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Ecriture sainte - Page 11

  • Osty et les psaumes

    L’exégèse historico-critique conduit le prêtre ou le religieux qui s’y livre à une singulière impasse. Ou à la schizophrénie. En effet, l’office divin est essentiellement constitué par les psaumes. Or (voir ma note précédente), si l’on considère que l’horizon des psaumes est limité « à l’horizon juif », ou bien on se met dans la peau d’un juif de l’Ancien Testament pour dire les psaumes, et cela n’a plus rien à voir avec l’office divin, ou bien on dit l’office en considérant que ces mêmes psaumes dont je prouve, moi le grand exégète contemporain, qu’ils ne dépassent pas l’horizon juif changent de nature quand ils sont dans l’office divin et se mettent étrangement à parler du Christ et de l’Eglise, de la prière et de la vie éternelle…

    Il y a une autre solution, c’est abandonner l’office divin, pour éviter la schizophrénie. Ou pour éviter de perdre son temps à dire des vieux textes qui sont certes intéressants mais limités à l’horizon juif.

    Je ne sais pas si le chanoine Osty avait abandonné l’office divin, mais dans sa présentation des psaumes il y a une phrase très curieuse. C’est quand il évoque les versets d’imprécation contre les ennemis. Versets qu’il prend bien sûr au premier degré, conformément à ses principes, sans même considérer que dès l’origine il s’agit de textes liturgiques. Et au premier degré ces versets sont insupportables (c’est pourquoi ils ont été supprimés dans ce qui sert aujourd’hui d’office divin : on ose censurer la prière que Dieu nous donne). Osty écrit, après avoir évoqué la grande malédiction du psaume 108 (psaume qui a été entièrement supprimé) :

    Le prêtre catholique, qui la lisait jadis au bréviaire, ne le faisait jamais sans protestation intérieure.

    Jamais ? Osty, comme ses semblables, n’a donc jamais lu une ligne des commentaires des psaumes par les pères de l’Eglise, il n’a jamais lu une ligne des pères du désert qui avaient déjà tout dit sur les psaumes imprécatoires qui concernent évidemment le combat, le rude combat, contre les démons et les vices.

    Mais le plus intrigant est ailleurs. C’est le mot « jadis ». Osty écrit cela avant mai 1973 (date de l’imprimatur de sa Bible, qui n’est pas donné du jour au lendemain). La première édition du nouvel office, la « Liturgia horarum », est d’avril 1971. Donc, selon Osty, 1971, par rapport à 1973, ou plus vraisemblablement 1972, c’était « jadis »…

  • Messianisme limité

    L’évangile de ce jour est celui de l’Annonciation : « Et le nom de la vierge était Marie… »

    Il y a dans la Bible Osty une note qui est un exemple particulièrement remarquable de la malfaisance de l’exégèse historico-critique, puisqu’on y voit cette exégèse dévoyée affirmer l’inverse de ce que dit l’exégèse traditionnelle (selon l’évidence des textes) et contredire (une fois de plus) ce qu’enseigne explicitement le Christ.

    Il s’agit de Luc 1, 32-33, quand l’ange dit que l’enfant qui naîtra de Marie s’appellera Jésus : « Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Et le Seigneur Dieu  lui donnera le trône de David son père, et il régnera sur la maison de Jacob pour [tous] les siècles, et son règne n’aura pas de fin. »

    Telle est la traduction Osty. Soulignons que l’expression traduite par « pour [tous] les siècles » veut clairement dire éternellement, d’où le « in aeternum » de la Vulgate. Mais il faut atténuer le sens originel pour que la démonstration historico-critique puisse avoir l’air de fonctionner.

    Voici la note :

    Les paroles de l’ange, qui s’inspirent de divers passages de l’AT (2 Sam 7,12-16 ; Is 9,6 ; Mic 4,7 ; Dan 7,14), évoquent un messianisme limité à l’horizon juif.

    Or, s’il en est ainsi, l’ange – donc Dieu dont l’ange n’est que le messager – ment. Puisque, « à l’horizon juif », il est bien clair que Jésus n’est pas monté sur le trône de David et qu’il n’a pas régné sur la maison de Jacob. Osty parle comme les apôtres qui attendaient que Jésus prenne le pouvoir. Il n’a pas remarqué que Jésus leur a répondu…

    L’exégèse traditionnelle a toujours montré qu’en effet les paroles de l’ange renvoient à des textes de l’Ancien Testament. Ces paroles ont même tellement l’air « décalées » par rapport à l’Evangile, qu’elles prennent une saveur archaïque, celle-là précisément des textes de l’Ancien Testament. Saint Luc insiste ainsi sur le fait que les prophéties vont s’accomplir. Celles que signale Osty, mais aussi le grand psaume 88 qu’il oublie, et qui est ici essentiel :

    J'ai élevé celui que J'ai choisi du milieu de Mon peuple. J'ai trouvé David, Mon serviteur; Je l'ai oint de Mon huile sainte. Car Ma main l'assistera, et Mon bras le fortifiera. L'ennemi n'aura jamais l'avantage sur lui, et le fils d'iniquité ne pourra lui nuire. Et Je taillerai ses ennemis en pièces devant lui, et Je mettrai en fuite ceux qui le haïssent. Ma vérité et Ma miséricorde seront avec lui, et par Mon Nom s'élèvera sa puissance. Et j'étendrai sa main sur la mer, et sa droite sur les fleuves. Il m'invoquera: Vous êtes mon Père, mon Dieu, et l'auteur de mon salut. Et Moi, Je ferai de lui le premier-né, le plus élevé des rois de la terre. Etc. (traduction Fillion)

    Tout au long de l’Ancien Testament, Osty a rejeté les prophéties messianiques au sens chrétien du terme. Il a toujours souligné, dans ses notes, que ces prophéties ne concernaient que « l’horizon juif » et temporel, et que ce sont des « hyperboles ». De même qu’il souligne toujours, de façon réellement obsessionnelle, dans les livres sapientiaux, chaque fois qu’il y a une allusion (déjà atténuée par les massorètes ou atténuée par la traduction) à un jugement de Dieu et à une rétribution dans l’au-delà, qu’on ne peut jamais interpréter ainsi, et qu’il s’agit toujours de ce qui se passe sur cette terre, car à l’époque historique où ces textes ont été écrits il n’y avait pas d’autre doctrine sur l’au-delà que le « shéol » où les morts sont tous de tristes ombres. Au nom du contexte historique, il refuse aux auteurs sacrés la possibilité de prophétiser ce qui les dépasse, il refuse à Dieu, tout simplement, d’inspirer les auteurs sacrés. (Telle est l’exégèse historico-critique, qui traite de la Sainte Ecriture comme de vieux articles de journaux.)

    Il a tellement fait cela dans l’Ancien Testament qu’il ose continuer, imperturbablement, dans le Nouveau. Il rejetait (comme tous ses semblables) la prophétie spirituelle dans l’Ancien Testament, il projette ce refus dans le Nouveau Testament et refuse à l’ange ce qu’il refusait aux prophètes.

    Il projette l’Ancien Testament tronqué de sa vraie valeur spirituelle dans le Nouveau pour le tronquer également (et pour rendre absurde le récit de l’Annonciation). Alors que la véritable exégèse se saisit de ce que dit l’ange dans le Nouveau Testament pour montrer que ces paroles concernent bien le Christ qu’annonçaient les prophètes dans l’Ancien.

    Comme d’habitude, il ne craint pas de contredire frontalement le Christ parlant aux pèlerins d’Emmaüs :

    Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.

  • Quand Osty sèche

    Et il leur disait : Amen, je vous dis qu’il y en a certains de ceux qui se tiennent ici qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le royaume de Dieu venu avec puissance.

    Ce propos du Christ (ici traduit de saint Marc 9,1 dans le texte grec, 8,39 dans la Vulgate) se trouve chez les trois synoptiques juste avant le récit de la Transfiguration. Je découvre avec stupéfaction cette note du chanoine Osty (dont l’opinion doit sans doute être partagée par la plupart des exégètes modernes) :

    « Interprétation difficile. De quelle “venue” s’agit-il ? effusion de l’Esprit Saint et rapide diffusion du christianisme, chute de Jérusalem centre du judaïsme ? »

    Aucune allusion au fait que les pères ont expliqué que Jésus annonçait ce qui allait se passer « après six jours » : la Transfiguration, où en effet trois apôtres virent « le royaume de Dieu venu avec puissance », Jésus dans sa gloire céleste, comme il viendra à la fin du temps pour instaurer avec puissance le Royaume.

    Cette interprétation est tellement traditionnelle qu’Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, à une époque où il n’y avait ni chapitres ni versets, indique dans ses canons de concordance que l’épisode de la Transfiguration, chez les trois synoptiques, commence par ce propos du Christ. Il était donc déjà admis par tous, à cette époque, que la prophétie de la venue dans la gloire concernait la Transfiguration.

    Certes, chacun peut chercher une autre interprétation, mais ce qui est ahurissant est d’écarter d’emblée (sans même le dire) l’interprétation traditionnelle, pour dire qu’on ne sait pas ce que ça veut dire…

    *

    Ensuite, Osty traduit: « Et, six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, et Jacques, et Jean, et les emmène sur une haute montagne, à l'écart, seuls. Et il fut transformé devant eux. »

    Et il met en note: « Cette "transformation", appelée souvent "Transfiguration", consiste dans l'abandon momentané de la "forme" d'homme, remplacée par une autre "forme" (...) par "forme" il faut entende la manifestation visible de la nature invisible. »

    Ainsi doit-il se livrer à une explication poussive et embrouillée pour justifier une traduction qui ne se justifie pas. Dès les premières traductions latines on avait "transfiguratus est". Le verbe grec est "métamorphoo", et le dictionnaire Bailly, qui n'est pas un dictionnaire catholique mais de l'université laïque, traduit par "métamorphoser", et, « au passif, être transfiguré »...

  • 15e dimanche après la Pentecôte

    Jésus, accompagné de ses apôtres et d’une grande foule, arrive à Naïm. Il croise un convoi funéraire, accompagné d’une grande foule de la ville.

    A Naïm, le grand cortège de la vie croise le grand cortège de la mort, pour que le grand cortège de la mort devienne le grand cortège de la vie.

    C’est pourquoi il y a un curieux effet de miroir, qui apparaît très clairement dans le texte grec. Il y est dit en effet que le jeune homme mort est υἱὸς μονογενὴς, yios monogenés, « fils monogène », or c’est une expression qui désigne le Christ, dans le prologue de saint Jean et dans la liturgie byzantine. C’est Jésus qui est le vrai Fils monogène du Père, qui va ressusciter le « fils monogène de sa mère ». Il prophétise ainsi sa propre résurrection, en même temps que la résurrection de tous ceux qui seront devenus fils dans le Fils, fils uniques dans le Fils unique.

    On pense à cet autre effet miroir, dans la parabole du bon Samaritain. Qui est mon prochain ? demande le docteur de la Loi. Qui est le prochain de l’homme blessé ? demandera Jésus : le prochain, c’est le Christ-Dieu.

    Il y a un mot identique dans les deux histoires : Jésus, à Naïm, comme le Samaritain sur la route de Jéricho, est « ému dans ses entrailles ». Le verbe σπλαγχνίζομαι, de σπλάγχνον, splanknon, les entrailles, est la traduction du mot hébreu rahamim, les entrailles de la mère, au sens figuré biblique : la miséricorde (et en arabe la miséricorde se dit rahma). La miséricorde divine. C’est Dieu qui est remué jusqu’au fond de ses entrailles par le malheur des hommes. C’est pourquoi il envoie son fils pour partager ce malheur et montrer qu’il y a une issue.

    Saint Luc utilise trois fois ce mot : lorsque le Samaritain voit l’homme blessé, lorsque Jésus voit le jeune mort de Naïm, lorsque le père voit revenir le fils prodigue : un résumé de l’évangile de saint Luc vu comme « évangile de la miséricorde ».

    Et dans le Benedictus, Zacharie a chanté « les entrailles de la miséricorde de notre Dieu », ce qui souligne l’origine hébraïque de l’expression, et le fait qu’elle désigne bien la miséricorde de Dieu.

    Saint Luc souligne encore la divinité du Christ en terminant son récit par la même expression, exactement identique, que celle qui se trouve à la fin du récit de la résurrection d’un enfant par Elie : καὶ ἔδωκεν αὐτὸν τῇ μητρὶ αὐτοῦ : « Et il le donna à sa mère. » Mais ce n’est pas Elie qui ressuscite l’enfant, c’est Dieu invoqué par Elie. Or c'est Jésus qui ressuscite le jeune homme en lui disant : Lève-toi (un mot qui exprime aussi la résurrection.) Donc Jésus est Dieu.

    C’est pourquoi c’est la première fois dans son évangile que saint Luc appelle Jésus « le Seigneur », avec l’article : « Le Seigneur (Dieu) l’ayant vue, fut ému dans ses entrailles (divines) », et ressuscita le jeune homme d’une seule parole, le commandement de la résurrection.

  • Saint Pie X

    Le moins qu’on puisse dire est que la messe de la fête de saint Pie X est « datée » (comme celle de saint Joseph le 1er mai). Le prêtre ou le fidèle qui connaît les psaumes n’est plus chez lui – on lui a changé la liturgie. Déjà. Eh oui. C’est une sorte de malédiction. Saint Pie X avait bouleversé le bréviaire de fond en comble, ce qui fut la première révolution liturgique de l’histoire chrétienne, qui ouvrait la voie à d’autres révolutions… Et saint Pie X lui-même allait « réformer » le missel, mais il mourut avant… Pie XII quant à lui avait entrepris de réformer le psautier, sans la moindre considération pour la tradition d’interprétation des psaumes par les pères et les docteurs (mentionnée comme une objection sans importance dans le Motu Proprio In cotidianis Precibus), ni pour le chant ecclésiastique qui ornait la version traditionnelle et ne pourrait pas, dans nombre de cas, s’adapter à la nouvelle version (objection même pas mentionnée dans le Motu Proprio).

    En 1945, Pie XII publia donc son nouveau psautier, élaboré par une commission d’experts (déjà) que dirigeait le cardinal Bea. Psautier établi selon les principes de la « critique textuelle », comme disait le pape lui-même, et qui était censé supprimer les obscurités de l’ancien et dérouler un beau latin classique. L’un des soucis de Pie XII était aussi le rythme. Or il est flagrant que par rapport au vieux psautier le nouveau est heurté, chaotique, et, comme l’ont immédiatement vu les bénédictins, proprement inchantable. Il ne fut accepté à peu près par personne, mais c’est lui qui fut imprimé dans tous les bréviaires jusqu’à… la réforme de Jean XXIII qui ne supportait pas non plus cette version et rétablit (de facto) l’ancienne.

    C’est donc ce psautier aussi qui servit aux messes et offices fabriqués en ce temps-là, dont la messe de saint Pie X.

    Ainsi l’antienne d’introït fait-elle immédiatement dresser l’oreille, car elle commence par une expression qui n’existait pas dans la prière de l’Eglise :

    Extuli electum de populo.

    J’ai élevé celui que j’ai choisi du milieu du peuple.

    Alors que l’on a toujours dit :

    Exaltavi electum de plebe mea.

    J’ai élevé, exalté, celui que j’ai choisi du milieu de mon peuple.

    Tous les textes de la messe sont ainsi, entrecoupés d’expressions traditionnelles qui ont été laissées, pour ne perturber les clercs qu’à moitié ou aux trois quarts…

    Mais toujours dans l’introït le début du psaume 88, tellement connu, tellement utilisé par les auteurs spirituels et les mystiques : Misericordias Domini in aeternum cantabo, est devenu : Gratias Domini in aeternum cantabo. Alors que dans le texte hébreu il s’agit de hesed, toujours traduit en latin par miséricorde. La soi-disant Néo-Vulgate a d’ailleurs rétabli « Misericordias »…

    Un autre exemple, le verset de l’Alléluia, pris du célèbre psaume 22 :

    Paras mihi mensam, inúngis óleo caput meum, calix meus ubérrimus est.

    Tu me prépares une table, tu oins d’huile ma tête, mon calice est très abondant.

    Alors que le psautier traditionnel chante :

    Parasti in conspectu meo mensam ; impinguasti in oleo caput meum : et calix meus inebrians, quam præclarus est !

    Tu as préparé devant moi une table, tu as graissé ma tête avec de l’huile, et mon calice enivrant, comme il est beau !

    « Enivrant » ne figure pas dans le texte hébreu massorétique. Mais il se trouve dans le texte grec, et aussi dans la version de saint Jérôme, donc il se trouvait et dans le texte hébreu des Septante et dans le texte hébreu qu’avait saint Jérôme. Il est donc illégitime de supprimer ce mot, comme l’a fait également la soi-disant Néo-Vulgate. Sauf à considérer que les Massorètes sont l’autorité suprême, même quand ils falsifient le texte pour le rendre moins chrétien. Car c’est bien le cas ici. Cette table c’est la table eucharistique. Et ce calice est enivrant parce que le sang du Christ procure l’ivresse du Saint-Esprit.

    Pas sûr que saint Pie X, le pape de l’eucharistie, eût apprécié cette censure…

  • Une preuve

    Les faussaires de l’exégèse ont réussi à persuader les chrétiens, et même la hiérarchie de l’Eglise, et même les papes (officiellement à partir de Pie XII dans Divino afflante Spiritu) que le texte originel, original et authentique de l’Ancien Testament était le texte hébreu dit massorétique. Ainsi TOUTES les traductions modernes de la Bible sont-elles faites sur le texte massorétique, qui est pourtant… le plus récent des textes anciens de la Bible, puisqu’il date des IXe-Xe siècles de notre ère. Et le moins fiable, puisqu’il a été établi par des rabbins antichrétiens.

    En ce moment je suis en train de comparer les textes du Cantique des cantiques dans la Septante et dans la Vulgate (qui sont les vrais plus anciens textes de la Bible). Et je trouve une preuve, une parmi d’autres, des erreurs des Massorètes, dont quelques-unes sont des falsifications destinées à atténuer ou masquer les prophéties christiques, mais ce n’est pas le cas ici. L’erreur est tellement flagrante qu’elle devrait faire l’objet d’une mise en garde dans les éditions de la Bible.

    Il s’agit du tout début du Cantique des cantiques, chapitre 1, verset 2 (verset 2 parce que le verset 1 est le titre) :

    Qu’il me baise des baisers de sa bouche, parce que tes seins sont meilleurs que le vin.

    AUCUNE traduction moderne de la Bible ne traduit « tes seins » (ici comme dans les autres occurrences). C’est « ton amour », « tes amours », « tes caresses », « tes marques de tendresse », « ta tendresse »… et Chouraqui, toujours original, et sans doute le plus proche du texte massorétique : « tes étreintes ».

    Cette diversité de traduction montre un certain embarras. Car le mot du texte massorétique n’est pas correct. Il se lit « dodeka ». Le suffixe « ka » est l’adjectif possessif masculin pluriel. Mais le mot « dod » ne s’utilise qu’au singulier. Pour désigner l’acte sexuel. Alors certains « spécialistes » inventent qu’il s’agirait d’un « pluriel abstrait » (ce sont les mêmes qui soulignent que l’hébreu est une langue concrète…). Bref le pluriel voudrait seulement dire « amour »… (Alors qu’il y a évidemment un autre mot qui dit amour, et qui est utilisé dans le Cantique.)

    Face à toutes ces contorsions (ici très résumées), nous avons une parfaite unanimité de la tradition antérieure aux Massorètes. Alors le mot, le même mot, dont on n’écrivait que les consonnes, était lu « daddeka » : tes seins. C’est ce que dit en grec la Septante. C’est ce que dit en latin la Vulgate. C’est ce que disent tous les commentateurs orientaux et occidentaux du Cantique, d’Origène à saint Bernard, d’Hippolyte à saint Grégoire le Grand, de saint Grégoire de Nysse à Guillaume de Saint-Thierry. C’est aussi ce que dit… la tradition juive, comme en témoigne le célèbre midrash Rabba sur le Cantique, ou « Cantique Rabba ».

    Pourquoi les Massorètes ont-ils décidé de briser cette tradition unanime et d’imposer leur vocalisation bancale ? Parce qu’ils ont décidé qu’il était non seulement inconvenant mais absurde qu’une jeune femme dise à son amoureux que ses seins (à lui) sont meilleurs que le vin.

    On voit là que déjà au IXe siècle les érudits juifs ne comprenaient plus la Sainte Ecriture et l’interprétaient de façon rationnelle.

    Il y a pourtant un autre exemple de ces seins masculins et allaitants, dans Isaïe 60, 16. Ce chapitre est le magnifique chant messianique de lumière et de joie repris sans cesse dans la liturgie de l’Epiphanie : « Lève-toi, resplendis, Jérusalem, car elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi », etc. Avec son fameux verset 6 : « Une inondation de chameaux te couvrira, des dromadaires de Madian et Epha, tous viendront de Saba, apportant de l’or et de l’encens, et annonçant la louange du Seigneur. » Plusieurs images ont des correspondances dans le Cantique des cantiques, et l’on arrive au verset 16 : « Et tu suceras le lait des peuples, et tu seras allaitée par la mamelle des rois. »

    Ainsi parle la Vulgate, « selon la vérité hébraïque », comme dit saint Jérôme. La Septante a traduit : « les richesses ». Dans son commentaire d’Isaïe, saint Jérôme utilise l’expression « ubera regum », les seins des rois, comme les seins du bien-aimé (« ubera tua ») du Cantique. Il écrit :

    « Ces richesses sont, selon la vérité hébraïque, les seins des rois et des docteurs, par lesquels est formée et nourrie la petite enfance de ceux qui naissent dans le Christ. Quand tu les auras sucés et seras parvenu à la nourriture solide, afin de manger aussi de cette façon les richesses des rois, alors tu sauras que je suis ton Sauveur, qui t’a racheté de mon sang, à savoir le Dieu fort de Jacob. »

    Et l’on pense alors bien sûr à saint Paul qui dit aux Corinthiens :

    Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter. (I Cor 3,2)

    Je vous ai donné du lait : je vous ai allaités, de mes seins spirituels. C’est la même image que celle du Cantique, sauf qu’il s’agit ici de la source même du lait spirituel, l’Epoux, c’est-à-dire le Christ (l’Epouse étant à la fois l’Eglise et l’âme du croyant).

    « Désirez, comme des enfants nouveau-nés, le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut », dit aussi saint Pierre (I Pierre 2,2).

    Pour terminer je voudrais citer ce magnifique paragraphe de mon cher Guillaume de Saint-Thierry :

    Tant qu’on vit ici-bas, tant qu’on y peine, quels que soient les charismes, quelles que soient les sortes de consolations qui sont données aux fils de la grâce, dans la distribution des grâces, le développement du progrès, ou la marche des vertus, dans la splendeur de l’illumination divine, les élans de la pieuse componction, les transports de la contemplation divine, tout cela, ô Sagesse éternelle, ce sont tes seins nourrissant la sainte enfance de tes tout-petits, et témoignant jusqu’à la consommation du siècle que ta présence ne leur manquera jamais. Mais à Dieu ne plaise que lorsque leur temps sera venu, le temps de ton bon plaisir, leur bouche soit jugée indigne du baiser de ta bouche, dans la plénitude de la parfaite connaissance de toi, leur bouche à laquelle, au temps de leur patience et de leur persévérance, par le moyen de ces seins, tu offres le lait de ton cœur en aliment de science spirituelle et pour avancer vers ta perfection. D’autant que si elle a sucé parfois, venu d’ailleurs, quelque poison, il lui faut se guérir et se purifier au contact de ces seins sacrés, et par la vertu et l’odeur de tes parfums salutaires. Donc, puisque l’Epouse est privée de cette union pérenne et bienheureuse et de ce baiser d’éternité, à cause de la condition de l’infirmité humaine, elle s’attache à tes seins, et, ne parvenant pas à ta bouche, elle ramène sa bouche à tes seins et s’y repose en disant : parce que tes seins sont meilleurs que le vin.

  • 14e dimanche après la Pentecôte

    Si l’évangile du 8e dimanche (l’intendant malhonnête loué par son maître) avait quatre versets de plus, il se terminerait par le premier verset de l’évangile de ce dimanche, bien que celui-là fût de saint Luc et que celui-ci est de saint Matthieu.

    C’est en effet la même phrase :

    « Nul ne peut être esclave de deux maîtres ; car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez être esclave de Dieu et de Mammon. »

    La seule différence est que saint Luc a ajouté, au début, le mot « domestique », proprement « esclave de la maison » (que la Vulgate a traduit par servus), qui fait de la sentence la conclusion de l’épisode : « Nemo servus potest duobus dominis servire... » Aucun esclave ne peut être esclave de deux maîtres...

    Ainsi, par la répétition servus-servire, la Vulgate souligne que l’homme ne peut être l’esclave que de Dieu ou de Mammon. A lui de choisir. Servire veut d’abord dire « être esclave », et le mot grec qu’il traduit veut dire essentiellement « être esclave ». (L’intendant de l'évangile était de fait un esclave, comme l’était très souvent un intendant dans l’antiquité, et il y avait des intendants fort riches et puissants : il ne faut pas confondre avec l’oncle Tom et les champs de coton.)

    Il est regrettable que cet aspect ait presque disparu des traductions. Pourtant saint Paul se glorifie bien d’être « esclave de Jésus-Christ », et cette notion traverse tout le Nouveau Testament. Etre esclave, c’est appartenir complètement à quelqu’un d’autre. Or, être chrétien, c’est appartenir au Christ. L’autre possibilité, c’est d’appartenir à Mammon. Mais il y a l’esclavage - la dépossession de soi - qui conduit au paradis, à la liberté éternelle en Dieu, et l’esclavage qui conduit en enfer, dans des chaînes éternelles.

    Le P. Spicq est formel (mais le dictionnaire aussi) : quand il y a δοῦλος (doulos) dans un texte, en latin servus, on doit traduire par esclave. Or ce mot se trouve 125 fois dans le Nouveau Testament, sans compter le verbe δουλεύω (douleuo), être esclave, utilisé 25 fois. Il y a d’autres mots pour dire serviteur (comme παῖς – pais, en latin puer), ou servir (notamment διακονέω - diakoneo, qui a donné diaconat).

    Ce dimanche, cette même phrase introduit un épisode tout différent. Mais en rapport direct avec ce que je viens d’expliquer. Celui qui est esclave de Dieu ne s’inquiète pas, il sait que le maître, qui est un Père, pourvoit à tout, il a confiance en la Providence, il vit dans la liberté des enfants de Dieu. Comme « les oiseaux du ciel » que le Père nourrit sans qu’ils sèment ni ne moissonnent. Libéré de l’esclavage de Mammon, le chrétien n’a plus les yeux fixés sur son idole : toujours plus d'argent, toujours plus de biens… Il promène son regard sur la création, et découvre que les humble lis des champs sont vêtus plus somptueusement que Salomon. Il découvre les vraies richesses. Qui sont des richesses gratuites.

  • 13e dimanche après la Pentecôte

    Panem de cælo dedísti nobis, Dómine, habéntem omne delectaméntum et omnem sapórem suavitátis.

    Vous nous avez donné le pain du ciel, Seigneur, plein de délices et de toute saveur de suavité. (« Pour toute harmonie aux goûts », dit littéralement le texte grec, c’est-à-dire : qui peut satisfaire tous les goûts, qui a la saveur que l’on désire, comme l’explicite le verset suivant : « s’accommodant à la volonté de chacun d’eux, elle se changeait en tout ce qu’il voulait ».)

    C’est l’antienne de communion de la messe de ce jour. Un verset du livre de la Sagesse (16, 20) qui est spécialement en situation.

    Il se trouve que par une coïncidence qui doit être assez rare, la lecture biblique de la semaine qui vient de s’écouler était précisément le livre de la Sagesse, et que le chapitre 16 devait être lu vendredi. C’est ce que j’ai fait, dans la Bible Osty que je continue à lire jusqu’à la lie (jusqu’à ce que je l’ai entièrement lue, puis je la rangerai soigneusement au fond du placard…).

    Ce verset du livre de la Sagesse permet au chanoine Osty de donner un exemple particulièrement topique de ses principes d’exégèse (qui ne sont pas seulement les siens, hélas). Tout ce qu’il trouve à dire est que l’on est en présence d’une « légende juive » qui « avait pris d’extraordinaires proportions » (par rapport au récit de l’Exode où les Hébreux sont rapidement écœurés de cette nourriture insipide et toujours identique).

    Le chanoine Osty se refuse absolument à interpréter l’Ancien Testament par le Nouveau, et à tenir le moindre compte de la liturgie (c’est-à-dire de ce qui fait la richesse de la véritable exégèse chrétienne). Il en reste donc strictement à la « légende juive ».

    Ici on atteint un sommet, car il refuse même de prendre en compte les paroles essentielles de Jésus disant qu’il est le pain descendu du ciel, qu’il est, lui le Verbe de Dieu, la manne véritable (accomplissant ce que Dieu dans l’Exode, annonçant la manne, disait à Moïse : « Je vais faire pleuvoir des pains du ciel »).

    Car il ne s’agit pas d’une légende mais d’une prophétie (conformément à ce qu’est le texte inspiré). Le livre de la Sagesse annonce le vrai « pain des anges » (comme disait déjà le psaume 77 – et le « pain des anges » ne peut pas être un pain matériel, il est la Parole de Dieu), le Verbe divin qui se fait chair pour se communiquer à l’homme sous la forme du pain. Et le Verbe unique et multiforme satisfait tous les goûts intérieurs de l’homme, tous ses désirs de vie divine.

    La prophétie est d’ailleurs rendue encore plus transparente par les versets 25 et 26 :

    C'est pourquoi, se transformant alors en toutes sortes de goûts, elle obéissait à Votre grâce, qui est la nourricière de tous, selon la volonté de ceux qui Vous exprimaient leurs désirs; afin que Vos enfants, que Vous aimiez, Seigneur, connussent que ce ne sont point les fruits naturels qui nourrissent les hommes, mais que Votre Parole conserve ceux qui croient en Vous.

    Et c’était déjà dans le Deutéronome (8,3) :

    Il vous a affligé de la faim, et Il vous a donné pour nourriture la manne qui était inconnue à vous et à vos pères, pour vous faire voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

    Et l’on aura reconnu ici ce que Jésus répond à Satan qui lui demande de transformer des pierres en pains: la manne était la préfiguration de la Parole de Dieu qui va se faire pain (et non les pierres).

    Je trouve stupéfiant de publier une traduction de la Bible, munie de notes surabondantes, où l’on refuse absolument au lecteur toute indication des réseaux de signification qui touchent au cœur même de la foi.

  • 11e dimanche après la Pentecôte

    La Vulgate, donc la liturgie romaine, dit que l’on amène à Jésus un homme « sourd et muet ». La traduction n’est pas tout à fait exacte. Certes, le mot grec mogilalos, ici, est à prendre en son sens le plus fort, comme dans son unique autre emploi biblique, chez Isaïe. Et le dernier verset évoque bien les muets, ou plus précisément a-lalous, ceux qui ne parlent pas. Mais saint Marc utilise deux mots différents, et il eût été bon de les distinguer aussi en latin. A cause des références et des résonances.

    Mogilalos renvoie donc à Isaïe (35, 5-6), dans le texte de la Septante, qui est très explicitement une prophétie christique : « Consolez-vous l'un l'autre, cœurs défaillants ; prenez courage, n'ayez pas peur ; voici notre Dieu, il vous rend et il vous rendra justice ; il viendra lui-même, et il nous sauvera. Alors s'ouvriront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds ouïront. Alors le boiteux sautera comme un cerf, la langue des “mogilalon” sera facile, parce que l'onde aura jailli dans le désert, et un torrent sur une terre altérée. »

    Marc et Isaïe parlent de vrais sourds, or les vrais sourds ne peuvent pas parler naturellement, ils peuvent seulement grogner, donc ils sont muets : des sourds-muets.

    Mais le sens littéral de « mogilalos » est : qui a de la peine à parler, qui parle avec peine. Et cela nous renvoie de façon quasi évidente à Moïse. Ce n’est pas ce mot-là qui est utilisé dans l’Exode, mais le sens est bien là. Quand Dieu envoie Moïse parler au pharaon, celui-ci répond littéralement : « Je suis faible de la voix et lourd de la langue. » Et Dieu lui répond : « Qui a donné une bouche à l’homme ? Qui l’a fait muet et sourd, voyant et aveugle ? N’est-ce pas moi ? Va donc, et je t’ouvrirai la bouche. »

    C’est Dieu qui peut ouvrir les yeux de l’aveugle, les oreilles du sourd, la bouche du muet. Donc Jésus est Dieu. Et Marc attire notre attention sur le mot « ouvrir », mis en araméen. Pour signifier que cette ouverture miraculeuse des sens est une ouverture, par Dieu, de l’âme à la grâce, au monde surnaturel.

    C’est la signification obvie de ce miracle réalisé sous forme sacramentelle et dont les gestes et le mot essentiel passeront dans le sacrement de baptême.

    Rappel

    Les doctes exégètes soulignent que le parcours de Jésus, tel que Marc le narre dans le premier verset, est aberrant, puisque partant de Tyr il se rend à Sidon, à 30 km au nord, alors qu’il va au sud. Les pieux exégètes disent qu’il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre et que Marc a mis en vrac les mots Tyr, Sidon et Décapole pour indiquer que Jésus était toujours en terre païenne. Or les Libanais savent depuis toujours pourquoi Jésus devait passer par Sidon pour retourner en Palestine.

  • 8e dimanche après la Pentecôte

    La parabole de « l’intendant de l’iniquité » est l’une des plus déstabilisante de l’Evangile. Pour la comprendre il faut d’abord respecter le texte, ce que la plupart des traductions ne font pas.

    Le texte parle de la façon dont un « intendant de l’iniquité » se sert du « mammon de l’iniquité ».

    Ces deux expressions sont des hébraïsmes, qui mettent en complément de nom, au génitif, ce qui pour nous serait un adjectif : intendant inique, mammon inique. Ces hébraïsmes évidents, dans le texte très grec de saint Luc, sont là pour attirer l’attention. Notamment l’attention sur « mammon », un mot araméen. Il devrait être évident pour tout traducteur que si l’hellénophone Luc a mis un mot araméen, c’est qu’on doit le garder dans toute traduction (comme l’a fait la Vulgate), car c’est qu’il est, d’une certaine façon, dans le cadre de la parabole, intraduisible. Même si l’on comprend qu’il s’agit d’argent ; et c’est précisément parce qu’on comprend qu’il s’agit d’argent qu’il n’est nul besoin de le traduire.

    Ce « mammon » que Luc ne traduit pas (ou que Jésus a intentionnellement dit en araméen dans un discours en grec) prend une allure de divinité païenne. Or c’est bien ce dont il s’agit. Jésus dénonce ceux qui font de l’argent un dieu.

    Dans le verset précédent il a opposé « les enfants de ce siècle » aux « enfants de lumière ».

    On pense à la seconde épître aux Corinthiens :

    Ne portez pas un même joug avec les infidèles; car quelle union y a-t-il entre la justice et l'iniquité? Ou quelle association entre la lumière et les ténèbres? Ou quel accord entre le Christ et Bélial? Ou quelle part entre le fidèle et l'infidèle? Quel rapport entre le temple de Dieu et les idoles? Car vous êtes le temple du Dieu vivant.

    Il y a donc un « mammon de l’iniquité » et un « intendant de l’iniquité ». Ils devraient bien s’entendre, et celui-ci devrait être un serviteur de celui-là. Il l’était, d’ailleurs, jusqu’ici, et c’est pourquoi le maître le renvoie. Or voici qu’il va faire exploser le mammon de l’iniquité. Comment ? En s’en servant, non plus pour accroître son bien, mais pour se faire des amis. Nous sommes toujours dans le monde de la malhonnêteté, mais la malhonnêteté est désormais au service de la création de relations. L’intendant se fait des amis qui le recevront chez eux, et c’est l’image du chrétien qui « remet les dettes » (c’est ce que dit le Pater en grec et en latin), qui se sert de l’argent comme d’un instrument de charité, de création de relations, de ces relations qui conduisent aux tentes éternelles, dans la triple relation d’amour, trois Personnes, de la divine Trinité.

    Voilà pourquoi le maître, Kyrios, le Seigneur, loue l’intendant de l’iniquité « parce qu’il a agi avec sagesse ». On trahit le texte en traduisant « avec habileté » parce qu’on n’ose pas livrer la parole de Dieu telle qu’elle est. Mais ce faisant on ose la trahir… Le mot grec est celui qui est utilisé pour les « vierges sages » par opposition aux « vierges folles ». Les vierges sages ne sont pas des vierges « habiles ». La Vulgate a, comme d’habitude, bien traduit par « prudenter ». Non pas au sens actuel le plus courant du mot « prudent », mais au sens de sage, « avisé ». L’intendant a agi « de façon avisée ». Et si un intendant inique peut agir de cette façon, à plus forte raison un fidèle du Christ doit-il se faire des amis avec le même mammon de l’iniquité, des « relations », pour qu’elles le portent dans les tentes éternelles de la triple Relation d’amour, là où personne ne peut plus compter sur mammon.