Emitte Agnum, Domine, dominatorem terræ, de petra deserti ad montem filiæ Sion.
Tel est le premier verset du chapitre 16 d’Isaïe : « Seigneur, envoyez l'Agneau dominateur de la terre, de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion. »
Ce verset se trouve dans le Rorate caeli, qui est le chant par excellence de l’Avent. Il fait aussi l’objet d’un verset et d’un répons de la liturgie de l’Avent.
Car bien sûr cet Agneau, celui qu’annonce Jean-Baptiste et que l’on retrouve dans l’Apocalypse, est le Christ qui vient du désert où il est tenté pour monter à Jérusalem où il régnera par la croix.
Mais la Bible de Jérusalem traduit : « Envoyez l’agneau du maître du pays, de Séla, située vers le désert, à la montagne de la fille de Sion. »
Et il y a une note qui dit ceci :
« Texte difficile et diversement interprété. Il semble que les Moabites, menacés par l’invasion, cherchent à se mettre sous la protection du roi de Juda ou à trouver chez lui un refuge. L’agneau envoyé serait un signe de soumission, cf. 2R 3,4. En traduisant : “Envoie, Seigneur, l’agneau souverain de la terre”, s. Jérôme propose pour ce passage une interprétation messianique. »
Donc l’individu Jérôme, néanmoins canonisé, a « proposé » une traduction messianique. Comme si c’était une fort étrange proposition. Alors qu’il s’agit d’un texte messianique. De ces textes dont Jésus montrait aux pèlerins d’Emmaüs qu’ils parlaient de lui. Mais les spécialistes ne veulent pas le savoir. Et la note omet soigneusement de préciser que toute la tradition patristique et liturgique latine a ainsi compris le verset.
Puisqu’on refuse l’évidence, le texte devient « difficile ». Puisqu’on ne veut pas voir le Christ, on se rabat sur les Moabites. Mais l’explication est tout simplement grotesque. En quoi l’envoi d’un agneau serait-il un signe de soumission ? Quand un roi voulait la protection d’un voisin, il lui envoyait de l’or, ou de grosses quantités de blé et d’huile, ou des troupeaux. L’envoi d’un seul agneau aurait été vu comme une minable provocation. La Bible de Jérusalem se donne, en outre, le ridicule de renvoyer au deuxième livre des Rois. Or que lit-on dans le verset en question ? Que le roi de Moab (au siècle précédent) livrait en tribut annuel au roi d’Israël 100.000 agneaux et 100.000 béliers…
C’est pourquoi de nombreuses traductions mettent « agneau » au pluriel, en faisant semblant de voir un collectif qui n’a pas lieu d’être ici.
D’autre part, si la Bible de Jérusalem, et d’autres, parlent de « l’agneau du maître », d’autres disent que c’est l’agneau qu’on envoie au maître… Il faut à tout prix éviter de dire que c’est l’Agneau, le Maître…
Commentaires
Vos commentaires sur la Bible sont du plus grand intérêt. Merci beaucoup !
Oui merci beaucoup. Ce type d'explication exégétique est un très grand "plus" de ce blog.
Sans même parler du sens il faut relire 10 fois cette traduction pour comprendre quelque chose ... (alors que la traduction de Saint Jérôme est tellement limpide)