— Et bien sûr ils ont supprimé les Quatre-Temps !
— Mais non ! Non seulement vous êtes excessif, comme d’habitude, mais en outre votre accusation est une contre-vérité. Les normes universelles de l’année liturgique ont même un chapitre sur le sujet.
— Ah oui. Il y est dit que c’est aux conférences épiscopales de fixer la périodicité, les dates, la manière de célébrer… Donc, c’est quand, les Quatre-Temps ?
— Euh… Les évêques ont oublié de le décider.
— Oui, depuis 50 ans. Donc, de facto, les Quatre-Temps ont été supprimés.
C’est une de ces hypocrisies de la « réforme » liturgique. Comme pour les Rogations, soumises au même régime, comme le Canon romain, comme les mémoires facultatives… On fait semblant de maintenir, mais en fait on supprime.
Aux Quatre-Temps, comme disent encore très bien les nouvelles Normes, « l’Église a coutume de prier le Seigneur pour les divers besoins des hommes, en particulier pour les fruits de la terre et les travaux des hommes, et de lui rendre grâce publiquement ».
L’Eglise avait coutume. Mais les novateurs voulaient en fait supprimer cette coutume, comme les pèlerinages, comme les images dans les églises, comme le rosaire, comme les vieux cantiques, comme tout ce qui ressemble de près ou de loin à la piété populaire. Parce que c’est considéré comme de la superstition par les chrétiens « adultes » de notre époque. Dieu a autre chose à faire que de s’occuper de faire pousser le blé ou de faire tomber la pluie… Et puis nous ne sommes plus dans une civilisation rurale : on ne cultive plus les légumes, on les achète au supermarché.
Les Quatre-Temps sont la sanctification des quatre saisons, des solstices et des équinoxes. Donc la sanctification du cosmos. Mais pour les chrétiens adultes ce ne sont plus là que des symboles désuets.
Les Quatre-Temps de décembre ont donc été supprimés, alors qu’ils existaient avant même la liturgie de l’Avent. Comme en témoigne par exemple le sermon de saint Léon le Grand qu’on lisait avant 1960 aux matines du dimanche précédent : toutes les récoltes ont été engrangées, il faut remercier le Seigneur par un jeûne solennel.
Et voici la seconde raison de la suppression des Quatre-Temps : il faut supprimer tout ce qui rappelait le jeûne. On ne jeûne plus dans l’Eglise adulte. Même s’il y a des démons qui ne sortent que par la prière et par le jeûne. D’ailleurs dans les nouveaux Evangiles on a supprimé aussi le jeûne de cette phrase du Seigneur…
La messe du samedi des Quatre-Temps était conçue comme une liturgie d’ordinations, depuis toujours. Il y eut même un temps où c’était le seul jour ordinaire d’ordination à Rome. Et le jeûne avait là pour fonction (aussi) de demander à Dieu que les nouveaux prêtres soient de bons pasteurs.
Mais maintenant on procède aux ordinations n’importe quand.
La suppression de la liturgie des Quatre-Temps a eu aussi pour « avantage » de supprimer une des antiques collectes peu adaptées à « la mentalité contemporaine », comme disait dom Antoine Dumas, le gâte-sauce en chef et Dr Frankenstein des nouvelles oraisons :
Preces pópuli tui, quǽsumus, Dómine, cleménter exáudi : ut, qui juste pro peccátis nostris afflígimur, pietátis tuæ visitatióne consolémur.
Par pitié, Seigneur, exaucez les prières de votre peuple. Et puisque nous subissons les épreuves que nous ont méritées nos péchés, apportez-nous le réconfort quand vous viendrez à nous, plein de bonté.