils de l’homme, du bien-aimé, au centre de ce psaume, au milieu de l’orage apocalyptique de Dieu qui se rend présent.

    Ce psaume est d’autre part un psaume de sacrifice. Les « afferte » du début sont des appels à apporter l’animal du sacrifice : des petits de béliers, précise le premier verset. Le dernier verset nous donnera le fruit du sacrifice : la puissance, la bénédiction et la paix. Au centre du psaume a eu lieu le sacrifice : celui du Bien Aimé, bien plus que fils de bélier, fils de licornes.

    (1) « Quand il cria, les sept tonnerres firent entendre leurs voix. Et quand les sept tonnerres eurent fait entendre leurs voix, j'allais écrire ; et j'entendis du ciel une voix qui disait : Scelle ce qu'ont dit les sept tonnerres, et ne l'écris pas » (Apocalypse 10, 3-4).

    Traduction française

    Apportez au Seigneur, fils de Dieu, apportez au Seigneur les fils des béliers.

    Apportez au Seigneur gloire et honneur, apportez au Seigneur la gloire de son nom, adorez le Seigneur en son saint parvis.

    Voix du Seigneur sur les eaux : le Dieu de majesté a tonné, le Seigneur au-dessus des grandes eaux.

    Voix du Seigneur en force, voix du Seigneur en magnificence.

    Voix du Seigneur brisant les cèdres ; et il brisera, le Seigneur, les cèdres du Liban.

    Et il les mettra en pièces comme le veau du Liban, et le bien-aimé est comme un fils de licornes.

    Voix du Seigneur fendant la flamme de feu, voix du Seigneur qui ébranle le désert, et le Seigneur agitera le désert de Cadès.

    Voix du Seigneur préparant les cerfs, et elle mettra à nu les forêts. Et dans son temple tous diront sa gloire.

    Le Seigneur fait habiter le déluge, et le Seigneur siégera, roi pour l’éternité.

    Le Seigneur donnera la force à son peuple, le Seigneur bénira son peuple dans la paix.

  • 2e dimanche après la Pentecôte

    « Hora cœnæ », à l’heure de la cène, dit l’évangile, « l’homme » envoie son esclave dire aux « invités » (le mot grec veut d’abord dire appelés) de venir, car tout est prêt. Le mot grec pour dire le « souper », le « banquet », le « festin », dont il est question dans la parabole, est aussi celui qui désigne la « cène », et que la liturgie de saint Jean Chrysostome utilise dans la prière qui précède immédiatement la communion : « A votre cène mystique faites-moi communier aujourd’hui, ô Fils de Dieu… » et que le chantre proclame comme un héraut, sur un ton élevé : « Tou dipnou sou tou mystikou… » (on remarquera le jeu des voyelles, comme une sorte d’appel en morse : ou-i-ou-ou, ou-i-i-ou).

    Aujourd’hui, oui, et plus précisément à cette heure-ci, cette heure même. C’est maintenant le « kairos », le temps opportun, le temps favorable, c’est maintenant le jour du salut (II Cor. 6,2). Il est donc urgent d’accourir au divin festin. Qui ne s’y précipiterait pas ?

    Or voici qu’aucun des invités ne se déplace. Ils ont tous une « excuse » pour ne pas participer à la communion avec les personnes divines dans le Royaume. Ils rejettent l’invitation, ils rejettent l’appel du Ciel éternel pour répondre aux appels de la terre éphémère. L’auditoire de Jésus comprend aussitôt qu’il s’agit de chefs du peuple élu.

    « L’homme » alors dit à son esclave de se dépêcher d’aller sur les places et dans les rues chercher les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux : ce sont ceux du peuple qui ont accueilli la Parole, les pauvres et les malades.

    Mais il y a encore de la place. Alors « l’homme » demande à son esclave d’aller hors de la Ville, et de « contraindre les gens d’entrer » pour que la maison soit remplie. C’est le fameux « compelle intrare » qui a fait couler beaucoup d’encre… et de sang, quand il a été utilisé politiquement pour réprimer les hérétiques et « faire entrer » les païens. Cette interprétation ne cadre ni avec le contexte immédiat ni avec le contexte général de l’évangile de saint Luc. Cette contrainte est celle de l’amour, de la prévenance, de l’ami qui m’a « contraint » à venir avec lui au meilleur restaurant, et qui m’a « obligé » à accepter un somptueux cadeau. Ces gens qui sont « dans les chemins et le long des haies », ils sont sales et mal habillés, leur premier réflexe est de refuser d’entrer dans une salle de banquet, ils ont honte de leur tenue, c’est pourquoi il faut les « contraindre » à entrer. On est en plein dans l’évangile de la miséricorde, qui est l’évangile de saint Luc : entrez vite, c’est l’heure, il n’est plus temps de tergiverser, le Seigneur vous attend, tels que vous êtes, salis d’avoir trop traîné dans les chemins boueux du monde, dans les haies du paganisme, souillés par vos péchés. Entrez seulement, le Seigneur se charge de tout. (Où l’on voit que ce n’est pas la même parabole qu’en saint Matthieu, malgré les grandes ressemblances.)