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Ecriture sainte - Page 12

  • Deus omnium exauditor est

    . Deus omnium exauditor est: ipse misit Angelum suum, et tulit me de ovibus patris mei: * Et unxit me unctione misericordiae suae.
    .  Dominus, qui eripuit me de ore leonis, et de manu bestiae liberavit me.
    . Et unxit me unctione misericordiae suae.

    Dieu exauce les prières de tous : lui-même a envoyé son Ange et m’a pris du milieu des brebis de mon père. Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde. C’est le Seigneur qui m’a arraché de la gueule du lion, et des griffes de la bête féroce. Et il m’a oint de l’onction de sa miséricorde.

    Ce répons des matines a la particularité de venir du psaume… 151. Un psaume non canonique, qu’on ne devrait pas appeler « 151 » puisqu’il se dit lui-même « extra numerum », surnuméraire. « Authentiquement de David et sans numéro », il n’est pas de David, mais il est bien joli, et surtout il contient ce magnifique verset « il m’a oint de l’onction de sa miséricorde ». Mais, en fait, cette expression ne se trouve pas exactement dans le psaume 151… Dans le texte grec il n’y a pas la miséricorde : « Il m’a oint de l’huile de l’onction. » Et dans les manuscrits de la Vulgate qui le reproduisent (en annexe – merci à la “Vulgate de Stuttgart” de le faire aussi), il y a : « et unxit me in misericordia unctionis suae » : et il m’a oint dans la miséricorde de son onction, ce qui est peut-être encore plus beau que la version modifiée du répons.

    Le verset quant à lui est plus ou moins inspiré de I Rois 17, 37.

    Et tout cela montre qu’il s’agit d’un répons très ancien.

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    Antiphonaire de Hartker (Saint-Gall), première page des "répons tirés du livre des Rois". Notre répons est le premier, avec la grande lettrine.

  • Præparate corda vestra Domino

    . Præparate corda vestra Domino et servite illi soli ; * et liberabit vos de manibus inimicorum vestrorum.
    . Auferte deos alienos de medio vestri.
    . Et liberabit vos de manibus inimicorum vestrorum.

    Préparez vos cœurs pour le Seigneur, et servez-le, lui seul :
    et il vous délivrera des mains de vos ennemis. Otez du milieu de vous les dieux étrangers.

    Ce répons des matines est issu de 1 Rois 7, 3. Il s’agit d’un discours de Samuel à la veille d’une bataille contre les Philistins. Il prend un sens général qui s’applique à tout le monde à toute époque par le remplacement du mot “Philistins” par “vos ennemis” et la suppression de la mention des dieux Baal et Astaroth.

    Le premier mot, “præparate”, veut dire davantage « affermissez » que « préparez ». C’est le sens qu’a le mot grec ἑτοιμάζω dans la Septante, et seulement dans la Septante. Et c’est donc le sens qu’a le mot latin qu’il traduit, “præparo”, dans la Vulgate, comme on le voit nettement dans les psaumes. Le mot « préparer » doit se comprendre de façon militaire : préparer une armée, c’est la rendre forte. C’est précisément ce dont il est question ici. Sur le plan historique, rendre forte l’armée des Israélites contre les Philistins ; sur le plan spirituel, rendre fort notre cœur pour en extirper les idoles et lutter contre les tentations.

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    Antiphonaire des cordeliers de Fribourg, vers 1300

  • Parrhesia ?

    Plus le temps passe et plus les mots de la foi vont être défigurés par François. C’est déjà le cas, le plus évident, avec « miséricorde ». Un certain nombre d’autres viennent ensuite à l’esprit.

    L’un d’eux est « parrhesia ». François aime dire ce mot, mais il ne lui donne pas sons sens traditionnel, son sens biblique. Et son sens dévié commence à se répandre. J’en prends conscience avec l’article du « vaticaniste » Giuseppe Rusconi sur la dernière réunion en date du « Cénacle des amis de François », traduit sur Benoît et moi.

    Dans sa conclusion, l’auteur écrit que cette réunion « s'est déroulée dans une atmosphère détendue, et a été menée avec “parrhêsia” et en même temps avec courtoisie ».

    Quand on emploie ce mot grec, fréquent dans le Nouveau Testament, c’est parce qu’il est tellement riche de sens qu’on ne peut pas le traduire par un seul mot français.

    En grec classique, la parrhesia, c’est la liberté qu’a le citoyen d’exprimer publiquement, en toute franchise, son opinion.

    Dans le grec biblique, la parrhesia est la prise de liberté d’exprimer publiquement la vérité de la foi, en toute franchise, ce qui suppose d’avoir le courage d’affronter les persécuteurs.

    La parrhesia implique donc trois choses : la vérité de ce qu’on dit, le courage de dire la vérité, et de la dire publiquement. (Cf. Lexique théologique du Nouveau Testament, du P. Spicq.)

    Or, dans le cas des « amis de François », on ne trouve aucun des trois critères : sur l’homosexualité ou les divorcés, ils ne disent pas la vérité ; il ne faut aucun courage pour parler comme la pensée unique ; et en l’occurrence ils ne le font même pas publiquement, mais dans leur petit cercle.

    Maintenant, si vous allez voir les emplois du mot parrhesia par François, vous constaterez qu’il manque toujours au moins un des trois critères. Contrairement à l’emploi qu’en faisait Benoît XVI.

  • Vendredi des quatre temps de Pentecôte

    L’évangile est celui du paralytique qu’on descend par le toit devant Jésus. Jésus lui dit : tes péchés te sont remis. Ce qui provoque la bronca, pour le moment intérieure, des pharisiens et des docteurs de la loi. Car Dieu seul peut remettre les péchés. Or Jésus leur dit : « Qu’est-ce qui est plus facile, de dire “tes péchés te sont remis”, ou “lève-toi et marche” ? » Et le paralytique est instantanément guéri. Ce qui veut dire que Jésus lui a réellement pardonné ses péchés, ce qui veut dire que Jésus est réellement Dieu.

    C’est pourquoi « la stupeur les saisit tous », et remplis de crainte religieuse, de la crainte qu’on éprouve devant la manifestation de la majesté divine, ils disaient : « Vidimus mirabilia hodie. »

    La traduction va de soi : « Nous avons vu des merveilles aujourd’hui. » Le mot “merveille” (attesté dès le XIe siècle) vient en droite ligne  de “mirabilia”, et l’on n’est guère étonné de trouver ce mot, puisque ces mirabilia, ces choses étonnantes et qui nous ravissent, ces miraculeuses merveilles de Dieu se trouvent un peu partout dans la Bible, près de 40 fois dans les psaumes, quand ce n’est pas Dieu lui-même qui est qualifié de “mirabilis”.

    Et pourtant, en dehors de Crampon, aucune traduction ne dit « merveilles ». La grande majorité dit « choses étranges », et d’autres « prodigieuses ».

    Ce qui montre en passant que Fillion, ou Glaire, contrairement à ce qu’ils disent, ne traduisent pas la Vulgate. Ou plus exactement s’en écartent dès que la Vulgate s’écarte des textes « originaux ».

    Il se trouve en effet que le “mirabilia” de la Vulgate ne traduit pas, apparemment, le mot grec qui désigne habituellement les merveilles de Dieu. Le grec ici dit παράδοξα, paradoxa : littéralement des choses contraires à l’opinion commune, contraires à ce que l’on attend, d’où extraordinaires ou étranges. Du mot grec vient le français paradoxe, paradoxal. Et le grec a aussi ce sens, d’abord pour désigner les paradoxes stoïciens.

    On voit que le mot a tous ces sens-là dans l’évangile : les gens viennent de voir quelque chose d’étrange, d’extraordinaire, vraiment contraire à l’opinion commune. Et de paradoxal, aussi, puisque Jésus montre qu’il guérit l’âme en guérissant le corps, qu'il est Dieu alors qu'il est un homme.

    Mais finalement paradoxa, au nominatif masculin paradoxos, a fini par vouloir dire “merveilleux”, dans une circonstance précise : c’est le titre donné à un athlète qui  remporté une victoire particulièrement éclatante, ou à un artiste qui a produit une œuvre extraordinaire.

    Or dans la double guérison du paralytique, Jésus vient de se montrer le Paradoxos, le Merveilleux. Et c’est sans doute pourquoi παράδοξα a été traduit (dans tous les manuscrits) par “mirabilia”, et que saint Jérôme, en révisant les textes, a laissé cette traduction. Comme Dieu dans les psaumes est Mirabilis.

    Peut-être Olivier Messiaen pensait-il à cela, lui qui ne se rassasiait pas de louer les merveilles de Dieu (c’est même son insistance qui m’a fait comprendre de quoi il s’agissait), lorsque dans son opéra Saint François d’Assise Frère Bernard demande à l’ange quel est son nom et que celui-ci répond : « Ne me demande pas mon nom, ne me demande pas mon nom : il est Merveilleux » (citation en fait de Juges 13,18). La musique alors montre que c’est vraiment son nom.

  • Dimanche après l'Ascension

    Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus annonce la venue du Saint Esprit, à la Pentecôte, dimanche prochain :

    « Lorsque le Paraclet que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. »

    Aujourd’hui il est évident pour tout le monde (en dehors des musulmans et des tordus) que Jésus indique ici clairement la divinité du Saint-Esprit.

    Il n’en était pourtant pas ainsi au cours des premiers siècles, et ce n’est pas la crise arienne qui allait arranger les choses. Le Credo de Nicée disait seulement : « Et au Saint-Esprit », sans rien préciser. Il faudra tout le génie de saint Grégoire de Nazianze et de saint Basile pour en arriver à la formulation du dogme. Basile va écrire le traité décisif sur le Saint-Esprit, tandis que Grégoire, par l’écrit mais aussi et d’abord en tant qu’évêque, va se battre pour faire reconnaître explicitement la divinité du Saint-Esprit. Or Grégoire va présider le concile de Constantinople, puisqu’il est évêque de Constantinople. Et c’est donc sous son impulsion, et grâce au travail de son ami Basile (qui vient de mourir) que le concile de Constantinople adopte la formulation : « Nous croyons au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, doit être adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les saints prophètes. »

    « Qui procède du Père », ce sont les mots mêmes de Jésus en grec : « ho para tou patros ekporeuetai ». En fait, le verbe grec dit seulement « venir (hors) de ». La plupart des traductions françaises des Evangiles disent « vient » ou « provient ». Mais le latin a « procedit », et c’est ce mot qui définira théologiquement la « procession » du Saint-Esprit. Il conviendrait donc de respecter l’histoire de cette phrase, la tradition qui y est attachée et qui est de la plus haute importance, et donc de traduire « qui procède du Père », afin de montrer qu’il s’agit bien de l’expression du Credo, de notre foi.

  • Vigile de l'Ascension

    L’évangile de ce jour est le début du chapitre 17 de saint Jean que l’on appelle à juste titre la « prière sacerdotale ». On pourrait aussi l’appeler la « prière liturgique ». Car elle est intemporelle comme l’est le Saint Sacrifice qui se déroule hic et nunc et qui pourtant nous met en présence de la Cène et du Calvaire, de la Résurrection et de la glorification du Christ.

    Jésus parle à son Père avant la Passion mais il suppose la rédemption accomplie : il parle au passé de son séjour sur la terre, et souligne qu’il n’est plus dans le monde alors qu’il est en compagnie de ses apôtres.

    En cette vigile de l’Ascension, les mots de Jésus se rapportent directement à ce mystère, et c’est bien du mystère de la glorification de Jésus dont nous parle l’Ascension : quand, en Jésus, la nature humaine s’élève au-dessus de toute la création, au-dessus des anges, pour s’asseoir auprès du Père.

    Alors tout est accompli, et Jésus retrouve la gloire qu’il avait avant que le monde fût et dont il s’était dépouillé en se faisant homme, gloire dont il revêt les hommes qui seront en lui, fils dans le Fils.

    « Avant que le monde fût », c’est-à-dire au Principe : la fin de l’évangile du Christ vivant parmi les hommes renvoie au début de l’évangile du Christ dans la Trinité du Principe, et l’on trouve le même mot qu’on a tant de mal à traduire : apud, en latin, traduisant le grec pros. La gloire que j’avais « apud te » ; le Verbe était « apud Deum ». Auprès de ? Ce n’est pas suffisant. Le mot grec veut d’abord dire vers, ce qui est intéressant mais n’est pas suffisant non plus. J’aime bien prendre simplement le sens le plus courant du latin « apud », à savoir « chez » : il est chez Dieu, il est chez lui. Et nous aussi si nous sommes sauvés nous sommes chez lui, chez Dieu.

  • Quelques petites choses chez Osty

    Continuant à lire la Bible Osty au rythme que suggère la liturgie (les deux dernières semaines l’Apocalypse, cette semaine l’épître de saint Jacques), non sans avoir devant moi le texte grec et latin, je découvre quelque chose d’ahurissant. Il ne s’agit plus de tordre le sens des mots, ou de leur inventer une signification fantaisiste, mais carrément de changer le mot parce qu’on ne comprend pas celui de la Sainte Ecriture…

    C’est dans l’épître de saint Jacques, 4,2 :

    « Vous tuez », qui est le texte de tous les manuscrits, a paru hors de situation et a été « amendé » par une correction célèbre d’Erasme, qui a proposé de lire : « vous enviez » (phtoneïté au lieu de phoneuété).

    Je ne sais pas si la « correction » d’Erasme est « célèbre » chez les exégètes, mais je n’en trouve aucune trace sur internet, sauf dans les œuvres d’Erasme lui-même, qui corrige en effet sans vergogne, et se permet de dire :

    Je ne vois pas comment ce mot, vous tuez, peut faire sens. Peut-être fut-il écrit phtoneïté, c’est-à-dire « vous enviez », et qu’un scribe sommeillant aurait écrit phoneuété à la place de phtoneïté, surtout que vient ensuite [trois versets plus loin] : « l’esprit convoite jusqu’à l’envie ».

    Il y a une autre Bible qui « corrige » ainsi : la Pirot-Clamer, et c’est donc là que le chanoine a trouvé la « correction ».

    Laquelle est absolument illégitime, car comme le dit Osty lui-même, TOUS les manuscrits grecs ont phoneuété, et TOUS les manuscrits latins ont occiditis : vous tuez. Tous sans exception.

    Certes, la phrase est difficile. Mais ce n’est pas la seule de saint Jacques :

    Vous convoitez et vous n'obtenez pas; vous tuez, et vous êtes envieux, et vous ne pouvez pas obtenir; vous avez des querelles et vous faites la guerre, et vous n'obtenez pas, parce que vous ne demandez pas. (Traduction Fillion)

    On peut remarquer qu’il s’agit de la façon sémitique de parler, où les comparatifs sont remplacés par des oppositions exacerbées. Comme lorsque Jésus dit : « Si quelqu’un vient à moi et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme », etc. Dans la Bible, tuer, répandre le sang, se dit d’actions mauvaises qui ne sont pas des meurtres.

    D’autre part, la Bible de Jérusalem (la première, ou parmi d’autres, je ne sais pas) a astucieusement résolu la difficulté en modifiant la ponctuation habituelle (il n’y a pas de ponctuation dans les manuscrits) :

    Vous convoitez et ne possédez pas? Alors vous tuez. Vous êtes jaloux et ne pouvez obtenir? Alors vous bataillez et vous faites la guerre. Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas.

    Quoi qu’il en soit, la solution se trouve dans les mots de la Sainte Ecriture, et non dans une « correction » de la parole de Dieu…

    (Addendum. C'était pour moi une découverte. J'ai constaté ensuite qu'Osty, comme d'ailleurs ses confrères, "corrige" souvent le texte hébreu de l'Ancien Testament, ou même l'invente - il "conjecture"...)

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    Dans l’Apocalypse, 13,8, Osty, comme beaucoup d’autres, rejette la traduction « l’agneau immolé depuis l’origine du monde », « malgré la beauté du sens ainsi obtenu », dit-il. Sous prétexte que dans le chapitre 17 il est question aussi de ceux dont le nom « n’est pas inscrit dans le livre de vie » et que l’expression « depuis la fondation du monde » vient juste après. Donc il faudrait comprendre aussi au chapitre 13 « ceux dont le nom ne se trouve pas écrit, depuis la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau égorgé ».

    On remarquera que pour imposer ce sens il faut modifier l’ordre des expressions. Parce que l’ordre authentique du texte appelle l’interprétation traditionnelle : « ceux dont le nom n’est pas écrit dans le livre de vie de l’Agneau qui est immolé depuis l’origine du monde ». En grec la suite de génitifs rend la chose encore plus nette.

    Il paraît qu’on trouve ici ou là, notamment chez saint Ambroise (mais où ?), l’interprétation moderne. Mais ce qui est certain est que l’interprétation de très loin la plus courante chez les pères est l’interprétation, ou plutôt, la lecture traditionnelle, qui ouvre une perspective théologique magnifique. Que l’on trouve à quelques chapitres de distance les mêmes deux expressions, différemment agencées, ne suffit pas à établir qu’elles doivent être comprises de la même manière.

    Je suis toujours sidéré de voir les nains d’aujourd’hui se dresser devant l’armée des géants d’autrefois et leur dire qu’ils sont nuls.

    *

    En avance sur la semaine prochaine, pour préparer la lecture de la première épître de saint Pierre, cette affirmation péremptoire :

    La bonne qualité de la langue et du style interdit d’attribuer la rédaction de la dite épître à un enfant de la Galilée.

    Et hop, trop bouseux le Simon-Pierre – même s’il prêchait évidemment en grec à Antioche puis à Rome, et avec une « bonne qualité de langue et de style », sinon personne ne l’aurait écouté. Et, n’en déplaise aux misérabilistes, saint Pierre n’était pas un « pauvre » des « périphéries ». Il avait avec son frère une entreprise de pêche et il habitait en ville, à Capharnaüm, où les transactions commerciales se faisaient en grec. Rappelons que dès le siècle précédent TOUTES les inscriptions funéraires juives que l’on a retrouvées sont en grec : deux tiers seulement en grec, un tiers en grec et dans une langue sémitique.

    (Le chanoine considère toutefois que la substance de l’épître est bien de saint Pierre, mais que le texte a été écrit en grec par Silvain – puisqu’il dit : « C’est par Silvain que je vous écris ces quelques mots »…)

  • Dimanche in albis

    L’épître de ce dimanche présente une particularité unique, c’est d’avoir une importante partie de texte qui n’existe pas.

    « (7) Car il y en a trois qui rendent témoignage [dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit ; et ces trois sont un. (8) Et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre] : l’Esprit, et l’eau, et le sang ; et ces trois sont un. »

    Des tentatives désespérées ont été faites au cours de l’histoire pour voir le texte complet comme étant le texte canonique, d’autant que son parallélisme est si séduisant, et surtout que son affirmation de la Sainte Trinité est si claire… Mais il faut se rendre à l’évidence. La partie litigieuse ne se trouve dans aucun manuscrit grec ancien. Le plus ancien est du… XIVe siècle. Aucun père grec n’y fait allusion, et si saint Cyprien – puis ceux qui le citent – dit « et ces trois sont un » en parlant du Père, du Verbe et de l’Esprit (mais sans référence), saint Augustin n’y fait jamais non plus allusion. Mais peu à peu, sans qu’on sache comment, le texte "complet" est cité par les auteurs latins, puis par des auteurs grecs (et arméniens, syriaques, etc.) Et la Vulgate sixto-clémentine le donne pour authentique. Mais la récente Vulgate de Stuttgart a bien fait de l’expurger, même si, bien entendu, le texte liturgique doit rester celui que nous a légué une longue tradition, admirablement explicative.

    Quant à l’évangile de ce jour, il a la particularité d’évoquer les deux premiers huitièmes jours… Celui de la Résurrection, et la première octave de la Résurrection. Comme le chante une prière de la liturgie mozarabe citée par dom Guéranger :

    Ingeniti Genitoris genite Fili, qui in eo nobis diei hujus octavi renovas cultum, in quo te discipulorum aspectibus hodie præbuisti palpandum. Nam licet hic dies sit prior pras cæteris conditus, octavus post septem efficitur revolutus. Quo ipse sicut admirabiliter e sepulcro surrexisti a mortuis, ita ad discipulos inæstimabiliter intrasti januis obseratis. Initium videlicet Paschæ ac finem exornans congruis sacramentis, cum et resurrectio tua custodibus terrorem incuteret, et manifestatio discipulorum corda dubia confortaret. Quæsumus ergo, ut nos his sacramentis imbutos fides qua te credimus post istud sæculum tibi repræsentet illæsos. Nullum nobis de te scrupulum dubitationis errorisque, aut otium pariat, aut quæsitio incauta enutriat. Serva in nomine tuo quos redemisti sanguine pretioso. Contemplandum te nostris sensibus præbe nostrumque cor dignatus ingredere. Esto semper in medio nostri, qui hodie pacem nuntians discipulorum in medio astitisti. Quique in eis insufflasti Spiritum vitæ, nobis largire ejusdem Spiritus consolationem.

    Fils engendré du Père qui n’est engendré de personne, vous renouvelez aujourd’hui le culte de ce huitième jour, dans lequel vous vous offrîtes aux regards et à l’attouchement de vos disciples. Ce jour du Dimanche, bien qu’il ait précède les autres, devient le huitième après que les sept premiers sont écoulés. En ce jour vous vous levâtes du sépulcre, vous vous séparâtes des morts ; en ce jour aussi vous entrez, les portes fermées, et vous accordez aux disciples votre chère visite. C’est ainsi que vous marquez, chacun par son mystère, le commencement et la fin de la Pâque ; votre résurrection épouvante les gardiens de votre tombeau, et votre apparition vient confirmer les cœurs chancelants des disciples. Quant à nous qui possédons la science de tous ces mystères, daignez faire que la foi par laquelle nous croyons, nous préserve du mal pour le jour où, après cette vie, nous paraîtrons devant vous. Que cette foi ne connaisse ni le doute qu’engendre la paresse de l’esprit, ni l’erreur que mène à sa suite une téméraire curiosité. Gardez en votre nom ceux que vous avez rachetés de votre précieux sang. Laissez-vous contempler à notre âme ; daignez pénétrer aussi dans notre cœur. Soyez toujours au milieu de nous, vous qui, étant au milieu de vos disciples, leur avez aujourd’hui annoncé la paix. Vous avez soufflé sur eux l’Esprit de vie, répandez aussi sur nous la consolation du même Esprit.

  • Vendredi de Pâques

    L’évangile de la messe de ce jour est très court. Ce sont les cinq brefs derniers versets de saint Matthieu. Et ils sont d’une densité extrême, bien que nous n’en ayons plus conscience. Pour le comprendre, il faut se mettre à la place des apôtres entendant ce que dit Jésus :

    - Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre.

    C’est la toute puissance de Dieu, qui est Dieu même : « Vous verrez le fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance », avait dit Jésus devant le Sanhédrin. Et cette puissance n’est plus seulement celle du Verbe, c’est celle qui a été donnée à l’humanité glorifiée du Christ (c’est Jésus « né de la chair, établi Fils de Dieu en toute puissance, selon l’Esprit de sainteté par sa résurrection des morts », dira saint Paul) – dans le ciel comme sur la terre.

    - Allez enseigner toutes les nations.

    La mission est désormais clairement universelle. Il ne s’agit plus seulement des « brebis d’Israël ». Le mot « enseigner » veut dire en fait, en grec, faire des disciples. Et de fait ces apôtres si peu nombreux ont fait des disciples de toutes les nations.

    - les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

    Claire révélation de la Sainte Trinité, appliquée au baptême, le sacrement de l’Alliance nouvelle et éternelle. Trinité dans l’Unité, puisqu’il y a deux fois « et » mais un est le Nom.

    Gouverner par la Puissance, sanctifier par les sacrements, enseigner pour faire des disciples, ce sont les trois charges confiées par le Seigneur à son Eglise. Ce que souligne de nouveau l'antienne de communion.

    - Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles.

    Pas avec les apôtres, puisqu’ils ne vivront pas jusqu’à la fin du monde. Mais avec l’Eglise. L’Eglise constituée de sorte qu’il y soit toujours présent et qu’il en soit la tête, l’Eglise donc hiérarchique et infaillible.

  • Mercredi de Pâques

    L’évangile de la messe de ce jour est celui de la seconde pêche miraculeuse, celle d’après la résurrection.

    « Simon Pierre monta dans la barque, et tira à terre le filet, plein de 153 poissons. »

    On est habitué à plusieurs nombres symboliques dans l’Ecriture : 3, 7, 10, 12… Mais l’on peut s’étonner de ce 153, qui a priori ne nous dit rien et que saint Jean n’a pourtant pas mis au hasard.

    Saint Augustin est le premier semble-t-il à avoir remarqué que 153 est la somme des nombres de 1 à 17 : 1+2+3+4+5 etc. C’est ce qu’on appelle depuis Pythagore un nombre triangulaire, et 153 est le 17e nombre triangulaire, parce qu’on l’établissait alors par un triangle équilatéral de 17 pastilles de côté. Or bien sûr le triangle est le symbole de la Trinité.

    Quant à 17, saint Augustin explique que c’est un nombre formé de 10 et de 7, à savoir la Loi (le Décalogue) à laquelle s’ajoute la grâce du Saint-Esprit aux 7 dons, les 153 poissons symbolisant donc le nombre des élus, qui par la grâce ont observé les commandements. On peut aussi remarquer que 10 et 7 sont des nombres de la totalité, de la plénitude, et que 153 est donc une absolue plénitude de totalité et totalité de plénitude.

    De plus, il y a 17 fois, dans l'évangile de saint Jean, l'expression "vie éternelle", ce qui souligne que les 153 poissons sont les élus.

    En outre 17 est le… septième nombre premier. Et saint Augustin fait remarquer aussi que dans cet épisode évangélique il y a sept apôtres.

    Plusieurs pères, ne voyant pas le nombre triangulaire, ont décomposé 153 en 3 fois 50 plus 3, combinaison superlative du Saint-Esprit (la Pentecôte est le 50e jour après Pâques) et de la Trinité. Or cela correspond au fait que les Actes des Apôtres énumèrent 17 nationalités (figurant l’ensemble des nations) parmi ceux qui comprennent ce que disent les Apôtres le jour de la Pentecôte.

    C’est aussi un nombre marial : le Rosaire, plénitude de la prière mariale, se compose de 153 Ave Maria, qui sont engendrés par 17 prières (1 Credo et 16 Pater). On a pu remarquer aussi que la « Dame du Rosaire », à Fatima, est apparue entre le 13 mai et le 13 octobre, ce qui fait 153 jours. (Et l’Ave Maria lui-même est composé de 153 lettres si l’on néglige le « et » avant « benedictus », qui n’est d’aucune nécessité.)