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Le blog d'Yves Daoudal - Page 8

  • Réponse orthodoxe

    L’Eglise orthodoxe russe a publié hier un long document intitulé « Attitude orthodoxe à l'égard de la nouvelle pratique de bénédiction des 'couples en situation irrégulière et des couples de même sexe' dans l'Église catholique romaine », élaboré par la Commission synodale biblique et théologique, que préside le métropolite Hilarion.

    Quelques petits extraits :

    Les idées exprimées dans la déclaration "Fiducia Supplicans" représentent une déviation significative de l'enseignement moral chrétien et requièrent une analyse théologique.

    Le document "Fiducia supplicans" ne mentionne pas la nécessité de "régulariser" canoniquement une relation avant de recevoir une bénédiction. Il s'agit donc d'une forme de légitimation indirecte de ce qui est essentiellement illégitime, malgré la mise en garde du document selon laquelle, en demandant une telle bénédiction, la personne vivant une cohabitation "irrégulière" "n'a pas l'intention de légitimer quoi que ce soit, mais seulement d'ouvrir sa vie à Dieu, de lui demander son aide pour mieux vivre et d'invoquer l'Esprit Saint afin que les valeurs de l'Évangile puissent être vécues plus fidèlement".

    La déclaration ne dit rien sur la lutte contre le péché, sur le rejet des modes de vie pécheurs, sur l'aide pastorale apportée au croyant pour qu'il surmonte le péché. Le texte de la déclaration est rédigé de telle manière que l'on peut en conclure qu'un mode de vie pécheur ne constitue pas un obstacle à la communion avec Dieu. La déclaration est totalement silencieuse sur le sacrement de pénitence comme source nécessaire de la grâce divine pour tous ceux qui voudraient corriger tout ce qui, dans leur vie, est incompatible avec la volonté de Dieu.

    "Fiducia supplicans" ne définit pas la "cohabitation homosexuelle" comme un péché. Un exemple contraire dans ce cas peut être la position de l'Eglise orthodoxe russe, qui a donné sa compréhension des relations entre personnes de même sexe dans le document "Fondements du concept social", où l'homosexualité est explicitement et sans ambiguïté appelée "un dommage pécheur de la nature humaine, qui est surmonté dans un effort spirituel conduisant à la guérison et à la croissance personnelle de la personne".

    Voici intégralement les Conclusions :

    La Déclaration "Fiducia supplicans", tout en proclamant formellement la fidélité à la compréhension chrétienne du sacrement du mariage et à la pratique des bénédictions, postule en fait une rupture brutale avec cette fidélité. Comme le montre l'analyse ci-dessus, cette rupture signifie un rejet de l'idéal moral chrétien.

    L'introduction d'une nouvelle compréhension en plus de la compréhension "classique" des bénédictions (liée à l'accomplissement de la volonté de Dieu par ceux qui sont bénis) n'est pas justifiée par l'Ecriture dans le texte du document. Il ne peut y avoir une telle justification, car, en fait, la pratique introduite des bénédictions est en contradiction radicale avec l'enseignement moral biblique.

    La compréhension unilatérale et incomplète de l'amour de Dieu pour l'homme reflétée dans cette déclaration est théologiquement dangereuse. Dans cette compréhension, les concepts de péché et de repentance sont en fait retirés de la relation entre Dieu et l'homme, ce qui conduit à une logique paradoxale, lorsque les personnes ayant des relations pécheresses n'ont pas recours à la repentance et au travail spirituel, mais à une forme de bénédiction dans l'espoir de recevoir la "guérison" et l'"élévation". Cependant, la déclaration ne précise pas que la "guérison" et l'"élévation" doivent être précédées au moins par l'intention de renoncer aux relations de péché.

    Dans le contexte des processus en cours dans la communauté chrétienne, ce document peut être perçu comme une étape vers la pleine reconnaissance par l'Église catholique romaine des "unions de même sexe" en tant que norme, ce qui s'est déjà produit dans un certain nombre de communautés protestantes.

    Tous les croyants, y compris ceux qui ont des tendances homosexuelles, ont besoin de soins pastoraux. Toutefois, cette attention pastorale ne doit pas viser à légitimer un mode de vie pécheur, mais à guérir l'âme de la personne qui souffre, comme cela est écrit à juste titre dans les Principes fondamentaux du concept social de l'Église orthodoxe russe : "Les tendances homosexuelles, ainsi que les autres passions qui tourmentent l'homme déchu, sont guéries par les sacrements, la prière, le jeûne, la pénitence, la lecture des Saintes Écritures et de saints écrits théologiques, ainsi que par la communion chrétienne avec des personnes fidèles prêtes à apporter un soutien spirituel. Tout en assumant sa responsabilité pastorale à l'égard des personnes ayant des tendances homosexuelles, l'Église s'oppose fermement aux tentatives visant à présenter cette tendance au péché comme une 'norme'".

    Bien que la déclaration "Fiducia supplicans" soit un document interne de l'Église catholique, l'Église orthodoxe russe considère qu'il est de son devoir de répondre à de telles innovations radicales qui rejettent les normes divinement révélées de la morale chrétienne. L'Église, qui accepte avec amour maternel et condescendance chaque pécheur individuel qui demande sa bénédiction, ne peut en aucun cas bénir des "couples de même sexe", car cela signifierait que l'Église consent de facto à une union de nature pécheresse.

    N.B. En soulignant que "Fiducia supplicans" « ne dit rien sur la lutte contre le péché, sur le rejet des modes de vie pécheurs », et laisse entendre « qu'un mode de vie pécheur ne constitue pas un obstacle à la communion avec Dieu », l’Eglise orthodoxe russe met le doigt sur une orientation fondamentale de la « réforme liturgique », qui n’apparaissait que par une analyse précise des textes, mais devient désormais pleinement apparente dans le magistère de Rome, et conduit l’Eglise dite catholique à son inéluctable naufrage.

    Addendum. Traduction intégrale par orthodoxie.com ici.

  • "Voici l’Époux"

    Les matines des premiers Jours Saints sont dans la liturgie byzantine l'Office de l'Époux, en référence aux cinq vierge sages et cinq vierges folles : les premières participeront aux Noces, les autres trouveront porte close. Voici le « tropaire de l’Époux », chanté hier soir en l’église de l’Assomption de Palazzo Adriano (Sicile).

    Ἰδοὺ ὁ Νυμφίος ἔρχεται ἐν τῷ μέσῳ τῆς νυκτός, καὶ μακάριος ὁ δοῦλος, ὃν εὑρήσει γρηγοροῦντα, ἀνάξιος δὲ πάλιν, ὃν εὑρήσει ῥαθυμοῦντα. Βλέπε οὖν ψυχή μου, μὴ τῷ ὕπνῳ κατενεχθής, ἵνα μῄ τῷ θανάτῳ παραδοθῇς, καὶ τῆς βασιλείας ἔξω κλεισθῇς, ἀλλὰ ἀνάνηψον κράζουσα· Ἅγιος, Ἅγιος, Ἅγιος εἶ ὁ Θεός, διὰ τῆς Θεοτόκου ἐλέησον ἡμᾶς.

    Voici, l'Epoux arrive au milieu de la nuit. Et bienheureux le serviteur qu'Il trouvera veillant. Mais indigne celui qu'Il trouvera nonchalant. Veille donc, mon âme à ne pas sombrer dans le sommeil, afin de n'être pas livrée à la mort et enfermée hors du Royaume. Mais reviens à toi et chante : Tu es Saint, Saint, Saint, notre Dieu. Par la Mère de Dieu aie pitié de nous.

  • Mardi Saint

    ℟. Synagóga populórum circumdedérunt me : et non réddidi retribuéntibus mihi mala. * Consumétur, Dómine, nequítia peccatórum, et díriges justum.
    ℣. Júdica me, Dómine, secúndum justítiam meam, et secúndum innocéntiam meam super me.
    ℟. Consumétur, Dómine, nequítia peccatórum, et díriges justum.

    La synagogue des peuples m’a encerclé, ; et je n’ai pas rendu le mal à ceux qui m’en faisaient. La méchanceté des pécheurs sera anéantie, Seigneur, et du dirigeras le juste.
    Juge-moi, Seigneur, selon ma justice, et selon l’innocence qui est en moi.

    Tel est le troisième répons des matines de ce jour. Il vient du psaume 7 mais, comme on le voit, par bouts et dans le désordre, comme c'est souvent le cas dans la composition des anciens répons :

    8 et synagoga populorum circumdabit te :
    et propter hanc in altum regredere :
    5 si reddidi retribuentibus mihi mala,
    decidam merito ab inimicis meis inanis.
    9 Dominus judicat populos.
    Judica me, Domine, secundum justitiam meam,
    et secundum innocentiam meam super me.
    10 Consumetur nequitia peccatorum, et diriges justum,
    scrutans corda et renes, Deus.

    Dans les psaumes le mot « synagogue » est toujours (à une exception près) utilisé pour désigner l’assemblée des méchants (l’assemblée des justes se dit « ecclesia »). Le stique s’applique à l’évidence à la Passion. Dans le psaume c’est David qui s’adresse au Seigneur : « Lève-toi, Seigneur mon Dieu, suivant le précepte que tu as établi ; et la synagogue des peuples t’encerclera, à cause d’elle retourne dans les hauteurs. » Dans le répons c’est le Christ qui s’exprime, donc le pronom est mis à la première personne.

    Ensuite on prend une expression du verset 5. David (qui représente le Christ dans sa Passion) dit : « Si j’ai rendu le mal à ceux qui m’en avaient fait, que je succombe, justement et dénué de tout, devant mes ennemis. » Dans le répons la conjonction conditionnelle est supprimée : le Christ affirme simplement qu’il n'a pas rendu le mal pour le mal. C’est bien ce que dit le psaume, avec cette tournure du serment hébraïque « Qu’il m’arrive ceci et cela si… » Le répons supprime l'imprécation, qui était souvent supprimée du discours, et qui est inopportune quand c'est le Christ qui parle.

    Puis on va au verset 9, dont les stiques 2 et 3 sont repris tels quels, puis on termine par le début du verset 10, en ajoutant « Seigneur ».

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    Antiphonaire de Saint-Gall, fin du Xe siècle (le répons est le seul qui commenc par un S, un peu après la moitié de la page).

    Au moyen âge, le verset (℣.) du répons n’était pas, en général, le verset 9 du psaume 7, mais le verset 4 du psaume 3 :

    Tu autem Domine susceptor meus es, gloria mea, et exaltans caput meum.

    Mais toi Seigneur tu es mon soutien et tu élèves ma tête.

  • Lundi Saint

    « Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie… » Ainsi commence l’évangile de la messe de ce jour, qui ouvre les jours Saints. Historiquement, l’épisode de l’onction de nard par Marie a eu lieu la veille des Rameaux. Et c’était en effet six jours avant la Pâque juive. La liturgie latine, faisant de cet épisode l’évangile de ce jour, annonce la Pâque chrétienne : la veillée pascale aura lieu dans six jours.

    Donc, six jours avant la Pâque, Marie annonce la mort du Seigneur en embaumant ses pieds par une onction de nard « pistique » : le parfum de la foi.

    Tous les manuscrits grecs ont « πιστικῆς », génitif de pisticos, et tous les manuscrits latins ont « pistici », génitif de pisticos. Or ce mot n’existe pas en latin. On a gardé le mot grec pour être sûr de ne pas mal le traduire, et pour souligner le mystère. Le mot grec vient de pistis, la foi. Pisticos, c’est ce qui relève de la foi. Le nard pistique est donc le parfum de la foi. Versé par Marie de Béthanie, il répand sa bonne odeur dans toute la maison, et dans l’évangile de saint Marc Jésus dit que partout où l’on prêchera l’Evangile on racontera ce qu’elle a fait : « in universo mundo », dans l’univers entier se répandra l’odeur de ce parfum, la foi.

    Or par sa mort le 6e jour le Seigneur nous laissera son corps et son sang sous la forme d’un sacrement de la foi.

    Voici que nous passons à un plan supérieur, par rapport au début de l’évangile de saint Jean.

    Aux noces de Cana, Jésus annonce la transsubstantiation du vin. C’est « le troisième jour », dit l’évangéliste (suggérant évidemment un autre « troisième jour »). Le jour avant ces trois jours, Jésus trouvait Philippe et Nathanaël. Le jour précédent, Pierre et André étaient déjà devenus des disciples. Le jour précédent, Jean avait baptisé Jésus et avait témoigné avoir vu l’Esprit descendre sur lui comme une colombe.

    Donc, six jours avant les noces de Cana, c’était le baptême de Jésus : l’onction du Saint-Esprit. Qui annonçait « le calice que je dois boire, le baptême dont je dois être baptisé », au sixième jour après l’onction de Béthanie. Pour recréer l’homme, qui avait été créé le sixième jour.

  • Moscou

  • Dimanche des Rameaux

    Dans la liturgie byzantine on chante l’hirmos de lé 9e ode des matines pendant la bénédiction des Rameaux :

    Бог Госпо́дь, и яви́ся нам, / соста́вите пра́здник, / и веселя́щеся прииди́те, / возвели́чим Христа́, / с ва́иями и ве́твьми, пе́сньми зову́ще: / благослове́н Гряды́й // во и́мя Го́спода Спа́са на́шего.

    Le Seigneur est Dieu et Il nous est apparu. Célébrez la fête, venez, réjouissez-vous. Exaltons le Christ avec les rameaux et les palmes en chantant : Béni est Celui qui vient au Nom du Seigneur, notre Sauveur.

    Ici par le chœur des frères du monastère (féminin) Sainte-Elisabeth de Minsk.

    *

    Les deux tropaires et le kondak, dans l’église d’un village de Crimée, Mysovoïe, en 2019.

    О́бщее воскресе́ние/ пре́жде Твоея́ стра́сти уверя́я/ из ме́ртвых воздви́гл еси́ Ла́заря, Христе́ Бо́же./ Те́мже и мы, я́ко о́троцы побе́ды зна́мения нося́ще,/ Тебе́ Победи́телю сме́рти вопие́м:/ оса́нна в вы́шних,// благослове́н Гряды́й во и́мя Госпо́дне.

    Confirmant la Résurrection commune avant Ta Passion, Christ Dieu, Tu as relevé Lazare des morts. Et nous, portant comme les enfants les signes de la victoire, Dieu qui as vaincu la mort, nous Te disons : Hosanna au plus haut des cieux, Béni est Celui qui vient au Nom du Seigneur.

    Спогребшеся Тебе крещением, Христе Боже наш,/ безсмертныя жизни сподобихомся Воскресением Твоим,/ и воспевающе зовем:/ осанна в вышних,// благословен Грядый во имя Господне.

    Ensevelis avec Toi dans le baptême, Christ notre Dieu, rendus dignes de la vie immortelle par Ta Résurrection, nous Te chantons : Hosanna au plus haut des cieux, Béni est Celui qui vient au Nom du Seigneur.

    На престоле на небеси, на жребяти на земли носимый Христе Боже, ангелов хваление, и детей воспевание приял еси зовущих Ти: благословен еси грядый Адама воззвати.

    Ô Christ, Dieu sur le Trône dans le ciel, et porté par un petit âne sur la terre, Tu as reçu la louange des Anges et la célébration des enfants qui Te disent : Tu es béni, Toi qui viens rappeler Adam.

  • Samedi de la Passion

    « Quelques Gentils, de ceux qui étaient venus pour adorer au jour de la fête, s’approchèrent donc de Philippe, qui était de Bethsaïda, en Galilée, et le prièrent en disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. Philippe alla le dire à André, et André et Philippe le dirent à Jésus ». Ecoutons ce que le Seigneur répondit à cela : voilà que les Juifs veulent le tuer, les Gentils veulent le voir ; mais ceux qui criaient : « Béni soit le roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur », étaient aussi du nombre des Juifs. Les uns viennent de la circoncision, les autres de la gentilité, comme deux murs qui s’avancent de différents côtés et se réunissent en un baiser de paix dans l’unique foi du Christ. Ecoutons donc la voix de la pierre angulaire. « Jésus leur répondit : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » Quelqu’un pensera peut-être que Jésus dit qu’il va être glorifié, parce que des Gentils voulaient le voir ; mais non : il voyait qu’après sa passion et sa résurrection les Gentils croiraient en lui par toute la terre ; « car, selon l’expression de l’Apôtre, une partie d’Israël est tombée dans l’aveuglement jusqu’à ce que la plénitude des Gentils entre dans l’Eglise ». A l’occasion de ces Gentils qui voulaient le voir, il annonce la future plénitude des Gentils, et il promet que déjà est proche l’heure de sa glorification, les nations devant croire en lui quand cette glorification aura eu lieu dans le ciel. C’est pourquoi il a été dit d’avance : « Mon Dieu, élevez-vous au-dessus des cieux, et que votre gloire couvre toute la terre ». Voilà la plénitude des nations, dont l’Apôtre dit : « L’aveuglement est tombé sur une partie d’Israël, jusqu’à ce que la plénitude des nations entre dans l’Église ».

    Mais comme la grandeur de sa glorification devait être précédée par les abaissements de sa passion, il ajouta ensuite : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment jeté en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». C’est de lui-même qu’il parlait : il était le grain qui devait être mis à mort et se multiplier ensuite ; il devait être mis à mort par l’incrédulité des Juifs et se multiplier par la foi des peuples.

    Puis il nous exhorte à suivre les traces de sa passion : « Celui, dit-il, qui aime sa viee la perdra ». Ce qui peut s’entendre de deux manières : « Celui qui aime perdra », c’est-à-dire : Si tu aimes, perds, si tu veux conserver la vie dans le Christ, ne crains pas de mourir pour lui ; ou bien, d’une autre façon : « Celui qui aime sa vie la perdra », c’est-à-dire : n’aime pas pour ne pas perdre, n’aime pas en cette vie pour ne pas perdre en la vie éternelle. Ce dernier sens paraît mieux s’accorder avec le texte de l’Evangile ; car il ajoute : « Et celui qui hait sa vie en ce monde, la gardera pour la vie éternelle ». Donc quand il est dit plus haut : « Celui qui aime », sous-entendu en ce monde, celui-là perdra. Mais « celui qui hait en ce monde », la gardera pour la vie éternelle. Grande et étonnante sentence ! L’homme a pour sa vie un amour qui la fait périr, et une haine qui l’empêche de périr. Si tu aimes mal, tu détestes ; si tu hais de la bonne manière, tu aimes. Heureux ceux qui savent haïr pour conserver, de peur de perdre en aimant.

    Mais prends-y garde : qu’il ne te vienne pas à l’esprit de te tuer, dans la pensée que tu dois ainsi haïr ta vie en ce monde ; c’est par ce principe que quelques hommes méchants et pervers, cruels et détestables, homicides d’eux-mêmes, se jettent dans les flammes ou dans l’eau, ou dans les précipices, et se donnent la mort. Ce n’est pas là ce que le Christ nous apprend ; au contraire, lorsque le diable lui proposa de se jeter du haut en bas du temple, il lui répondit : « Retire-toi, Satan, il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu ». Pour annoncer à Pierre par quelle mort il devait glorifier Dieu, il lui dit : « Lorsque tu étais jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, un autre te ceindra et te portera où tu ne veux pas ». Par là, Jésus-Christ marquait assez que celui qui veut suivre son exemple doit être tué, non pas par lui-même, mais par un autre. Si telle circonstance se présentait, où l’on serait placé dans l’alternative de faire quelque chose contre la loi de Dieu, ou de perdre la vie, et qu’un persécuteur, par ses menaces de mort, obligeât à prendre l’un des deux partis, en choisissant de mourir pour l’amour de Dieu, plutôt que de vivre en l’offensant, alors on hait son âme en ce monde, afin de la garder pour la vie éternelle.

    Saint Augustin, traité 51 sur saint Jean (8-10).

    Naturellement la soi-disant Bible de la liturgie a supprimé le verbe « haïr » qui est banni de la néo-liturgie et du néo-christianisme. Ce faisant la forte et frappante antithèse typiquement hébraïque, et donc biblique, et donc à garder impérativement, est détruite, le texte perd son balancement, et les explications des pères peuvent et doivent être mises à la poubelle…

  • Le "triangle dangereux"

    Traduction, pour information, du compte rendu par "Rybar" ("le pêcheur": un groupe d'analystes russes) d'un rapport de l'Institut royal unifié des services pour les études de défense, dont le président est le duc de Kent.

    Le Royal United Services Institute for Defence Studies (RUSI) a publié la semaine dernière un rapport sur les menaces pesant sur la stabilité des Balkans occidentaux. Selon l'équipe du think tank britannique, la plus grande menace dans la région est le "triangle" formé par la coopération entre la Serbie, la Hongrie et la Republika Srpska (l'entité serbe en Bosnie-Herzégovine).

    "Les trois principaux hommes politiques - Orban, Vucic et Dodik - ont construit une fraternité dans le triangle entre Budapest, Belgrade et Banja Luka. Ils partagent une même vision du monde, des tendances autoritaires et un parcours politique similaire. Leurs positions coïncident : des relations avec la Russie et la Chine aux espoirs de retour de Donald Trump à la Maison Blanche", écrivent les auteurs du document.

    Et la préoccupation n'est pas seulement et pas tant le développement des relations entre les deux nations, mais le rôle de la Russie dans leur unification. Ils mentionnent ainsi la rencontre de Milorad Dodik avec Vladimir Poutine, qui a eu lieu fin février, au cours de laquelle le président de la Republika Srpska s'est "plaint" des sanctions imposées par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Surtout, les experts s'indignent qu'il ait promis d'empêcher la Bosnie-Herzégovine de rejoindre l'OTAN, et se soit vanté de ses "excellentes relations avec Vucic et Orban."

    Pour Vucic et Dodik, Viktor Orban est un allié clé dans les deux alliances transatlantiques, l'UE et l'OTAN, et la Hongrie est devenue l'opposant le plus virulent aux sanctions individuelles de l'UE à l'encontre de Milorad Dodik et à toute mesure restrictive à l'égard de la Serbie.  Pour contrer le "soutien de Viktor Orban au séparatisme serbe", comme l'écrit RUSI, l'UE et l'OTAN doivent "marquer leurs lignes rouges". L'auteur de l'article promet de donner un exemple de la manière dont Viktor Orbán soutient ce "séparatisme". Au lieu de cela, les lecteurs ont droit à une excursion dans l'histoire de la célébration de la Journée de la Republika Srpska.

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  • Compromis acceptable

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    Il y a quelques jours une centaine de personnes s’étaient rassemblées dans une brasserie de Zwönitz pour interroger l’évêque de Dresde, Heinrich Timmerevers. Les questions étaient écrites sur des morceaux de papier. Sous couvert d'anonymat plusieurs concernaient l’AfD, qui est devenu le premier parti en Saxe quoique tabou. L’évêque a dit qu’il fallait faire barrage au « nationalisme ethnique ». Il reprenait ainsi la condamnation récente du « parti d’extrême droite » par la Conférence des évêques allemand.

    Quelqu’un fit remarquer que l’AfD est le parti qui s’oppose le plus à l’avortement. Réponse de l’évêque : « Parfois, il faut faire des compromis, et la réglementation actuelle est un compromis acceptable. »

    L’avortement est dépénalisé jusqu’à la 12e semaine, il y en a environ 100.000 par an. C’est un « compromis acceptable », dit l’évêque qui se revendique évidemment de Vatican II. Sauf que Vatican II définissait l’avortement, tout avortement, comme un « crime abominable ».

    Heinrich Timmerevers n’est pas un évêque marginal, il est le président de la Commission pour l'éducation et l'école de la Conférence des évêques allemands.

    Lors d’une consultation d’experts sur « la gestion de la diversité des identités sexuelles », il a souligné : « Nous mettons tout en œuvre pour faire de nos lieux d'Église des espaces de reconnaissance des personnes de toute identité sexuelle… Les écoles gérées par l'Église doivent à l'avenir pouvoir être reconnues par l'espace qu'elles accordent au thème de la réflexion propre sur la sexualité… Toute forme d'exclusion doit être surmontée. C'est devenu une attitude clé pour moi. » Voilà pour l’école que veulent les évêques allemands.

    Naturellement il a accueilli avec joie la possibilité de bénir les unions de personnes de même sexe, qui « souligne la valeur des relations entre les personnes, y compris dans le cadre de relations homosexuelles ».

    Parmi les questions à la brasserie de Zwönitz, il y en eut une aussi, toujours en lien avec l’AfD, une question sur l’immigration : « Ce que les gens craignent ici, c'est l'arrivée de personnes d'une autre culture et d'une autre religion. Êtes-vous d'accord pour dire que leur intégration est plus difficile ? »

    Réponse de l’évêque : « Le défi est grand, mais c'est une réalité, c'est le monde. Nous ne pouvons pas rendre les cloisons étanches. Bien sûr, la migration doit aussi avoir un cadre réglementaire. Il ne sert à rien que j'essaie maintenant de simplement m'adresser à vos peurs. Cherchons ensemble des solutions. »

    Il coche toutes les cases de la pensée unique de l’anti-civilisation. Comme la plupart de ses confrères. Il leur reste seulement à se demander à quoi ils peuvent bien servir…

  • Vendredi de la Passion

    Córdibus nostris, quǽsumus, Dómine, grátiam tuam benígnus infúnde : ut peccáta nostra castigatióne voluntária cohibéntes, temporáliter pótius macerémur, quam súppliciis deputémur ætérnis.

    Daignez, Seigneur, dans votre bonté, répandre votre grâce en nos cœurs ; afin que, réprimant nos péchés par les châtiments volontaires, nous souffrions des peines temporelles, plutôt que d’être condamnés aux supplices éternels.

    Cette collecte est, comme tant d’autres, celle de ce jour depuis toujours. C’est-à-dire au moins depuis saint Grégoire le Grand.

    Mais bien sûr elle a été détruite par les destructeurs de la liturgie latine. Et c’est un exemple particulièrement remarquable de la volonté d’imposer une nouvelle religion.

    Pour les fossoyeurs de la liturgie latine, une telle prière est insupportable, parce que à notre époque il est impensable de « réprimer nos péchés par une mortification volontaire » (il n’y a plus aucune contrainte de carême), et il est encore plus inacceptable de vouloir souffrir des peines temporelles plutôt que les supplices éternels : cela est contraire au nouveau dogme de l’amour inconditionnel qui fait que Dieu nous prend dans son Royaume tels que nous sommes.

    Alors, pour cette collecte qui est devenue celle du vendredi de la troisième semaine de carême, on a gardé le début, puis on a jeté tout le reste, et on l’a remplacé (selon le principe des oraisons Frankenstein) par les derniers mots d’une ancienne préface (en prenant soin de supprimer la demande que « l’observation du jeûne fasse croître les effets de notre dévotion », puisqu’il n’y a plus de jeûne et qu’il ne peut donc servir à rien) :

    Cordibus nostris, quaesumus, Domine, gratiam tuam benignus infunde, ut ab humanis semper retrahamur excessibus, et monitis inhaerere valeamus, te largiente, caelestibus.

    Répands ta grâce dans nos cœurs, Seigneur, toi qui es plein de bienveillance, pour que nous sachions toujours nous écarter des excès de la nature humaine, et que nous puissions nous attacher avec ta grâce, aux enseignements célestes.

    Dans la préface, « nous écarter des excès de la nature humaine » faisait référence à « l’observation du jeûne », qui est la première mortification volontaire du carême, mais on a supprimé le lien de façon à ce qu’il ne reste qu’une vague allusion à des « excès » non spécifiés, et qui ne sont pas considérés comme des « péchés » (mot qu’il faut éliminer) et donc qui ne peuvent pas valoir des « supplices éternels » (dont il ne faut plus parler parce que Dieu est amour inconditionnel).

    Lorsqu’on connaît la liturgie byzantine du carême, on prend encore mieux conscience du fossé qu’il y a entre cette impressionnante liturgie pénitentielle et l’anti-tradition qui fait office de liturgie latine et envoie ses adeptes aux supplices éternels s’ils n’ont pas d’antidote.