XVIe siècle, Musée Russe de Saint-Pétersbourg.
L’image de la Nativité du Christ est contenue mystérieusement dans le songe qu’a vu Nabuchodonosor et qui a été prophétiquement expliqué par le prophète Daniel (Daniel, ch. 2). La pierre qui s’est détachée de la montagne, sans que la main l’eût touchée, et qui a anéanti la grande idole est l’image de la Nativité du Christ. Et habituellement sur l’icône de la Nativité du Christ le Sauveur a, pourrait-on dire, une ressemblance imagée avec la pierre qui a vaincu et anéanti le terrible orgueil humain sous la forme de cette idole. L’Enfant est représenté habituellement au centre même de l’icône emmailloté, sa taille est extrêmement petite. Souvent, par ses dimensions, la représentation du Sauveur est plus petite que toutes les autres représentations sur cette icône et dans le même temps c’est l’icône du Seigneur – l’icône du Christ ; la position du Sauveur sur l’icône occupe la place royale du Seigneur. Quant à la représentation de la Mère de Dieu, elle est habituellement plus grande que toutes les représentations de cette icône et en cela s’est reflétée la prophétie qui avait été donnée dans le songe de Nabuchodonosor et interprétée par Daniel. L’image de la montagne et de la pierre qui s’était détachée de la montagne sans que main l’eût touchée est l’image prophétique de la virginité de toute éternité de la Mère de Dieu. C’est dans cette petitesse du Sauveur qui a accepté l’humilité des langes et de la crèche des animaux qu’est le mystère par lequel le genre humain a été guéri du poison de l’orgueil, déversé par Satan dans « l’ouïe d’Eve ». Toute la superbe humaine, née de l’enorgueillissement de Satan déchu, a perdu dans la Nativité du Christ son attirance, a perdu sa gloire apparente. L’accomplissement de la prophétie contenue dans le cantique de la Mère de Dieu s’est réalisé : « Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles » (Luc 1, v. 52). L’icône de la Nativité du Christ, c’est l’image de la gloire qui ne passe pas, de l’amoindrissement volontaire du Christ ; tous les contours principaux de l’icône, toute sa construction, parlent de cela. L’icône, qui constitue dans ses contours une sorte de sceau exprimant la fête dans son sens fondamental, exprime la gloire du Christ qui s’est fait volontairement homme, la gloire de son amoindrissement. (…)
Sur l'icône de la Nativité la caverne est habituellement représentée sans aucune complexité, sans essai de représenter les particularités, sans essai de donner un éclairage quelconque, mais elle est représentée comme un creux entièrement noir, comme l’ouverture de la bouche de la terre, et cette noirceur n’est adoucie par rien. Et cette noirceur est opposée avec force à la lumière du Sauveur, à la couronne qui entoure sa tête et à la blancheur de ses langes dont L’a emmailloté la Mère de Dieu.
La terre, sur l’icône de la Nativité, n’est pas représentée lisse ou unie, non, elle est pleine de mouvements, elle est pleine de saillies, de sommets, de creux. Son mouvement rappelle le mouvement des vagues de la mer. Et ce caractère montueux, accidenté, de la surface terrestre n’est pas seulement un témoignage sur la localité accidentée et montagneuse qui se trouvait près de Bethléem, mais a un autre sens secret plus général. La terre a connu le jour de sa visitation. Elle a répondu au Christ en renaissant tout entière, en se mettant tout entière en mouvement ; comme une pâte, elle a commencé à fermenter parce qu'elle avait senti en elle le levain de la vie éternelle. Et ces plis ondulés et en saillie de la terre qui entourent la caverne, ne sont pas déserts, mais pleins d’un mouvement plein d’appréhension et joyeux. (…)
Dans la partie supérieure de l’icône, juste au-dessus de la caverne est représentée !’étoile qui conduisit les rois pour qu’ils adorent le Christ et elle est représentée d'une manière peu habituelle, elle est comme envoyée pour s’arrêter au-dessus de la caverne, elle n’est pas représentée à part, mais sort des sphères célestes qui sont représentées au sommet même de I’icône ; le symbole de l’étoile de Bethléem est conservé non seulement sur les icônes de la Nativité, mais même dans le service divin. Lorsque s’accomplit la proskomidie on pose sur le diskos (la patène) « l’astérisque » au-dessus de l’agneau ôté du pain béni (prosphore) et posé sur le diskos. Cet astérisque signifie l’étoile qui s’est arrêtée au-dessus de l’Enfant-Dieu couché dans la crèche. (…)
Habituellement sur l’icône de la Nativité on représente Joseph, Celui qui fut fiancé à la Vierge, ployé dans l’affliction, torturé par les doutes, par le fait qu'il n’est pas en état d’assumer le mystère de la Naissance donnée par une Vierge. Devant lui se tient le démon sous les traits d’un vieux berger et il tente de troubler Joseph. Il est caractéristique pour plusieurs icônes de la Nativité que la Mère de Dieu a la face tournée non vers le Sauveur, mais vers Joseph et le visage de la Mère de Dieu exprime une appréhension et une tristesse profondes. La Mère de Dieu semble vouloir aider de toutes ses forces Joseph et dans ce souci est défini déjà le ministère de la Mère de Dieu, comme Reine des cieux, comme médiatrice du genre humain, celle qui porte les afflictions du genre humain.
Moine Grégoire Krug, Carnets d’un peintre d’icônes.