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Liturgie - Page 378

  • Saint Blaise

    Vu le grand nombre de lieux qui portent son nom, en France, et un peu partout en Europe, on pourrait croire que saint Blaise est un saint de chez nous. En fait c’est un martyr arménien du début du IVe siècle, dont les reliques ont été rapportées par des croisés, notamment à Savigny-sur-Clairis, dans l’Yonne, où une croix avait été érigée pour célébrer l’événement, en 1120.

    Saint Blaise était un médecin tellement efficace qu’il était célèbre, il fut fait évêque de Sébaste par acclamation populaire. Lors de la persécution de Licinius, en 316, il fut arrêté et mis à mort.

    Chez nous, on représente souvent saint Blaise avec deux cierges allumés et croisés devant une femme qui porte son enfant : l’enfant est en train de mourir étouffé par une arrête de poisson, et saint Blaise le guérit avec les cierges… de la chandeleur.

    Dans les actes de saint Blaise, en grec, c’est au moment où l’on conduit l’évêque en prison qu’une femme se jette à ses pieds avec son enfant en train de mourir asphyxié. Et le saint le guérit. Mais il n’est pas fait mention de cierges. D’autant qu’à l’époque il n’y avait pas de chandeleur. Quoiqu’une chandelle apparaisse dans la Légende dorée, en rapport avec un autre miracle : Blaise oblige un loup à restituer à une pauvre veuve le cochon qu’il lui a ravi. Cette veuve ira assister le saint en prison, en lui apportant notamment la tête du cochon, et une chandelle.

    Dans le cours de médecine d’Aétios d’Amida, qui date de la fin du Ve siècle ou du début du VIe, il est recommandé de dire, lorsqu’on doit retirer un corps étranger du pharynx : « Sors ou descends, le martyr Blaise et le serviteur de Jésus-Christ te le commandent. »

    En divers endroits, en la fête de saint Blaise, on bénit des cierges en croix (voir la belle prière de bénédiction sur Introibo), comme une sorte de prolongement « spécialisé » de la chandeleur, contre les maux de gorge, et on bénit aussi du pain, du vin, de l’eau et des fruits, pour le même usage.

    Il est remarquable de constater qu’en Italie du nord on mange ce jour un morceau de panettone gardé depuis Noël, pour se protéger la gorge, et qu’à Metz, en l’église Saint-Eucaire qui garde des reliques du saint, on bénit des petits pains garnis de picots pour se garder des maux de gorge ou les guérir.

  • Purification de la Très Sainte Vierge

    L’antienne de la procession des cierges, en ce jour (Adorna thalamum tuum, Sion), est le début des apostiches des vêpres byzantines, dont voici le texte intégral :

    Orne ta chambre nuptiale, Sion, accueille le Christ notre Roi; embrasse Marie, la porte du Ciel: c'est elle, le nouveau trône des Chérubins; elle porte le Roi de gloire, nuée lumineuse portant en la chair le Fils avant l'aurore engendré; Siméon, le recevant dans ses bras, révèle à tous les peuples qu'il est le Maître de la vie et de la mort, le Rédempteur de nos âmes.

    Maintenant, ô Maître, laisse ton serviteur
    s'en aller en paix selon ta parole,
    car mes yeux ont vu ton salut.

    Le Soleil qui s'est levé du Père avant les siècles, puis du sein de la Vierge en ces temps, les derniers, dans le temple est porté par la Mère inépousée, et celui qui légiféra sur le mont Sinaï obéit aux préceptes de sa loi; la Vierge le présente au saint et juste vieillard auquel fut révélé qu'il verrait le Christ, le Seigneur; Siméon, le recevant dans ses bras, d'allégresse jubile et s'écrie: Le Dieu consubstantiel au Père, le voici, le Rédempteur de nos âmes.

    Lumière qui dissipera les ténèbres des nations
    et gloire de ton peuple Israël.

    Celui que portent les Chérubins comme un char et que célèbrent les Séraphins par leurs chants, celui qui de façon virginale a pris chair de Marie, l'Auteur de la loi, qui en accomplit les prescriptions, dans les bras de la Mère divine est porté, et la Vierge le confie aux mains du saint Vieillard; portant la Vie, il demande congé de la vie, s'écriant: Ô Maître, laisse-moi m'en aller à présent, pour que je puisse informer Adam que j'ai vu un nouveau-né, le Dieu d'avant les siècles, sans changement, le Rédempteur de nos âmes.

    Gloire au Père...
    Maintenant…

    Celui qui siège sur le trône des Chérubins et que chantent les Séraphins selon la loi est porté en ce jour dans le temple divin; il est intronisé dans les bras de Siméon, il apporte, par les mains de Joseph, des présents vraiment dignes de Dieu: comme un couple de tourterelles, l'Eglise immaculée et le nouveau peuple élu des Gentils, deux jeunes colombes, comme chef de l'Ancien et du Nouveau. Voyant accompli l'oracle le concernant et bénissant la Vierge Marie, la Mère de Dieu, Siméon lui révèle en symbole la Passion de son Fils, auquel il demande sa délivrance en disant: Laisse-moi m'en aller selon ta parole, Seigneur, car j'ai vu ta lumière qui précède les temps, Sauveur et Seigneur du peuple chrétien.

  • Septuagésime

    Le dimanche de la Septuagésime inaugure le temps qui va nous conduire à Pâques. Aux matines on commence la lecture de la Genèse, c’est-à-dire le récit de la création et de la chute, le péché originel qui nous vaudra l’incarnation d’une personne divine et sa mort sur la croix.

    Le premier répons de ce premier jour de l’histoire sacrée qui nous mènera de la chute à la rédemption commence par le premier mot de l’Ecriture sainte : In principio. Ἐν ἀρχῇ. Dans le principe. A l’Origine.

    . In principio creavit Deus caelum et terram, et fecit in ea hominem, * Ad imaginem et similitudinem suam.
    . Formavit igitur Deus hominem de limo terrae et inspiravit in faciem eius spiraculum vitae.
    . Ad imaginem et similitudinem suam.

    A l’Origine Dieu créa le ciel et la terre, et il fit l’homme sur elle, à son image et ressemblance. Dieu donc forma l’homme du limon de la terre et insuffla sur sa face un souffle de vie.

  • Saint Jean Bosco

    A neuf ans j'ai fait un songe qui m'est resté profondément gravé dans l'esprit pendant toute ma vie. Dans ce songe, il me semblait que j'étais près de notre maison dans une cour très spacieuse où étaient rassemblés une foule d'enfants qui jouaient. Les uns riaient, beaucoup blasphémaient. En entendant ces blasphèmes je me suis tout de suite jeté au milieu d'eux, donnant du poing et de la voix pour les faire taire.

    A ce moment, apparut un Homme imposant, noblement vêtu. Son visage était si lumineux qu'on ne pouvait pas le regarder en face. Il m'appela par mon nom et me dit : “Ce n'est pas avec des coups mais avec la douceur et la charité que tu devras faire d'eux tes amis. Commence dont tout de suite à leur parler de la laideur du péché et de la valeur de la vertu”.

    Intimidé, craintif, je répondis que j'étais un pauvre enfant ignorant. Alors, les garçons, cessant de se battre et de crier, se groupèrent tous autour de Celui qui parlait. Comme si je ne savais plus ce que je disais, je demandai :

    “Qui êtes-vous pour m'ordonner des choses impossibles ?

    – C'est justement parce que ces choses te paraissent impossibles que tu devras les rendre possibles en obéissant et en acquérant la science.

    – Comment pourrai-je acquérir la science ?

    – Je te donnerai une institutrice. Sous sa conduite, tu pourras devenir savant.

    – Mais qui êtes-vous ?

    – Je suis le Fils de cette Femme que ta mère t'a appris à prier trois fois par jour. Mon nom, demande-le à ma Mère.”

    Aussitôt, je vis à ses côtés une Dame d'aspect majestueux, vêtue d'un manteau qui resplendissait comme le soleil. S'approchant de moi tout confus, elle me fit signe d'avancer et me prit par la main avec bonté :

    “Regarde ! dit-elle”.

    En regardant, je m'aperçus que les enfants avaient tous disparu. A leur place je vis une multitude de cabris, de chiens, de chats, d'ours et beaucoup d'autres animaux.

    “Voilà ton domaine ! Voilà où tu devras travailler. Deviens humble, courageux, et vigoureux : et ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu le feras pour mes enfants”.

    Je tournai donc les yeux et voilà qu'à la place des bêtes sauvages apparurent autant de paisibles agneaux qui sautaient, couraient, bêlaient autour de cet Homme et de cette Femme comme pour leur rendre hommage.

    Alors, toujours dans mon rêve, je me mis à pleurer et je priai cette Dame de vouloir bien s'expliquer d'une façon plus claire, car je ne comprenais pas ce que tout cela signifiait.

    Elle posa sa main sur ma tête et me dit :

    “Tu comprendras tout au moment voulu”.

    Elle avait à peine dit cela qu'un bruit me réveilla. Tout avait disparu. J'étais abasourdi. J'avais l'impression que les mains me faisaient mal à cause des coups de poings que j'avais distribués et que le visage me cuisait d'avoir reçu des gifles de tous ces galopins.

    Le matin, j'ai raconté le songe d'abord à mes frères qui se mirent à rire, puis à ma mère et à la grand-mère. Chacun donnait son interprétation : “Tu deviendras berger”, dit Joseph. “Chef de brigands”, insinua perfidement Antoine. Ma mère : “Qui sait si tu ne deviendras pas prêtre”. C'est la grand-mère qui prononça le jugement définitif : “Il ne faut pas s'occuper des rêves”. J'étais de l'avis de l'aïeule et pourtant je ne réussis jamais à m'ôter tout cela de l'esprit. »

    Don Bosco, Souvenirs autobiographiques

    (Photo: la dernière photographie de saint Jean Bosco vivant, 1887.)

  • La musique sacrée et le magistère

    Una Voce.jpgDans le numéro 300 d’Una Voce, sous le titre : De Jacques Duèze à Vatican II, j’ai cherché ce que le magistère de l’Eglise a dit sur la musique sacrée au cours des siècles. En fait, malgré le motu proprio de saint Pie X, c’est plutôt un non-enseignement…

    (Una Voce, 42 rue de la Procession, 75015 Paris.)

  • Sainte Martine

    Tu natále solum prótege, tu bonæ
    Da pacis réquiem Christíadum plagis ;
    Armórum strépitus, et fera prælia
    In fines age Thrácios.

    Protège le sol qui t’a vue naître, donne au pays des Chrétiens le repos d’une paix utile, repousse jusqu’aux confins de la Thrace le bruit des armes et les cruels combats.

    Et regum sócians ágmina sub crucis
    Vexíllo, Sólymas néxibus éxime,
    Vindéxque innócui sánguinis hósticum
    Robur fúnditus érue.

    Rassemble tous les rois avec leurs bataillons sous l’étendard de la croix, délivre Jérusalem de la captivité, et, vengeant un sang innocent, renverse jusque dans ses fondements la force de l’ennemi.

    Tu nostrum cólumen, tu decus ínclytum,
    Nostrárum obséquium réspice méntium ;
    Romæ vota libens éxcipe, quæ pio
    Te ritu canit, et colit.

    O toi, notre appui, toi, notre gloire éclatante, agrée l’hommage de nos cœurs : reçois les vœux de Rome, qui te chante avec piété et t’honore avec joie.

    A nobis ábigas lúbrica gáudia,
    Tu, qui Martyribus dexter ades, Deus
    Une et Trine : tuis da fámulis jubar,
    Quo clemens ánimos beas.
    Amen.

    Éloignez de nous les joies dangereuses, ô Dieu, dont la droite soutient les Martyrs ; vous qui êtes Un et Trois, donnez à vos serviteurs la lumière par laquelle vous faites, dans votre clémence, le bonheur des âmes. Amen.

    Soulignant que les hymnes de la fête de sainte Martine ont été écrits par le pape Urbain VIII, dom Guéranger commente :

    C’est par ces chants, ô Vierge magnanime, que Rome chrétienne continue de remettre entre vos mains le soin de sa défense. Elle est captive ; si vous la protégez, elle reprendra possession d’elle-même et reposera dans la sécurité. Écoutez ses prières, et repoussez loin de la ville sainte les ennemis qui l’oppriment. Mais souvenez-vous qu’elle n’a pas seulement à craindre les bataillons qui lancent la foudre et renversent les remparts ; même dans la paix, des attaques ténébreuses n’ont jamais cessé d’être dirigées contre sa liberté. Déjouez, ô Martine, ces plans perfides ; et souvenez-vous que vous fûtes la fille de l’Église romaine, avant d’en être la protectrice. Détruisez de plus en plus la puissance du Croissant ; affranchissez Jérusalem, amenez l’Europe à sentir enfin ses entrailles émues pour les Églises de Syrie.

  • Saint François de Sales

    François de Sales adresse à Philotée, le destinataire imaginaire de son Introduction à la vie dévote (1607) une invitation qui, à l’époque, dut sembler révolutionnaire. Il s’agit de l’invitation à appartenir complètement à Dieu, en vivant en plénitude la présence dans le monde et les devoirs de son propre état. « Mon intention est d’instruire ceux qui vivent en villes, en ménages, en la cour... » Le document par lequel le Pape Pie ix, plus de deux siècles après, le proclamera docteur de l’Église insistera sur cet élargissement de l’appel à la perfection, à la sainteté. Il y est écrit : « (la véritable piété) a pénétré jusqu’au trône des rois, dans la tente des chefs des armées, dans le prétoire des juges, dans les bureaux, dans les boutiques et même dans les cabanes de pasteurs... » C’est ainsi que naissait cet appel aux laïcs, ce soin pour la consécration des choses temporelles et pour la sanctification du quotidien sur lesquels insisteront le Concile Vatican ii et la spiritualité de notre temps. L’idéal d’une humanité réconciliée se manifestait, dans l’harmonie entre action dans le monde et prière, entre condition séculière et recherche de perfection, avec l’aide de la grâce de Dieu qui imprègne l’homme et, sans le détruire, le purifie, en l’élevant aux hauteurs divines. Saint François de Sales offre une leçon plus complexe à Théotime, le chrétien adulte, spirituellement mûr, auquel il adresse quelques années plus tard son Traité de l’amour de Dieu (1616). Cette leçon suppose, au début, une vision précise de l’être humain, une anthropologie : la « raison » de l’homme, ou plutôt l’« âme raisonnable », y est vue comme une architecture harmonieuse, un temple, articulé en plusieurs espaces, autour d’un centre, qu’il appelle, avec les grands mystiques, « cime », « pointe » de l’esprit, ou « fond » de l’âme. C’est le point où la raison, une fois parcourus tous ses degrés, « ferme les yeux » et la connaissance ne fait plus qu’un avec l’amour. Que l’amour, dans sa dimension théologale, divine, soit la raison d’être de toutes les choses, selon une échelle ascendante qui ne semble pas connaître de fractures et d’abîmes. Saint François de Sales l’a résumé dans une phrase célèbre : « L’homme est la perfection de l’univers ; l’esprit est la perfection de l’homme ; l’amour, celle de l’esprit ; et la charité, celle de l’amour ».

    Benoît XVI

  • Saint Gildas

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  • Saint Jean Chrysostome

    Il est assez rare que les pères de l’Eglise parlent de la messe, du saint sacrifice, dans les textes publiés, parce que ce sont les « saints mystères » qui ne doivent pas être révélés aux profanes. A la fin de sa troisième homélie sur l’incompréhensibilité de Dieu, saint Jean Chrysostome l’évoque, quand il  se plaint de voir que les fidèles viennent en masse pour l’écouter prêcher, mais que beaucoup s’en vont après l’homélie :

    Cette multitude innombrable, maintenant réunie et écoutant avec la plus grande attention, je l'ai souvent cherchée des yeux au moment le plus solennel, et je ne l'ai point rencontrée. J'en gémis profondément. Un homme parle, on se hâte, on accourt, on se presse, et l'on demeure jusqu'à la fin de son discours. Jésus-Christ va paraître dans les saints mystères, l'église est vide et déserte ! Cette conduite est-elle pardonnable? Vous avez du zèle pour entendre la parole de Dieu, c'est bien, mais la conduite que vous tenez ensuite vous ravit tout le mérite de votre assiduité à la prédication. Qui, en vous voyant perdre sitôt le fruit de nos discours, ne nous condamnera nous-même? Si vous écoutez la parole divine avec un zèle sincère, montrez-le par les œuvres. Se retirer tout après l'homélie, c'est une preuve que l'on n'a pas été véritablement touché. Si votre âme conservait les enseignements de la chaire, vous resteriez pour assister pieusement à nos redoutables mystères.

    Mais ensuite, comme s’il en avait déjà trop dit, il ne parle plus que de la plus grande efficacité des prières publiques par rapport à la prière privée.

    A la fin de l’homélie suivante, il rappelle qu’il a blâmé ceux qui s’en vont, et il ajoute qu’il doit également réprimander ceux qui restent… Non pas parce qu’ils restent, mais parce qu’ils bavardent. Alors il évoque ce qui est le début du dialogue de la Préface (puis le Sanctus) dans la… liturgie de saint Jean Chrysostome. Le diacre commence par proclamer : « Stomen kalos : mettons-nous debout et tenons-nous bien, tenons-nous avec crainte, soyons attentifs à offrir en paix la sainte offrande. » Et le peuple répond : « Miséricorde de paix et sacrifice de louange » :

    Ce n'est pas inutilement et sans raison que le diacre dit à tous : Levons-nous et tenons-nous bien, c'est pour nous avertir, d'élever nos pensées qui rampent à terre, de bannir le souci des affaires temporelles, afin de pouvoir présenter à Dieu des âmes pures et droites. Tel est le véritable sens de cet avertissement en usage dans le rituel; il ne s'agit pas du corps, mais de l'âme, c'est elle qu'il faut relever. Ecoutons saint Paul; il se sert de cette même formule. Il écrit à des hommes tombés et accablés sous le poids des malheurs : Relevez vos mains languissantes et fortifiez vos genoux affaiblis. (Hébr. XII, 12.) Saint Paul parle-t-il des genoux et des mains du corps? Nullement. Car il ne s'adresse pas à des coureurs ni à des lutteurs. Mais il cherche par ces paroles à ranimer la vigueur de Pâme, abattue par les tentations. Pensez près de qui vous êtes, avec qui vous allez invoquer Dieu. C'est avec les chérubins. Examinez qui vous accompagne et vous serez vigilants, en voyant que, composés de chair et d'os, vous êtes admis avec les vertus incorporelles à louer le même Seigneur. Arrière donc les cœurs lâches ! le zèle est nécessaire pour prendre part aux saints mystères, et aux hymnes mystiques. Dans ce moment bannissez toute pensée mondaine, tout sentiment terrestre; montez au ciel; approchez-vous du trône de gloire, et chantez avec les séraphins l'hymne sacrée au Dieu plein de magnificence et de majesté. L'instant est grave et solennel, voilà pourquoi l'on nous commande de nous bien tenir, c'est-à-dire, comme il convient à des hommes de se tenir devant Dieu, avec crainte et tremblement, pleins de zèle et de vigilance. Qu'il s'agisse en effet de l'âme dans la formule en question, cette autre parole de saint Paul le prouve également : Mes bien-aimés, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur. (Philip. IV, 1.) Un archer qui veut frapper au but, commence par assurer sa pose; ensuite placé exactement en face du but, il lance la flèche. Ainsi pour atteindre la tête maudite du démon, occupez-vous d'abord d'affermir votre cœur, puis debout et libres de tout obstacle, vous lui lancerez des traits inévitables.

  • Saint Polycarpe

    Saint Irénée, Contre les hérésies, III :

    Non seulement il fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c'est encore par des apôtres qu'il fut établi, pour l'Asie, comme évêque dans l'Église de Smyrne. Nous-même l'avons vu dans notre prime jeunesse — car il vécut longtemps et c'est dans une vieillesse avancée que, après avoir rendu un glorieux et très éclatant témoignage [ou : par un glorieux et illustre martyre], il sortit de cette vie —. Or il enseigna toujours la doctrine qu'il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l'Église transmet et qui est la seule vraie. C'est ce dont témoignent toutes les Églises d'Asie et ceux qui jusqu'à ce jour ont succédé à Polycarpe, qui était un témoin de la vérité autrement digne de foi et sûr que Valentin, Marcion et tous les autres tenants d'opinions fausses. Venu à Rome sous Anicet, il détourna des hérétiques susdits un grand nombre de personnes et les ramena à l'Église de Dieu, en proclamant qu'il n'avait reçu des apôtres qu'une seule et unique vérité, celle-là même qui était transmise par l'Église. Certains l'ont entendu raconter que Jean, le disciple du Seigneur, étant allé aux bains à Éphèse, aperçut Cérinthe à l'intérieur ; il bondit alors hors des thermes sans s'être baigné, en s'écriant : « Sauvons-nous, de peur que les thermes ne s'écroulent, car à l'intérieur se trouve Cérinthe, l'ennemi de la vérité ! » Et Polycarpe lui-même, à Marcion qui l'abordait un jour et lui disait : «Reconnais-nous», «Je te reconnais, répondit-il, pour le premier-né de Satan. » Si grande était la circonspection des apôtres et de leurs disciples, qu'ils allaient jusqu'à refuser de communier, même en paroles, avec l'un de ces hommes qui falsifiaient la vérité. Comme le dit également Paul : « L'hérétique, après un premier et un deuxième avertissement, rejette-le, sachant qu'un tel homme est perverti et qu'en péchant il est lui-même l'auteur de sa condamnation. » Il existe aussi une très importante lettre de Polycarpe écrite aux Philippiens, où ceux qui le veulent et qui ont le souci de leur salut peuvent apprendre et le trait distinctif de sa foi et la prédication de la vérité.

    Saint Irénée, lettre à Florinus, citée par Eusèbe, Histoire ecclésiastique, livre V :

    Je t’ai vu alors que j’étais encore enfant dans l’Asie antérieure, auprès de Polycarpe ; tu brillais à la cour impériale et tu t’efforçais d’avoir bonne réputation auprès de lui. Car je me souviens mieux des choses de ce temps-là que des événements récents. Car les choses que l’on apprend en bas âge ne font qu’un avec l’âme et s’unissent à elle, si bien que je pourrais dire en quel endroit le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour parler, comment il entrait et sortait, quel était le caractère de sa vie, l’aspect de son corps, les entretiens qu’il avait avec le peuple, comment il racontait ses relations avec Jean et avec les autres qui avaient vu le Seigneur, comment il rapportait leurs paroles, et tout ce qu’il avait appris d’eux sur le Seigneur, sur ses miracles, sur son enseignement ; tout cela Polycarpe l’avait recueilli de ceux qui avaient vu le Verbe de Vie, et il le rapportait en conformité avec les Ecritures. Toutes ces choses, je les écoutais avec grand soin, par la grâce de Dieu, et j’en ai conservé la mémoire non sur du papier, mais dans mon cœur. Toujours par la grâce de Dieu, je les rumine fidèlement.

    De saint Polycarpe nous avons son épître aux Philippiens, et nous avons le récit détaillé de son martyre dans une lettre de l’Eglise de Smyrne qui est le plus ancien des actes des martyrs, et absolument authentique. Tout cela est très émouvant, car on touche vraiment les premières générations de chrétiens après les Actes des apôtres et les épîtres de saint Paul. Au passage, on constate que le témoignage de saint Irénée (qui souligne que le Jean dont il parle est celui-là même qui reposait sur la poitrine du Seigneur et qui a écrit un Evangile pendant son séjour à Ephèse) réduit à néant, sauf à prendre Irénée pour un menteur ou un imbécile, toutes les billevesées contemporaines sur le Jean de l’Evangile qui ne serait pas l’apôtre.

    (L'icône canonique de saint Polycarpe est évidemment le portrait authentique du martyr - comme le sont toutes les icônes canoniques de personnages dont on a pu faire le portrait. D'autres exemples ici. On voit que c'est bien le même personnage sur toutes les peintures.)