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Ecriture sainte - Page 13

  • Vendredi de Pâques

    L’évangile de la messe de ce jour est très court. Ce sont les cinq brefs derniers versets de saint Matthieu. Et ils sont d’une densité extrême, bien que nous n’en ayons plus conscience. Pour le comprendre, il faut se mettre à la place des apôtres entendant ce que dit Jésus :

    - Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre.

    C’est la toute puissance de Dieu, qui est Dieu même : « Vous verrez le fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance », avait dit Jésus devant le Sanhédrin. Et cette puissance n’est plus seulement celle du Verbe, c’est celle qui a été donnée à l’humanité glorifiée du Christ (c’est Jésus « né de la chair, établi Fils de Dieu en toute puissance, selon l’Esprit de sainteté par sa résurrection des morts », dira saint Paul) – dans le ciel comme sur la terre.

    - Allez enseigner toutes les nations.

    La mission est désormais clairement universelle. Il ne s’agit plus seulement des « brebis d’Israël ». Le mot « enseigner » veut dire en fait, en grec, faire des disciples. Et de fait ces apôtres si peu nombreux ont fait des disciples de toutes les nations.

    - les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

    Claire révélation de la Sainte Trinité, appliquée au baptême, le sacrement de l’Alliance nouvelle et éternelle. Trinité dans l’Unité, puisqu’il y a deux fois « et » mais un est le Nom.

    Gouverner par la Puissance, sanctifier par les sacrements, enseigner pour faire des disciples, ce sont les trois charges confiées par le Seigneur à son Eglise. Ce que souligne de nouveau l'antienne de communion.

    - Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles.

    Pas avec les apôtres, puisqu’ils ne vivront pas jusqu’à la fin du monde. Mais avec l’Eglise. L’Eglise constituée de sorte qu’il y soit toujours présent et qu’il en soit la tête, l’Eglise donc hiérarchique et infaillible.

  • Mercredi de Pâques

    L’évangile de la messe de ce jour est celui de la seconde pêche miraculeuse, celle d’après la résurrection.

    « Simon Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet, plein de 153 poissons. »

    On est habitué à plusieurs nombres symboliques dans l’Ecriture : 3, 7, 10, 12… Mais l’on peut s’étonner de ce 153, qui a priori ne nous dit rien et que saint Jean n’a pourtant pas mis au hasard.

    Saint Augustin est le premier semble-t-il à avoir remarqué que 153 est la somme des nombres de 1 à 17 : 1+2+3+4+5 etc. C’est ce qu’on appelle depuis Pythagore un nombre triangulaire, et 153 est le 17e nombre triangulaire, parce qu’on l’établissait alors par un triangle équilatéral de 17 pastilles de côté. Or bien sûr le triangle est le symbole de la Trinité.

    Quant à 17, saint Augustin explique que c’est un nombre formé de 10 et de 7, à savoir la Loi (le Décalogue) à laquelle s’ajoute la grâce du Saint-Esprit aux 7 dons, les 153 poissons symbolisant donc le nombre des élus, qui par la grâce ont observé les commandements. On peut aussi remarquer que 10 et 7 sont des nombres de la totalité, de la plénitude, et que 153 est donc une absolue plénitude de totalité et totalité de plénitude.

    De plus, il y a 17 fois, dans l'évangile de saint Jean, l'expression "vie éternelle", ce qui souligne que les 153 poissons sont les élus.

    En outre 17 est le… septième nombre premier. Et saint Augustin fait remarquer aussi que dans cet épisode évangélique il y a sept apôtres.

    Plusieurs pères, ne voyant pas le nombre triangulaire, ont décomposé 153 en 3 fois 50 plus 3, combinaison superlative du Saint-Esprit (la Pentecôte est le 50e jour après Pâques) et de la Trinité. Or cela correspond au fait que les Actes des Apôtres énumèrent 17 nationalités (figurant l’ensemble des nations) parmi ceux qui comprennent ce que disent les Apôtres le jour de la Pentecôte.

    C’est aussi un nombre marial : le Rosaire, plénitude de la prière mariale, se compose de 153 Ave Maria, qui sont engendrés par 17 prières (1 Credo et 16 Pater). On a pu remarquer aussi que la « Dame du Rosaire », à Fatima, est apparue entre le 13 mai et le 13 octobre, ce qui fait 153 jours. (Et l’Ave Maria lui-même est composé de 153 lettres si l’on néglige le « et » avant « benedictus », qui n’est d’aucune nécessité.)

  • Mardi de Pâques

    L’évangile de ce jour est la suite de celui d’hier, qui se terminait par le retour des pèlerins d’Emmaüs à Jérusalem, quand ils disent aux apôtres qu’ils ont vu Jésus et qu’ils l’ont reconnu à la fraction du pain.

    Entre les deux, quatre mots sont omis : « dum haec autem loquuntur » : Or, pendant qu’ils parlaient ainsi… Ils n’ont pas le temps de finir leur histoire que, voici, Jésus est là. Il les salue, et ils sont effrayés, tout le monde est effrayé, alors que les apôtres viennent de dire que Jésus est vivant puisqu’il est apparu à Pierre, et que les pèlerins d’Emmaüs viennent de dire également qu’ils l’ont vu…

    Pour leur prouver qu’il n’est pas un fantôme, Jésus leur montre ses pieds et ses mains, donc les stigmates de sa Passion, et il mange devant eux. Puis il leur dit la même chose, mais de façon un peu différente, qu’il a dite aux pèlerins d’Emmaüs, l’essentiel du kérygme qui était au centre du récit, et il ajoute, puisqu’il parle aux apôtres, que cette bonne nouvelle du salut qu’il vient d’opérer doit être annoncée au monde entier : « et être prêchés en son nom la pénitence et la rémission des péchés à toutes les nations ».

    On est presque à la fin de l’évangile de saint Luc. Il reste quelques mots, mais c’est pour parler de l’Ascension. Or nous n’y sommes pas encore.

    Mais il y a ici quelque chose de très important pour la compréhension des textes sacrés. En effet, saint Luc nous dit qu’après avoir parlé ainsi, le Ressuscité conduisit ses apôtres à Béthanie et, les bénissant, il monta au ciel.

    Or c’est le même saint Luc qui, au début des Actes des apôtres (et il n’est contesté par personne que c’est le même auteur) précise que l’Ascension a lieu 40 jours après.

    On voit là que les « contradictions » que la critique découvre dans les textes sacrés ne sont souvent que des artifices littéraires.

  • Lundi Saint

    Jésus est à table, avec Lazare qu’il a ressuscité des morts, et il annonce sa propre mort – et sa propre résurrection, mais de façon mystérieuse. Car la résurrection de Jésus est un mystère, la résurrection de Lazare était un « signe », comme aime à dire saint Jean : un signe de la résurrection pascale.

    Il est émouvant de voir que c’est Marie, celle qui aimait être aux pieds du maître, celle qui avait choisi la meilleure part, qui est l’actrice de ce qui est aussi un « signe » de la mort et de la résurrection du Christ.

    Elle verse sur les pieds de Jésus un nard « pistique » de grand prix. Oui, à mon sens, on devrait traduire « pistique ». Car c’est ce qu’ont fait ceux qui ont traduit du grec en latin, et saint Jérôme l’a ratifié (ou l’a mis lui-même), et tous les manuscrits latins ont « pistici », à savoir pisticus au génitif, comme tous les manuscrits grecs ont « πιστικῆς », à savoir « pisticos » au génitif.

    Or « pisticus » n’existe pas en latin. Les traducteurs ont laissé le mot grec, de peur peut-être de se tromper. Ou pour laisser le mystère. Ou plutôt pour souligner le mystère. Pisticos vient de pistis, la foi, comme le remarquait saint Augustin. Il veut dire « de confiance », « fiable ». Mais plus que cela. C’est le parfum de la foi que verse Marie, et qui répand sa bonne odeur dans toute la maison, et dans l’évangile de saint Marc Jésus dit que partout où l’on prêchera l’Evangile on racontera ce qu’elle a fait : « in universo mundo », dans l’univers entier se répandra l’odeur de ce parfum.

    Et cette bonne odeur renvoie naturellement à tous les « parfums de bonne odeur » que répandent dans tout l’Ancien Testament les sacrifices que Dieu agrée. Or c’est LE Sacrifice qui est ici annoncé. Et Jésus le souligne : « Pour le jour de ma sépulture elle le garde. » Elle « le garde », ce parfum qu’elle vient pourtant de verser entièrement. Elle le garde pour l’embaumer. Mais elle ne pourra pas l’embaumer, car il sera ressuscité avant que les myrophores puissent accomplir leur œuvre. Il sera ressuscité, c’est pourquoi Marie a versé le parfum en ce jour, elle a embaumé celui qui reviendra des morts avant de pouvoir être embaumé. Car il aura répandu la bonne odeur de son sacrifice pour le salut de tous les hommes.

  • Vendredi de la Passion

    La liturgie d’hier annonçait celle du Jeudi Saint, celle d’aujourd’hui annonce celle du Vendredi Saint. Tant dans les antiennes du Benedictus et du Magnificat que dans les chants de la messe. Et le souligne la mémoire de Notre Dame des sept douleurs.

    L’épître, tirée de Jérémie, pourrait elle-même être un de ces chants. Car elle est très utilisée par la liturgie.

    La première phrase a été reprise comme capitule de l’heure de tierce au temps de la Passion :

    Dómine, omnes, qui te derelínquunt, confundéntur : recedéntes a te in terra scribéntur : quóniam dereliquérunt venam aquárum vivéntium Dóminum.

    Seigneur, tous ceux qui vous abandonnent seront confondus ; ceux qui se retirent de vous seront écrits sur la terre, parce qu’ils ont abandonné le Seigneur, la source des eaux vives.

    La deuxième phrase est le capitule de tierce pendant l’année :

    Sana me, Dómine, et sanábor : salvum me fac, et salvus ero : quóniam laus mea tu es.

    Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauvez-moi, et je serai sauvé, car vous êtes ma louange.

    (Dans la troisième phrase il y a une formule qui sera souvent reprise par les auteurs spirituels : « diem hóminis non desiderávi » : je n’ai pas désiré le jour de l’homme.)

    La dernière phrase est le capitule de sexte au temps de la Passion :

    Confundántur, qui me persequúntur, et non confúndar ego : páveant illi, et non páveam ego. Induc super eos diem afflictiónis, et dúplici contritióne cóntere eos, Dómine, Deus noster.

    Que ceux qui me persécutent soient confondus, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu’ils aient peur, et que je n’aie pas peur ; faites venir sur eux le jour du malheur, et brisez-les d’un double brisement, ô Seigneur notre Dieu.

    Dans la première phrase, on note cette expression à propos de ceux qui rejettent le Christ : « In terra scribentur » : ils seront écrits sur la terre. Forte image : ils seront jetés au sol, leur nom sera dispersé dans la poussière au lieu d'être écrit au Livre de Vie.

    On constate que cette expression figure dans le texte massorétique (le texte hébreu), dans le texte grec de la Septante, et dans la Vulgate latine. Il y a donc accord parfait entre les trois témoins bibliques.

    Or, l’ineffable chanoine Osty, qui traduit les « textes originaux », donc le texte massorétique, décrète : « On ne peut tirer aucun sens recevable de l’hébreu. » Et il traduit selon deux versions très marginales et évidemment fautives : « ils seront extirpés du pays ». Sic. C'est un exemple parmi beaucoup d'autres de l'incompréhension du texte sacré dont peut faire preuve un ecclésiastique spécialiste de la Bible et considéré par tous comme tel... Et aussi du mépris de la liturgie.

  • Annonciation

    Khairé kekharitoménè. C’est ainsi que le héraut de Dieu s’adresse à la Vierge. Par un jeu de mots insolite, inédit, chargé de mystère. Khairé, c’est la salutation banale en grec. Salut. Bonjour. Mais étymologiquement il ne s’agit ni du salut, ni de la paix de sa traduction arabe (as-salamou aleiki), il s’agit de la joie. Celui qui est salué par « Khairé » n’y fait guère attention. Mais ici il y a allitération avec le mot qui suit. Or ce mot est formé sur la même racine, mais avec le sens de « grâce », et c’est ici un participe parfait passif, il veut dire « pleine de grâce », qui a été totalement remplie de la grâce et qui est donc réellement pleine de grâce. Tout entière pénétrée de la grâce divine. Et assurément c’est un motif de joie pour Dieu, pour l’Ange et pour les hommes. Ainsi la mention de la grâce dont Marie est remplie, en s’entrechoquant avec le salut, rappelle-t-elle que ce salut est joie.

    Origène est peu loquace sur Marie. Le moment n’est pas encore venu. C’est l’époque où il faut déjà établir la foi en la Trinité, ce qui n’est pas une mince affaire, et en Jésus Fils de Dieu vrai Dieu et vrai homme, Verbe incarné, ce qui n’est pas simple non plus.

    Toutefois, Origène est frappé par la parole de l’Ange. Si bien qu’après avoir longuement expliqué pourquoi la Vierge qui va être enceinte est fiancée et même plus que fiancée, et avoir conclu son commentaire, écrit : « Je dois ajouter quelques mots sur la formule employée par l’Ange pour saluer Marie. » Pourquoi ? Parce que « c’est une formule nouvelle que je n’ai pas pu trouver ailleurs dans l’Ecriture. » Il constate que jamais cette formule n’a été adressée à un homme. Et Marie le savait, car elle connaissait la Loi, « elle était sainte et connaissait par ses méditations de chaque jour les oracles des prophètes ». « Si Marie avait su qu’une formule de ce genre avait été adressée également à un autre, jamais elle n’eût été effrayée de cette salutation qui lui paraissait étrange. C’est pourquoi l’Ange lui dit : Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce devant le Seigneur… »

    Saint Ambroise, qui reprend souvent le commentaire d’Origène, poursuit en quelque sorte dans le même sens et voit lui aussi une première, quand il commente la réponse de Marie : « Comment cela se fera-t-il ? »

    Marie connaît l’Ecriture, dit saint Ambroise après Origène. Et elle connaît donc la prophétie d’Isaïe : « Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils. » Sa question n’est pas du tout de défiance. Elle croit ce que lui dit l’Ange. Elle sait qu’il en sera ainsi. Mais elle demande comment cela se fera-t-il.

    « Marie l’avait lu, aussi a-t-elle cru à l’accomplissement ; mais comment cela s’accomplirait-il, elle ne l’avait pas lu, car ce comment n’avait pas été révélé, même à un si grand prophète. C’est que l’annonce d’un tel mystère devait tomber des lèvres non d’un homme mais d’un ange. Aujourd’hui pour la première fois on entend : L’Esprit Saint descendra sur toi… »

  • Lundi de la Passion

    Le dernier jour de la fête des Tentes, ce jour où l’on apporte en solennelle procession l’eau de la piscine de Siloé et qu’on la verse autour de l’autel du Temple, Jésus se dresse et, debout il crie. Il n’est pas assis comme le maître qui enseigne, il est debout comme le prophète : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme dit l’Ecriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein. »

    Comme dit l’Ecriture. Or il n’y a pas, dans l’Ecriture, de verset qui dise cela.

    Mais le propos rappelle des prophéties célèbres. Celle de Zacharie (14,8-9) :

    Et ce jour-là une eau vive sortira de Jérusalem (…) et le Seigneur sera roi de toute la terre (…).

    Surtout celle d’Ezéchiel (47, 1-2) :

    Et il me conduisit sous les portiques du temple ; et là de l'eau sortait de la cour et coulait à l'orient ; car la façade du temple regardait l'orient, et l'eau descendait à droite au midi de l'autel (…) et voilà que l’eau coulait du côté droit.

    Ce qui renvoie aussi au psaume 77, quand il parle de Dieu qui a fait sortir l’eau du rocher, et en « a sorti des eaux comme des fleuves », et ce rocher qui suivait les Hébreux dans le désert, dit saint Paul rappelant une tradition juive, c’était le Christ.

    Ainsi donc Jésus parle… de lui-même. Puisque le rocher du désert, le Temple d’Ezéchiel, la Jérusalem de Zacharie, c’est lui. C’est lui notamment crucifié, quand la lance ouvrira son côté.

    Pourtant il dit bien que c’est du sein de celui qui croit en lui que jailliront des fleuves d’eau vive. Parce que ceux-là seront devenus des membres du Christ, dans l’Eglise qui est le corps du Christ. Ils auront bu l’eau vive que donne le Christ, cette eau que l’on achète sans argent comme disait Isaïe (55,1), cette eau dont il parlait à la Samaritaine, ses sacrements sortis de son côté, et la grâce les conforme au Christ. C’est l’eau vive qui fait du chrétien un fils adoptif dans le Fils unique. C’est l’eau vive de l’intime communion au Christ, qui devient notre propre eau vive, et qui jaillit dans la vie éternelle, comme il l’a dit à la Samaritaine, parce qu’elle vient de lui qui est la vie éternelle, comme il l’a dit à Marthe avant de ressusciter Lazare (c’était vendredi dernier).

    N.B. Depuis hier, la lecture biblique assignée par la liturgie est le livre de Jérémie. Or au chapitre 2 Dieu dit: "Ils m'ont abandonné, moi la source d'eau vive." Et le cantique des laudes du lundi est le passage d'Isaïe où Dieu dit : "Puisez les eaux dans la joie aux sources du Sauveur."

  • Les dauphins du désert

    Dans sa traduction du livre de l’Exode, le chanoine Osty parle (cinq fois)  de « peaux de dauphins » utilisées pour couvrir le tabernacle.

    Comme sa traduction, surtout de ces chapitres de l’Exode, est quelque peu fantaisiste, je me suis demandé comment il avait pu inventer cette histoire triplement absurde de peaux de dauphins. (Triplement parce que 1 s’il y avait des dauphins dans le désert ça se saurait, 2 le dauphin est dans la Loi un animal impur et il est inconcevable de s’en servir, a fortiori pour le sanctuaire, et en outre au moment même où la Loi est révélée, 3 on ne peut rien faire avec la peau du dauphin.)

    Or, à ma grande surprise, le dauphin est très prisé chez les traducteurs modernes – qui ignorent donc la Loi qu’ils traduisent…

    Pour s’en tenir aux traductions du site très pratique « Références bibliques », on trouve aussi des dauphins dans les Bibles Second, du Semeur, la Colombe, Pirot-Clamer, TOB, Neufchâtel…

    Crampon se veut original et parle de « veaux marins », tandis qu’une autre traduction parle de « phoques », et que la « Bible des peuples » ne craint pas de voir de la « peau de poisson » !

    Olivetan, ami de Calvin, auteur de la première traduction protestante, donc de la première sur les soi-disant « textes originaux », a vu des peaux de « taissons ». C’est le mot qui à l’époque désignait le blaireau. La King James a repris le blaireau. La traduction juive que donne le site Tanak-sources a également « blaireaux ». Petit problème : le blaireau vit dans les forêts, il a besoin d’un abondant sous-bois, et il n’y en a pas au sud du Liban et de la Syrie.

    La Bible de Jérusalem parle de « cuir fin », comme la nouvelle Bible de la liturgie, qui a abandonné ses dauphins… mais il n’y a pas davantage d’explication pour « fin » que pour « dauphin »…

    La Bible du rabbinat a gardé le mot hébreu du texte massorétique : « tahach ». Car en vérité personne ne sait ce que peut vouloir dire « tahach ». Selon une tradition juive c’est un animal que Dieu avait créé pour les tentures du tabernacle, et qui a disparu ensuite…

    Alors d’où sont venus les dauphins du désert à peau tannée ? Je me demande si à force de chercher une signification à « tahach » on ne serait pas allé voir du côté de l’arabe (ou de l'araméen?). Certes, en arabe comme en hébreu, dauphin se dit « dolphin » (c’est le mot anglais), mais en arabe il y a un mot pour dire « marsouin », et ce mot est toukhas. Ce qui est très proche de « tahach » : le mot arabe s’écrit t-kh-s, et le mot hébreu t-h-sh. En arabe comme en hébreu, h et kh, s et sh sont extrêmement proches.

    Or comme les marsouins sont des dauphins, les tahach sont des toukhas (ou un mot araméen encore plus proche)…

    Et voilà comment on vous fabrique la Bible…

    Mais on n’est pas plus avancé.

    Pour savoir de quoi il retourne, il suffit de se référer aux vrais textes de la Bible. A savoir la Septante et la Vulgate.

    La Septante nous dit que ce sont des peaux « couleur de jacinthe », qui contrastent avec les « peaux teintes en rouge » qui précèdent immédiatement. Dans la plupart des manuscrits de la Vulgate, il s’agit aussi de peaux « couleur de jacinthe ». Donc teintes en bleu, ou d’un bleu tirant sur le violet. Le « Pentateuque de Tours » dit : « couleur de violette », ce qui a été repris dans la Vulgate sixto-clémentine. En latin c’est presque le même mot : « hyacinthinas » et « ianthinas ».

    Quant à la teinture elle-même elle pourrait fort bien provenir de l’indigotier, dont la culture est très ancienne au Proche Orient, et qui donne une couleur bleue tirant sur le violet…

    On peut donc oublier les dauphins du désert et les laisser à l’imagination des faussaires…

  • Lundi de la quatrième semaine de carême

    L’introït de la messe de ce jour nous plonge déjà dans la Passion, en un sévère contraste avec celui d’hier qui appelait à la joie. En revanche il y a un rapport étroit entre l’épître de ce jour et celle d’hier, et entre les deux évangiles. Dans les deux épîtres il est question de deux femmes, Agar et Sara, puis les deux femmes anonymes du jugement de Salomon : chaque fois il s’agit de figures de la Jérusalem terrestre et de la Jérusalem céleste, de l’ancienne et de la nouvelle Alliance. Quant aux évangiles, ils soulignent tous deux que la Pâque est proche, et ils nous livrent sous une forme symbolique un aspect de la Pâque du Christ : hier le don de l’eucharistie, aujourd’hui la résurrection.

    L’épisode de Jésus chassant les marchands du Temple ne doit jamais être pris sur le plan littéral, et en ce moment de l’année liturgique encore moins. Sur le plan littéral l’action de Jésus est insensée, car les animaux qu’il chasse sont les animaux du sacrifice et les changeurs sont là pour que l’on puisse les acheter, comme le remarque saint Augustin dans la lecture des matines*. (Et il est bien évident que dans les minutes qui ont suivi tout le monde s’est remis à sa place.) On peut seulement le prendre au sens moral : nous devons chasser les marchands malhonnêtes qui envahissent notre âme.

    Saint Jean est le seul qui souligne explicitement qu’il s’agit d’un acte prophétique (et les actes prophétiques paraissent toujours insensés). Le culte va déserter ce temple, qui d’ailleurs va être détruit, Jésus vient instaurer le culte en esprit et en vérité, qui n’est plus lié à un lieu de cette terre. Et la parole importante, dans cette approche de la Pâque, est : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le rétablirai. » « Il parlait du temple de son corps », précise l’évangéliste. Passion et résurrection : la prophétie va être réalisée à la lettre.

    * Selon saint Jean, Jésus s'adresse aux seuls marchands de colombes. Ce qui est une façon de souligner qu'il s'agit bien des animaux destinés aux sacrifices ; et aussi, puisque la colombe est le symbole du Saint-Esprit - saint Jean l'a dit lui-même quelques versets plus tôt lors du baptême du Christ - c'est une condamnation de la simonie, qui vaudra pour toute l'histoire de l'Eglise.

  • 4e dimanche de carême

    Lundi dernier on lisait à la messe l’histoire de la guérison de Naaman le Syrien par Elisée ; mardi, le miracle de l’huile accompli par Elisée ; jeudi prochain ce sera la résurrection du fils de la Sunamite par Elisée. Ces deux miracles figurent au chapitre 4 du deuxième livre des Rois, le premier est le début du chapitre 5. Entre les deux derniers il y a un autre miracle, auquel on ne fait guère attention :

    Et il vint un homme de Baal-Salisa, qui portait à l'homme de Dieu des pains des prémices, vingt pains d'orge, et du froment nouveau dans son sac. Elisée dit : Donnez à manger au peuple. Son serviteur lui répondit : Qu'est-ce que cela pour servir à cent personnes? Elisée dit encore : Donnez à manger au peuple; car voici ce que dit le Seigneur : Ils mangeront, et il y en aura de reste. Il servit donc ces pains devant ces gens; ils en mangèrent, et il y en eut de reste, selon la parole du Seigneur.

    C’est presque mot pour mot les miracles de multiplication des pains dans les Evangiles.

    Ce dimanche, l’évangile est celui de la multiplication des pains selon saint Jean, qui est exposée de façon eucharistique, après l’indication : la Pâque était proche. Et ce récit sera suivi du discours sur le pain de vie.

    On remarque que lorsque le Messie est là, l’abondance messianique dépasse de loin l’annonce qu’en faisaient les prophètes : Avec 20 pains Elisée donne à manger à 100 personnes, avec 5 pains Jésus donne à manger à 5.000 hommes.

    Dans l’évangile on remarque l’insistance sur le 5 : il convient d’ajouter que le mot « pain » apparaît 5 fois dans le texte, de même que le mot « Jésus » : Jésus est le pain. Le nombre 5 indique ce qui est consacré : David avait obtenu cinq pains consacrés. Or cela se trouve déjà dans le récit d’Elisée, puisque le prophète multiplie 5 fois les pains. Le nombre 5 apparaît cinq fois dans l’évangile de saint Jean, de même que les mots « saint », « d’en haut », « royaume ». Les 5.000 sont donc les saints : l’Eglise, nourris par le pain eucharistique qui est donné en abondance.

    Il y a deux poissons, et c’est dit deux fois. Dans l’évangile de saint Jean, Jésus est désigné deux fois comme « Messie », et deux fois comme « Agneau de Dieu ». L’Agneau de la Pâque véritable, qui se donnera à manger pour réunir ce qui était divisé, pour rassembler les « morceaux » dans la vie éternelle par les 12 « couffins » des apôtres.

    5x2 = 10, parce que la Pâque se célèbre le 10e jour et que la première Pâque fut célébrée au moment de la 10e plaie d’Egypte. Lorsque Jean-Baptiste dit à deux disciples « Voici l’Agneau de Dieu », et que les deux disciples suivent Jésus, l’évangéliste note que c’est la 10e heure.

    (Pour aller encore plus loin dans le symbolisme des nombres en lien avec la multiplication des pains, voir cet article de François Quiévreux.)