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Liturgie - Page 381

  • Epiphanie


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    Tribus miráculis ornatum diem sanctum cólimus: hódie stella Magos duxit ad præsépium: hódie vinum ex aqua factum est ad núptias: hódie in Iordáne a Ioánne Christus baptizári vóluit, ut salváret nos, allelúia.

    Trois prodiges ont marqué ce jour que nous honorons. Aujourd’hui l’étoile a conduit les Mages à la crèche ; aujourd’hui l’eau a été changée en vin au festin nuptial ; aujourd’hui le Christ a voulu être baptisé par Jean dans le Jourdain, pour notre salut, alléluia.

    (Antienne du Magnificat aux deuxièmes vêpres, manuscrit de l'Antiphonarium benedictinum de Saint-Lambrecht, Autriche, 1400, chant des moines de Solesmes - on remarquera les variantes).

    *

    Traditionnellement, dans les cathédrales, après le chant de l’évangile de ce jour, on annonçait de façon solennelle la date de Pâques, par un texte, le Noveritis, chanté sur le ton de l’Exultet pascal.

    On trouvera un historique de cette tradition sur le site de la Schola Sainte-Cécile, qui d’autre part nous donne la partition pour le Noveritis de ce jour :

    Noveritis-Romanum-20152-640x1153.png

    Vous avez su, Frères très chers, par la miséricorde de Dieu qui nous a été annoncée, que nous avons été comblés par la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi de même nous vous annonçons la joie qui nous sera procurée par la Résurrection de notre même Sauveur.

    ·  Le 1er février sera le dimanche de la Septuagésime.

    ·  Le 18 du même mois sera le jour des Cendres et le début du jeûne très sacré du Carême.

    ·  Le 5 avril sera la sainte Pâque de Notre Seigneur Jésus-Christ, que vous célèbrerez avec joie.

    ·  Le 14 mai sera l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.

    ·  Le 24 du même mois sera la fête de la Pentecôte.

    ·  Le 4 juin sera la fête du Très Saint Corps du Christ.

    ·  Le 29 novembre sera le premier dimanche de l’Avent de Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui est l’honneur et la gloire, dans les siècles des siècles. Amen.

  • De la férie

    La vigile de l’Epiphanie, comme tant d’autres, a été supprimée par Pie XII. Cela dit, cette vigile n’en était pas vraiment une. Elle n’avait aucun caractère pénitentiel, et sa liturgie était celle du dimanche dans l’octave de la Nativité. C’était comme un dernier chant de Noël avant de passer à l’Epiphanie. Les seules différences étaient l’évangile, qui était celui du retour d’Egypte, et, aux matines, ce sermon donné par les bréviaires comme de saint Augustin mais qui n’est pas de lui (même s’il pourrait l’être…) :

    Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est éternellement, mes très chers frères, le Créateur de tous les hommes, est devenu aujourd’hui notre Sauveur, en naissant d’une mère. Il est né pour nous aujourd’hui dans le temps, par amour, afin de nous conduire à l’éternité du Père. Dieu s’est fait homme, afin de faire l’homme Dieu ; le Seigneur des Anges s’est fait homme aujourd’hui, afin que l’homme puisse manger le pain des Anges. Aujourd’hui a été accomplie cette prophétie, qui dit : « Cieux, versez d’en haut votre rosée, et que les nuées pleuvent un juste ; que la terre s’ouvre et qu’elle germe un Sauveur. » Le Créateur est donc devenu créature, afin de retrouver ce qui était perdu. Car l’homme le reconnaît ainsi dans les Psaumes : « Avant que je fusse humilié, j’ai péché. » L’homme a péché, et est devenu coupable ; Dieu est né homme, afin de délivrer le coupable. L’homme donc est tombé ; mais Dieu est descendu. L’homme est tombé misérablement, Dieu est descendu miséricordieusement. L’homme est tombé par son orgueil, Dieu est descendu avec sa grâce. O miracle, ô prodige, mes frères ! Les lois de la nature sont changées pour l’homme ! Un Dieu naît, une vierge devient mère, la parole de Dieu la rend féconde ; elle est mère et vierge tout ensemble ; mère, elle conserve sa virginité ; vierge, elle enfante un fils ; elle reste pure, mais elle n est pas stérile. Elle met au monde celui qui seul est né sans péché, et qu’elle a conçu, non par la concupiscence de la chair, mais par l’obéissance de l’esprit.

    Le texte en latin:

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  • Le Très Saint Nom de Jésus

    Les hymnes des vêpres, des matines et des laudes sont tirées d’un long poème de 49 à 52 strophes, selon les manuscrits, et longtemps attribué à saint Bernard. Sans l’ombre d’un doute, disaient plusieurs spécialistes, auxquels s’opposait le seul dom Guéranger, pour qui il ne faisait aucun doute que le texte était de la plume d’une abbesse bénédictine du XIVe siècle. Mais on découvrit peu après, à Oxford, un manuscrit du XIIe siècle. Donc de l’époque de saint Bernard. Mais dom Pothier découvrit ensuite un manuscrit du… XIe siècle. Il s’ensuit que ce texte, dont maintes formules paraissent être de saint Bernard ou à la manière de saint Bernard, a été écrit… avant saint Bernard…

    Le poème commence par Jesu dulcis memoria, ce qui est le début de l’hymne des vêpres et qui est le plus connu.

    En dehors des textes de la Sainte Ecriture et des… sermons de saint Bernard aux matines, c’est tout ce qu’il y a d’ancien dans cet ensemble liturgique qui date du XVIIIe siècle et fait (pauvre) doublon avec la somptueuse liturgie de la Circoncision.

    Messe de clôture du synode de 2012

    Jesu, dulcis memória,
    Dans vera cordis gáudia :
    Sed super mel, et ómnia,
    Eius dulcis præséntia.

    Jésus ! Nom de douce souvenance, qui donne au cœur les joies véritables ; mais plus suave que le miel et toutes les douceurs, est la présence de Celui qui le porte.

    Nil cánitur suávius,
    Nil audítur iucúndius,
    Nil cogitátur dúlcius,
    Quam Iesus Dei Fílius.

    Nul chant plus mélodieux, nulle parole plus agréable, nulle pensée plus douce, que Jésus, le Fils de Dieu.

    Jesu, spes pœniténtibus,
    Quam pius es peténtibus !
    Quam bonus te quæréntibus !
    Sed quid inveniéntibus ?

    Jésus ! espoir des pénitents, que vous êtes bon pour ceux qui vous implorent ! bon pour ceux qui vous cherchent ! Mais que n’êtes-vous pas pour ceux qui vous ont trouvé !

    Nec lingua valet dícere,
    Nec líttera exprímere :
    Expértus potest crédere,
    Quid sit Jesum dilígere.

    Ni la langue ne saurait dire, ni l’écriture ne saurait exprimer ce que c’est qu’aimer Jésus ; celui qui l’éprouve peut seul le croire.

    Sis, Jesu, nostrum gáudium,
    Qui es futúrus præmium :
    Sit nostra in te glória,
    Per cuncta semper sǽcula. Amen.

    Soyez notre joie, ô Jésus, vous qui serez notre récompense : que notre gloire soit en vous, durant tous les siècles, à jamais. Amen.

  • Spendor Patris et figura

    Spendor Patris et figura,
    Se conformans homini,
    Potestate, non nature,
    Partum dedit virgini.

    Celui qui est la splendeur du Père et sa forme incréée, a pris la forme de l’homme. Sa puissance, et non la nature, a rendu féconde une vierge.

    Adam vetus,
    Tandem laetus,
    Novum promat canticum;
    Fugitivus,
    Et captivus,
    Prodeat in publicum.

    Que le vieil Adam se console enfin ; qu’il chante un cantique nouveau. Longtemps fugitif et captif, qu’il paraisse au grand jour.

    Eva luctum,
    Vitae fructum
    Virgo gaudens edidit.
    Nec sigillum Propter ilium,
    Castitatis perdidit.

    Ève enfanta le deuil ; une vierge, dans l’allégresse, enfante le fruit de vie. Et ce fruit n’a point lésé le sceau de sa virginité.

    Si crystallus sit humecta,
    Atque soli sit obiecta,
    Scintillat igniculum.
    Nec crystallus rumpitur,
    Nec in partu solvitur
    Pudoris signaculum.

    Si le cristal humide est offert aux feux du soleil, le rayon scintille au travers. Et le cristal n’est point rompu : ainsi n’est point brisé le sceau de la pudeur dans l’enfantement de la Vierge.

    Super tali genitura,
    Stupet usus et natura,
    Deficitque ratio.
    Res est ineffabilis
    Tam pia, tam humilis
    Christi generatio.

    A cette naissance, la nature est dans l’étonnement, la raison est confondue. C’est chose inénarrable, cette génération du Christ, si pleine d’amour et si humble.

    Frondem, florem, nucem, sicca
    Virga profert, et pudica
    Virgo Dei Filium.
    Fert coelestem
    Vellus rorem,
    Creatura Creatorem,
    Creaturae pretium.

    D’une branche aride sont sorties la feuille, la fleur et la noix ; et de la Vierge pudique, le Fils de Dieu. La toison a porté la rosée céleste, la créature le Créateur, rédempteur de la créature.

    Frondis, floris, nucis, roris:
    Pietati Salvatoris
    Congruunt mysteria.
    Frons est Christus, protegendo ;
    Flos, dulcore; nux, pascendo ;
    Ros, coelesti gratia.

    La feuille, la fleur, la noix, la rosée : emblèmes mystérieux de l’amour du Sauveur. Le Christ est la feuille qui protège, la fleur qui embaume, la noix qui nourrit, la rosée de céleste grâce.

    Cur quod Virgo peperit
    Est Judaeis scandalum,
    Cum virga produxerit
    Sicca sic amygdalum ?

    Pourquoi l’enfantement de la Vierge est-il un scandale au Juif, quand il a vu l’amandier fleurir sur une verge desséchée ?

    Contemplemur adhuc nucem :
    Nam prolata flux in lucem
    Lucis est mysterium.
    Trinam gerens unionem,
    Tria confert, unctionem,
    Lumen et edulium.

    Contemplons encore la noix ; car la noix, mise en lumière, offre un mystère de lumière. En elle trois choses sont réunies ; elle nous présente trois bienfaits : onction, lumière, aliment.

    Nux est Christus ; cortex nucis,
    Circa carnem poena crucis
    Testa, corpus osseum.
    Carne tecta deitas,
    Et Christi suavitas,
    Signatur per nucleum.

    La noix est le Christ ; l’écorce amère de la noix est la croix dure à la chair ; l’enveloppe marque le corps. La divinité, revêtue de chair, la suavité du Christ, c’est le fruit caché dans la noix.

    Lux est caecis, et unguentum
    Christus aegris, et fomentum
    Piis animalibus.
    O quam dulce sacramentum!
    Foenum carnis in frumentum
    Convertit fidelibus.

    Le Christ, c’est la lumière des aveugles, l’onction des infirmes, le baume des cœurs pieux. Oh ! qu’il est suave, ce mystère qui change la chair, cette herbe fragile, en divin froment pour les fidèles !

    Quos sub umbra Sacramenti,
    Jesu, pascis in praesenti,
    Tuo vultu satia.
    Splendor, Patri coaeterne,
    Nos hinc transfer ad paternae
    Claritatis gaudia. Amen.

    Ceux que, dans cette vie, tu nourris, ô Jésus ! sous les voiles de ton Sacrement, rassasie-les un jour de l’éclat de ta face. Coéternelle splendeur du Père, enlève-nous de ce séjour jusqu’aux joies des clartés paternelles. Amen.

    Adam de Saint-Victor, traduction dom Guéranger

  • Quem vidistis pastores

    Cinquième jour de l’octave de Noël. Aux matines on reprend notamment le répons Quem vidistis pastores du premier nocturne des matines de Noël.

    Le voici par les moines de Solesmes.

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    Qui avez-vous vu, bergers ? Dites-le-nous ; apprenez-nous quel est celui qui a paru sur la terre ! Nous avons vu le Nouveau-Né, et les Chœurs des Anges qui louaient ensemble le Seigneur. Dites-nous ce que vous avez vu ? et annoncez la naissance du Christ.

    C’est aussi l’une des plus jolies pages chorales de Francis Poulenc, dans ses Quatre motets pour le temps de Noël, ici interprété par l’Ensemble vocal de Provence sous la direction d’Hélène Guy (CD Pierre Verany) :
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  • Dimanche dans l’octave de la Nativité


    L’introït provient du livre de la Sagesse (XVIII, 14-15), et se rapporte, au sens littéral, à la venue de l’ange exterminateur, au cœur de la nuit, pour le massacre des premiers-nés des Égyptiens, oppresseurs du peuple d’Israël. « Tandis que tout était plongé dans un profond sommeil, et que la nuit était au milieu de son cours, votre Verbe tout-puissant descendit de sa demeure éthérée de gloire. » On y ajoute le psaume 92 : « Le Seigneur a inauguré son règne, il s’est revêtu de gloire, il s’est fait comme un manteau de force et s’en est orné. »

    L’ange exterminateur épargna les maisons des Hébreux sur les portes desquelles avait été répandu le sang de l’agneau pascal. Ce divin messager, ministre de la justice de Dieu pour les uns et sauveur bienfaisant pour les autres, est une figure du Verbe incarné. C’est pourquoi l’Église, suivant en cela l’interprétation authentique de l’apôtre saint Jude (1), applique ce passage de la Sagesse à Jésus. Comme la libération de l’oppression égyptienne, ainsi la délivrance de l’antique joug du péché par le Messie arriva au cœur de la nuit—l’heure de la prière plus intime et plus recueillie — tandis qu’alentour tout le créé se taisait, et que le monde civil lui-même jouissait politiquement de l’inaltérable pax romana inaugurée par Auguste. Les ténèbres sont aussi un symbole de l’ignorance et du péché où se trouvait plongée l’humanité à l’apparition de Jésus, astre splendide du matin.

    Bienheureux cardinal Schuster

    (1) Je veux vous rappeler, quoique vous sachiez fort bien toutes choses, que Jésus, ayant sauvé le peuple du pays d'Egypte, fit ensuite périr ceux qui furent incrédules (Jude 5).

  • Saint Jean

    La lecture du premier nocturne des matines est le début de la première épître de saint Jean. Cette épître est donc par excellence le texte biblique du jour. Et cela pour une raison précise : elle commence par un véritable hymne à l’incarnation. Et saint Jean est tellement ému d’évoquer ce mystère qu’il en bafouille. D’autre part, les mots qu’il utilise sont à examiner de près, car ils sont d’une particulière richesse :

    Ce qui était (ce qui fut, dit la Vulgate)

    depuis le commencement (dès le commencement ; le deuxième mot est le même que le deuxième mot de son évangile, arkhè, et fait donc allusion au Principe, même si on ne peut pas vraiment traduire « dès le principe » - et c’est pourquoi la Vulgate, ne voulant pas confondre l’imparfait de « ce qui était » avec l’imparfait d’éternité des premiers mots de l’évangile, choisit le prétérite)

    ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux (les verbes sont au parfait, ce qui ici renforce l’affirmation : ce que nous avons réellement, parfaitement entendu de nos oreilles et parfaitement vu de nos propres yeux)

    ce que nous avons contemplé (le verbe est celui qui a donné le mot théâtre, il fut d’abord utilisé pour parler de choses qui suscitent l’étonnement ou l’admiration, d’où son sens d’être spectateur au théâtre, mais dans le Phédon Platon l’utilise pour dire : contempler le vrai et le divin)

    et que nos mains ont touché (le verbe n’est pas celui qui est utilisé habituellement pour dire toucher, il est celui qui veut dire d’abord tâter dans l’obscurité, puis palper, c’est celui qu’utilise le Christ après sa résurrection quand il demande aux apôtres de le palper pour constater qu’il n’est pas un fantôme)

    concernant le Verbe de la Vie

    La traduction fréquente de ces derniers mots : « la parole de vie » oublie qu’il y a l’article défini devant « vie ». Et elle est gravement fautive vu ce qui suit. Car saint Jean, à ces mots, rompt la phrase, et rebondit sur cette « Vie » qu’il vient d’évoquer. Il ne s’agit pas d’une parole de vie, il s’agit bien du Verbe de la Vie, sinon il ne s’interromprait pas pour s’exclamer :

    Et la Vie a été manifestée (ou : s’est manifestée, ou : est apparue – Mais oui ! la Vie s’est manifestée et nous est apparue !)

    et nous l’avons vue (au parfait : nous l’avons bel et bien vue, réellement),

    nous en témoignons (nous en rendons témoignage, nous l’attestons – c’est le mot habituel du témoignage, qui a donné « martyr »),

    et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père (imparfait d’éternité) et qui a été manifestée (ou : s’est manifestée, ou : est apparue).

    Et alors saint Jean reprend le cours de sa phrase pour l’achever, en reprenant les verbes au parfait qui étaient restés en suspens :

    Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Or notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ.

    La Vie, dans ce texte, la Vie qui est éternelle et qui est le Christ, c’est zoè (ἡ ζωὴ). Par opposition à l’autre vie que l’on verra quelques versets plus loin (2, 16) : bios (βίος), mot utilisé pour parler de la vie bio-logique, pour dire passer sa vie, finir sa vie, etc. C’est dans l’énumération de ce qu’on a appelé les trois concupiscences : « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie ».

    Mais il y a là une anomalie : même un enfant qui apprend à lire peut constater qu’il n’y a pas trois, mais deux concupiscences. C’est le prurit très occidental de systématisation et de classification rationnelle qui a conduit à inventer trois concupiscences alors qu’il n’y en a que deux. Et du coup on en est même venu à ne pas comprendre ce que disait saint Jean, et à inventer des traductions fantaisistes. Par exemple celle de la Bible de Jérusalem : « l’orgueil de la richesse », ou la prétendue Bible de la liturgie : « l’arrogance de la richesse ». La TOB se permet de gloser et d’interpréter : « la confiance orgueilleuse dans les biens »… Quant à la soi-disant Bible des peuples, marquée par la soi-disant théologie de la libération, elle n’hésite pas à stigmatiser « l’arrogance des riches »…

    Mais le mot est bien « bios », traduit dans la Vulgate par « vita ». Il s’agit de la vie. Certes, le mot peut aussi désigner, éventuellement, selon le contexte, les moyens nécessaires à la vie, des moyens de subsistance, mais jamais les richesses.

    ἡ ἀλαζονεία τοῦ βίου (è alazoneia tou biou) est logiquement traduit dans la Vulgate par : « superbia vitae ». La superbe, ce n’est pas simplement l’orgueil. Le mot grec veut dire essentiellement vantardise, jactance. Saint Cyprien avait traduit : jactantia hujus vitae. La jactance de cette vie. L’expression utilisée par saint Jean désigne quelque chose de plus grave que les deux concupiscences qu’il vient d’évoquer, et qui dépendent de ce troisième élément. Le Père Spicq explique :

    « Si saint Jean n’a point mentionné une troisième épithumia : “la convoitise des richesses”, c’est précisément parce qu’il visait un vice plus grave que l’ostentation des riches ou leur arrogance vis-à-vis des pauvres. Il oppose à Dieu l’orgueil d’une créature, maîtresse de son existence, qui décide et dirige le cours de sa vie sans tenir compte de Dieu. Cette suffisance est la contradiction même du devoir absolu d’adorer Dieu et le servir religieusement. »

    Ce que vise ici saint Jean, ce n’est pas la cupidité, c’est l’illusion de se croire autonome, autosuffisant, ne devant sa vie et son salut qu’à soi-même.

  • Saint Etienne

    Chaque année, le lendemain de la nativité du Seigneur, la liturgie nous fait célébrer la fête de saint Etienne, diacre et premier martyr. Le livre des Actes des apôtres nous le présente comme un homme rempli de grâce et de l’Esprit Saint (cf. Ac 6, 8-10 ; 7, 55) ; en lui se vérifie pleinement la promesse de Jésus rapportée par le texte de l’évangile de ce jour, selon laquelle les croyants appelés à rendre témoignage dans des circonstances difficiles et dangereuses ne seront pas abandonnés et laissés sans défense : l’Esprit de Dieu parlera en eux (cf. Mt 10, 20). Le diacre Etienne, en effet, a agi, a parlé, est mort, animé par l’Esprit-Saint, en témoignant de l’amour du Christ jusqu’au sacrifice extrême. Le premier martyr est décrit, dans sa souffrance, comme étant l’imitation parfaite du Christ, dont la passion se répète jusque dans les moindres détails. La vie de saint Etienne est entièrement façonnée par Dieu, conformée au Christ dont la passion se répète en lui ; au moment final de la mort, à genoux, il reprend la prière de Jésus sur la croix en se confiant au Seigneur (cf. Ac 7, 59) et en pardonnant à ses ennemis : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché » (v. 60). Rempli de l’Esprit-Saint, au moment où ses yeux vont se fermer, il fixe son regard sur « Jésus debout à la droite de Dieu » (v. 55), le Seigneur de l’univers qui attire tous les hommes à lui.

    En la fête de saint Etienne, nous sommes nous aussi appelés à fixer notre regard sur le Fils de Dieu que, dans l’atmosphère joyeuse de Noël, nous contemplons dans le mystère de son Incarnation. Par le baptême et la Confirmation, avec le don précieux de la foi nourrie par les sacrements, en particulier l’Eucharistie, Jésus-Christ nous a liés à lui et veut continuer à opérer en nous, par l’action de l’Esprit-Saint, son œuvre de salut qui rachète, valorise, élève et conduit toute chose à son achèvement. Se laisser attirer par le Christ, comme l’a fait saint Etienne, signifie ouvrir sa vie à la lumière qui l’appelle, l’oriente et fait parcourir le chemin du bien, le chemin d’une humanité selon le dessein d’amour de Dieu.

    Enfin, saint Etienne est un modèle pour tous ceux qui veulent se mettre au service de la nouvelle évangélisation. Il montre que la nouveauté de l’annonce ne dépend pas tout d’abord de l’usage de méthodes ou de techniques originales, qui ont certes leur utilité, mais consiste à être rempli de l’Esprit-Saint et à se laisser guider par lui. La nouveauté de l’annonce se trouve dans la profondeur de l’immersion dans le mystère du Christ, de l’assimilation de sa parole et de sa présence dans l’Eucharistie, afin que Jésus vivant lui-même puisse parler et agir en celui qu’il envoie. Au fond, l’évangélisateur devient capable de porter le Christ aux autres de manière efficace quand il vit du Christ, quand la nouveauté de l’Evangile se manifeste dans sa vie. Prions la Vierge Marie afin qu’en cette Année de la foi l’Eglise voie se multiplier les hommes et les femmes qui, comme saint Etienne, savent donner un témoignage convaincu et courageux du Seigneur Jésus.

    Benoît XVI, 26 décembre 2012

  • Nativité du Seigneur

    Dóminus dixit ad me : Fílius meus es tu, ego hódie génui te.

    Le Seigneur m’a dit : « tu es mon Fils. C’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui »

    Dans le cadre de la liturgie, cet introït est comme le premier mot de l’Enfant-Dieu, le mot par lequel il nous dit à travers la voix de l’Eglise ce qu’il est et d’où il vient. Mais à cette attestation de son éternelle naissance s’en ajoute une autre. Au moment où il vient au monde à Bethléem, le Christ est en toute vérité engendré : il naît du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. L’Ego hódie s’entend donc ici également de son engendrement charnel, œuvre de Dieu lui aussi, et le mot hódie, tout en gardant son sens d’éternité, indique le jour précis où il se réalise.

     D’autre part, le Christ n’a jamais été sans ses membres. En engendrant le Verbe dans sa pensée unique et éternelle, le Père, dans le même acte, le prédestine à être le Chef et le Sauveur de l’humanité et lui donne tous les hommes de bonne volonté. Ainsi, en lui, de toute éternité, nous avons tous été pensés, engendrés spirituellement par le Père. Quand il est venu sur terre, il nous portait donc tous dans sa pensée et son amour, de sorte que, spirituellement encore, mais réellement, nous sommes venus au monde, en lui, dans la nuit de Noël ; nous aussi nés de Dieu, fils de Dieu par prédestination.

    Enfin cette participation à la vie de Dieu, cette nouvelle naissance, devenue effective le jour de notre baptême, continue tout le temps de notre vie et devient plus pleine avec chaque grâce que nous recevons. Le Christ, en venant au monde, nous a apporté précisément cette grâce de vie. La liturgie de Noël nous l’offre à nouveau. Si nous la recevons, notre engendrement divin se poursuit. Nous devenons un peu plus fils du Père et le mot Hódie génui te prend, pour nous, en plus des deux autres, un sens personnel et actuel. « Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ».

    Lorsque l’Eglise, dans la nuit de Noël, chante cette parole mystérieuse, elle est donc d’abord la voix de l’Enfant-Dieu qui dit au monde sa génération éternelle et sa génération charnelle ; mais, en même temps, réalisant qu’elle est le Christ qui se continue, elle ne peut pas ne pas chanter sa propre génération dans l’éternelle miséricorde du Père, dans le mystère de Noël et dans la grâce qui, au moment même où elle chante, vient en ses membres et les divinise un peu plus.

    Dom Ludovic Baron (L’expression du chant grégorien)

  • Vigile de la Nativité

    Hodie scietis, quia veniet Dominus: * Et mane videbitis gloriam ejus.

    Aujourd’hui, vous saurez que le Seigneur va venir. Et demain matin, vous verrez sa gloire.

    Cet invitatoire des matines est, comme tout invitatoire, chanté six fois en entier avec le psaume 94. Cet « Hodie scietis » se retrouvera dans le verset, puis dans le premier répons, puis dans la deuxième antienne des laudes, qui est aussi l’antienne de tierce, et dans le répons bref de tierce. Et bien sûr à la messe, dans l'introït et le graduel.

    Mais dans l’office du jour cette expression est concurrencée par « crastina die » : demain : demain le Seigneur descendra, demain sera effacée l’iniquité de la terre… 16 fois dans l’office, sans compter les vêpres où elle reparaît dans le verset après l’hymne alors que c’est déjà l’office de la fête elle-même.

    Il n’y a aucun autre exemple d’une telle insistance, indiquant l’impatience, qui montait depuis le premier dimanche de l’Avent, et qui est arrivée à son comble, de voir arriver cette nuit du grand jour du salut. Aujourd'hui et demain ne cessent de s'entrechoquer. Aujourd'hui ou demain? C'est à minuit qu'il vient.

    Rappelons aussi la belle antienne du Benedictus :

    Orietur sicut sol Salvator mundi: et descendet in uterum Virginis, sicut imber super gramen, alleluia.

    Il se lèvera comme le soleil, le Sauveur du monde, et il descendra dans le ventre de la Vierge, comme la pluie sur l’herbe.

    Et aux vêpres l’antienne du premier Magnificat de Noël lui fait écho :

    Cum ortus fuerit sol de caelo, videbitis Regem regum procedentem a Patre, tamquam sponsum de thalamo suo.

    Quand le soleil se sera levé dans le ciel, vous verrez le Roi des rois qui procède du Père, comme l’époux sortant de la chambre nuptiale.