Du Genealogical roll of the kings of England. "Seincte Margarete sa fille", en français.
L’Écosse était chrétienne depuis longtemps déjà, lorsque Marguerite lui fut donnée, non pour l’amener au baptême, mais pour établir parmi ses peuplades diverses et trop souvent ennemies l’unité qui fait la nation. L’ancienne Calédonie, défendue par ses lacs, ses montagnes et ses fleuves, avait jusqu’à la fin de l’empire romain gardé son indépendance. Mais, inaccessible aux armées, elle était devenue le refuge des vaincus de toute race, des proscrits de toutes les époques. Les irruptions, qui s’arrêtaient à ses frontières, avaient été nombreuses et sans merci dans les provinces méridionales de la grande île britannique ; Bretons dépossédés, Saxons, Danois, envahisseurs chassés à leur tour et fuyant vers le nord, étaient venus successivement juxtaposer leurs mœurs à celles des premiers habitants, ajouter leurs rancunes mutuelles aux vieilles divisions des Pictes et des Scots. Mais du mal même le remède devait sortir. Dieu, pour montrer qu’il est le maître des révolutions aussi bien que des flots en furie, allait confier l’exécution de ses desseins miséricordieux sur l’Écosse aux bouleversements politiques et à la tempête.
Dans les premières années du XIe siècle, l’invasion danoise chassait du sol anglais les fils du dernier roi saxon, Edmond Côte de fer. L’apôtre couronné de la Hongrie, saint Etienne Ier, recevait à sa cour les petits-neveux d’Édouard le Martyr et donnait à l’aîné sa fille en mariage, tandis que le second s’alliait à la nièce de l’empereur saint Henri, le virginal époux de sainte Cunégonde. De cette dernière union naquirent deux filles : Christine qui se voua plus tard au Seigneur, Marguerite dont l’Église célèbre la gloire en ce jour, et un prince, Edgard Etheling, que les événements ramenèrent bientôt sur les marches du trône d’Angleterre. La royauté venait en effet de passer des princes danois à Édouard le Confesseur, oncle d’Edgard ; et l’angélique union du saint roi avec la douce Édith n’étant appelée à produire de fruits que pour le ciel, la couronne semblait devoir appartenir après lui par droit de naissance au frère de sainte Marguerite, son plus proche héritier. Nés dans l’exil, Edgard et ses sœurs virent donc enfin s’ouvrir pour eux la patrie. Mais peu après, la mort d’Édouard et la conquête normande bannissaient de nouveau la famille royale ; le navire qui devait reconduire sur le continent les augustes fugitifs était jeté par un ouragan sur les côtes d’Écosse. Edgard Etheling, malgré les efforts du parti saxon, ne devait jamais relever le trône de ses pères ; mais sa sainte sœur conquérait la terre où le naufrage, instrument de Dieu, l’avait portée.
Devenue l’épouse de Malcolm III, sa sereine influence assouplit les instincts farouches du fils de Duncan, et triompha de la barbarie trop dominante encore en ces contrées jusque-là séparées du reste du monde. Les habitants des hautes et des basses terres, réconciliés, suivaient leur douce souveraine dans les sentiers nouveaux qu’elle ouvrait devant eux à la lumière de l’Évangile. Les puissants se rapprochèrent du faible et du pauvre, et, déposant leur dureté de race, se laissèrent prendre aux charmes de la charité. La pénitence chrétienne reprit ses droits sur les instincts grossiers de la pure nature. La pratique des sacrements, remise en honneur, produisait ses fruits. Partout, dans l’Église et l’État, disparaissaient les abus. Tout le royaume n’était plus qu’une famille, dont Marguerite se disait à bon droit la mère ; car l’Écosse naissait par elle à la vraie civilisation. David Ier, inscrit comme sa mère au catalogue des Saints, achèvera l’œuvre commencée ; pendant ce temps, un autre enfant de Marguerite, également digne d’elle, sainte Mathilde d’Écosse, épouse d’Henri Ier fils de Guillaume de Normandie, mettra fin sur le sol anglais aux rivalités persévérantes des conquérants et des vaincus par le mélange du sang des deux races.