Comme je l’ai déjà dit, le site internet de l’Institut pontifical des missions étrangères mène un combat sans relâche contre Poutine. Aujourd’hui c’est en publiant un très long article d’un certain Stefano Caprio à la gloire de Viktor Erofeev.
Cela s’intitule :
Le "gopnik" Poutine et la russophobie russe
Présentation du texte :
Le grand écrivain russe Viktor Erofeev compare le président - avec ses rancœurs et ses manies guerrières - à "un voyou des rues" cherchant à reprendre le monde et à se venger de toutes les humiliations subies. La "russophobie" est l'une des principales motivations de la guerre de Poutine, mais le problème est qu'il ne s'agit pas d'un sentiment propre aux opposants, mais d'une partie de l'"âme russe" elle-même.
En bref, Viktor Erofeev ne se contente pas de longuement décrire Poutine comme un « gopnik », à savoir un prolo-clodo-voyou SDF inculte, frustré et vindicatif (oui, dans un journal russe), mais il revendique ouvertement et hautement sa russophobie, à savoir sa haine du peuple russe et sa négation de la culture russe. Il est le type même de ce que Igor Chafarévitch avait décrit dans son livre La russophobie. Les intellectuels russes qu’il évoquait, vivant pour la plupart en Occident, et se parant du titre de « dissidents », étalaient tout leur mépris du peuple russe et des traditions russes. Chafarévitch avait créé pour eux le mot « russophobie ». On est passé à la vitesse supérieure : Erofeev, qui vit aussi en Occident, revendique sa russophobie.
Extraits :
L'un des plus importants écrivains russes vivants, Viktor Erofeev, dans une interview accordée à Novaja Gazeta, a donné une définition éclairante du président russe et de ses manies guerrières : "Poutine est un gopnik [voyou], et il est parti à la guerre parce qu'il s'ennuyait".
Erofeev représente en fait la tradition opposée à la tradition slavophile de Dostoïevski, la lignée "occidentaliste" des Russes qui ne croient pas à la spécificité de la culture et de l'âme russes et s'en prennent à leurs compatriotes, dénonçant leur manque de fondements idéaux et de cohérence éthique.
Erofeev, 75 ans, appartient à la dernière génération d'écrivains dissidents antisoviétiques, et est l'un des chefs de file des écrivains "postmodernes" de ces trente dernières années, avec Vladimir Sorokine et Viktor Pelevine, le trio d'"ennemis du peuple" de plus en plus combattu dans les années Poutine.
Ami de Gorbatchev et du politicien Boris Nemtsov, tué il y a dix ans par des tueurs tchétchènes d'obédience poutinienne, Erofeev raconte que ce dernier s'était plaint à lui à plusieurs reprises après avoir été le dauphin politique de Eltsine, disant qu'il regrettait profondément d'avoir laissé le pouvoir passer entre les mains d'un personnage comme Poutine, qui "représente le pire de l'héritage soviétique".
Après 2008, alors que le pays semblait avoir atteint le niveau d'équilibre recherché, le vrai visage de Poutine est apparu de plus en plus, celui du gopnik, de l'homme dérangé qui entend "reprendre le monde" et se venger de toutes les humiliations subies.
Malheureusement, le consensus plébiscitaire qui l'entoure depuis toujours n'est pas seulement le résultat de la répression, de la propagande et de la manipulation, pourtant évidente : "La Russie est un État illégal", dit Erofeev, "avec de faux parlements, de faux gouvernements et de faux systèmes judiciaires".
Erofeev appelle également Poutine le "tsar-patsan", utilisant un autre terme pour désigner les adolescents immatures et incontrôlables, qui s'applique par extension à tous les Russes qui n'ont pas appris à accepter la réalité de leur "mère soviétique".
Paradoxalement, ils ont perdu ce qu'il y avait de mieux dans l'utopie communiste : l'idéologie, la grande illusion de conduire le monde à la révolution socialiste, le système d'État-providence, et même la puissance militaire qui a défié et imposé les équilibres de la guerre froide.
Comme des petits garçons qui ont grandi sans idéaux et sans repères, les Russes soutiennent aujourd'hui en masse la guerre de Poutine, indépendamment de l'indifférence, de la résignation ou de la dissidence, parce qu'ils sont mus par l'instinct destructeur du 'tant pis, tant mieux' de sujets impatients et qui s’ennuient, une 'psychologie d'esclave dégradée' selon l'écrivain.
"Pour Poutine, peu importe avec qui il part en guerre, il ne se bat pas contre l'Ukraine, mais uniquement parce qu'il s'ennuie mortellement, et cela définit sa conscience de soi : regardez l'expression morne de son visage, il ne s'anime que lorsqu'il prend un fusil, un peu même lorsqu'il monte à cheval.... il cherche l'adrénaline, il n'a pas besoin de l'Union soviétique ou de l'empire, il s'en prend à ses voisins parce que c'est la seule chance qu'il a."
Erofeev dit qu'il aurait aimé appeler son livre "Évasion de la morgue", parce qu'à l'heure actuelle, "la Russie est un cadavre, d'où s'échappent les cafards, et il est étonnant qu'elle ait survécu tout ce temps". Selon lui, il n'y a pas d'avenir pour l'ère post-Poutine, "il faudrait un miracle pour ressusciter les morts, peut-être un nouveau Pierre le Grand qui fonderait un État complètement nouveau".