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Tobie

La lecture de la semaine, selon le Bréviaire, c’est le livre de Tobie. On a grosso modo trois textes de ce livre, assez différents les uns des autres. Deux textes grecs des plus prestigieux codex : celui du Sinaiticus, et celui du Vaticanus et de l’Alexandrinus (qui sont à peu près identiques) ; et le texte latin de la Vulgate.

Saint Jérôme en raconte la genèse : il connaissait un rabbin qui avait un texte de Tobie en araméen. Mais le rabbin (semble-t-il) ne voulait montrer son manuscrit à personne. Alors saint Jérôme lui demanda de traduire le livre en hébreu, et lui le traduirait en latin. Cela se faisant oralement, avec des secrétaires. Et cela se fit en une seule journée. Quand on lit le résultat, on comprend ce qu’était le génie de saint Jérôme.

Aujourd’hui, selon la Bible de Jérusalem, on pense que le texte originel était un texte araméen. Réaction logique : ce pourrait donc bien être celui de saint Jérôme (ou plutôt du rabbin). Réaction que n’a aucun spécialiste, car le b-a-ba de l’exégèse contemporaine est d’ignorer absolument la Vulgate. C’est pourtant le plus beau des trois textes.

Les Bibles modernes traduisent généralement le texte du Sinaiticus, le plus long. En flagrante contradiction avec un des principes majeurs de l’exégèse contemporaine, que le texte le plus court est le plus ancien, donc le plus authentique, parce qu’on a tendance à en rajouter, pas à élaguer. Cela dit, le texte du Sinaiticus est incontestablement meilleur que celui de deux autres grands codex. Mais ne comptez pas sur les traducteurs pour vous expliquer pourquoi ici ils transgressent leur règle…

Deux petites choses maintenant pour montrer qu’il ne faut pas se laisser impressionner par les spécialistes.

Le chapitre 13 est le chant d’action de grâces du père de Tobie. Vers la fin il parle de « pierres d’Ophir » (selon le Sinaiticus). Dans la Bible Osty il y a une note disant qu’habituellement dans la Bible on parle de « l’or d’Ophir », ce qui est vrai, et là il renvoie à d’autres textes, dont le premier est le livre de Job. Mais le chanoine oublie qu’il traduit un texte grec : or s’il se reportait au texte grec de Job, il y verrait aussi les « pierres d’Ophir », et non « l’or d’Ophir ».

Au chapitre 12, l’ange Raphaël dit : « Mieux vaut la prière avec le jeûne, et l’aumône avec la justice, que la richesse avec l’injustice. » Note de la Bible Osty : « “avec le jeûne”, selon la vieille version latine, de préférence à “avec la vérité” S » (c’est-à-dire selon le Sinaiticus). Mais pourquoi aller chercher une « vieille latine », qui n’est de toute façon qu’une traduction d’un texte grec, alors qu’il suffit d’ouvrir la Septante pour voir que les deux autres grands codex grecs ont « jeûne », et non « vérité », ou de se permettre une folie (pour une fois) en ouvrant la Vulgate et de voir que là aussi il s’agit du « jeûne »…

Commentaires

  • Que le texte court soit forcément le plus ancien, ce n'est pas une règle absolue. Il peut aussi y avoir des versions abrégées. On le voit par les synoptiques Matthieu et Luc, ils ont parfois abrégé le texte de Marc, qui reste le plus pittoresque, et sûrement l'original : pour les endroits parallèles.

    Parfois aussi, ils l'ont complété.

  • La TOB donne les indications suivantes :
    "Ce texte [du Sinaïticus] est de tonalité sémitique, un peu abondant parfois mais très coloré et cohérent. Les fragments de Tobit découverts à Qumran (un en hébreu et quatre en araméen) lui apportent le plus souvent leur appui. Aussi est-on enclin aujourd'hui à le considérer comme le plus proche de l'original perdu." D'où son choix pour la traduction.
    Concernant la Vulgate, le jugement est plutôt acerbe : "traduction effectuée par st Jérôme d'après un original araméen, travail hâtif qui nous renseigne autant sur la personnalité ascétique du traducteur et sa conception du mariage que sur les nuances du texte original"...

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