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Liturgie - Page 211

  • Les 7 frères martyrs

    Magnum spectaculum, fratres, positum est ante óculos fidei nostræ. Aure audívimus, corde vídimus optántem matrem ante se finire istam vitam fílios suos, longe contrariis votis consuetudini humanæ. Omnes enim hómines fílios suos, ex hac vita migrando, præcedere volunt, non sequi; illa autem optávit posterior mori. Non enim ammitebat fílios, sed præmittebat; nec intuebátur quam vitam finirent, sed quam inchoarent. Desinébant enim vivere, ubi quandoque fuerant morituri; et incipiébant vivere, sine fine victuri. Parum est fuisse spectatricem; miráti sumus potius hortatricem. Fœcundior virtútibus quam fœtibus: videns certántes, in quibus omnibus ipsa certabat, et in omnibus vincéntibus ipsa vincebat.

    Mes frères, un grand spectacle a été offert aux yeux de notre foi. Notre oreille a entendu et notre âme a contemplé une mère qui, par des sentiments bien opposés aux vœux ordinaires de la nature, souhaite voir ses fils mourir avant elle. Tous les hommes veulent, en quittant ce monde, précéder leurs enfants, et non les suivre. Mais elle, elle a formé le souhait de mourir la dernière. C’est qu’elle ne perdait pas (ammitebat) ses fils, elle ne faisait que les envoyer en avant (præmittebat), considérant, non point quelle vie finissait, mais quelle vie commençait pour eux. Car ils cessaient de vivre ici-bas, où ils devaient mourir un jour ou l’autre, et ils commençaient de vivre pour ne jamais cesser de vivre. Pour elle, c’est peu d’assister à leur mort : nous l’avons admirée les exhortant à mourir ; plus féconde en vertus qu’en enfants, en les voyant au combat, elle-même combattait avec eux tous ; en les voyant remporter la victoire, elle-même en eux tous était victorieuse.

    Saint Augustin, sermon 110, 6e leçon des matines avant 1960.

  • Un Cœur immaculé monastique

    En 1855, la Congrégation des rites approuvait les offices propres de la « Congrégation de France » des bénédictins, à savoir de Solesmes, proposés par dom Guéranger après l’acceptation du calendrier en 1851. A priori on peut être étonné de voir un moine bénédictin inscrire dans son calendrier, au 9 juillet, une fête du Cœur immaculé de Marie (presque un siècle avant Rome, et la fête instituée par Pie XII ne fut pas reçue dans le calendrier monastique...). Mais si l’on considère les dates, et si l’on se souvient du rôle joué par dom Guéranger dans la bataille pour le dogme de l’Immaculée Conception (promulgué en 1854), on comprend mieux…

    Comme évangile, dom Guéranger avait choisi… la visite des bergers à la crèche. Avec comme commentaire cet extrait de l’homélie de saint Bernard pour le dimanche dans l’octave de l’Assomption :

    Ne voyons-nous point que, dès le principe, Marie est la première personne que rencontrent les bergers? L'Évangéliste nous dit en effet : « ils trouvèrent Marie et Joseph avec l'enfant qui était posé dans une crèche. » Il en est de même des Mages, si vous vous en souvenez, qui ne trouvèrent point non plus l'enfant Jésus sans Marie, et plus tard, quand elle porta le Seigneur dans son temple, elle entendit Siméon lui parler longuement de son fils et d'elle-même sans cesser de se montrer aussi peu pressée de parler qu'elle était avide d'écouter. Et même « Marie conservait toutes ces paroles et les repassait dans son cœur. » Mais, dans toutes ces circonstances, on ne trouve pas qu'elle ait dit un seul mot du grand mystère de l'Incarnation. Oh malheur à nous qui avons toujours la parole à la bouche, malheur à nous qui laissons un si libre cours à toutes nos pensées, « qui sommes percés partout », comme dit le comique. Que de fois Marie entendit son fils non seulement parler à la foule en particulier, mais encore révéler à ses apôtres, lors des entretiens particuliers, les mystères du royaume de Dieu. Que de fois le vit-elle opérer des miracles, puis elle le vit attaché à la croix, expirant, ressuscité et montant au ciel. Or, dans toutes ces circonstances, c'est à peine si on rapporte que notre pudique tourterelle éleva la voix. Enfin, nous lisons dans les Actes des apôtres qu'en revenant du mont des Oliviers, ils persévéraient unanimement dans la prière. De qui est-il parlé ainsi ? Si Marie se trouvait du nombre, qu'elle soit nommée la première, puisqu'elle est plus grande que tous les autres, tant par la prérogative de sa maternité qu'à cause du privilège de sa sainteté. Or, l'historien sacré dit : « C'étaient Pierre et André, Jacques et Jean, » et les autres. « Tous, ils persévéraient unanimement dans la prière avec les femmes et avec Marie, mère de Jésus. » Est-ce donc ainsi qu'elle se montrait la dernière des femmes pour être nommée après toutes ?

    On peut bien dire que les disciples étaient vraiment charnels, alors que, n'ayant pas reçu le Saint-Esprit, parce que Jésus n'était pas encore glorifié, ils eurent une discussion pour savoir qui était le plus grand parmi eux. Marie, au contraire, s'humiliait non seulement en toutes choses, mais encore plus que tous les autres, d'autant plus profondément qu'elle était plus grande.

    Aussi, est-ce avec raison que celle qui s'était faite la dernière de tous quand elle était la première, fût élevée du dernier rang au premier ; c'est avec raison qu'elle devient la maîtresse de tous, comme elle s'était faite la servante de tous ; c'est justice enfin qu'elle fut élevée au dessus des anges mêmes, après s'être placée avec une ineffable douceur au dessous des veuves et des pécheresses pénitentes, au dessous même de celle d'où sept démons avaient été chassés.

    Je vous en prie, mes enfants bien-aimés, cherchez à acquérir cette vertu si vous aimez Marie; oui, si vous avez à cœur de lui plaire, imitez sa modestie. Il n'y a rien qui soit plus convenable à l'homme en général, rien qui siée davantage au chrétien en particulier ; mais surtout il n'est pas de vertu qui convienne mieux que celle-là à des moines.

  • Sainte Elisabeth de Portugal

    Urbain VIII qui mit sa fête au calendrier composa pour son office deux hymnes, la légende des matines et les antiennes de Benedictus et Magnificat. La première est l’acclamation de Judith, qui est utilisée dans la liturgie de la Sainte Vierge, la seconde souligne le rôle de pacificatrice de la reine de Portugal qui était née Isabelle d’Aragon.

    Tu glória Jerúsalem, * tu lætítia Israël, tu honorificéntia pópuli tui.

    Vous êtes la gloire de Jérusalem, * vous êtes la joie d’Israël, vous êtes l’honneur de votre peuple.

    Elísabeth, * pacis et pátriæ mater, in cælo triúmphans, dona nobis pacem.

    Élisabeth, * mère de la paix et de la patrie, triomphante dans le ciel, donnez-nous la paix.

    Deux portraits et son tombeau.

    Un autre portrait.

  • 4e dimanche après la Pentecôte

    Allelúia, allelúia. Deus, qui sedes super thronum, et iúdicas æquitátem : esto refúgium páuperum in tribulatióne. Allelúia.

    Alléluia, alleluia. O Dieu, qui siégez sur votre trône et jugez avec équité, soyez le refuge des pauvres dans la tribulation. Alléluia.

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    Ce qui apparaît au premier coup d’œil, dans le verset d’alléluia de la messe de ce jour, est qu’il est d’une longueur inhabituelle (pour un alléluia d’avant les facéties liturgiques d’après la Renaissance). Ce qui apparaît ensuite, c’est qu’au cœur de ce verset il y a un très long mélisme, insolite dans une telle pièce, et qui en outre a davantage l’allure d’un mélisme de graduel. De fait, il a été emprunté soit au graduel Benedictus Dominus du dimanche dans l’octave de l’Epiphanie, soit au graduel Clamaverunt justi de la messe Salus autem pour plusieurs martyrs. (Graduels qui existaient avant cet alléluia dont on n’a pas trouvé trace jusqu’ici avant un livre de Bénévent du XIe siècle.)

    Dans le graduel Benedictus Dominus, ce mélisme orne le mot pacem, la paix, dans le graduel Clamaverunt justi c’est le mot Dominus, le Seigneur, et ici c’est thronum, le trône de Dieu. Toute la mélodie de la longue première partie du verset est une contemplation extatique du trône de Dieu, montant dans les hauteurs du 7e mode après avoir parcouru toute la gamme. La seconde partie, plus brève, est la prière : « Sois le refuge des pauvres dans la tribulation. » Et la mélodie descend à la tonique et se cogne la tête sur le plancher du 7e mode dans sa tribulation, notes qui sont aussi les premières de l’alléluia, et se poursuivent donc par le jubilus: la prière a été exaucée.

  • De la Sainte Vierge le samedi

    L’hymne des matines est la première partie d’une hymne dont la seconde partie est chantée à laudes. Elle fut attribuée à saint Venance Fortunat sans autre argument qu’on ne prête qu’aux riches. On ne l’a trouvée dans aucun manuscrit de l’évêque de Poitiers. Mais elle se trouve dans les plus anciens bréviaires.

    Chantée par les trappistes de l’abbaye de Gethsémani, dans le Kentucky, en 1956 (Thomas Merton y était alors maître des novices) :


    podcast

    Quem terra, pontus, aethera
    colunt, adorant, praedicant,
    trinam regentem machinam
    claustrum Mariae bajulat.

    Le monarque éternel que l'air, la terre, l'onde
    Révère, craint, adore en ses ordres divers,
    Le Maître du grand univers
    Est porté dans les flancs d'une vierge féconde.

    Cui luna, sol, et omnia
    deserviunt per tempora,
    perfusa caeli gratia,
    gestant Puellae viscera.

    Le ciel de ses trésors comblant cette âme pure,
    Voit enfermé dans elle un enfant sans pareil,
    Qui règle le cours du soleil,
    Et meut le vaste corps de toute la nature.

    Beata Mater, munere,
    cujus supernus Artifex,
    mundum pugillo continens,
    ventris sub arca clausus est.

    Mère vraiment illustre, et vraiment fortunée,
    Par qui l'auteur du monde et l'arbitre des rois,
    Portant ce grand tout sur trois doigts,
    Dans le sein d'une fille a sa grandeur bornée.

    Beata caeli nuntio,
    fecunda Sancto Spiritu,
    desideratus Gentibus,
    cujus per alvum fusus est.

    Fille heureuse à qui l'ange humblement se présente,
    Dont l'esprit éternel est le divin époux,
    Et qui fait naître parmi nous
    Ce Roi, des nations le désir et l'attente.

    Gloria Tibi Domine,
    qui natus es de Virgine,
    cum Patre, et Sancto Spiritu,
    in sempiterna saecula. Amen

    Gloire à vous, mon Sauveur, Dieu que le ciel adore,
    Mais Dieu qu'une humble Vierge a porté dans son sein,
    Gloire au Père, à l'Esprit divin,
    Dans ce jour sans couchant comme il est sans aurore.

    (Traduction Lemaître de Sacy, Heures de Port-Royal)

  • Saint Antoine-Marie Zaccaria

    Sa lettre la plus souvent publiée, « aux très honorés en Jésus-Christ le digne M. Bernardo Omodei et Madame Laure son épouse », écrite le 20 juin 1539, deux semaines avant sa mort.

    Très estimé frère et – puisque vous le voulez ainsi – mon Fils, avec mon salut, je m'offre moi-même tout à vous dans le Christ.

    Ayant reçu votre lettre, j'y réponds, ou plutôt je viens converser familièrement avec vous et avec la très chère madame Laura : en vous donnant au Christ, je désire que nous ne vous laissiez pas envahir par la tiédeur mais que vous marchiez de progrès en progrès. Car si vous vous laissiez envahir par la tiédeur, jamais vous ne deviendriez spirituels, mais vous seriez bientôt charnels et – si nous voulons employer un mot plus adapté – vous deviendriez très rapidement plus des pharisiens que des chrétiens et des personnes conduites par l'Esprit.

    Le tiède – ou pharisien – a le comportement suivant : il évite les péchés graves mais commet volontiers des péchés plus légers et il ne se fait plus aucun scrupule des petites fautes. Ainsi, il s'abstiendra de blasphémer et de dire des injures, mais il ne s'en fera pas trop de s'emporter un peu ni de vouloir toujours avoir raison, sans vouloir céder à autrui. S'il évite de dire du mal de son prochain, il ne considère pas comme une faute considérable de parler toute la journée et de se permettre souvent des paroles vaines et inutiles. Il ne mange pas avec excès et ne se remplit pas de vin comme font les ivrognes, mais il se plaît à se régaler, sans besoin, de quelque friandise qui l'attire. Il s'abstient de la sensualité vicieuse, mais il se plaît aux bavardages et à d'autres amusements. Il lui plaît de rester deux heures en prière mais, ensuite, le reste de la journée la distraction est sa compagne. Il ne recherche pas les honneurs, mais s'ils lui sont accordés, si on fait son éloge, il tressaille de joie.

    Dites pour tout le reste ce que je viens de dire pour ces choses et vous pourrez tirer cette conclusion : le pharisien, c'est-à-dire le tiède, ne retranche de sa vie que le gros et retient le menu. Il fuit ce qui est défendu mais il s'accorde tout ce qui est permis. Il réprime la sensualité dans les actes mais il aime la sensualité de la vue. Il veut le bien mais il ne le veut pas tout entier. Il se modère en certaines choses, mais non en tout. Je ne dis pas qu'il doive tout faire d'un seul coup et en peu de temps, mais il ne cherche même pas à s'amender à la longue et un peu à la fois.

    Celui qui veut devenir une créature spirituelle fait tout le contraire. Il commence par retrancher l'une ou l'autre chose : quand, un jour, il en a retranché une, il en retranche une autre le lendemain et il continue ainsi jusqu'à ce qu'il ait bien débridé ses plaies.

    Voici d'autres exemples : il s'interdira d'abord les paroles nuisibles, puis les paroles inutiles et finira par ne plus dire que de paroles édifiantes ; il commencera par écarter toute parole, toute attitude colérique pour n'user bientôt que de paroles et de manières douces et modestes ; il fuira les honneurs et, si un jour ils lui surviennent, non seulement il ne s'y complaira pas mais il se réjouira d'être injurié et humilié ; il s'abstiendra non seulement de ce qui est permis dans le mariage, mais encore de tout ce qui sent la sensualité, pour augmenter en lui la beauté de la chasteté et y faire des progrès ; il ne se contentera pas de consacrer une ou deux heures à la prière, mais il ne manquera pas, dans la journée, d'élever souvent son esprit vers Dieu. Je vous ai donné ces quelques exemples, trouvez-en vous mêmes pour les autres situations de votre vie.

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  • Nox atra rerum contegit

    Nox atra rerum contegit
    Terræ colores omnium :
    Nos confitentes poscimus
    Te, juste judex cordium :

    L’épaisseur de la nuit dessous un voile sombre
    De toute la nature a caché les couleurs.
    Pour exalter ton nom, nos voix en percent l’ombre,
    Juste juge des cœurs.

    Ut auferas piacula,
    Sordesque mentis abluas :
    Donesque, Christe, gratiam
    Ut arceantur crimina.

    Bannis de nos désirs ce vain charme qui passe,
    Laves-en la souillure, et nous dépars à tous
    La force d’écarter par l’effet de ta grâce
    Le péché loin de nous.

    Mens ecce torpet impia,
    Quam culpa mordet noxia :
    Obscura gestit tollere
    Et te, Redemptor, quærere.

    Notre âme, qui languit dans la noirceur du crime,
    Voudrait jusqu’à tes pieds en porter le remords,
    Et pour monter à toi de cet obscur abîme,
    Réunit ses efforts.

    Repelle tu caliginem
    Intrinsecus quam maxime,
    Ut in beato gaudeat
    Se collocari lumine.

    Que peuvent-ils, Seigneur, si ta bonté n’efface
    L’épaisse et triste nuit qui couvre les yeux ?
    Et comment sans ton aide espérer une place
    A te voir dans les cieux ?

    Præsta Pater piissime,
    Patrique compar Unice,
    Cum Spiritu Paraclito,
    Regnans per omne sæculum. Amen.

    Ne la refusez pas à nos humbles prières,
    Père et Fils que jamais le monde ne comprit,
    Et qui régnez sans fin au séjour des lumières
    Avec le Saint-Esprit.

    Hymne des matines du jeudi, souvent attribué à saint Ambroise, mais par certains à saint Grégoire le Grand, traduction Pierre Corneille.

    Sur l’un des 11 feuillets qui nous restent d’un bréviaire de Ferrare, 1499 :

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  • Saint Irénée

    La foi, nous l'avons reçue des anciens, disciples des apôtres. Et voici ce qu'elle nous donne : avant tout, elle nous engage à nous souvenir que nous avons reçu le baptême qui nous guérit de nos péchés. Le baptême, nous le recevons : au nom de Dieu le Père, au nom de Jésus Christ, le Fils de Dieu, qui s'est fait homme, qui est mort, et qui est ressuscité, et dans l'Esprit Saint de Dieu.

    La foi nous enseigne que le baptême est la marque de la vie avec Dieu pour toujours et de la nouvelle naissance en Dieu. Ainsi, nous ne serons plus les fils d'hommes qui meurent, mais nous deviendrons les fils du Dieu qui vit depuis toujours et pour toujours. La foi nous enseigne encore que Dieu, qui est depuis toujours, est au-dessus de tout ce qui existe. Tout dépend de lui et tout ce qui est sous son pouvoir a été fait par lui. Ainsi Dieu a de l'autorité, non sur le bien d'un autre, mais sur son bien à lui. Tout appartient à Dieu. Dieu est tout-puissant et tout vient de lui.

    Il est nécessaire, en effet, que les choses qui ont commencé d'exister reçoivent d'une cause importante l'origine de cette existence. Et l'origine de toutes choses, c'est Dieu : car lui-même n'a été fait par personne, au contraire, c'est lui qui a tout fait. C'est pourquoi il faut croire avant toutes choses qu'il n'y a qu'un seul Dieu, le Père. Il a créé et organisé toutes les choses qui n'existaient pas, pour qu'elles existent. C'est lui qui contient tout, et il est le seul que rien ne peut contenir. Dans ce tout il y a aussi notre monde, et dans ce monde il y a l'être humain. Donc, ce monde aussi a été créé par Dieu.

    Ainsi, on voit bien qu'il n'y a qu'un seul Dieu. Il est Père, il n'est pas créé, il est invisible. C'est lui qui a fait toutes choses, il n'y a pas d'autre Dieu au-dessus de lui, et après lui il n'y a pas d'autre Dieu.

    Dieu possède une Parole, et c'est pourquoi il a fait les choses par sa Parole. Dieu est également Esprit, et c'est pourquoi il a organisé toutes choses par son Esprit. Comme le prophète le dit : Par la Parole du Seigneur les cieux ont été rendus solides, et par son Esprit toute leur puissance existe. La Parole du Seigneur établit, c'est-à-dire donne leur forme aux êtres et elle leur donne l'existence. L'Esprit, lui, dispose les différentes puissances6. C'est pourquoi il est juste de dire que la Parole est le Fils, et l'Esprit la Sagesse de Dieu.

    L'apôtre Paul a donc raison de dire : Il y a un seul Dieu et Père de tous, il est au-dessus de tous, il agit à travers toutes choses et il habite en nous tous. En effet, au-dessus de toutes choses, il y a le Père. À travers toutes choses, il y a la Parole du Père qui est son Fils. C'est par son intermédiaire que le Père a fait toutes choses. Enfin l'Esprit Saint habite en nous tous. C'est lui qui crie en nous : Abba, Père7. C'est lui qui forme l'être humain à la ressemblance de Dieu. Ainsi l'Esprit Saint fait voir la Parole du Père et, pour cette raison, les prophètes ont annoncé la venue du Fils de Dieu. De son côté le Fils dirige l'Esprit et, pour cette raison, il explique la parole des prophètes et il élève l'être humain jusqu'à Dieu.

    Voici donc les vérités que notre foi renferme et le fondement sur lequel notre conduite s'appuie.

    Le premier article de notre foi, c'est : un seul Dieu Père qui n'est pas créé, que rien ne peut contenir et qui est invisible. Il est le Dieu unique, l'Auteur de toutes choses.

    Le deuxième article, c'est : la Parole de Dieu, le Fils de Dieu, Jésus Christ notre Seigneur. C'est par son intermédiaire que toutes choses ont été faites. Il est apparu aux prophètes, aux uns d'une manière et aux autres d'une autre, selon le projet de salut fixé par le Père. Dans les derniers temps, pour récapituler toutes choses, il s'est fait homme parmi les êtres humains, et les êtres humains ont pu le voir et le toucher. Il a détruit la mort, il a fait apparaître la vie et il a accompli la communion de Dieu et de l'être humain.

    Le troisième article, c'est : le Saint-Esprit. C'est par lui que les prophètes ont prophétisé, que les Pères ont appris les choses de Dieu et que les justes ont été guidés dans le chemin de la justice. Dans les derniers temps, il a été répandu d'une manière nouvelle sur l'humanité, sur toute la terre, et il a donné aux êtres humains un cœur nouveau pour les préparer à rencontrer Dieu.

    C'est pourquoi le baptême de notre nouvelle naissance a lieu par ces trois articles. Il nous offre une nouvelle naissance en Dieu le Père par son Fils dans l'Esprit Saint. En effet, ceux qui portent en eux l'Esprit Saint vont à la Parole du Père, c'est-à-dire son Fils, et le Fils les conduit au Père, et le Père leur donne de vivre avec lui pour toujours.

    Donc, sans l'Esprit, il est impossible de voir le Fils, et sans le Fils, on ne peut arriver auprès du Père, parce que c'est le Fils qui fait connaître le Père. C'est par l'Esprit Saint que cette connaissance a lieu. L'Esprit Saint, lui, c'est le Fils qui le donne selon ce que le Père veut, à ceux que le Père veut et comme il le veut.

    Exposé de la prédication des apôtres, 3b-7.

  • La Visitation

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    Voici les trois collectes de la messe que l’on trouvait au XIXe siècle dans les missels de Lyon, Paris, et autres diocèses de France (selon le « missel parisien » de 1738) :

    Adesto Ecclesiæ tuæ misericors Deus, et filios adoptionis jugiter in ejus sinu purifica ; qui, Mariæ clausus utero, Joannem in sinu Elisabeth sanctificasti. Qui vivis…

    Assiste ton Eglise, Dieu miséricordieux, et purifie sans cesse en son sein les fils d’adoption, toi qui, enfermé dans le ventre de Marie, as sanctifié Jean dans le sein d’Elisabeth.

    Sicut beatissimæ Unigeniti tui Matris humilitatem gratam habuisti, Domine, ita maiestatis tuæ acceptum sit hoc nostræ servitutis sacrificium. Per eumdem Christum…

    De même que tu as agréé l’humilité de la très bienheureuse mère de ton Fils unique, ainsi soit accepté de ta majesté le sacrifice de notre servitude.

    Largire, quæsumus, Domine, fidelibus tuis, ut quem in utero latentem beatus Joannes cum exultatione præsensit, ejusdem in hoc sacramento absconditi præsentiam cum sancta lætitia sentiamus. Qui tecum vivit…

    Accorde, nous te le demandons, Seigneur, à tes fidèles, de sentir avec une sainte joie la présence dans ce sacrement de celui qui y est caché, que le bienheureux Jean pressentit avec exultation quand il était dissimulé dans le ventre.

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    Antependium de Strasbourg, vers 1410. (Détail.)

  • Le Très Précieux Sang

    Veux-tu apprendre la vertu du sang du Christ ? Remontons à ce qui l’a figuré et rappelons-nous sa première image, en puisant aux récits de l’Écriture ancienne. C’était en Égypte, Dieu menaçait les Égyptiens d’une dixième plaie, il avait résolu de faire périr leurs premiers-nés, parce qu’ils retenaient son peuple premier-né. Mais afin que le peuple juif qu’il aimait ne risquât pas d’être frappé avec eux (car ils habitaient tous un même pays), le Seigneur lui indiqua un remède qui devait servir au discernement des Israélites et des Gentils. C’est un exemple admirable et propre à vous faire véritablement connaître la vertu du sang de Jésus-Christ. Les effets de la colère divine étaient attendus, et le messager de la mort allait de maison en maison. Que fait donc Moïse ? « Tuez, dit-il, un agneau d’un an, et de son sang, marquez vos portes ». Que dis-tu, Moïse ? Le sang d’un agneau peut-il donc préserver l’homme doué de raison ? Certainement, nous répond-il ; non parce que c’est du sang, mais parce que le sang du Seigneur y est représenté. Comme les statues des rois, inertes et muettes, protègent d’ordinaire les hommes doués d’une âme et de raison qui se réfugient près d’elles, non parce qu’elles sont d’airain, mais parce qu’elles sont l’image du prince ; ainsi ce sang privé de raison délivra des hommes ayant une âme, non parce que c’était du sang, mais parce qu’il annonçait pour l’avenir le sang du Christ. Et alors l’Ange destructeur, en voyant les portes teintes, passa plus loin et n’osa pas entrer. Si donc aujourd’hui, au lieu de voir des portes teintes du sang d’un agneau figuratif, l’ennemi voit les lèvres des fidèles, portes des temples de Jésus-Christ, reluire du sang de l’Agneau véritable, cet ennemi s’éloignera bien plus. Car si l’Ange se retira devant la figure, à combien plus forte raison l’ennemi sera-t-il saisi de frayeur s’il aperçoit la réalité elle-même ?

    Voulez-vous sonder encore une autre vertu de ce sang ? Je le veux bien. Voyez d’où il s’est d’abord répandu, et de quelle source il est sorti. C’est de la croix même qu’il commença à couler ; le côté du Seigneur fut sa source. Car, est-il dit, Jésus étant mort et encore suspendu à la croix, un soldat s’approche, lui frappe le côté avec sa lance, et il en sort de l’eau et du sang : l’une, symbole du baptême ; l’autre, du Sacrement. C’est pourquoi l’Évangile ne dit pas : Il en sortit du sang et de l’eau, mais de l’eau d’abord, et puis du sang ; parce que nous sommes d’abord lavés dans l’eau baptismale, et consacrés ensuite par le très saint Mystère. Un soldat ouvre le côté, il fait une ouverture dans la muraille du temple saint. Et moi j’ai trouvé un trésor précieux, et je me félicite de découvrir de grandes richesses. Ainsi a-t-il été fait de cet Agneau. Les Juifs ont tué l’Agneau, et moi j’ai connu le fruit du Sacrement. Du côté coulèrent le sang et l’eau.

    Je ne veux pas, mon auditeur, passer si rapidement sur les secrets d’un si grand mystère, car il me reste encore à vous dire des choses mystiques et profondes. J’ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des Mystères. D’eux, en effet, a été fondée l’Église, par la régénération du bain et la rénovation du Saint-Esprit : je dis par le baptême et les Mystères, qui paraissent être sortis du côté. De son côté donc le Christ a édifié l’Église, comme du côté d’Adam fut tirée Ève, son épouse. Saint Paul atteste aussi cette origine, lorsqu’il dit : « Nous sommes les membres de son corps, formés de ses os », faisant allusion au côté du Christ. Oui, ainsi que Dieu fit la femme du côté d’Adam, de même le Christ nous donna de son côté l’eau et le sang, destinés à l’Église comme éléments réparateurs.

    Saint Jean Chrysostome, homélie aux néophytes, lecture du deuxième nocturne des matines.