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Liturgie - Page 222

  • Jeudi de la troisième semaine de carême

    Le graduel de la messe de ce jour figure pour ce jour dans cinq des six plus anciens manuscrits réunis dans l’Antiphonale sextuplex. Dans trois d’entre eux il est assigné aussi au 20e dimanche après la Pentecôte (où il se trouve toujours également). Dans les premiers antiphonaires notés (Einsiedeln, Saint-Gall…) il figure aux deux dates. Depuis lors, saint Thomas d’Aquin en a fait aussi le graduel de la Fête Dieu (qui n’est pas toujours chanté en paroisse parce qu’il est suivi non seulement de l’alléluia mais de la –trop- longue séquence Lauda Sion).

    Le voici par les moines de Solesmes, dans la superbe version de 1953, sous la direction de dom Gajard qui écrivait :

    D’une ligne générale très enveloppée et opulente, le graduel Oculi mei se recommande spécialement par la grande montée expressive du début, qui, couvrant toute l’octave et suivie du tu das très affirmé, traduit admirablement l’ardeur du désir et la certitude ; après quoi, sauf quelques retours à l’aigu, il évolue ordinairement en larges broderies autour de la dominante [ré] et dans la quinte modale [sol-ré], d’où lui vient son caractère en partie méditatif.


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    Oculi ómnium in te sperant, Dómine : et tu das illis escam in témpore opportúno. ℣. Aperis tu manum tuam : et imples omne ánimal benedictióne.

    Les yeux de tous, Seigneur, espèrent en vous, et vous leur donnez la nourriture au temps opportun. Vous ouvrez votre main et vous comblez de bénédiction tous les vivants.

  • Mercredi de la troisième semaine de carême

    « Preces » de l’heure de tierce ce jour dans le bréviaire mozarabe.

    Poenitentiam agimus pro malis nostris.
    P. Tu Christe, miserere: peccavimus.

    V/. Patris dextera, virtus, sapientia, placatus da veniam.
    P. Tu Christe, miserere.

    V/. Gemitus omnium attende, Domine: quae petimus tribue.
    P. Tu Christe, miserere.

    V/. Nos peccavimus, nos inique egimus, nos impie gessimus.
    P. Tu Christe, miserere.

    V/. Vitam et veniam dona propitius: et parce poenitentibus.
    P. Tu Christe, miserere.

    Faisons pénitence pour les maux que nous avons commis.
    Toi, ô Christ, aie pitié : nous avons péché.

    Droite, force, sagesse du Père, accorde, bienveillant (apaisé), ton pardon.

    Sois attentif aux gémissements de tous, Seigneur, accorde-nous ce que nous demandons.

    Nous avons péché, nous avons agi de façon inique, nous nous sommes conduits de façon impie.

    Accorde dans ta bienveillance la vie et le pardon, et épargne ceux qui font pénitence.

  • Mardi de la deuxième semaine de carême

    « En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : Si ton frère a péché contre toi, va, et reprends-le entre toi et lui seul… »

    Homélie de saint Augustin

    Pourquoi le reprends-tu ? Dans l’amertume de te sentir offensé ? Non, je l’espère ! Si tu agis ainsi par amour-propre, ton action est nulle ! Si tu agis par amour de l’autre, rien de mieux !

    Pour savoir sous l’empire de quel amour tu dois agir, l’amour envers toi ou envers lui, prête donc bien attention aux paroles elles-mêmes. « S’il t’écoute, est-il dit, tu as gagné ton frère. » Donc, agis pour lui, dans l’intention de le gagner. En agissant de la sorte, tu le gagnes. Si tu ne l’eus fait, c’était sa perte.

    Comment est-il possible que la plupart des hommes ne prennent pas au sérieux de tels péchés ? Ils disent : « Qu’ai-je fait de grave ? J’ai péché contre un homme. » Prends cela au sérieux : c’est contre un homme que tu as péché. Veux-tu le savoir ? Pécher contre un homme, c’est aller à ta perte. Si celui contre qui tu as péché te reprend, seul à seul, et que tu l’écoutes, il t’a gagné. Qu’est-ce à dire : « Il t’a gagné » ? Ceci : s’il ne te gagnait, tu étais perdu. D’ailleurs si tu n’étais pas perdu, comment a-t-il pu te gagner ? Que nul donc ne le prenne à la légère, si c’est contre son frère qu’il pèche.

    A un certain endroit, l’Apôtre le dit : « En péchant ainsi contre vos frères, en blessant leur conscience qui est faible, c’est contre le Christ que vous péchez. » Oui, certes, car tous nous sommes devenus membres du Christ. Toi qui pèches contre un membre du Christ, comment ne pèches-tu pas contre le Christ ?

    Que personne donc ne dise : « Je n’ai pas péché contre Dieu, mais j’ai péché contre mon frère, j’ai péché contre un homme, il n’y a là que peccadille, voire même rien du tout ! » Sans doute parles-tu ainsi : « Il n’y a là que peccadille », parce que la guérison peut en être immédiate. Tu as péché contre ton frère ? Fais satisfaction et tu es guéri ! En un instant, tu l’as posé, cet acte porteur de mort. Mais en un instant, tu en as trouvé le remède. Mes frères, lequel d’entre nous oserait espérer le Royaume des Cieux, lorsque l’Évangile affirme : « Celui qui dit à son frère : fou, sera passible de la géhenne de feu » ? Terrifiante perspective ! Mais, regarde, voici le remède. « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là, tu te rappelles que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel. » Dieu ne s’irrite pas si tu diffères de présenter ton offrande : c’est toi que cherche Dieu plutôt que ton offrande.

  • Annonciation

    Doxastikon des premières vêpres, par Evgenios Hardavellas (Khardabellas), protopsalte de la cathédrale orthodoxe de Rhodes, avec les peintures de cette cathédrale.

    Ἀπεστάλη ἐξ οὐρανοῦ Γαβριὴλ ὁ Ἀρχάγγελος, εὐαγγελίσασθαι τῇ Παρθένῳ τὴν σύλληψιν· καὶ ἐλθὼν εἰς Ναζαρέτ, ἑλογίζετο ἐν ἑαυτῷ, τῷ θαῦμα ἐκπληττόμενος· ὅτι, Πῶς ὁ ἐν ὑψίστοις ἀκατάληπτος ὤν, ἐκ παρθένου τίκτεται! ὁ ἔχων θρόνον οὐρανόν, καὶ ὑποπόδιον τὴν γῆν, ἐν μήτρᾳ χωρεῖται γυναικός! ᾧ τὰ Ἑξαπτέρυγα καὶ Πολυόμματα ἀτενίσαι οὐ δύνανται, λόγῳ μόνῳ ἐκ ταύτης σαρκωθῆναι ηὐδόκησε, Θεοῦ ἐστι Λόγος ὁ παρών. Τὶ οὖν ἵσταμαι, καὶ οὐ λέγω τῇ Κόρῃ; Χαῖρε Κεχαριτωμένη ὁ Κύριος μετὰ σοῦ, χαῖρε ἁγνὴ Παρθένε, χαῖρε Νύμφη ἀνύμφευτε, χαῖρε Μήτηρ τῆς ζωῆς, εὐλογημένος ὁ καρπὸς τῆς κοιλίας σου.

    Du ciel fut envoyé l'archange Gabriel / pour annoncer à la Vierge sa conception; / en route vers Nazareth, il méditait sur l'étonnante merveille: / Comment! le Très-Haut, l'Infini, va naître d'une Vierge! / Celui qui pour trône a le ciel, et la terre pour escabeau, / va trouver place dans le sein d'une femme! / Celui que les Chérubins aux six ailes et les Séraphins aux yeux innombrables n'osent regarder / accepte de prendre chair en elle par sa seule parole! / Voici qu'est présent le Verbe de Dieu. / Pourquoi hésiter au lieu de dire à la Vierge: / Réjouis-toi, Pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, / réjouis-toi, Vierge pure, Epouse inépousée, / réjouis-toi, ô Mère de la Vie, / car le fruit de ton sein est béni.

  • 3e dimanche de carême

    Extóllens vocem * quædam múlier de turba, dixit : Beátus venter qui te portávit, et úbera quæ suxísti. At Iesus ait illi : Quinímmo beáti, qui áudiunt verbum Dei, et custódiunt illud.

    Élevant la voix, une femme dans la foule dit : Heureuses les entrailles qui vous ont porté et le sein qui vous a nourri. Mais Jésus lui dit : Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent.

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    Voici l’antienne du Magnificat des vêpres de ce jour, qui reprend les derniers mots de l’évangile. On pourra la comparer avec l’antienne de communion de la messe d’hier, à laquelle elle ressemble parce qu’elle dans le même mode 8. Cette antienne de l’office est paradoxalement beaucoup plus longue et plus complexe que l’antienne de la messe, avec plusieurs neumes de trois notes et même un de quatre notes, et un ambitus plus large : sol-mi au lieu de sol-do.

    Elle est plus longue parce qu’elle raconte une histoire, et un dialogue. Les épisodes sont clairement marqués par leur ponctuation musicale : deux notes pointées sur la tonique. On remarque l’accent sur Beatus par élargissement et montée de la mélodie, la révérence sur Jesus, et l’insistance sur custodiunt, le mot principal du propos : ce qui compte c’est de garder, mettre en pratique, la parole de Dieu. Mais cela n’infirme en rien le fait qu’est bienheureux le ventre qui a porté Jésus : c’est sur ce mot que se trouve le sommet de la mélodie : ce qu’a porté ce ventre était la Parole de Dieu.

    Par les moniales d’Argentan, sous la direction de dom Gajard, en 1970 :


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  • Samedi de la deuxième semaine de carême

    Opórtet te, fili, gaudére, quia frater tuus mórtuus fúerat, et revíxit : períerat, et invéntus est.

    Il faut te réjouir, mon fils, parce que ton frère était mort et qu’il est revenu à la vie ; parce qu’il était perdu, et qu’il est retrouvé.

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    L’antienne de communion de la messe de ce jour reprend les derniers mots de l’évangile et donc en souligne la portée, tant à ce moment de la messe que dans la perspective de la Passion, en nous orientant déjà vers la Résurrection.

    C’est un très discret mais très réel chef-d’œuvre du plain chant : un maximum d’expression avec un minimum de moyens. Un plain-chant minimaliste, tellement économe qu’il est presque entièrement syllabique et se cantonne à la quarte sol-do. Mais tout a été soigneusement pensé.

    Cela commence par un saut tonique-dominante, qui attire l’attention et par lequel le Père attire l’attention de son fils aîné. La descente la-fa de fili suffit à suggérer la tendresse, puis on insiste sur la joie qui est de mise : deux notes pointées. Pourquoi ? Le Père hausse le ton à la dominante : c’est parce que ton frère était mort, descente do-si-sol, mais il est revenu à la vie, et reviennent les deux notes pointées qui insistent sur cette résurrection en donnant le motif de la joie (en redonnant le motif musical de gaudere). Il avait péri : nouvelle descente do-si-sol, et conclusion sereine et joyeuse du huitième mode : on l’a retrouvé.

  • Vendredi de la deuxième semaine de carême

    Ego autem cum justítia apparébo in conspéctu tuo : satiábor, dum manifestábitur glória tua.
    Exáudi, Dómine, justitiam meam : inténde deprecatióni meæ.

    Pour moi c’est par la justice que je serai admis en votre présence : je serai rassasié lorsque se manifestera votre gloire.
    Exaucez, Seigneur, ma justice ; soyez attentif à ma supplication.

    (Remarquer la plénitude de contentement de la mélodie de « satiabor ».)

    Dom Pius Parsch :

    L’Introit est une magnifique prière qui nous suggère de nombreuses pensées : « Pour moi, je paraîtrai dans la justice, devant ta face ; je serai rassasié quand ta gloire se révélera. » Nous nous demandons : Qui parle ainsi ? On peut mettre ces paroles dans la bouche des catéchumènes, des pénitents, des fidèles, qui font leur entrée. Plus tard, ce sera l’espérance pascale ; maintenant, ils sont encore dans l’humiliation du Carême. Dans la nuit de Pâques, les catéchumènes paraîtront en habits blancs devant la face du Seigneur et se rassasieront du pain de vie. Les pénitents seront réconciliés le Jeudi Saint. Quant aux fidèles, ils goûtent déjà, par avance, au Saint Sacrifice et dans la communion, la gloire pascale. Pour ces trois groupes, cette parole est le but du long voyage de Carême, qui est décrit en termes très beaux dans le psaume entier (l’antienne est le dernier verset du psaume [16]) : « Écoute, Seigneur, ma juste prière, fais attention à ma supplication... Tu éprouves mon cœur et le visite pendant la nuit... à cause de tes commandements j’ai dû suivre une voie pénible... » — Cependant, nous pouvons aussi mettre cette parole dans la bouche du Christ et dans celle de saint Vital [la “station” romaine du jour est l’église du martyr saint Vital]. Eux aussi marchent vers le but du « pénible chemin » de la souffrance, dans lequel ils sont entrés. L’Introït est, en tout cas, une belle prière d’entrée, que nous pourrions réciter comme oraison jaculatoire avant la messe. Dans chaque messe, nous contemplons la face du Seigneur (Canon) et nous nous rassasions de sa gloire (Communion).

  • Miracle au Portugal

    Le patriarche de Lisbonne José Policarpo avait explicitement interdit l’application du motu proprio Summorum Pontificum au Portugal, se mettant ainsi ouvertement hors la loi. Il s’est retiré en 2013 (et il est mort en 2014 à 78 ans). Son successeur Manuel do Nascimento est moins extrémiste. Il a permis peu à peu quelques messes, et désormais il y a une (oui, une, mais c’est historique…) messe quotidienne au centre de Lisbonne.

    La messe en semaine est à 19h à l’Ancienne église de l’Immaculée Conception, et le dimanche c’est la grand-messe de 11h en l’église Saint Nicolas.

    Nossa Senhora da Conceição Velha

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    São Nicolau

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  • Jeudi de la deuxième semaine de carême

    Lecture des matines : début de l’homélie de saint Grégoire le Grand sur l’évangile du jour : le riche et le pauvre Lazare (Luc 16, 19-31).

    Que signifie, frères très chers, que signifie ce riche « qui s’habillait de pourpre et de linge fin et faisait chaque jour des festins splendides », sinon le peuple juif qui eut extérieurement un culte de la vie ; qui se servit des délices de la loi reçue pour s’en faire gloire et non pour agir ? Et Lazare, couvert d’ulcères, qu’exprime-t-il en figure, sinon le peuple des nations ? S’étant converti à Dieu, il n’a pas rougi de confesser ses péchés, ce lui fut une lésion sur la peau. Car le virus est attiré des organes internes et se déclare au-dehors par une lésion de la peau.

    Qu’est donc la confession des péchés sinon une sorte d’ouverture des lésions ? Parce que le virus du péché se déclare salutairement par la confession alors qu’il couvait pernicieusement dans l’âme. Car, les lésions de la peau attirent en surface l’humeur putride. Et, en confessant nos péchés, que faisons-nous d’autre que de déclarer le mal qui couvait en nous ? Mais Lazare, couvert de plaies, « aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; et personne ne le lui offrait. » Car ce peuple superbe dédaignait d’admettre un païen à la connaissance de la loi. Puisque la doctrine de la loi portait ce peuple à l’élévement, non à la charité, il s’enflait comme d’une richesse reçue ; et parce que les paroles débordaient de sa science, elles tombaient comme des miettes de la table.

    D’autre part, les chiens venaient lécher les plaies de ce pauvre qui gisait là. Souvent, dans le langage sacré, les chiens désignent les prédicateurs ; car la langue des chiens, en léchant une plaie, la guérit. De la même manière, les saints docteurs, quand ils nous instruisent lors de la confession de notre péché, touchent, pour ainsi dire, la plaie de notre âme avec la langue.

    *

    Chez les bénédictins c'est la fête de saint Benoît.

    Cette messe de saint Benoît, elle était, au point de vue du texte, exquise ; elle avait conservé le graduel et le trait, l’evangile et la communion de la délicieuse messe des abbés, mais elle débutait par le « Gaudeamus » des cocagnes liturgiques, était pourvue d’une epître spéciale très bien appropriée aux vertus que l’on adulait du patriarche, d’une séquence moins heureuse, en ce sens que si elle était habile à rappeler en ses courtes strophes les personnages de la Bible auxquels pouvait se comparer le saint, elle manquait trop de naïveté, et, avec son latin qui se croyait élégant, sonnait faux.

    Quant au plain-chant, il était celui du répertoire de luxe, c’est-à-dire qu’il était prétentieux et médiocre. Le Kyrie à filandres et à tirebouchons, le Gloria de toit et de cellier, le Credo pour pochette de maître de danse, tout s’y trouvait.

    Evidemment, soupirait Durtal, ma conviction s’affirme davantage, chaque jour, que les rénovateurs de la musique grégorienne sont partis d’un principe faux, alors qu’ils ont distribué les différentes parures des messes. Ils se sont imaginé que plus les pièces étaient chantournées et remorquaient à leur suite des caravelles exagérées de neumes et mieux elles convenaient au rite élevé des fêtes et étaient aptes à en rehausser l’éclat ; et pour moi, ce serait plutôt le contraire ; car plus le plain-chant est simple et naïf et plus il est éloquent et mieux il rend, en une langue d’art vraiment unique, l’allégresse ou la douleur qui sont, en somme, les deux sujets dont traitent les services de l’église, selon le Propre du Temps. (…)

    Les Vêpres étaient transférées avant le déjeuner, car logiquement elles devaient être débitées à jeun et l’on n’aurait pu se sustenter avant cinq heures du soir, si l’horaire coutumier avait été suivi ; et ces vêpres de férie étaient une surprise. On les récitait si rarement ! L’on n’entendait plus le « Dixit Dominus Domino meo » et les psaumes rebattus du dimanche. Ils changeaient, sans doubler l’antienne, chaque jour ; et, le lundi, l’on pouvait enfin écouter le magnifique « In exitu Israel de Aegypto » que l’on ne chante presque jamais dans la liturgie Bénédictine.

    Les Vêpres de saint Benoît ramenaient la monnaie courante des psaumes, mais leur inintérêt était sauvé par de splendides antiennes, celle de Sexte surtout, le « gloriosus Confessor Domini ». Elles eussent été parfaites sans une hymne aussi médiocre que celle de la messe, le « Laudibus cives resonent canoris », puant la langue païenne, le latin de la Renaissance, avec son Olympe mis tout le temps à la place du ciel, une hymne qui sentait la commande, le devoir de collège, le pion. (…)

    Cette funèbre vie liturgique que nous avons commencée avec la Septuagésime, qui est la probation du Carême, comme lui-même est le noviciat de la passion et de la Semaine Sainte, va s’assombrir encore avec les préludes de Pâques, et ce sera enfin fini, murmurait Durtal ; et je n’en serai vraiment pas fâché, car ces jeûnes et ces maigres répétés m’excèdent ; vrai, le brave saint Benoît aurait bien dû, à l’occasion de sa fête, nous permettre d’user d’aliments gras ! Va te faire fiche, l’austère morue va, une fois de plus, sévir, continua-t-il, en emboîtant le pas derrière les moines qui rejoignaient le cloître par la petite porte ouverte dans le fond de l’église. De nombreux prêtres des environs, quelques Dominicains, invités par le père prieur, se promenaient sous les galeries. Il y eut échange de présentations. Durtal cherchait un joint pour aller fumer une cigarette dans le jardin, quand il fut accaparé par le curé. Il l’emmena dans une allée et là, en attendant l’heure du repas, le prêtre lui raconta les cancans du village. (…)

    L’Angelus sonna et mit fin à l’entretien ; ils regagnèrent les arcades du cloître. Dom Prieur lava les mains de tous les invités qui se pressaient à la queue leu-leu devant la porte du réfectoire et, au son d’une lecture tombant en ondée monotone sur les tables, le dîner commença.

    Il n’y avait point la morue prédite, mais une anguille chapelurée, nageant dans une eau échalotée qui sentait le cuivre, des œufs mollets crevés sur des épinards au sucre, des pommes de terre frites, une crème liquide au caramel, du gruyère et des noix ; et, ce qui fut le comble du luxe, l’on but un doigt de vin excellent récolté dans les monastères de l’Espagne.

    J.-K. Huysmans, L'Oblat

  • Mercredi de la deuxième semaine de carême

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    ℟. Dixit Angelus ad Jacob:
    * Dimítte me, aurora est. Respóndit ei: Non dimíttam te, nisi benedíxeris mihi. Et benedíxit ei in eodem loco.
    . Cumque surrexísset Iacob, ecce vir luctabátur cum eo usque mane: et cum vidéret quod eum superáre non posset, dixit ad eum.
    ℟. Dimítte me, aurora est. Respóndit ei: Non dimíttam te, nisi benedíxeris mihi. Et benedíxit ei in eodem loco.

    L’ange dit à Jacob : Laisse-moi, car déjà se lève l’aurore. Il lui répondit : Je ne vous laisserai point si vous ne me bénissez. Et il le bénit en ce même lieu.
    Lorsque Jacob se fut levé, voilà qu’un homme lutta avec lui jusqu’au matin ; or, comme cet homme vit qu’il ne pouvait le vaincre, il lui dit :
    Laisse-moi, car déjà se lève l’aurore. Il lui répondit : Je ne vous laisserai point si vous ne me bénissez. Et il le bénit en ce même lieu.

    ℟. Vidi Dóminum fácie ad fáciem:
    * Et salva facta est ánima mea.
    . Et dixit mihi: Nequáquam vocáberis Iacob, sed Israël erit nomen tuum.
    ℟. Et salva facta est ánima mea.

    J’ai vu le Seigneur face à face : et mon âme a été sauvée.
    Et il m’a dit : On ne t’appellera plus du nom de Jacob, mais Israël sera ton nom.
    Et mon âme a été sauvée.

    La lecture biblique de cette semaine est l’histoire de Jacob dans la Genèse. Les deux premiers répons des matines de ce jour font référence au mystérieux combat de Jacob contre… contre qui ? Le texte biblique parle d’un « homme ». Mais cet « homme » vaincu par Jacob lui dit qu’il s’appellera désormais Israël parce que, s’il a été fort contre Dieu, combien plus prévaudra-t-il contre les hommes… Fort contre Dieu, c’est un des sens possibles d’Isra-el (paradoxalement le premier sens est « Dieu prévaut »). Et celui qui parle ainsi se désigne donc lui-même comme Dieu. On voit que la liturgie parle d’un ange dans le répons, tout en gardant « l’homme » du début dans le verset. Et dans sa traduction de la Septante, Pierre Giguet dit de même « l’ange », trois fois de suite, pour éviter un « il » dont on finit par ne plus savoir lequel des lutteurs il représente. La plupart des représentations picturales, presque toutes occidentales, sont celles de la "lutte de Jacob avec l'ange". C'est que, lorsque le prophète Osée évoque cet épisode, il parle bien d'un ange.

    En fait, Jacob voit d’abord un homme, et se bat contre un homme, mais cet homme est Dieu, comme il ne le dit qu’indirectement (en changeant son nom, et en le bénissant, et en refusant de dire son nom, qui est ineffable), et la liturgie - et Osée avant elle - se conforme à un usage très répandu dans la Bible qui est de dire « l’ange du Seigneur » pour parler de Dieu, plus exactement de Dieu qui a quelque chose à communiquer à l’homme (ce qui est proprement la fonction de l’ange).

    Juste après le combat (et la bénédiction), Jacob comprend que c’était Dieu, et il dit : « J’ai vu Dieu face à face et j’ai conservé la vie » (c’est le sens ici de « mon âme a été sauvée »).

    Cela paraît contredire ce que répond Dieu à Moïse qui lui demande sur le Sinaï de lui montrer sa face : « Tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre. »

    Il n’y a pas de contradiction. Dans plusieurs autres passages de l’Exode, Moïse est « face à face » avec Dieu. Mais ce n’est jamais avec Dieu dans son essence de toute façon inaccessible aux yeux de chair. C’est toujours un intermédiaire, le buisson, la nuée, l’Ange. Tandis que sur le Sinaï il s’agit de la présence de Dieu lui-même, dans sa « gloire », précise le texte. Une gloire que nul mortel ne peut voir. De fait Moïse ne la verra pas, puisque Dieu étend sa main droite pour le protéger tandis qu’elle passe devant lui, et il ne pourra voir la face de Dieu que de dos.

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