Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14e dimanche après la Pentecôte

Si l’évangile du 8e dimanche (l’intendant malhonnête loué par son maître) avait quatre versets de plus, il se terminerait par le premier verset de l’évangile de ce dimanche, bien que celui-là fût de saint Luc et que celui-ci est de saint Matthieu.

C’est en effet la même phrase :

« Nul ne peut être esclave de deux maîtres ; car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez être esclave de Dieu et de Mammon. »

La seule différence est que saint Luc a ajouté, au début, le mot « domestique », proprement « esclave de la maison » (que la Vulgate a traduit par servus), qui fait de la sentence la conclusion de l’épisode : « Nemo servus potest duobus dominis servire... » Aucun esclave ne peut être esclave de deux maîtres...

Ainsi, par la répétition servus-servire, la Vulgate souligne que l’homme ne peut être l’esclave que de Dieu ou de Mammon. A lui de choisir. Servire veut d’abord dire « être esclave », et le mot grec qu’il traduit veut dire essentiellement « être esclave ». (L’intendant de l'évangile était de fait un esclave, comme l’était très souvent un intendant dans l’antiquité, et il y avait des intendants fort riches et puissants : il ne faut pas confondre avec l’oncle Tom et les champs de coton.)

Il est regrettable que cet aspect ait presque disparu des traductions. Pourtant saint Paul se glorifie bien d’être « esclave de Jésus-Christ », et cette notion traverse tout le Nouveau Testament. Etre esclave, c’est appartenir complètement à quelqu’un d’autre. Or, être chrétien, c’est appartenir au Christ. L’autre possibilité, c’est d’appartenir à Mammon. Mais il y a l’esclavage - la dépossession de soi - qui conduit au paradis, à la liberté éternelle en Dieu, et l’esclavage qui conduit en enfer, dans des chaînes éternelles.

Le P. Spicq est formel (mais le dictionnaire aussi) : quand il y a δοῦλος (doulos) dans un texte, en latin servus, on doit traduire par esclave. Or ce mot se trouve 125 fois dans le Nouveau Testament, sans compter le verbe δουλεύω (douleuo), être esclave, utilisé 25 fois. Il y a d’autres mots pour dire serviteur (comme παῖς – pais, en latin puer), ou servir (notamment διακονέω - diakoneo, qui a donné diaconat).

Ce dimanche, cette même phrase introduit un épisode tout différent. Mais en rapport direct avec ce que je viens d’expliquer. Celui qui est esclave de Dieu ne s’inquiète pas, il sait que le maître, qui est un Père, pourvoit à tout, il a confiance en la Providence, il vit dans la liberté des enfants de Dieu. Comme « les oiseaux du ciel » que le Père nourrit sans qu’ils sèment ni ne moissonnent. Libéré de l’esclavage de Mammon, le chrétien n’a plus les yeux fixés sur son idole : toujours plus d'argent, toujours plus de biens… Il promène son regard sur la création, et découvre que les humble lis des champs sont vêtus plus somptueusement que Salomon. Il découvre les vraies richesses. Qui sont des richesses gratuites.

Commentaires

  • De même la Sainte Vierge a dit : "Je suis l'esclave (doulê) du Seigneur." (Lc 1, 38). Georgin traduit : esclave femme.

  • Je mets un petit bémol cependant à votre discussion sur l'esclavage. Serviteur en français vient manifestement du servus latin. Tandis qu'esclave en réalité veut dire slave. On peut donc trouver plus approprié de traduire par serviteur plutôt que par esclave.

    Le Larousse (1982) définit ainsi l'esclave : Qui est sous la domination absolue d'un maître qui l'a rendu captif ou qui l' a acheté.

  • Du temps du Christ où l'esclavage devait être normal, le texte passe bien - mais de nos jours où c'est le fait seulement des méchants qui en outre s'en défendent, ce n'est plus le cas.

  • Il n'y eut jamais d'esclave en Israël. C'était le fait des païens.

  • Oh ! Jean Ferrand !

    Exode 21
    Lévitique 25
    Deutéronome 15...

  • les musulmans, qui sont en l'occurrence plus pieux que nous, le savent très bien, d'où les nombreux prénoms commençant par Abd : Abdallah, esclave de Dieu, etc... les chrétiens arabes utilisent également ces prénoms, et en ont même qui leur sont propres : Abd el Messiah, par exemple; beaucoup de prénoms éthiopiens ont la même signification
    quant au mot esclave, il désigne plutôt un statut juridique : dans l'empire ottoman, toutes les femmes du harem du sultan étaient des esclaves, de même que la plupart de ses ministres, à l'exception du grand mufti, et que les janissaires, les uns et les autres issus du devchirme; cela ne signifie pas qu'ils étaient à l'échelon le plus bas de la société; le clergé orthodoxe l'avait très bien compris : il avait fait exclure du devchirmé les autres chrétiens, et le curé faisait partie de l'espèce de conseil de révision qui sélectionnait les futurs musulmans; cela avait permis aux Serbes d'avoir leur propre patriarcat, érigé par un grand vizir pour un de ses parents moine
    dans l'Egypte du Moyen Age et des Temps Modernes, les Mamelouks, qui gouvernaient, avaient un nom qui veut dire esclave public
    je ne pense pas qu'il faille retenir l'argument étymologique : esclave se traduisait bien par servus dans le latin médiéval, même si le mot avait une autre origine

Les commentaires sont fermés.