Méditation pour le 4e dimanche après Pâques.
Jésus-Christ ayant dit à ses apôtres (Jn 16, 6) qu’il retournait à celui qui l’avait envoyé, leur cœur aussitôt fut rempli de tristesse. Comme la présence de leur maître faisait toute leur consolation et leur soutien, ils avaient bien de la peine de voir qu’ils en seraient bientôt séparés parce qu’ils se persuadaient que, Jésus-Christ n’étant plus visiblement avec eux, ils seraient privés d’un secours dont ils croyaient ne pouvoir se passer. Comme ils n’avaient pas encore reçu le Saint-Esprit, ils s’attachaient à ce qui frappait leurs sens, sans s’élever plus haut.
Quand on quitte le monde, quand on renonce, en les quittant, aux plaisirs des sens, il arrive quelquefois qu’on ne fait cette renonciation que par pur goût et que par un pur attrait sensible pour Dieu et pour les choses de Dieu, qui donne une satisfaction incomparablement au-dessus de celles des sens.
Ainsi c’est un plus grand plaisir qui fait qu’on se prive volontiers d’un autre qui est beaucoup moindre ; ce qui marque qu’on n’est pas encore dans un entier détachement. Demandez beaucoup à Dieu ce détachement entier, pour ne vous attacher qu’à lui seul, en qui consiste tout le bonheur de cette vie et de l’autre.
Jésus-Christ, voyant que ses apôtres étaient tristes de ce qu’il leur avait dit que bientôt il se séparerait d’eux, leur fit connaître que c’était un avantage pour eux qu’il s’en allât. Ceux qui se sont donnés à Dieu croient souvent que la présence sensible de Dieu est l’unique chose qui les puisse soutenir dans la piété et que, s’ils tombaient une fois dans les sécheresses et dans les peines intérieures, ils déchoiraient tout à fait de l’état de sainteté où Dieu les a élevés ; et il leur semble qu’ayant perdu certain goût pour l’oraison et la facilité de s’y appliquer, tout est perdu pour eux, et que Dieu les a entièrement rejetés ; leur intérieur est dans la désolation, et ils s’imaginent que toute voie pour aller à Dieu leur est fermée. Il faut alors leur dire ce que Jésus-Christ dit à ses apôtres : qu’il leur est avantageux que Dieu se retire d’eux sensiblement, et que ce qu’ils regardent comme une perte est pour eux un véritable gain, s’ils soutiennent volontiers cette épreuve.
La raison principale pour laquelle Jésus-Christ dit à ses apôtres qu’il leur est avantageux qu’il s’en aille, c’est parce que, s’il ne s’en va pas, l’Esprit consolateur ne viendra point en eux ; mais que, s’il s’en va, il le leur enverra. Comprenons par là qu’il est quelquefois plus avantageux d’être privé des consolations spirituelles que d’en avoir ; parce que plus on est dégagé de ce qui plaît aux sens, et plus on a de moyens d’aller à Dieu purement et avec un entier détachement de toutes les créatures ; c’est alors, en effet, que l’Esprit de Dieu vient dans une âme et qu’il la comble de ses grâces.
Ne vous plaignez donc plus lorsque vous serez dans la peine, soit intérieure, soit extérieure ; et assurez-vous que plus vous y serez, plus vous aurez de moyens d’être tout à Dieu.