L’Avent représente, dans l’Année liturgique, les temps qui ont précédé la venue du Messie; ce fut une période d’attente pénible, mais aussi de désir, d’espoir et déjà de joie.
Nous avons à la revivre. Nous avons, nous aussi, attendre le Messie et à attendre dans la même ferveur que les Prophètes, le peuple juif, Notre Dame, Elisabeth, Zacharie...
Il semble que cela devrait se faire comme naturellement, car les textes sont là - et plus encore peut-être, la mélodie - qui nous meuvent d'un sentiment à l’autre, selon le jeu des scènes et des personnages ; nous n’avons qu’à nous laisser mener.
En fait, il n'en va pas ainsi.
Beaucoup trouvent difficile de réaliser sur le champ, en plénitude et vérité, ces sentiments d’attente; car le Messie est déjà venu et, par le fait, les mots d’espoir et de désir par lesquels ils l’appellent ne sont pour eux qu’artificiels, ils ne correspondent à aucune réalité ; on ne saurait appeler quelqu’un qui est là, ni désirer que vienne celui qui est déjà venu.
A cette difficulté il existe trois solutions.
La première est d’ordre historique, si l’on peut dire. Il est bien certain que, pour nous, la naissance du Christ étant un fait passé, nous ne saurions diriger vers cet événement historique nos espoirs, nos désirs et nos appels. Mais, pour Dieu, à qui tout est présent, il n'y a ni passé, ni futur. Il est au dessus du temps. Au moment où les Juifs de l’Ancien Testament prononçaient les paroles qui composent la liturgie actuelle de l’Avent, Il les entendait; mais, dans le même acte, Il entendait aussi tous ceux qui, dans la suite des siècles, les rediraient, et toutes, celles des juifs d’hier et celles des chrétiens d’aujourd’hui et de tous les temps, avaient sur lui l’influence réelle qu’Il a bien voulu leur donner dans la disposition des causes secondes. En deux mots, nos supplications qui, pour nous, sont postérieures à l’Incarnation, pour Lui, ne le sont pas.
Dès lors, nous pouvons les dire en toute vérité et sincérité. Dans la liturgie de l’Avent, sur notre plan temporel, nous jouons des personnages historiques; et sur le plan de Dieu, nous vivons la réalité, la grande réalité du drame éternel, étant ainsi, en toute vérité, et du passé et du présent.
La seconde solution est d’ordre mystique.
Ce n’est pas seulement pour les hommes de son temps qui le virent dans la chair, que le Christ est venu: c’est pour tous les hommes de tous les temps. Il continue donc de venir. Les textes sont là indéniables : « Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviendrai vers vous... Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera et nous viendrons en lui... » Il vient en chacun de ceux qui veulent bien le recevoir, selon un mode spirituel, mystérieux, mais réel.
Les voies qu'il emprunte sont multiples. Il a lui-même institué la principale : les sacrements, l’Eucharistie, entre tous, le premier. Il en a inspiré une autre: la liturgie.
Sous le symbolisme des mystères de sa vie qui se déroulent tout au long de l’année, il revit, et ses paroles et ses gestes, à travers l’Eglise, produisent, dans l’âme bien disposée, l’augmentation de charité qui le fait venir à un titre nouveau et nous établit nous-mêmes, avec lui, en des rapports plus intimes.
A Noël, il vient donc en toute vérité dans l’Eglise et dans les âmes. Il s’ensuit que notre attente, nos désirs, nos appels peuvent être réels et contribuer efficacement à le faire venir avec plus de plénitude.
La troisième solution est basée sur la venue du Christ dans la gloire à la fin du monde. Vers ce dernier acte de sa royauté terrestre, toute créature soupire. Sa naissance à Bethléem en a été le prélude, sa venue dans les âmes, par les sacrements et la liturgie, en est la préparation; tout va vers là comme vers sa fin. Les textes liturgiques de l’Avent peuvent donc être entendus dans le sens de cet ultime avènement. Aussi bien, les prophètes l’avaient-ils vu en même temps que le premier.
Ici il n’y a plus aucune difficulté : nous pouvons espérer, désirer, appeler le Christ, car en vérité il viendra.
De ces trois solutions, laquelle choisir ? Si le texte n’en impose aucune, chacun est libre de son choix. Le mieux est de les prendre toutes les trois car elles se complètent l’une l’autre. Réunissant ainsi, dans un même acte, le désir du Christ qui est venu, du Christ qui vient et du Çhrist qui doit venir, on a alors l’idée splendide du Christ total : Heri, hodie… et in sæcula ; et les textes prennent tout leur sens et toute leur vie. La mélodie aussi ; car il n’y a aucun doute que celui qui l’a composée ne les compris de la sorte.
Dom Ludovic Baron