Le décor du drame qui va débuter la nuit de Noël est planté par saint Luc et par la liturgie.
On ne fait pas assez attention, en général, au fait que le Christ est venu à un moment très précis de l’histoire. Certes, on dit qu’il est venu au moment de l’empire romain, qui avait unifié tous les territoires autour de la Méditerranée et même bien au-delà vers le nord de l’Europe et à l’est jusqu’à l’Arménie. Mais ce que l’on oublie souvent de préciser est que cela venait seulement de se faire. La Syrie et la Palestine ne sont devenues romaines qu’en 38 avant Jésus-Christ (et la Gaule c'était moins de vingt ans avant), la Galatie en 25, la Cappadoce en 18 après Jésus-Christ. C’est en 30 avant Jésus-Christ que se termine la dernière guerre civile romaine avec le suicide d’Antoine et de Cléopâtre, et que l’Egypte devient également province romaine.
C’est cette année 30 qui marque le début de la Pax romana. C’est dans cet empire uni et pacifié que vient le Prince de la Paix, sachant qu’ainsi son message pourra être porté aux quatre coins du monde d’alors.
C’est un nouveau début solennel de son évangile que saint Luc proclame au début du chapitre 3, qui ouvre le récit de la vie publique du Christ : « La quinzième année du règne de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée ; Hérode, tétrarque de la Galilée ; Philippe, son frère, tétrarque de l’Iturée et du pays de la Trachonitide, et Lysanias, tétrarque de l’Abilène ; au temps des grands prêtres Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut sur Jean, fils de Zacharie, dans le désert. »
Alors que l’empire romain est unifié, la petite nation juive est divisée comme jamais, et sous un joug étranger. Le contraste est saisissant. Le dernier roi (vassal des Romains), Hérode le Grand, est mort, et Auguste n’a pas voulu qu’il ait de successeur : le pays est divisé en quatre. Hérode Antipas n’est que tétrarque de Galilée. Cette situation est prophétique, comme le remarquait saint Grégoire le Grand aux matines d’hier : « La gentilité devait être rassemblée, tandis que la nation juive allait être dispersée. » Car, comme le dit le Seigneur : « Tout royaume divisé contre lui-même sera détruit. »
« C’est aussi avec raison, poursuit saint Grégoire, qu’on ne dit pas seulement sous quels princes, mais encore sous quels prêtres la parole du Seigneur se fit entendre au Fils de Zacharie dans le désert. Comme Celui que Jean-Baptiste annonçait devait être à la fois Roi et Prêtre, l’Évangéliste saint Luc désigne le temps de sa prédication par la mention et des chefs du gouvernement civil et des autorités sacerdotales. »
Ce décor géographique et historique est complété par le décor liturgique, qui nous montre les principaux protagonistes : Isaïe le prophète de la venue et de la passion du Christ, qui chante dans l’introït le fameux « Rorate cæli desuper ». Isaïe qui, aux matines, a une fois de plus célébré le règne messianique à venir, et qui est cité par saint Jean-Baptiste dans l’Evangile. Jean le Baptiste, le Précurseur, qui s’efface derrière Isaïe pour annoncer le Christ derrière lequel il s’effacera également. Et enfin Marie, à qui l’Ange de l’Annonciation vient, à l’offertoire, présenter sa salutation prophétique (et qui est saluée par Isaïe dans la communion).
Alors tout est prêt. Et aux laudes, l’antienne du Benedictus nous a dit :
« Ne craignez pas, car notre Seigneur viendra à vous le cinquième jour. »
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O Oriens
O Orient, * splendeur de la lumière éternelle, et soleil de justice : venez et éclairez ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort.