Alors Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. Dans la deuxième tentation, le diable cite le psaume 90 : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet ; Et ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre. » Quoniam angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis. In manibus portabunt te, ne forte offendas ad lapidem pedem tuum. Et une fois le diable vaincu, « des anges vinrent auprès de Jésus, et le servaient ».
Le psaume 90 est la source unique de tous les chants de la messe de ce premier dimanche de carême, et il est même presque entier dans le trait. « Nous le répéterons à l’introït, au graduel, à l’offertoire et à la communion, comme pour faire acte de protestation et de réparation pour la suggestion téméraire. D’autre part, le psaume 90 exprime si bien les sentiments de l’âme qui revient à Dieu par la pénitence et met en lui toute sa confiance, que l’Église en a fait comme le chant quadragésimal par excellence », dit le bienheureux cardinal Schuster. Plusieurs de ses versets rythmeront en effet toutes les heures de l’office du carême.
« C’est notre char de combat pendant tout le temps de Carême, ajoute Pius Parsch. Le psaume décrit le champ de bataille horrible ; des milliers tombent à droite et à gauche (cadent a latere tuo mille, et decem millia a dextris tuis), les flèches sifflent (sagitta volante) ; il faut marcher sur des aspics et des dragons (super aspidem et basiliscum ambulabis). Néanmoins, la troupe des héros ne craint rien : elle est enveloppée des ailes de Dieu (scapulis suis obumbrabit tibi, et sub pennis ejus sperabis) et les anges la gardent sur son chemin (angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis). Son épée est la confiance en Dieu (Dicet Domino : Susceptor meus es tu, et refugium meum ; Deus meus, sperabo in eum (…) Quoniam in me speravit, liberabo eum…). »
Pendant le carême, l’Eglise voit en effet les chrétiens comme « une immense armée qui combat jour et nuit contre l’ennemi de Dieu », dit dom Guéranger. « En effet, pour obtenir cette régénération qui nous rendra dignes de retrouver les saintes allégresses de l’Alléluia, il nous faut avoir triomphé de nos trois ennemis : le démon, la chair et le monde. Unis au Rédempteur, qui lutte sur la montagne contre la triple tentation et contre Satan lui-même, il nous faut être armés et veiller sans cesse. Afin de nous soutenir par l’espérance de la victoire et pour animer notre confiance dans le secours divin, l’Église nous propose le Psaume quatre-vingt-dixième (…). Elle veut donc que nous comptions sur la protection que Dieu étend sur nous comme un bouclier (scuto circumdabit te veritas ejus) ; que nous espérions à l’ombre de ses ailes (et sub pennis ejus sperabis), que nous ayons confiance en lui, parce qu’il nous retirera des filets du chasseur infernal (ipse liberavit me de laqueo venantium) qui nous avait ravi la sainte liberté des enfants de Dieu ; que nous soyons assurés du secours des saints Anges, nos frères, auxquels le Seigneur a donné ordre de nous garder dans toutes nos voies (Angelis suis mandavit de te, ut custodiant te in omnibus viis tuis), et qui, témoins respectueux du combat que le Sauveur soutint contre Satan, s’approchèrent de lui, après la victoire, pour le servir et lui rendre leurs hommages. Entrons dans les sentiments que veut nous inspirer la sainte Église, et durant ces jours de combat, recourons souvent à ce beau cantique qu’elle nous signale comme l’expression la plus complète des sentiments dont doivent être animés, dans le cours de cette sainte campagne, les soldats de la milice chrétienne. »