Pour quiconque n’est pas au courant des détails de la vie de l’Eglise, spécialement hors d’Europe, le communiqué du « vice-directeur » de la Salle de presse du Saint-Siège, ce jour, est incompréhensible :
« Avant la récente nomination de Mgr Juan de la Cruz Barros Madrid comme Evêque de Osorno (Chili), la Congrégation pour les évêques a soigneusement étudié la candidature du prélat et n'a pas trouvé de raisons objectives susceptibles d'empêcher sa nomination. »
Comme s'il ne fallait pas savoir de quoi il retourne. Circulez, il n'y a rien à voir. La congrégation a raison parce qu'elle a raison, et le pape a bien fait.
Il y a donc un Mgr Juan de la Cruz Barros Madrid. En plus court Mgr Juan Barros. Que le pape a nommé évêque de Osorno au Chili le 10 janvier dernier.
Et, ce 31 mars, le Vatican nous dit que l’on n’a pas trouvé de raisons objectives qui auraient pu empêcher sa nomination.
Cela veut donc dire que des raisons ont été émises et qu’elles étaient assez dignes d’intérêt pour qu’on les examine et qu’on les réfute. Mais on ne vous dira pas ce que c’est.
En fait le communiqué est censé répondre, sans le dire, à ce qui s’est passé le 21 mars. Ce jour-là, Mgr Barros devait être intronisé dans son diocèse. Il y avait énormément de monde pour l’accueillir à la cathédrale : mais pour lui dire qu’on ne voulait pas de lui. L’évêque a dû être escorté par la police, mais il n’a pas pu faire l’homélie, la communion des fidèles a été supprimée, et il n’a pas pu remonter la nef de sa cathédrale…
Le président de la conférence épiscopale, le cardinal Ezzati, n’était pas là : il avait un engagement de longue date… De nombreux autres évêques s’étaient fait porter pâle, et même 15 des 35 prêtres du diocèse.
Quelque 51 députés avaient écrit au pape pour qu’il renonce à cette nomination, et une pétition avait recueilli plus d’un millier de signatures.
Mais cette nomination était voulue par le cardinal Francisco Javier Errazuriz Ossa, qui est un des 9 membres du conseil rapproché de François.
Que reproche-t-on à Mgr Barros ? Dans le meilleur des cas d’avoir caché les abus sur mineurs du P. Fernando Karadima, qui était un prêtre très influent de Santiago du Chili, notamment dans la haute bourgeoisie. Dans le pire des cas d’avoir servi les appétits du prédateur.
Les premières plaintes contre Karadima eurent lieu en 1984, quand des paroissiens écrivirent à l’archevêque pour se plaindre. Mais le P. Karadima avait fait nommer un homme de confiance comme secrétaire de l’archevêque : c’était… Juan de la Cruz Barros Madrid (l’un des quatre « disciples » de Karadima qui allaient devenir évêques). Et la lettre des paroissiens alla directement au panier.
En 2003 un paroissien relança l’affaire, alors que l’épiscopat chilien avait mis au point une procédure pour traiter les cas d’abus sur mineurs de la part d’ecclésiastiques. Mais le nouvel archevêque, celui-là même qui est aujourd’hui membre du conseil du pape, Mgr Errazuriz Ossa, temporisa, demandant de nouvelles preuves et suggérant que le délai de prescription était dépassé…
En 2010 ce fut une plainte devant la justice civile, de la part de quatre hommes qui avaient été des fidèles de Karadima. Elle n’aboutit pas non plus, à cause des hautes protections dont bénéficiait le prêtre.
En 2011, c’est le Vatican qui le jugea coupable d’abus sexuels et psychologiques sur mineurs, l’interdit de tout exercice du sacerdoce, et l’envoya dans un couvent mener « une vie de prière et de pénitence ».
Mgr Barros a envoyé une lettre à tous les prêtres de son diocèse où il affirme qu’il ne savait rien des agissements du P. Karadima. Mais ces dénégations ne peuvent pas convaincre ceux qui ont vécu l’affaire. Elles ne font qu’aggraver son cas. D’où la réception très spéciale à la cathédrale.
Retournons maintenant au communiqué: on peut vérifier comment François met en pratique son enseignement sur la façon d'être "gentil" quand il y a un problème et de "caresser les conflits"...