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Liturgie - Page 361

  • Dédicace de Sainte-Marie aux Neiges

    Il s’agit de la basilique romaine Sainte-Marie Majeure. On ne trouve aucune allusion écrite au miracle de la neige avant le XIIIe siècle. Le Liber Pontificalis dit que le pape Libère (après son retour à Rome en 358) « construisit une basilique à son nom près du marché de Livia » (d’où le nom de « basilique libérienne » qui lui est en effet resté). Et que le pape Sixte III « construisit la basilique Sainte-Marie, qui était appelée "de Libère" par les anciens, près du marché de Livia ».

    L’initiative de Sixte III suivit immédiatement le concile d’Ephèse, qui en 431 définit la maternité divine de Marie. Le pape fit inscrire au-dessus de l’entrée les vers suivants, qui accompagnaient une mosaïque représentant la Theotokos et cinq martyrs. L’inscription et la mosaïque disparurent lorsqu’on refit la façade au XVIe siècle.

    VIRGO MARIA TIBI XYSTVS NOVA TEMPLA DICAVI
    DIGNA SALVTIFERO MVNERA VENTRE TVO
    TV GENITRIX IGNARA VIRI TE DENIQVE FETA
    VISCERIBVS SALVIS EDITA NOSTRA SALVS
    ECCE TVI TESTES VTERI SIBI PRAEMIA PORTANT
    SVB PEDIBVS IACET PASSIO CVIQVE SVA
    FERRVM FLAMMA FERAE FLVVIVS SAEVVMQVE VENENVM
    TOT TAMEN HAS MORTES VNA CORONA MANET

    Vierge Marie, à toi j’ai dédié, moi Sixte, une nouvelle demeure, digne hommage à ton sein qui a porté le salut. Toi, mère qui n’a pas connu d’homme, finalement enceinte, tu as mis au monde, tes entrailles restant sauves, notre salut. Voici les témoins de ta maternité qui apportent avec eux leurs récompenses, et sous leurs pieds gît le genre de leur passion : le fer, la flamme, les bêtes, le fleuve, et le cruel poison : tant de sortes de mort, pourtant une seule couronne demeure.

  • Sainte Anne

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    O Mater Patriæ, Anna potentissima, Britonum tuorum salus esto ; serva fidem, mores corrobora, tribue pacem sancta intercessione.

    O Mère de la Patrie, très puissante sainte Anne, soyez le salut de nos Bretons ; gardez leur foi, fortifiez leurs vertus, donnez-leur la paix par votre sainte intercession.

    C’est l’antienne de Magnificat, aux vêpres de la fête de sainte Anne, patronne des Bretons, qui prime le dimanche en Bretagne. Cette antienne a été composée, comme tout l’office propre de sainte Anne, par dom Guéranger, à la demande de l’évêque de Vannes en 1870.

    Voici cette antienne, chantée comme il se doit par les moines de Kergonan, avec le Magnificat.

    Puis je m’en vais à l’université d’été du Centre Charlier et de Chrétienté Solidarité, et je vous retrouve après, si Dieu veut.

    La bannière est un chef-d’œuvre de la célèbre maison Le Minor, de Pont-l’Abbé. Elle a été confectionnée à l’occasion de la consécration solennelle de la Bretagne au Cœur immaculé de Marie, le 26 juillet 1954 à Sainte-Anne d’Auray. L’autre côté de la bannière représente la Vierge et l’Enfant. Sur les deux faces, l’inscription reproduit les derniers mots du radio-message de Pie XII, qui fut sans doute le premier pape à parler breton, et même vannetais : « Revo melet kalon glan Mari ! Revo melet santez Anna patromez vad er Vretoned ! » (Que soit béni le cœur immaculé de Marie ! Que soit bénie sainte Anne la bonne patronne des Bretons !) C’était le 40e anniversaire de la proclamation officielle de sainte Anne patronne de la Bretagne par saint Pie X.

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  • Saint Jacques

    Etant jeune, tu voulais, * enflammé de zèle comme Elie, * consumer par ta prédication, * illustre Apôtre, les incroyants; * mais celui qui veut la miséricorde t'en empêcha * et de la grâce t'enseigna la douceur.

    Sur les ailes de l'amour ayant gravi * la vertu suprême, tu désiras * recevoir du Seigneur * un des premiers sièges auprès de lui, * non par goût de la vaine gloire, * mais pour voir côte à côte celui que tu aimais.

    Ton Disciple, Sauveur, a surpassé * les frontières de l'humanité: * revêtu de ta puissance comme d'un manteau, * il fait jaillir à grands flots * les miracles, les guérisons * et répand sur la terre les clartés de la foi.

    La nuée lumineuse * couvrit de son ombre le Verbe que tu voyais * resplendir de gloire sur le mont Thabor * et tu méritas d'entendre * la voix du Père confirmant, * bienheureux Jacques, sa divine filiation.

    Ayant demandé que le Christ * en roi terrestre t'accordât * la gloire sur terre, tu as obtenu * non le royaume corruptible d'ici-bas, * bienheureux Jacques, nais l'immortel, * où ta passion t'a permis d'arriver.

    Ayant voulu se soumettre pour nous * à la mort qui devait causer pour les morts * la véritable résurrection, * le Maître t'a choisi, Bienheureux, * la nuit où il fut livré, * comme auxiliaire pour initier les croyants.

    Tu as bu, comme promis, * le calice de ton Maître le Christ, * Bienheureux, et tu fus baptisé * du baptême de celui pour lequel * de tout cœur tu chantes avec joie: * Dieu de nos Pères, béni sois-tu.

    Ta parole, saint Jacques, a parcouru * la terre entière en frappant * comme un tonnerre le cœur des incroyants, * mais illuminant comme un éclair * sous la divine clarté de la foi * ceux qui chantent: Jeunes gens, bénissez * et vous prêtres, célébrez, * peuple, exalte le Christ dans les siècles.

    Ayant mené ta course de sainte façon, * illustre apôtre Jacques, désormais * joyeusement tu contemples la splendeur au triple feu; * toi qui en jouis, Bienheureux, * comble ceux qui te chantent, * par tes prières, d'allégresse et de joie.

    Extraits du canon de saint Jacques, chanté aux matines byzantines (le 30 avril), œuvre de saint Théophane l’Hymnographe. Le texte grec comporte un acrostiche disant : « Je glorifie saint Jacques l’apôtre du tonnerre ».

  • Sainte Christine

    Puisque mon bréviaire a été imprimé juste avant le déboisement sauvage des vigiles, je continue de célébrer le 24 juillet la vigile de saint Jacques.

    Dans le calendrier de 1960, c’est un jour de férie, avec mémoire de sainte Christine aux laudes.

    Il y a deux saintes Christine, souligne le bienheureux cardinal Schuster, une martyre de Bolsène, dont on a retrouvé le tombeau en 1886, et la « sainte et grande martyre de Tyr » des calendriers byzantins. « La fête de ce jour est en l’honneur de la Mégalomartyre de Tyr, et elle est commune à tous les calendriers grecs, maronites, arméniens et coptes. » Et donc latins…

    Son tropaire grec :

    Ta brebis, ô Jésus, crie d’une voix forte : “Mon époux, c’est toi que j’aime, c’est pour te chercher que je combats, c’est avec toi que je suis crucifiée et ensevelie par ton baptême. Pour toi je souffre, afin de régner avec toi. Pour toi je meurs, afin de vivre en toi. Accueille, comme victime sans tache, celle qui par amour est immolée pour toi.” Par son intercession, ô Miséricordieux, sauve nos âmes.

  • Saint Apollinaire

    La basilique Saint Apollinaire in classe, à Ravenne, VIe siècle (tombeau de saint Apollinaire, premier évêque de Ravenne).

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    Il s'agit selon la tradition de saint Jacques et saint Jean, qui font face à un autre agneau tout seul qui est saint Pierre (que l'on voit dans la photo au-dessus). Les témoins de la Transfiguration, représentés dans un paradis de chaque côté de la croix glorieuse.

     

  • Sainte Marie Madeleine

    Æterni patris unice
    Nos pio vultu respice,
    Qui Magdalenam hodie
    Vocas ad thronum gloriæ.

    In thesauro recondita
    Regis est drachma perdita,
    Gemmaque lucet inclyta
    Ex luto luci reddita.

    Jesu dulce refugium,
    Spes una pœnitentium,
    Per peccatricis meritum
    Peccati solve debitum.

    Pia Mater et humilis,
    Naturæ memor fragilis,
    In hujus vitæ fluctibus,
    Nos rege tuis precibus.

    Uni Deo sit gloria,
    Pro multiformi gratia,
    Qui culpas et supplicia
    Remittit et dat præmia. Amen.

    Fils unique du Père éternel, jetez sur nous un regard de bonté, vous qui appelez aujourd’hui Madeleine au trône de gloire.

    Dans le trésor du Roi est replacée la drachme perdue, la belle pierre précieuse brille, rendue de la boue à la lumière.

    Jésus, doux refuge, unique espérance des pénitents, par les mérites de la pécheresse acquittez la dette du péché.

    Bonne Mère et humble, qui n’oubliez pas que la nature est fragile, dans les flots de cette vie dirigez-nous par vos prières.

    Au Dieu unique soit la gloire, pour sa grâce multiforme, qui remet les fautes et les supplices, et donne la récompense. Amen.

    C'est l’hymne des laudes, telle qu’elle est dans le bréviaire monastique. Elle est sans doute de saint Odon de Cluny. En tout cas on la trouve dans un manuscrit du XIe siècle. En 1632, Urbain VIII, qui se pensait meilleur latiniste et meilleur poète que saint Odon, modifia l’hymne et lui donna la forme qu’elle eut désormais dans le bréviaire romain.

    Dans son recueil d’Hymnes de l’Eglise, le bienheureux cardinal Newman donne la version de l’ancien bréviaire d’Evreux, avec cette strophe qu’on retrouve dans d’autres manuscrits, après celle qui commence par « Jesu dulce refugium », et à la place de celle qui commence par « Pia mater et humilis » :

    Nos vitiorum stimuli
    Jugi vexant instantia,
    Et blandimenti sæculi
    Corrumpunt lenocinia.

    Les instances du joug de l’aiguillon des vices nous accablent, et les séductions des caresses du siècle nous corrompent.

    Puis il ajoute en note deux autres strophes, dont « Pia mater et humilis », mais d’abord celle-ci :

    Libet, nec licet libere
    Tibi pro voto psallere,
    Dum mens ægra sub miseræ
    Carnis gemiscit onere.

    Il nous plaît, même si l’on ne peut le faire sans crainte, de t’offrir notre chant pour les vœux que nous formons alors que l’esprit malade gémit sous le poids de la misérable chair.

  • Saint Laurent de Brindes

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    Extrait de la vie du "bienheureux Laurent de Brindes, général des capucins", dans "Vies des pères, des martyrs et des autres principaux saints, supplément à l'ouvrage de MM. Alban Butler et Godescard, traduit en partie de l'anglais de M. Charles Butler, et considérablement augmenté", 1824.

  • Saint Jérôme Emilien

    Message de Benoît XVI à l’ordre des clercs réguliers somasques, à l’occasion du cinquième centenaire de la miraculeuse libération de prison de son fondateur saint Jérôme Emilien, le 20 juillet 2011.

    La vie du laïc Jérôme Miani, vénitien, fut comme «refondée» dans la nuit du 27 septembre 1511, lorsque, après avoir fait à la Vierge de Trévise le vœu sincère de changer de conduite, il fut libéré des liens qui le retenaient prisonnier par l’intercession de la Mère de Dieu, puis il les déposa lui-même sur l’autel de la Vierge.

    «Dirupisti vincula mea» (Ps 116, 16). Le verset du psaume exprime l’authentique révolution intérieure qui eut lieu suite à cette libération, liée aux événements politiques tourmentés de l’époque. En effet, celle-ci représenta un renouveau intégral de la personnalité de Jérôme: il fut libéré, par une intervention divine, des liens de l’égoïsme, de l’orgueil, de la recherche de l’affirmation personnelle, de sorte que son existence, d’abord entièrement tournée vers les choses temporelles, s’orienta uniquement vers Dieu, aimé et servi de façon particulière dans la jeunesse orpheline, malade et abandonnée.

    Poussé par son expérience familiale, qui l’avait fait devenir tuteur de tous ses neveux devenus orphelins, saint Jérôme développa l’idée que les jeunes, en particulier défavorisés, ne peuvent être laissés seuls, mais ont besoin, pour grandir de façon saine, d’une condition essentielle: l’amour. En lui, l’amour dépassait l’esprit d’invention, et étant donné qu’il s’agissait d’un amour qui jaillissait de la charité même de Dieu, il était plein de patience et de compréhension: attentif, tendre et prêt au sacrifice comme celui d’une mère.

    L’Eglise du XVIe siècle, divisée par le schisme protestant, à la recherche d’une réforme sérieuse en son propre sein, jouit d’une nouvelle floraison de sainteté qui fut la première réponse et la plus originale aux exigences rénovatrices. Le témoignage des saints affirme qu’il ne faut se fier qu’à Dieu: les épreuves, en effet, tant au niveau personnel qu’institutionnel, servent pour accroître la foi. Dieu a ses projets, même lorsque nous ne réussissons pas à comprendre ses dispositions.

    L’attention à la jeunesse et à son éducation humaine et chrétienne, qui caractérisa le charisme des Somasques, continue de représenter un engagement de l’Eglise, en tout temps et en tout lieu. Il est nécessaire que la croissance des nouvelles générations soit alimentée non seulement par des notions culturelles et techniques, mais surtout par l’amour, qui vainc l’individualisme et l’égoïsme et rend attentifs à la nécessité de chaque frère et sœur, également et même spécialement lorsque l’on ne reçoit rien en retour. L’exemple lumineux de saint Jérôme Emilien, défini par le bienheureux Jean-Paul II comme «laïc animateur de laïcs», aide à prendre à cœur chaque pauvreté de notre jeunesse, morale, physique, existentielle et avant tout la pauvreté d’amour, racine de tout grave problème humain.

    La Vierge Marie, modèle inégalable de foi et de charité, continuera de nous guider à travers son soutien. De même qu’elle dénoua les liens des chaînes qui retenaient prisonnier saint Jérôme, veuille-t-Elle, par sa bonté maternelle, continuer à libérer les hommes des liens du péché et de l’emprisonnement d’une vie privée de l’amour pour Dieu et ses frères, en nous offrant les clés qui ouvrent le cœur de Dieu et qui ouvrent notre cœur à Dieu.

  • 8e dimanche après la Pentecôte

    La parabole de « l’intendant de l’iniquité » est l’une des plus déstabilisante de l’Evangile. Pour la comprendre il faut d’abord respecter le texte, ce que la plupart des traductions ne font pas.

    Le texte parle de la façon dont un « intendant de l’iniquité » se sert du « mammon de l’iniquité ».

    Ces deux expressions sont des hébraïsmes, qui mettent en complément de nom, au génitif, ce qui pour nous serait un adjectif : intendant inique, mammon inique. Ces hébraïsmes évidents, dans le texte très grec de saint Luc, sont là pour attirer l’attention. Notamment l’attention sur « mammon », un mot araméen. Il devrait être évident pour tout traducteur que si l’hellénophone Luc a mis un mot araméen, c’est qu’on doit le garder dans toute traduction (comme l’a fait la Vulgate), car c’est qu’il est, d’une certaine façon, dans le cadre de la parabole, intraduisible. Même si l’on comprend qu’il s’agit d’argent ; et c’est précisément parce qu’on comprend qu’il s’agit d’argent qu’il n’est nul besoin de le traduire.

    Ce « mammon » que Luc ne traduit pas (ou que Jésus a intentionnellement dit en araméen dans un discours en grec) prend une allure de divinité païenne. Or c’est bien ce dont il s’agit. Jésus dénonce ceux qui font de l’argent un dieu.

    Dans le verset précédent il a opposé « les enfants de ce siècle » aux « enfants de lumière ».

    On pense à la seconde épître aux Corinthiens :

    Ne portez pas un même joug avec les infidèles; car quelle union y a-t-il entre la justice et l'iniquité? Ou quelle association entre la lumière et les ténèbres? Ou quel accord entre le Christ et Bélial? Ou quelle part entre le fidèle et l'infidèle? Quel rapport entre le temple de Dieu et les idoles? Car vous êtes le temple du Dieu vivant.

    Il y a donc un « mammon de l’iniquité » et un « intendant de l’iniquité ». Ils devraient bien s’entendre, et celui-ci devrait être un serviteur de celui-là. Il l’était, d’ailleurs, jusqu’ici, et c’est pourquoi le maître le renvoie. Or voici qu’il va faire exploser le mammon de l’iniquité. Comment ? En s’en servant, non plus pour accroître son bien, mais pour se faire des amis. Nous sommes toujours dans le monde de la malhonnêteté, mais la malhonnêteté est désormais au service de la création de relations. L’intendant se fait des amis qui le recevront chez eux, et c’est l’image du chrétien qui « remet les dettes » (c’est ce que dit le Pater en grec et en latin), qui se sert de l’argent comme d’un instrument de charité, de création de relations, de ces relations qui conduisent aux tentes éternelles, dans la triple relation d’amour, trois Personnes, de la divine Trinité.

    Voilà pourquoi le maître, Kyrios, le Seigneur, loue l’intendant de l’iniquité « parce qu’il a agi avec sagesse ». On trahit le texte en traduisant « avec habileté » parce qu’on n’ose pas livrer la parole de Dieu telle qu’elle est. Mais ce faisant on ose la trahir… Le mot grec est celui qui est utilisé pour les « vierges sages » par opposition aux « vierges folles ». Les vierges sages ne sont pas des vierges « habiles ». La Vulgate a, comme d’habitude, bien traduit par « prudenter ». Non pas au sens actuel le plus courant du mot « prudent », mais au sens de sage, « avisé ». L’intendant a agi « de façon avisée ». Et si un intendant inique peut agir de cette façon, à plus forte raison un fidèle du Christ doit-il se faire des amis avec le même mammon de l’iniquité, des « relations », pour qu’elles le portent dans les tentes éternelles de la triple Relation d’amour, là où personne ne peut plus compter sur mammon.

  • Saint Camille de Lellis

    Qui connaît la vie de Saint Camille, connaît aussi la tension qui, à un moment, se créa entre lui et père Philippe, son directeur spirituel. Il sait aussi comment, par la suite, le conflit se résolut, au point que les deux «saints se retrouvèrent de manière plus intense et plus mature ».

    C’est Camille qui a l’initiative de la relation avec Philippe. Depuis quelques années, il était venu à Rome, pas encore complètement pacifié avec sa conscience à propos du vœu de se faire frère capucin. Après sa “conversion” le 2 février 1574, il avait tenté sérieusement par deux fois, et chaque fois sa fastidieuse et mystérieuse plaie à la jambe l’en avait empêché. Il s’était ainsi rendu compte finalement que Dieu ne le voulait pas frère. Que faire alors ? Il le comprit lorsqu’il se trouva hospitalisé à l’hôpital de San Giacomo de Rome : Dieu le voulait au service de ces pauvres. Et il s’y était cette fois consacré de toute son âme au point qu’il... y fit carrière. Il fut nommé “Maître de maison”, responsable des services de l’hôpital et du personnel. Il remplit son service avec tant d’application et de dévouement qu’il conçut une tendresse extraordinaire envers les malades.

    Mais il voyait comment les malades étaient mal assistés par ceux qu’on appelait les ‘servants’, ramassis de main d’œuvre, qui n’était là que pour l’argent. Après des tentatives répétées et vaines pour améliorer la situation, la nuit du 14 août 1582, il projeta d’instituer « une Compagnie d’hommes pieux et de bonne volonté qui, non pas pour un salaire mais volontairement et par amour de Dieu, serviraient les malades avec la charité et l’amour comme le font habituellement les mères pour leurs propres enfants malades ».

    Mais l’initiative n’avait pas plu aux administrateurs de l’hôpital. Au point que Camille commença à se méfier, à penser qu’il s’agissait d’une sotte présomption de sa part. Finalement, ce fut le Seigneur lui-même qui le réconforta. D’abord « en songe », puis, quelque temps après, ce fut le Crucifié qui l’encouragea, bien éveillé, non sans une pointe de reproche: « Pourquoi te mets-tu en peine, pusillanime ? Poursuis l’œuvre, je t’aiderai car cette œuvre est la mienne et non la tienne. »

    Ainsi réconforté, Camille revint avec décision à son projet.

    Entre-temps, bien que converti à Dieu, ou mieux, à la suite de ce virage, il s’était rendu compte qu’il avait besoin d’un guide spirituel. Il le trouva en saint Philippe Néri et dans son “Oratoire”, cadre vivant et riche de spiritualité. Le père Philippe, très attentif au monde des souffrants et des pauvres, fut heureux de l’accueillir en le voyant si bien engagé dans le service des malades.

    L’engagement de Camille était de venir auprès de Philippe pour la confession et la direction spirituelle chaque samedi et veille de fête. Pendant huit ans, il fut fidèle à sa promesse. Et grand fut le profit qu’il en retira. Mais, à un certain moment, ce fut la rupture entre Philippe et Camille. L’accord prit fin lorsque le projet que Camille et de ses compagnons réalisaient à l’hôpital San Giacomo fut mis en discussion par le père Philippe.

    Qu’était-il arrivé ? Comme déjà dit, l’initiative de Camille n’avait pas plu aux responsables de San Giacomo. Tout en appréciant l’engagement de Camille en faveur des malades, l’idée qu’il fonde une sorte d’association pour renouveler la manière de gérer l’hôpital leur paraissait extravagante. Ne pouvant sortir cette idée de la tête de cette “terrible cervelle” qu’était Camille, et connaissant le grand ascendant que le père Philippe avait sur lui, ils informèrent ce dernier de ce qui se passait à San Giacomo. Philippe était lui aussi d’accord que l’entreprise dans laquelle Camille s’était embarquée avec ses compagnons était une erreur.

    Il avait dit plusieurs fois clairement sa pensée à Camille : il devait abandonner toute idée de fonder une Compagnie ; il devait plutôt s’occuper de lui-même, de sa propre vie spirituelle et s’occuper des malades, et que cela était déjà beaucoup. Et même, il lui avait déclaré rudement une fois que « l’homme idiot et sans culture qu’il était ne serait jamais en mesure de gouverner un groupement de personnes ».

    Camille accusa le coup, mais il répondit qu’il ne pouvait rien y faire : l’idée de la Compagnie n’était pas la sienne ; elle avait été mise en lui par un Autre, et il ne réussissait pas à s’en défaire. Philippe resta inflexible : ou Camille abandonnait son projet, ou lui et ses compagnons se trouvaient un autre confesseur.

    Arrivés à ce point les deux... “saints” ne se comprennent plus. C’est une épreuve très douloureuse pour Camille, qui ne réussit pas à renoncer à ce projet parce qu’il est convaincu que c’est Jésus-Christ qui le veut. Tout en ayant le cœur brisé, il accepte la réalité et se sépare de son très aimé confesseur et père.

    Que peut signifier ce désaccord qui éclata entre Camille et le père Philippe ? En un certain sens, vu la diversité des personnalités, on pourrait même dire que la tension devait éclater tôt ou tard. Cependant, quelques années après, l’un et l’autre se rencontrèrent et se comprirent. Cette fois, c’est Philippe qui se rendit chez Camille. De loin, il avait continué à suivre Camille et son œuvre. Et il en était resté édifié. Devenu vieux, il était allé retrouver Camille dans sa résidence, près de l’église de la Maddalena, à Rome, pour lui dire : « Vraiment, la réussite de cette œuvre me paraît miraculeuse, parce qu’elle n’est pas le fruit de moyens et de sciences humaines… »

    P. Giuseppe Cinà