La Cour européenne des droits de l’homme, qui est donc désormais exclusivement celle des droits de l’homme qui a échappé à l’avortement et qui est en bonne santé, a refusé vendredi de condamner la France pour la décision de tuer Vincent Lambert.
On lira d’abord le communiqué des avocats des parents de Vincent Lambert, les excellentes réactions de Cécile Edel et de Grégor Puppinck, le communiqué de l’Agrif, et l’opinion dissidente de 5 des 17 juges, dont voici le premier et le dernier paragraphes :
Nous regrettons de devoir nous dissocier du point de vue de la majorité exprimé aux points 2, 4 et 5 du dispositif de l’arrêt en l’espèce. Après mûre réflexion, nous pensons que, à présent que tout a été dit et écrit dans cet arrêt, à présent que les distinctions juridiques les plus subtiles ont été établies et que les cheveux les plus fins ont été coupés en quatre, ce qui est proposé revient ni plus ni moins à dire qu’une personne lourdement handicapée, qui est dans l’incapacité de communiquer ses souhaits quant à son état actuel, peut, sur la base de plusieurs affirmations contestables, être privée de deux composants essentiels au maintien de la vie, à savoir la nourriture et l’eau, et que de plus la Convention est inopérante face à cette réalité. Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus – et nous regrettons d’avoir à le dire – qu’elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu’ici offerte aux personnes vulnérables. (…)
En 2010, pour célébrer son cinquantième anniversaire, la Cour a accepté le titre de Conscience de l’Europe en publiant un ouvrage ainsi intitulé. À supposer, aux fins du débat, qu’une institution, par opposition aux personnes composant cette institution, puisse avoir une conscience, pareille conscience doit non seulement être bien informée mais doit également se fonder sur de hautes valeurs morales ou éthiques. Ces valeurs devraient toujours être le phare qui nous guide, quelle que soit « l’ivraie juridique » pouvant être produite au cours du processus d’analyse d’une affaire. Il ne suffit pas de reconnaître, comme la Cour le fait au paragraphe 181 de l’arrêt, qu’une affaire « touche à des questions médicales, juridiques et éthiques de la plus grande complexité » ; il est de l’essence même d’une conscience, fondée sur la recta ratio, de permettre que les questions éthiques façonnent et guident le raisonnement juridique jusqu’à sa conclusion finale. C’est précisément cela, avoir une conscience. Nous regrettons que la Cour, avec cet arrêt, ait perdu le droit de porter le titre ci-dessus.
D’autre part, on ne peut hélas pas passer sous silence la réaction infâme de la conférence épiscopale française qui, une fois de plus, se déshonore. Son porte-parole Mgr Ribadeau-Dumas considère que le sujet est « éminemment complexe » et qu’on ne saurait donc tirer quelque conclusion que ce soit de l’arrêt de la CEDH. Le pire dans cette réaction est que Mgr Ribadeau-Dumas, pour nier toute importance à l’arrêt, fait même semblant de ne pas savoir ce qu’est une jurisprudence (ou peut-être ne le sait-il pas, après tout, tant est insondable l’abîme de connerie du noyau dirigeant de l’épiscopat).