Le 23 novembre dernier, dans Le Figaro, Jean-Marie Guénois évoquait la « division théologique » dans l’Eglise « catholique » entre ceux qui croient en la présence réelle eucharistique et ceux qui n’y croient pas. Il ajoutait :
« La grande surprise, dans ce registre, est venue de Rome cette semaine. Et d’un futur cardinal - il le deviendra le 28 novembre - choisi par le pape François pour piloter l’important synode des évêques. Mi-novembre, il a traité ceux qui se plaignaient de ne pouvoir accéder à la messe « d’analphabétisme spirituel » dans la revue jésuite de référence mondiale, La Civilta Cattolica. »
Jean-Marie Guénois ne donnait pas le nom de cet évêque aujourd’hui cardinal. Ce n’était pas difficile à trouver, puisque Guénois disait qu’il dirigeait le synode des évêques, et puisque d’autre part l’interview est disponible gratuitement sur internet.
Il s’agit donc de Mgr Mario Grech. Cet obscur évêque de Gozo a été en effet promu secrétaire du synode des évêques en octobre 2019. Et le voici cardinal.
Il se trouve que Mgr Grech fut le premier évêque au monde, conjointement avec l’autre évêque de Malte, à affirmer par écrit dans un document officiel de l’Eglise de Malte que Amoris laetitita permettait de donner la communion aux adultères dits « divorcés remariés ». On sait qu’il y eut ensuite un texte plus long, de même teneur, des évêques de la Région pastorale de Buenos Aires, et que François fit insérer ce texte dans les Acta Apostolicae Sedis, pour souligner que telle est l’interprétation correcte d’Amoris laetitia : il est permis aux prêtres de donner la communion aux adultères qui se disent « divorcés remariés ».
Et le voici donc qui relativise la présence substantielle du Christ dans l’eucharistie, ou même qui la nie, puisque en rappeler l’importance cruciale est selon lui de l’« analphabétisme spirituel ». Et Mgr Grech souligne que lorsque le temple de Jérusalem a été détruit, les juifs se sont mis à prier chez eux : c’est ce que doivent faire les catholiques aujourd’hui. Car, c’est sous-entendu mais très clair, il n’y a pas de différence entre les sacrifices du temple et celui du Fils de Dieu. Mgr Grech cite d’ailleurs la phrase de Jésus à la Samaritaine selon l’exégèse protestante : les vrais adorateurs adorent le Père en esprit et en vérité, et non dans un temple ou sur une montagne.
Ensuite, il discourt longuement sur l’importance de l’Eglise domestique, l’Eglise de la famille, « prémisse de la nouvelle évangélisation ». La crise sanitaire permet de découvrir « une nouvelle ecclésiologie, peut-être même une nouvelle théologie, et un nouveau ministère » La nouvelle ecclésiologie, c’est que « la grande Eglise communautaire est faite des petites Eglises qui se rassemblent dans les maisons ». Très nouvelle ecclésiologie, en effet, qui supprime carrément l’Eucharistie. Et donc nouvelle théologie, assurément.
Quant au nouveau ministère, c’est celui des laïcs qui au lieu de demander la messe doivent être au service de leurs frères qui souffrent de la maladie ou de ses conséquences sociales. Et il n’hésite pas à dire que les médecins et les infirmières en temps de pandémie « transforment les hôpitaux en cathédrales ».
La fin de l’interview est une ode à la fraternité universelle, sans Père et sans religion, Fratelli tutti...
Ainsi s’explique le fait que des évêques veuillent donner la communion à des adultères : il est évident que si l’on ne croit pas en l’Eucharistie on peut donner à des adultères ce qui n’est plus qu’un « signe de communion fraternelle ». J’avoue que, inconsciemment, je ne voulais pas y croire. Mgr Grech m’a dessillé les yeux.
Ce n’est évidemment pas un hasard si la Civilta cattolica, qui « reflète la pensée du Vatican » comme le dit carrément sa devise, a publié cette interview, accessible gratuitement, juste avant que Mgr Grech, dont tout le monde souligne sa « proximité » avec François, soit créé cardinal.
Et cela ne fait que souligner le terrible symbole que constitue le rapprochement entre deux photographies que François a voulues : celle où il est assis devant le Saint Sacrement, et celle où il est à genoux devant une musulmane, un Jeudi Saint, jour de l’institution de l’Eucharistie.