Nicolas Sarkozy a été incontestablement très bon, hier soir sur TF1. Meilleur qu’il n’a jamais été, même si parfois il frôle la caricature dans le contentement de soi et dans son immense fierté d’être « président de la République ». Les téléspectateurs ont pu apprécier un très grand virtuose de la démagogie. Une démagogie presque chimiquement pure, c’est-à-dire sans langue de bois, ce qui est assurément une nouveauté.
Ce qui est très fort est qu’il réussirait presque à nous faire croire ce qu’il dit. Même à nous, qui savons de quoi il retourne. Il est vrai aussi que sur un certain nombre de sujets on aimerait le croire, on aimerait croire qu’il va faire ce qu’il dit. Il va de soi que dans les chaumières il a fait un tabac. L’artiste du magistère de la parole va pouvoir encore profiter de son talent, jusqu’à ce que les faits, qui sont têtus comme chacun sait, finissent par montrer que le roi est nu.
Sur le fond, il a en fait répété pour l’essentiel ce qu’il venait de dire aux parlementaires UMP, en un long discours dont tous les commentateurs ont relevé qu’il était un véritable discours de politique générale, celui-là même que François Fillon doit prononcer devant le Parlement dans quelques jours... On a pu remarquer que Nicolas Sarkozy a évoqué plusieurs fois le nom de François Fillon, toujours associé à lui-même, comme pour faire croire qu’il y a vraiment un Premier ministre mais que c’est lui, Sarkozy, qui prend toutes les décisions. Et qui les assume. Et dans tous les domaines, « s’il y a un responsable, c’est moi ».
On aimerait le croire, bien sûr, notamment quand il dit qu’il veut baisser les charges et les impôts pour rendre du pouvoir d’achat, et que c’est ainsi qu’on enrayera les délocalisations, qu’on arrivera au plein emploi, etc. Et il a parfaitement raison de répondre aux critiques sur le « financement » de telles mesures qu’il s’agit de l’argent des Français, qu’on rend aux Français, et avec lequel les Français relanceront la machine économique, ce qui renflouera les caisses de l’Etat.
Mais force est de reconnaître que les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy (sur les emprunts, les droits de succession, etc.), si elles vont à l’évidence dans la bonne direction, ne sont que des mesurettes, incapables de provoquer le choc nécessaire.
Un exemple emblématique de cette politique est l’intention qu’on lui prête de façon de plus en plus insistante, et qui est tellement plausible dans ce contexte, de bloquer la semaine prochaine l’ouverture d’un chapitre des négociations d’adhésion de la Turquie. Trois chapitres doivent s’ouvrir. Sarkozy est contre l’entrée de la Turquie , il explique très bien pourquoi. Et il manifeste son opposition en bloquant un chapitre, donc en laissant progresser les négociations d’adhésion sur deux nouveaux chapitres...
Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy va à Bruxelles, et il est très fier d’y aller avec son « traité simplifié » qui a fait le tour de l’Europe, comme il dit. Un traité qui reprend le pire de la Constitution européenne mais qu’on maquille en simple traité technique. (Un de ces maquillages étant énoncé de façon aussi impudente que naïve par Sarkozy : il y aura un ministre des Affaires étrangères qui n’aura pas ce titre...) Avec ce traité, s’il est adopté tel qu’il le souhaite, avec une « généralisation » des votes à la majorité qualifiée, Nicolas Sarkozy pourra toujours jouer au président de la République française devant les caméras de télévision, il ne sera plus qu’un gouverneur de province. Même sur la TVA sociale, il devra suivre ce qui aura été décidé à Bruxelles...