« Étant un jour en voyage avec un vieux religieux, il dut coucher sur la paille avec son compagnon, dans une misérable hôtellerie. Toute la nuit, le vieillard ne fit que tousser et cracher ; ce ne fut que le lendemain matin qu’il s’aperçut de ce qui lui était arrivé ; il avait couvert de ses crachats le visage et les habits du Saint. Comme il en témoignait un grand chagrin : "Que cela ne vous fasse point de peine, lui dit François, car il n’y avait pas un endroit dans la chambre où il fallût cracher plutôt que sur moi." Ce trait peint assez un homme aux vertus héroïques. »
L’anecdote, ainsi racontée par l’abbé Jaud, prend un relief tout particulier quand on sait que le saint en question est François de Borgia, qui avant d’être jésuite et général des jésuites (le troisième après saint Ignace) avait été l’un des principaux personnages de la cour de Charles Quint, grand écuyer de l’impératrice, grand veneur de l’empereur, marquis de Lombay, duc de Gandie, vice-roi de Catalogne... (On dit que la Catalogne, mal gouvernée, était alors dans une situation de quasi rébellion, et qu’en quatre ans François de Borgia y rétablit la paix…)
Il fut à l’origine des premières missions jésuites en Amérique latine.
En 1571, saint Pie V l’adjoint au cardinal Alexandrini dans la légation chargée de rassembler les princes chrétiens contre les Turcs. Il accomplit sa mission par obéissance, alors qu’il est épuisé. Il meurt à Rome moins d’un an après la victoire de Lépante, à laquelle il a donc contribué.
François de Borgia était arrière-petit-fils du pape Alexandre VI par son père, et par sa mère petit-fils de l’archevêque de Saragosse qui était lui-même fils illégitime du roi Ferdinand II d’Aragon…
En 1607 son petit-fils François duc de Lerme, Premier ministre de Philippe III, et son arrière-petit-fils le cardinal Borgia, ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège, demandèrent sa béatification. L’une des prédictions de François de Borgia avait été que son petit-fils François deviendrait le premier homme du royaume, ce qui contribua à sa béatification qui eut lieu en 1624.
Il sera canonisé en 1670 par le pape Clément X, qui favorisera quatre ans plus tard l’élection de Jean Sobieski comme roi de Pologne en raison de ses victorieux combats contre les Turcs...
Ses reliques ont disparu dans l’incendie du couvent des jésuites de Madrid, le 11 mai 1931, moins d’un mois après la proclamation de la république : de farouches militants « républicains » incendièrent une douzaine de couvents dans toute l’Espagne ce jour-là, et pour toute réaction gouvernementale Manuel Azaña, qui n’était encore que ministre de la Guerre, déclara qu’il préférait voir brûler toutes les églises d’Espagne que de laisser toucher à un cheveu d’un républicain.