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Une oraison du missel mozarabe brode sur le mystère du huitième jour en ce jour octave de Pâques.
Ingeniti Genitoris genite Fili, qui in eo nobis diei hujus octavi renovas cultum, in quo te discipulorum aspectibus hodie præbuisti palpandum. Nam licet hic dies sit prior præ cæteris conditus, octavus post septem efficitur revolutus. Quo ipse sicut admirabiliter e sepulcro surrexisti a mortuis, ita ad discipulos inæstimabiliter intrasti januis obseratis. Initium videlicet Paschæ ac finem exornans congruis sacramentis, cum et resurrectio tua custodibus terrorem incuteret, et manifestatio discipulorum corda dubia confortaret. Quæsumus ergo, ut nos his sacramentis imbutos fides qua te credimus post istud sæculum tibi repræsentet illæsos. Nullum nobis de te scrupulum dubitationis errorisque, aut otium pariat, aut quæsitio incauta enutriat. Serva in nomine tuo quos redemisti sanguine pretioso. Contemplandum te nostris sensibus præbe nostrumque cor dignatus ingredere. Esto semper in medio nostri, qui hodie pacem nuntians discipulorum in medio astitisti. Quique in eis insufflasti Spiritum vitæ, nobis largire ejusdem Spiritus consolationem.
Fils engendré du Géniteur inengendré, qui renouvelles aujourd’hui pour nous le culte de ce huitième jour, en lequel tu t’es montré aux regards et à l’attouchement des disciples. En effet, bien que ce jour ait été créé avant les autres, il devient le huitième après les sept révolus. De même qu’en ce jour tu es admirablement sorti du tombeau et ressuscité d’entre les morts, de même tu es inestimablement entré chez tes disciples portes closes. C’est ainsi que tu pares le début et la fin de la Pâque des mystères qui conviennent, de sorte que ta résurrection suscite la terreur chez les gardiens, et ta manifestation conforte les cœurs incertains des disciples. Nous demandons donc, nous qui sommes imprégnés de ces mystères, que la foi par laquelle nous croyons en toi nous présente indemnes devant toi après ce siècle. Qu’aucun scrupule de doute et d’erreur de notre part à ton sujet n’engendre ce qui est oiseux ni ne nourrisse une imprudente curiosité. Garde en ton nom ceux que tu as rachetés de ton précieux sang. Permets à nos sens de te contempler et daigne pénétrer nos cœurs. Sois toujours au milieu de nous, toi qui aujourd’hui a annoncé la paix en te tenant au milieu des disciples. Et toi qui as insufflé en eux l’Esprit de vie, accorde-nous la consolation du même Esprit.
Chacun des jours de cette semaine, l’Office des Vêpres s’est accompli avec la même solennité dont nous avons été témoins au Dimanche. Le peuple fidèle remplissait la Basilique, et accompagnait de ses regards et de son intérêt fraternel cette blanche troupe de néophytes qui s’avançait, chaque soir, à la suite du Pontife, pour revoir encore l’heureuse fontaine qui donne une nouvelle naissance à ceux qui y sont plongés. Aujourd’hui, le concours est plus grand encore ; car un nouveau rite va s’accomplir. Les néophytes, en quittant le vêtement qui retrace à l’extérieur la pureté de leurs âmes, vont prendre l’engagement de conserver intérieurement cette innocence dont le symbole ne leur est plus nécessaire. Par ce changement qui s’opère sous les yeux des fidèles, l’Église est censée rendre ses nouveaux enfants à leurs familles, aux soins et aux devoirs de la vie ordinaire ; c’est à eux maintenant de se montrer ce qu’ils sont désormais pour toujours : chrétiens, disciples du Christ.
Au retour du Baptistère, et après avoir terminé l’Office des Vêpres par la station devant la Croix de l’arc triomphal, les néophytes sont conduits dans une des salles attenantes à la Basilique, et dans laquelle on a préparé un vaste bassin rempli d’eau. L’Évêque, assis sur un siège d’honneur, et voyant autour de lui ces jeunes agneaux du Christ, leur adresse avec émotion un discours dans lequel il exprime la joie du Pasteur, à la vue des heureux accroissements du troupeau qui lui est confié. Il félicite de leur bonheur ces élus de la grâce divine ; et venant ensuite à l’objet de leur réunion dans ce lieu, c’est-à-dire à la déposition des vêtements qu’ils reçurent de ses mains au sortir de la fontaine du salut, il les avertit paternellement de veiller sur eux-mêmes et de ne jamais souiller cette blancheur de l’âme dont celle des habits n’a été que la faible image.
Les vêtements blancs des néophytes leur ont été fournis par l’Église, ainsi que nous l’avons vu au Samedi saint ; c’est pour cette raison qu’ils viennent les remettre entre les mains de l’Église. L’eau du bassin est destinée à les laver. Après l’allocution, le Pontife bénit cette eau, en récitant sur elle une Oraison dans laquelle il rappelle la vertu que l’Esprit-Saint adonnée à cet élément de purifier les taches même de l’âme. Puis se tournant vers les néophytes, après avoir adressé à Dieu ses actions de grâces par la récitation du Psaume CXVI (Laudate Dominum, omnes gentes ; laudate eum, omnes populi. Quoniam confirmata est super nos misericordia ejus, et veritas Domini manet in æternum), il prononce cette belle prière :
Visita, Domine, populum tuum in salutari tuo, et paschalibus gaudiis illustratum clementer intende : conserva etiam in neophyto quod operatus es ad salutem, ut album mundi corporis indumentum visibili tantum habitu mutatum deponat, et invisibilem Christi candorem de sua mente non amittat ; sed per gratiam tuam apprehendat bonorum operum meritis, quod paschalibus suscipere mysteriis praecepisti. Per eumdem Christum Dominum nostrum. Amen.
Visitez, Seigneur, votre peuple dans vos desseins de salut ; voyez-le tout illuminé des joies pascales ; mais daignez conserver dans nos néophytes ce que vous y avez opéré vous-même, pour qu’ils fussent sauvés. Faites qu’en se dépouillant de ces robes blanches, le changement ne soit en eux qu’un changement extérieur ; que l’invisible blancheur du Christ soit toujours inhérente à leurs âmes ; qu’ils ne la perdent jamais ; et que votre grâce les aide à obtenir par les bonnes œuvres cette vie immortelle à laquelle nous oblige le mystère de la Pâque.
Dom Pius Parsch souligne que si l’un des pôles de la liturgie de ce jour est toujours la Résurrection et le Baptême, il y a un autre pôle : le péché et la croix. Car si nous sommes toujours dans la joie de Pâques, on ne peut oublier que c’est l’octave du Vendredi Saint.
Le péché. On se demande ce que vient faire le péché dans ce temps céleste. C’est une nouveauté. Jusqu’ici, pendant la semaine de Pâques, nous n’avons pas entendu le mot péché. Aujourd’hui, les trois oraisons en parlent. N’oublions pas que nous sommes des pécheurs : ce n’est que par un dur combat contre le péché que nous pouvons être des vainqueurs de Pâques. Même après Pâques, le Saint-Sacrifice est un sacrifice d’expiation pour le péché.
La Croix. Nous ne pouvons pas en vouloir à l’Église de nous mettre aujourd’hui la Croix devant les yeux. Dans l’Épître, saint Pierre décrit la Croix sous les couleurs les plus vives : « Le Christ est mort une fois pour nos péchés... pour nous offrir à Dieu... Selon la chair, il a été mis à mort ». Comme ces paroles font revivre le souvenir du Vendredi Saint ! A l’Alléluia, l’Église chante : « Dites aux nations : Dieu règne par la Croix ». Au Canon, nous dresserons la Croix et nous songerons particulièrement à la « beata Passio », à la Passion bienheureuse. Quelle pensée émouvante : la Croix dans la gloire pascale !
(Croix du Valasse, musée des antiquités de Rouen.)
Dic nobis Maria… L’évangile du jeudi de Pâques est celui de l’apparition de Jésus à Marie-Madeleine. C’est l’occasion d’entendre et de méditer la séquence qui est chantée toute la semaine après l’alléluia.
Allelúia, allelúia. Surréxit Dóminus vere : et appáruit Petro.
Allelúia, allelúia. Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Pierre.
L’alléluia de la messe de ce jour est le degré zéro de la composition des versets d’alléluia. D’ordinaire, le verset est plus ou moins une variation, ou une suite de variations, sur la mélodie de l’alléluia. Ici, il reprend deux fois à l’identique la mélodie de l’alléluia…
Par ailleurs la fin de la mélodie est étrange, avec un si bémol inattendu qui apporte une douceur elle aussi inattendue. Dom Gajard pensait que le si bémol était une faute due au souci d’éviter le triton. De fait un si bécarre serait beaucoup plus dans l’esprit plutôt triomphant (et logiquement tel) de la mélodie.
Dans l’antiphonaire de Tongerlo (1522), on remarque que la note finale est fa, et non sol, que la première phrase du verset est différente, que le bémol a été timidement ajouté à l’alléluia, mais pas à la fin.
Deus, qui Ecclésiam tuam novo semper fœtu multíplicas : concéde fámulis tuis ; ut sacraméntum vivéndo téneant, quod fide percepérunt.
O Dieu, qui agrandissez sans cesse votre Église par une nouvelle génération : accordez à vos serviteurs de garder dans leur vie le sacrement qu’il ont reçu par la foi.
La collecte se rapporte à la nouvelle génération qui a réjoui l’Église, en accroissant le nombre des croyants.
Sacramentum vivendo teneant veut dire réaliser tout le contenu du baptême, qui nous communique la vie même de Jésus-Christ ! Quel vaste et sublime programme de vie, annoncé aujourd’hui avec une solennelle simplicité de langage, qui rappelle celui même de Dieu, aussi simple que tout-puissant ! Aucune âme humaine n’aurait su, certes, trouver une inspiration aussi élevée, et ne pourrait, à plus forte raison, proposer aux autres, avec autant d’autorité, un idéal aussi sublime. Ce divin langage qui non seulement annonce, mais, au moyen de la grâce, accomplit ce qu’il annonce, est propre à Jésus-Christ seul. Si l’Église le répète, c’est en son nom et par son autorité ; et l’apologiste catholique pourrait tirer en faveur de l’Église, des formules mêmes de la sainte liturgie, les preuves de la divinité de sa mission.
L’antienne de Benedictus, aux laudes, résume une partie de l’évangile de ce jour : les pèlerins d’Emmaüs.
Jesus junxit se discípulis suis in via, et ibat cum illis : óculi eórum tenebántur, ne eum agnóscerent : et increpávit eos, dicens : O stulti et tardi corde ad credéndum in his, quæ locúti sunt prophétæ, allelúia.
Jésus se joignit à ses disciples le long du chemin, et il marchait avec eux : leurs yeux étaient retenus afin qu’ils ne le reconnussent : Et il les reprit, disant : O insensés et lents de cœur à croire tout ce qu’ont dit les prophètes, alléluia.
Dom Gajard souligne « la gravité de ses récitatifs sur le sol, la montée lourde et si prenante de via, couronnée par le si bécarre de ibat, l’évocation attristée de l’aveuglement des deux disciples (oculi… agnoscerent), enfin (o stulti…) le reproche très doux et si aimant du Seigneur, où perce une nuance de surprise et comme de découragement ».
L’icône « de base » de la Résurrection (en grec Anastasis, en russe Voskresenie) montre Jésus descendu aux enfers, brisant la porte de l’Hadès et prenant Adam par la main pour l’en faire sortir. Avec Adam on voit d’autres personnages sauvés par le Christ, au moins le roi David et saint Jean Baptiste. Sur la première icône ci-dessus on voit aussi le roi Salomon et le prophète Daniel (ou Ananias). Sur la deuxième il y a un troisième roi : Melchisédech, et Ananias avec Daniel. De l’autre côté il y a Eve, les mains couvertes par révérence, et avec elle Moïse et d’autres personnages. Sur la première on distingue deux compagnons de Daniel (avec leur coiffure « perse »), et un berger (de la Nativité ?). Sur la deuxième il y a Abraham à côté de Moïse, Jacob et Aaron.
En Russie le thème de la Résurrection a donné lieu à des développements, avec d’importantes influences de l’art occidental. Ainsi à côté de la porte de l’Hadès on a mis la bouche de l’enfer vue comme un monstre obligé de vomir ses victimes. Au-dessus du Christ aux enfers on voit le Christ ressuscité sortant du tombeau, et à côté les gardes terrassés. Dans le coin à gauche saint Pierre voyant le tombeau vide. Entre ces deux scènes on voit des anges qui descendent pour combattre les forces infernales, tandis que de l’autre côté on voit les élus qui montent vers le paradis. En haut, l’homme presque nu est le bon larron, appelé Rakh en Russie il brandit sa croix comme preuve qu’il peut entrer au paradis, dont la porte est souvent fermée par un séraphin. Tout en haut on retrouve le bon larron au paradis, avec les deux personnages qui s’y trouvent déjà : Hénoch et Elie. Dans le coin en bas à droite on voit la pêche miraculeuse d’après la Résurrection, avec Pierre se jetant à l’eau parce qu’il a reconnu le Sauveur.
Ce schéma se retrouve au centre des icônes dites des 12 fêtes : les icônes des 12 grandes fêtes de l’année liturgique byzantine (cela commence en haut à gauche par la Nativité de la Mère de Dieu) encadrant celle de la Résurrection, la fête des fêtes. (Celle-ci étant hors catégorie, on la trouve aussi très souvent sur "l'icône du mois", qui donne les fêtes de tous les jours du mois, soit au milieu de l'icône, soit en haut.)
Enfin il y a des icônes qui comportent d’autres scènes liées au principal mystère de l’année. Celle-ci-dessous doit battre tous les records.
Cela commence, en haut à gauche, par la Crucifixion, la descente de la Croix et la mise au tombeau (puis saint Pierre devant le tombeau vide).
En dessous, les anges qui combattent les forces infernales sont plus détaillés. On en voit un qui saisit un diable par les cheveux, et Satan voyant avec désespoir son royaume détruit.
Sous le tombeau du Christ ressuscité on voit pas moins de 9 soldats apeurés, dont un qui montre pourquoi. A droite de Jésus ressuscité il y a la scène des myrophores (les saintes femmes au tombeau), et l'apparition de Jésus à Marie-Madeleine.
Tout en haut, la scène de Rakh entrant au paradis, avec un beau séraphin qui garde la porte avec son glaive de feu. Mais il y a d'abord (en bas) Jésus donnant la croix à Rakh pour qu'il puisse entrer au paradis.
En dessous, les pèlerins d'Emmaüs.
Et la scène, ici très détaillée, de la pêche miraculeuse.
Христо́с воскре́се из ме́ртвых, сме́ртию смерть попра́в, и су́щим во гробе́х Живо́т дарова́в.
Le Christ est ressuscité des morts, par la mort il a vaincu la mort, à ceux qui sont dans les tombeaux il a donné la vie.
Христо́с воскре́се!
Le Christ est ressuscité !
Вои́стину воскре́се!
Il est vraiment ressuscité !
Chant kiévien, par le chœur de la Laure de la Trinité Saint-Serge et de l’Académie de théologie de Moscou.