L’évangile de ce jour est celui de l’Annonciation : « Et le nom de la vierge était Marie… »
Il y a dans la Bible Osty une note qui est un exemple particulièrement remarquable de la malfaisance de l’exégèse historico-critique, puisqu’on y voit cette exégèse dévoyée affirmer l’inverse de ce que dit l’exégèse traditionnelle (selon l’évidence des textes) et contredire (une fois de plus) ce qu’enseigne explicitement le Christ.
Il s’agit de Luc 1, 32-33, quand l’ange dit que l’enfant qui naîtra de Marie s’appellera Jésus : « Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, et il régnera sur la maison de Jacob pour [tous] les siècles, et son règne n’aura pas de fin. »
Telle est la traduction Osty. Soulignons que l’expression traduite par « pour [tous] les siècles » veut clairement dire éternellement, d’où le « in aeternum » de la Vulgate. Mais il faut atténuer le sens originel pour que la démonstration historico-critique puisse avoir l’air de fonctionner.
Voici la note :
Les paroles de l’ange, qui s’inspirent de divers passages de l’AT (2 Sam 7,12-16 ; Is 9,6 ; Mic 4,7 ; Dan 7,14), évoquent un messianisme limité à l’horizon juif.
Or, s’il en est ainsi, l’ange – donc Dieu dont l’ange n’est que le messager – ment. Puisque, « à l’horizon juif », il est bien clair que Jésus n’est pas monté sur le trône de David et qu’il n’a pas régné sur la maison de Jacob. Osty parle comme les apôtres qui attendaient que Jésus prenne le pouvoir. Il n’a pas remarqué que Jésus leur a répondu…
L’exégèse traditionnelle a toujours montré qu’en effet les paroles de l’ange renvoient à des textes de l’Ancien Testament. Ces paroles ont même tellement l’air « décalées » par rapport à l’Evangile, qu’elles prennent une saveur archaïque, celle-là précisément des textes de l’Ancien Testament. Saint Luc insiste ainsi sur le fait que les prophéties vont s’accomplir. Celles que signale Osty, mais aussi le grand psaume 88 qu’il oublie, et qui est ici essentiel :
J'ai élevé celui que J'ai choisi du milieu de Mon peuple. J'ai trouvé David, Mon serviteur; Je l'ai oint de Mon huile sainte. Car Ma main l'assistera, et Mon bras le fortifiera. L'ennemi n'aura jamais l'avantage sur lui, et le fils d'iniquité ne pourra lui nuire. Et Je taillerai ses ennemis en pièces devant lui, et Je mettrai en fuite ceux qui le haïssent. Ma vérité et Ma miséricorde seront avec lui, et par Mon Nom s'élèvera sa puissance. Et j'étendrai sa main sur la mer, et sa droite sur les fleuves. Il m'invoquera: Vous êtes mon Père, mon Dieu, et l'auteur de mon salut. Et Moi, Je ferai de lui le premier-né, le plus élevé des rois de la terre. Etc. (traduction Fillion)
Tout au long de l’Ancien Testament, Osty a rejeté les prophéties messianiques au sens chrétien du terme. Il a toujours souligné, dans ses notes, que ces prophéties ne concernaient que « l’horizon juif » et temporel, et que ce sont des « hyperboles ». De même qu’il souligne toujours, de façon réellement obsessionnelle, dans les livres sapientiaux, chaque fois qu’il y a une allusion (déjà atténuée par les massorètes ou atténuée par la traduction) à un jugement de Dieu et à une rétribution dans l’au-delà, qu’on ne peut jamais interpréter ainsi, et qu’il s’agit toujours de ce qui se passe sur cette terre, car à l’époque historique où ces textes ont été écrits il n’y avait pas d’autre doctrine sur l’au-delà que le « shéol » où les morts sont tous de tristes ombres. Au nom du contexte historique, il refuse aux auteurs sacrés la possibilité de prophétiser ce qui les dépasse, il refuse à Dieu, tout simplement, d’inspirer les auteurs sacrés. (Telle est l’exégèse historico-critique, qui traite de la Sainte Ecriture comme de vieux articles de journaux.)
Il a tellement fait cela dans l’Ancien Testament qu’il ose continuer, imperturbablement, dans le Nouveau. Il rejetait (comme tous ses semblables) la prophétie spirituelle dans l’Ancien Testament, il projette ce refus dans le Nouveau Testament et refuse à l’ange ce qu’il refusait aux prophètes.
Il projette l’Ancien Testament tronqué de sa vraie valeur spirituelle dans le Nouveau pour le tronquer également (et pour rendre absurde le récit de l’Annonciation). Alors que la véritable exégèse se saisit de ce que dit l’ange dans le Nouveau Testament pour montrer que ces paroles concernent bien le Christ qu’annonçaient les prophètes dans l’Ancien.
Comme d’habitude, il ne craint pas de contredire frontalement le Christ parlant aux pèlerins d’Emmaüs :
Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.
Commentaires
Mais je ne sais pas pourquoi vous vous acharnez à lire Osty, et surtout Trinquet, son collaborateur pour les notes. Osty est avant tout un traducteur élégant. C'est de l'exégèse systématique et pseudo-historique, celle même recommandée et tant vantée par Benoît XVI et ses synodes sur la parole de Dieu. Benoît XVI, jusqu’à preuve du contraire, croyait dur comme fer à l’exégèse historico-critique, qu'on ferait mieux d'appeler historico-sceptique. Ce serait plus juste. On le voit bien dans ses bouquins, hautement contestables.
Lisez comme moi, la Bible de Jérusalem. Ce sera déjà mieux. Et ne prenez pour argent comptant que la moitié - à peine - des notes. Le reste est obsolète.
Heureusement que vous ne vous indignez pas sur la TOB. Ce serait pire.
Jusqu"'à l'année dernière je n'avais pas ouvert une Bible en français (même si je connaissais Sacy et Fillion par internet). J'ai commencé par la Bible de Jérusalem, dont j'ai parlé quelquefois...
J'ai l'intention de me mettre à la TOB, sauf si la nouvelle édition de Glaire paraît avant. Au moins, dans la TOB, grâce aux protestants et aux orthodoxes, il n'y a pas cet insupportable "Yahvé". Et je ne suis pas sûr que la TOB soit pire qu'Osty, si les orthodoxes ont pu dire leur mot.
La différence entre Osty (et Trinquet, donc) et la Bible de Jérusalem, c'est que Osty raconte par le menu la sombre tambouille qu'il fait (ses "corrections" permanentes du "texte hébreu" qui est "corrompu", ou "en mauvais état", ou "mal transmis", et carrément ses inventions (il appelle ça "conjectures", ou, plus malin, "redistribution des consonnes"), alors que la Bible de Jérusalem est plutôt discrète sur son arrière-cuisine...
A propos du "dur comme fer", je vous invite quand même à relire son introduction au premier tome de "Jésus de Nazareth"...
Ce texte, équilibré sur la question, ne fut pas du tout reçu comme du "dur comme fer" mais comme une critique de cette exégèse. Joseph Ratzinger disait qu'elle avait été utile, mais qu'elle avait atteint ses limites, que de toute façon elle n'aboutissait qu'à des hypothèses, et qu'il était temps d'arrêter.
Ayant lu les trois ouvrage que Benoît XVI a consacré à Jésus, je comprends assez mal votre charge contre ce pape. La mise au point d'Yves Daoudal à ce sujet me semble lumineuse.
En outre, pourquoi nous priverions-nous de l'exégèse historico-critique? Elle est une contribution au savoir et ce n'est pas négligeable. Le tout est de l'utiliser correctement, c'est-à-dire à sa juste place.
Cher Monsieur,
Merci pour ces précieuses notes de lecture. J'espère que vous les réunirez un jour en volume.
Un point : l'exégèse historico-critique n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Tout dépend ce qu'on en fait. Elle peut être d'un grand usage apologétique.
Votre bien dévoué,
J'ai lu la bible de manière cursive pour la première fois dans la traduction d'Osty, je n'ai pas perdu la foi pour autant, peut être parce que je ne m'étais pas trop attardé sur les notes, quoique j'ai lu toutes ses introductions.
Ce qui ne m'empêche pas d'être d'accord avec votre analyse sur les principes qui ont guidé sa traduction, à savoir une foi intellectualisée incapable de comprendre l'oeuvre de la grâce.
Donc même sans avoir une foi animée un traducteur qui minimisera autant qu'il le peut la révélation ne pourra jamais l'empêcher d'opérer, peut être la retardera t il à la rigueur. C'est du moins mon avis, à la condition bien sûr qu'il soit honnête.
Quant aux traductions bibliques, il existe un texte français fondé sur la Vulgate, la Crampon réédité récemment par l'abbaye du Barroux.
Merci en tout cas de nous faire part de vos analyses!
Contrairement à ce que croient beaucoup de gens (je me demande bien pourquoi), la Bible Crampon n'est pas du tout une traduction de la Vulgate. Cela se voit au premier coup d'oeil.
La confusion vient du fait que l'édition bilingue de 1905 contient la traduction Crampon et le texte latin de la Vulgate en regard. Mais l'une n'est pas la traduction de l'autre.
L'abbé Crampon étant décédé en 1894, le premier des sept tomes étant en impression, le travail fut achevé par des jésuites et des St-Sulpiciens. La bible "Crampon" n'est que partiellement de lui.
Merci. C'est donc comme pour la Pirot-Clamer. C'est une idée vraiment tordue.
Pardonnez mon erreur dont la raison est celle évoquée par @Dauphin, à savoir la présentation en regard de la Vulgate et de la traduction française. Du reste une simple vérification chez wiki confirme que cette traduction est fondée sur l'hébreu et le grec. Effectivement quelle idée de mettre en regard deux textes sans rapport. Et moi qui me fiais à cette traduction pour cette apparente raison. C'est presque un dol...
Bonjour,
De quelle nouvelle édition de Glaire parlez-vous ?
Est-ce de la traduction parue jadis aux éditions DFT et pour l'instant épuisée ?
Oui, il s'agit de la réédition DFT, qui avait été annoncée pour le mois de juin et qui semble repoussée à la fin de l'année.
Voyez ici les commentaires de "Wenceslas"
http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2015/09/02/une-preuve-5679243.html#c8373887
Je ne vois vraiment pas pourquoi vous parlez de "l'insupportable Yahvé". Il m'est clair que la pratique des Juifs de ne pas le prononcer fait partie de ces "coutumes des Anciens" qui s'opposent aux"commandements de Dieu", et que Jésus critique durement. Car la volonté de Dieu, c'est que nous invoquions le Nom de Seigneur (qui est..."Yahvé"!) pour être sauvés , que nous Le respections et ne jurions pas par son Nom faussement. On voit mal comment faire cela sans prononcer ce Nom... Nul part dans l'Ancien Testament (ce n'est pas à vous que je l'apprendrai) il n'est dit que seul le Grand Prêtre a le droit de le prononcer, une fois par an. Quant à savoir pourquoi les Septante et Jérôme se sont conformés à cette tradition juive tardive (6eme siècle), c'est une bonne question. Mais la TOB distingue bien, dans sa traduction (emploi ou non de capitales) entre la présence de YHWH dans le texte massorétique, et la présence de Adonaï.
Il n'y a pas que "les Septante et Jérôme". Il y a le Siracide et l'auteur du second Macchabée, - et autres pages grecques de l'Ancien Testament, il y a les évangélistes et les apôtres, et saint Paul même quand il parlait en langue hébraïque comme disent les Actes, et un certain Jésus-Christ qui n'a jamais employé ce mot alors même qu'il nous a enseigné à prier notre Père.
Quant au texte massorétique, il est clair que YHWH se prononce... Adonaï, comme l'indique sa vocalisation. C'est ce qu'on appelle un "qere perpetuum": on lit toujours autre chose que ce qui est écrit. Or Adonaï c'est le Seigneur, Kyrios, Dominus.