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Liturgie - Page 447

  • Saint Herménégilde

    Nullis te génitor blandítiis trahit,
    Non vitæ cáperis dívitis ótio,
    Gemmarúmve nitóre,
    Regnandíve cupídine.

    Ton père ne peut te faire dévier par aucune caresse ;
    tu ne te laisses captiver ni par les douceurs d’une vie opulente,
    ni par l’éclat des pierreries,

    ni par l’ambition du trône.

    Diris non ácies te gládii minis,
    Nec terret périmens carníficis furor :
    Nam mansúra cadúcis
    Præfers gáudia Cǽlitum.

    Le tranchant du glaive dont tu es cruellement menacé
    et la fureur du bourreau chargé de te faire mourir
    n’ont rien qui t’effraie, car tu préfères les joies durables
    des cieux au bonheur périssable d’ici-bas.

    Nunc nos e Súperum prótege sédibus
    Clemens, atque preces, dum cánimus tua
    Quæsítam nece palmam,
    Pronis áuribus éxcipe.

    Maintenant, du haut du ciel, protège-nous,
    sois-nous propice, et tandis que nous chantons
    la palme obtenue par ta mort, écoute
    et accueille favorablement nos prières.

    Sit rerum Dómino iugis honor Patri,
    Et Natum célebrent ora precántium,
    Divinúmque suprémis
    Flamen láudibus éfferant.
    Amen.

    Honneur soit constamment rendu au Père,
    souverain Seigneur de toutes choses ;
    que les bouches des fidèles célèbrent le Fils dans leurs prières,
    et qu’ils exaltent par de suprêmes louanges l’Esprit vivifiant.
    Ainsi soit-il.

    Hymne des laudes, composé par le pape Urbain VIII qui a institué sa fête en 1632. Renseigné par son ami saint Léandre évêque de Séville, saint Grégoire le Grand a écrit la vie de saint Herménégilde dans ses Dialogues (593-594) quelques années à peine après son martyre (585).

  • Prome casta concio cantica

    Prome casta
    Concio cantica,
    Organa subnectens
    Hypodorica.

    Assemblée sainte, fais entendre tes chants mélodieux, et accompagne-les du concert des instruments.

    Regi claustra
    Deo tartarea
    Rumpenti, decanta
    Nunc symphonia.

    Chante aujourd'hui à l'honneur d'un Dieu qui a brisé les portes des enfers.

    Morte qui victa
    Resurgens, gaudia
    Mundo gestat colenda.

    Vainqueur de la mort, il ressuscite, apportant au monde des joies qu'il faut célébrer.

    Hanc insolita
    Mirantes perdita
    Cocyti confinia,

    Etonnées à la vue d'un spectacle si nouveau, les régions maudites de l'abîme

    Spectant fortia,
    lntrante illo
    Vita beata.

    Contemplent ses hauts faits, en le voyant entrer, lui, source de la vie bienheureuse.

    Terrore percuIsa,
    Tremescit dæmonum
    Plebs valida.

    Frappée de terreur, la troupe formidable des démons en est dans le tremblement.

    Dant suspiria
    Fletuum alta:
    Repagula
    Quis sic audax fregerit
    Mirantur nunc fortia.

    Elle gémit, elle pousse des cris de désespoir, tout en s'étonnant de l'audace de celui qui a pu rompre de telles barrières.

    Sic ad supera
    Redit cum turma
    Gloriosa,
    Et timida
    Refovet discipulorum corda.

    Le Christ revient à la lumière, amenant avec lui la troupe glorieuse des élus ; il vient rassurer les cœurs timides de ses disciples.

    Præcelsa
    Hujus trophæa
    Admirantes,
    Flagitamus nunc
    Voce decliva.

    Pour nous, qui admirons de si hauts faits, nous l'implorons d'une voix suppliante.

    Virginum inter agmina,
    Mereamur pretiosa
    Colere ut pascha ;

    Qu'il daigne nous rendre dignes de célébrer la solennelle Pâque dans les rangs de l’armée des vierges ;

    Galilea
    ln qua sacrata
    Præ fulgore contueri
    Lucis exordia.
    Alleluia.

    Dans ce séjour que figurait la Galilée; là où il est donné aux élus de contempler la source éblouissante et sacrée de toute lumière. Alléluia.

    (Séquence du missel de Cluny 1523, in L’Année liturgique de Dom Guéranger)

  • Saint Léon le Grand

    Il relia la liturgie à la vie quotidienne des chrétiens : en unissant par exemple la pratique du jeûne à la charité et à l’aumône, en particulier à l’occasion des Quatre-temps, qui marquent pendant le cours de l’année le changement des saisons. Léon le Grand enseigna en particulier à ses fidèles - et aujourd’hui encore ses paroles restent valables pour nous - que la liturgie chrétienne n’est pas le souvenir d’événements passés, mais l’actualisation de réalités invisibles qui agissent dans la vie de chacun. C’est ce qu’il souligne dans un sermon à propos de la Pâque, à célébrer à chaque époque de l’année "pas tant comme quelque chose du passé, mais plutôt comme un événement du présent". Tout cela s’inscrit dans un projet précis, insiste le saint Pontife : en effet, de même que le Créateur a animé par le souffle de la vie rationnelle l’homme façonné avec la boue de la terre, après le péché originel, il a envoyé son Fils dans le monde pour restituer à l’homme la dignité perdue et détruire la domination du diable, à travers la vie nouvelle de la grâce.

    Tel est le mystère christologique auquel saint Léon le Grand, avec sa lettre au Concile d’Éphèse, a apporté une contribution efficace et essentielle, confirmant pour tous les temps - par l’intermédiaire de ce Concile - ce que dit saint Pierre à Césarée de Philippe. Avec Pierre et comme Pierre, il confesse : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant". Il est donc Dieu et Homme à la fois, "il n’est pas étranger au genre humain, mais étranger au péché". Dans la force de cette foi christologique, il fut un grand porteur de paix et d’amour. Il nous montre ainsi le chemin : dans la foi nous apprenons la charité. Nous apprenons donc avec saint Léon le Grand à croire dans le Christ, vrai Dieu et vrai Homme, et à réaliser cette foi chaque jour dans l’action pour la paix et dans l’amour pour le prochain.

    Benoît XVI (fin de sa catéchèse du 5 mars 2008)

  • Carmen suo dilecto

    Carmen suo dilecto
    Ecclesia Christi canat,
    Ob quam patrem matremque deserens,
    Deus nostra
    Se vestiit natura.
    Et synagogam respuit.

    Que l'Eglise du Christ chante un cantique à son bien-aimé; pour elle il a quitté son père et sa mère. Etant Dieu il s'est revêtu de notre nature, et né Juif, il a rejeté la synagogue.

    Christe,
    Tuo sacro latere
    Sacramenta manarunt illius;
    Tui ligni adminiculo
    Conservatur in salo sæculi.

    De ton côté sacré, ô Christ, ont découlé les sacrements de ton Eglise ; sur le bois de ta croix, elle traverse sans sombrer la mer du siècle.

    Hanc adamans conjugem,
    Clauderis Gazae,
    Sed portas effracturus illius;
    Hanc etiam hostibus
    Eruiturus,
    Escongressus
    Tyranno Goliath,
    Quem lapillo
    Prosternis unico.

    Par amour pour cette épouse, tu te laisses enfermer à Gaza ; mais tu sauras briser les portes de cette ville. Pour affranchir du joug ennemi cette épouse, tu luttes avec le tyran Goliath : tu l'étends par terre, en lui lançant un seul caillou.

    Ecce sub vite
    Amœna, Christe,
    Ludit in pace
    Omnis Ecclesia tute in horto ;
    Resurgens, Christe,
    Hortum florentis
    Paradisi tuis
    Obstructum
    Diu, reseras,
    Domine, Rex regum.

    Voici maintenant, ô Christ, ton Eglise tout entière rassemblée dans le jardin, se livrant en paix à l'allégresse sous l'ombre chérie de la vigne. C'est toi, ô Christ, qui, en ressuscitant, as ouvert aux tiens ce jardin fleuri du paradis si longtemps fermé; c'est toi, ô Seigneur, Roi des rois !

    (Séquence du XIe siècle, Missel de l'abbaye de Murbach, in L'année liturgique de Dom Guéranger)

  • Le temps pascal

    Les grandes fêtes sont célébrées par l’Église durant toute une octave. Mais Pâques est la plus grande fête chrétienne, la fête des fêtes ; nous ne la célébrons pas seulement pendant une semaine, pendant sept jours consécutifs, mais pendant sept fois sept jours plus un ; c’est une octave jubilaire. Nous avons vu que le temps qui précède Pâques a été comparé aux 70 ans de la captivité de Babylone d’où le nom : Septuagésime. Le temps pascal dure 50 jours. Or, le nombre 50 est le symbole de la plus grande joie, voire même de la joie céleste. Pendant le Carême, nous avions l’impression d’être exilés ; c’est pourquoi nous n’avions pas le droit de chanter l’Alléluia ; maintenant, pendant le temps pascal, nous avons l’impression d’être au ciel ; c’est pourquoi nous ne cessons de chanter le cantique du ciel, l’Alléluia. L’Église compare aussi, volontiers, le temps pascal à l’entrée des Juifs dans la « terre promise » où coulaient le lait et le miel. Nous devons oublier, pour ainsi dire, pendant ce temps, que nous sommes sur la terre et éprouver comme un avant-goût du ciel. Restons conscients de notre grandeur véritable. Nous sommes les nobles enfants du Père céleste et nous portons le ciel dans notre cœur.

    Dom Pius Parsch

  • L’Annonciation

    C’est la mode aujourd’hui de traduire les premiers mots de la salutation angélique par « Réjouis-toi. » Et la sublime prière de l’Acathiste, qui multiplie les saluts à la Mère de Dieu, est elle aussi défigurée par des « Réjouis-toi » à répétition.

    Si l’on demande le pourquoi de cette innovation, on nous répond doctement que c’est parce que le texte grec dit Khairè, et que le verbe khairo veut dire se réjouir.

    Ce qui est idiot. Si le mot khairè vient en effet du verbe qui veut dire se réjouir, cet impératif employé au moment d’une rencontre veut seulement dire bonjour. C’est pourquoi il a été traduit en latin par Ave (dont les dictionnaires soulignent qu’il est l’équivalent de Khairè), et qu’il est traduit en arabe par salam (as-salamou aleiki). Parce qu’en arabe on se salue en disant salam (la paix soit avec toi). Si en arabe et en hébreu il est question de la paix, en grec de la joie, et en latin de rien du tout, et si le christianisme latin a inventé le « salut » (ce qui veut dire : je te souhaite le salut éternel), il est absurde de vouloir ramener le bonjour à ses origines dans chaque langue. (1)

    En revanche, ce que l’on constate dans le texte grec, c’est que khairè est immédiatement suivi de kekharitoménè. Ce mot est le participe parfait passif du verbe kharitoo : combler de grâce. De kharis, qui veut dire la grâce avant de dire la joie.

    L’ange emploie donc deux fois de suite le même mot : une fois pour la salutation, et juste après pour dire à Marie qu’elle est comblée de grâce. L’insistance est évidente.

    Or, lorsqu’on dit bonjour à quelqu’un, on l’appelle par son nom. L’ange ne dit pas « bonjour, Marie ». A la place du nom, il dit « comblée de grâce ». Comme si c’était son nom. Et il veut dire en effet que c’est son nom. Cela nous renvoie au pied des Pyrénées, dix-huit siècles plus tard, lorsque la « belle dame » répondra à Bernadette qui lui demande son nom : « Je suis l’Immaculée Conception. » Saint Maximilien Kolbe soulignera que c’est son nom, car c’est le mot qui la définit dans sa réalité la plus profonde. Or c’est déjà ce que dit l’ange. Car par le participe parfait, il indique que la femme à laquelle il s’adresse a été et demeure totalement emplie de la grâce divine. Ce n’est pas autre chose que l’Immaculée Conception.

    L’ange ajoute : « Le Seigneur est avec toi », ce qui est une insistance supplémentaire : il n’y a pas plus proche du Seigneur que celle qui est remplie de sa grâce. Et en hébreu l’expression se dit Emmanuel, le nom de l’enfant qu’elle va mettre au monde selon la prophétie d’Isaïe.

    Lorsque l’ange dit : « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu », il ne contredit pas le pas le fait qu’elle est déjà « Pleine de grâce », il fait référence à Noé, qui est le premier personnage à qui Dieu a dit cela. Parce que Noé est après le déluge le père de tous les hommes, comme Marie sera après le péché originel la Mère de tous les hommes sauvés.

    Ce qu’il dit ensuite pour expliquer ce que sera cet enfant est un extraordinaire tissu de citations de la Bible : Juges, Samuel, Psaume 2, Isaïe, Michée, Daniel (en trois petits versets !). On remarque qu’il modifie la prophétie d’Isaïe (« Une vierge concevra, et enfantera un fils, et son nom sera Emmanuel ») en la mettant, logiquement, à la deuxième personne : tu concevras (toi, la Vierge), et en disant que le nom de l’enfant sera Jésus. Car « Emmanuel » (Dieu avec nous) se trouvait déjà dans « Le Seigneur est avec toi », et il portera le nom de Jésus (Dieu sauve) puisqu’il est le vrai Jésus (« Josué ») qui fait entrer le peuple élu dans la terre promise.

    Enfin, lorsqu’il déclare qu’Elisabeth aussi est enceinte malgré sa vieillesse, il ajoute : « Car rien n’est impossible à Dieu », selon les traductions habituelles. C’est une citation de la Genèse, quand Dieu dit la même chose à Sara qui est stérile. Mais il dit littéralement (dans la Vulgate comme dans le texte grec) : « Point n’est impossible à Dieu toute parole. » C’est-à-dire : Dieu a le pouvoir de réaliser tout ce qu’il dit. Il faudrait pouvoir garder ensemble le thème de la puissance divine et le thème de la parole : c’est toute l’histoire de l’Incarnation.

    Daoudal Hebdo n° 27, 19 mars 2009

    (1) Le quatrième dimanche de carême est souvent (pas cette année, certes) très proche de la fête de l’Annonciation. C’est le dimanche de Lætare : « Réjouis-toi ! ». Cet introït est une citation d’Isaïe. Le mot grec n’est pas Khairè, mais Euphranthèti.

  • Dimanche in albis

    Hier c’était le samedi « in albis deponendis », le jour où l’on doit rendre à l’Eglise le vêtement blanc. Aujourd’hui c’est le dimanche « in albis depositis » : le vêtement blanc a été rendu.

    Ce dimanche se dit aussi, ou se disait encore récemment, dimanche de « Quasimodo », vestige du temps où l’on désignait les dimanches par les premiers mots de l’introït.

    « Quasi modo géniti infántes, allelúia : rationabiles, sine dolo lac concupíscite, allelúia, allelúia allelúia. »

    Il s’agit bien de deux mots : « quasi » et « modo ». Cet introït est en fait un extrait de l’épître de la messe d’hier. Donc de la première épître de saint Pierre, qui parle des chrétiens comme de nouveaux-nés, ce que sont particulièrement les baptisés de Pâques.

    Le texte de l’introït n’est pas exactement celui de la Vulgate. Il s’agit d’une version plus ancienne, qui est restée telle quelle, comme on le voit très souvent dans la liturgie, parce que c’était devenu, précisément, la version liturgique (donc immuable) et parce qu’elle était indissolublement liée à la mélodie de plain chant.

    On a ici un bon exemple de la révision de la traduction par saint Jérôme.

    D’une part, le texte liturgique dit : « Quasi modo geniti infantes ». En français nous disons : « Comme des enfants nouveaux-nés » ("modo" étant à prendre dans son sens temporel : "à l’instant", qui n’est pas le plus courant). Mais, dans "quasi", il y a "si" : quasi veut dire essentiellement "comme si" (et c’est toujours le sens du mot en français). Or ici "quasi" a le sens de "comme". Un sens bien attesté, mais pourquoi ne pas traduire le grec "hos" par son équivalent latin immédiat, qui est "sicut" ? Saint Jérôme a donc remplacé "quasi" par "sicut", et c’est plus clair.

    D’autre part, le texte liturgique parle de ces enfants « rationabiles » : doués de raison, et dans l’Ecriture et la liturgie (des oraisons de l’époque de saint Léon ou de saint Grégoire) ce mot indique une faculté spirituelle, c’est la raison éclairée par l’Esprit, devenue spirituelle.

    Mais, même s’il s’agit d’une image pour désigner les nouveaux chrétiens, les nouveaux-nés ne sont pas dotés de raison. Or il s’agit d’une faute. Tous les manuscrits grecs font de "raisonnable" un épithète de "lait", et non des nouveaux-nés. Ce n’est pas « infantes rationabiles », mais « rationabile lac ».

    Saint Pierre dit que nous devons être comme des nouveaux-nés, désirant le lait "rationnel" et "sans tromperie", afin de croître par ce lait dans le salut.

    L’introït dit que nous devons être comme des nouveaux-nés "rationnels", désirant le lait "sans tromperie".

    Or cela est vrai aussi : nous devons être comme des nouveaux-nés nourris de lait, mais avec la sagesse de l’adulte nourri des aliments solides de l’Eglise.

  • Samedi in albis

    Le nom complet de ce jour est « in albis deponendis » : le samedi où les nouveaux baptisés devaient « déposer » le vêtement blanc dont ils avaient été revêtus la nuit de Pâques. Ils doivent redonner le vêtement, mais garder la pureté de l’âme. En fait, c’est le Christ qu’ils ont revêtu par le baptême, et ils doivent vivre de cette vie baptismale. L’antienne de la communion est le verset de l’épître aux Galates qui le rappelle, et qui remplace aux grandes fêtes, dans liturgie byzantine, l’Aghios o Theos : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ, alléluia. »

    Le début du deuxième chapitre de la première épître de saint Pierre a été choisi parce qu’il commence par « Deponentes » : vous qui déposez ; mais ce que les néophytes déposent ici, c’est toute malice, toute ruse et dissimulation, et envie, et toute médisance… précisément parce que c’est le Christ qu’ils ont revêtu.

    C’est le texte qui se termine par cet admirable propos dont le concile Vatican II a extrait la moelle : « Vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière : vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, mais qui maintenant êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas reçu miséricorde, mais qui maintenant avez reçu miséricorde. »

    Il est curieux de constater que l’évangile (qui est le passage qui précède celui qui a été lu avant-hier), parle aussi de vêtement. Du vêtement funéraire du Christ. Mais de façon très étrange. En effet, les synoptiques parlent du linceul, apporté par Joseph d’Arimathie, dans lequel le corps du Christ est enveloppé. Saint Jean est connu pour donner souvent des détails plus précis que les synoptiques. Or ici, alors que l’on identifie si facilement le linceul avec le linge vénéré à Turin, saint Jean nous parle de bandelettes. Du moins a priori. Le fait est qu’il emploie un mot qui normalement évoque des bandes de tissu, et non un linceul, et qu’il parle en outre du suaire qui était sur le visage. Et pourtant cet évangile est celui où saint Jean, entré dans le tombeau après saint Pierre, dit qu’il « vit, et il crut ». Il vit les linges, et il crut en la résurrection. On ne comprend pas pourquoi. Sauf si. Sauf si il a vu le Linceul affaissé, le Linceul qui avait contenu le corps du Christ, Linceul qui était resté intact mais qui ne contenait plus le corps du Christ. Comme le montre clairement l’icône traditionnelle des saintes femmes au tombeau. Qui montre également non un « suaire », mais la mentonnière qu’on mettait au défunt, à part du Linceul. Et alors les « bandelettes » dont parle saint Jean seraient les bandelettes qui entouraient le Linceul pour le fixer sur le corps (ce que montre souvent l’icône). Et seraient d’une façon générale « les linges », parmi lesquels saint Jean n’aurait pas osé parler spécifiquement de cet incroyable Linceul qui a contenu un mort et qui est resté intact après la résurrection du mort…

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  • Vendredi de Pâques

    La brève lecture évangélique (Matthieu 28, 16-20) contient en abrégé toute l’histoire de l’Église, la somme de ses droits, sa mission dans le monde.

    Euntes docete : c’est l’affirmation de sa libre puissance d’enseigner partout la loi évangélique, indépendamment du pouvoir civil ;

    baptizantes : c’est l’autorité de paître les fidèles avec les divins Sacrements, dont le baptême est comme la porte ;

    docentes servare omnia quæcumque mandavi : c’est la puissance législative et judiciaire de l’Église, sans laquelle il n’y a pas d’autorité véritable ;

    ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi : c’est l’assurance de l’indéfectible assistance de la vertu divine jusqu’à la fin des siècles.

    Bienheureux cardinal Schuster

  • Jeudi de Pâques

    L’évangile est celui de la rencontre bouleversante de Marie-Madeleine et du Ressuscité.

    Noli me tangere…

    Aujourd’hui, la traduction la plus courante est : « Ne me retiens pas. » Alors que Noli me tangere (comme l’original grec) ne peut que vouloir dire : Ne me touche pas.

    Mais les exégètes modernes sont beaucoup plus intelligents que ceux d’autrefois, beaucoup plus intelligents que les pères et docteurs de l’Eglise, qui traduisaient bêtement « Ne me touche pas », alors que cette traduction est absurde. Pourquoi absurde ? A cause de la suite : « Ne me touche pas… parce que je ne suis pas encore monté vers mon Père. » Or, bien évidemment, une fois que le Christ sera remonté vers le Père, Marie-Madeleine ne pourra plus du tout le toucher. Et pour éviter de faire dire au Christ une absurdité, on modifie le texte de l’Evangile.

    En oubliant qu’il s’agit de la Parole de Dieu. De la Parole du Verbe même de Dieu. Et que si le Verbe incarné a dit à Marie-Madeleine « Μή μου ἅπτου », « ne me touche pas », il y a peut-être une raison…

    Or, si le Christ ressuscité dit à Marie Madeleine : « Ne me touche pas (maintenant), car je ne suis pas encore monté vers le Père », c’est bel et bien parce que, quand il sera monté vers le Père, elle pourra le toucher. Et si saint Jean a reproduit le propos sans sourciller, c’est qu’il avait parfaitement compris, lui qui puisait les paroles du Verbe sur son Cœur, ce que cela voulait dire.

    Marie-Madeleine, dit saint Bernard dans son 28e sermon sur le Cantique des cantiques, se fiait à son sens corporel de la vue, alors qu’elle aurait dû se fier à son sens spirituel de l’ouïe, pour connaître le Christ par la foi (fides ex auditu), et non par l’expérience. Le Christ lui interdit donc de le toucher, car elle continuerait à utiliser ses sens corporels, mettant « l’expérience plus haut que la foi ». Saint Bernard fait parler ainsi le Christ : « Pour être digne de me toucher, il faut que la foi me considère assis à la droite du Père, non pas dans mon état d’humiliation, mais dans ma divinité. » Alors, quand je serai monté vers le Père, et que je serai dans ma gloire, et que tu me verras ainsi avec les yeux de la foi, alors tu seras digne de me toucher. Alors « tu me toucheras avec les mains de la foi, les doigts de l’amour, l’étreinte de la piété, les yeux de l’esprit. »

    Saint Augustin avait dit équivalemment : « Jésus a voulu que la foi qu’on avait en lui, foi par laquelle on le touche spirituellement, aille jusqu’à croire que son Père et lui ne faisaient qu’un. »

    Dans un sermon sur l’Ascension, saint Léon le Grand souligne que pour nous rendre capables de la béatitude éternelle, Jésus, après avoir réalisé tout ce qu’il devait faire sur terre, mit un terme à sa présence corporelle, et qu’ainsi, « ce qu’on avait pu voir de notre Rédempteur est passé dans les sacrements ». Alors la foi peut s’approcher du Fils égal au Père, elle n’a plus besoin de toucher la substance corporelle par laquelle le Fils est inférieur au Père : « La nature du corps glorifié demeurant la même, la foi des croyants fut appelée là où elle pourrait toucher le Fils unique égal à celui qui l’engendre, non d’une main charnelle, mais d’une intelligence spirituelle. De là vient que le Seigneur, après sa résurrection, dit à Marie-Madeleine, figure de l’Eglise, alors qu’elle accourait pour le toucher : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. C’est-à-dire : je ne veux pas que tu viennes à moi corporellement, ni que tu me connaisses par le sens de la chair, mais je te réserve des réalités plus hautes, je te prépare de grandes choses. Lorsque je serai monté vers mon Père, alors tu me toucheras plus parfaitement et plus réellement, tu saisiras ce que tu ne touches pas, et tu croiras ce que tu ne vois pas. »

    Saint Léon, comme saint Bernard, comme saint Augustin (etc.), n’était pas un exégète moderne. Il avait le texte latin de l’Evangile : « Noli me tangere. » Et il savait que cela ne peut que vouloir dire : Ne me touche pas. Et, au lieu de rétrécir le texte à la dimension du petit cerveau myope d’un exégète moderne, il le place dans sa juste perspective, dans la lumière de la Résurrection.

    Addendum

    En fait il y a une raison grammaticale à la traduction "Ne me retiens pas". Mais c'est une fausse raison. Voir ici.