Nox atra rerum contegit
Terræ colores omnium :
Nos confitentes poscimus
Te, juste judex cordium :
L’épaisseur de la nuit dessous un voile sombre
De toute la nature a caché les couleurs.
Pour exalter ton nom, nos voix en percent l’ombre,
Juste juge des cœurs.
Ut auferas piacula,
Sordesque mentis abluas :
Donesque, Christe, gratiam
Ut arceantur crimina.
Bannis de nos désirs ce vain charme qui passe,
Laves-en la souillure, et nous dépars à tous
La force d’écarter par l’effet de ta grâce
Le péché loin de nous.
Mens ecce torpet impia,
Quam culpa mordet noxia :
Obscura gestit tollere
Et te, Redemptor, quærere.
Notre âme, qui languit dans la noirceur du crime,
Voudrait jusqu’à tes pieds en porter le remords,
Et pour monter à toi de cet obscur abîme,
Réunit ses efforts.
Repelle tu caliginem
Intrinsecus quam maxime,
Ut in beato gaudeat
Se collocari lumine.
Que peuvent-ils, Seigneur, si ta bonté n’efface
L’épaisse et triste nuit qui couvre les yeux ?
Et comment sans ton aide espérer une place
A te voir dans les cieux ?
Præsta Pater piissime,
Patrique compar Unice,
Cum Spiritu Paraclito,
Regnans per omne sæculum. Amen.
Ne la refusez pas à nos humbles prières,
Père et Fils que jamais le monde ne comprit,
Et qui régnez sans fin au séjour des lumières
Avec le Saint-Esprit.
Hymne des matines du jeudi, souvent attribué à saint Ambroise, mais par certains à saint Grégoire le Grand, traduction Pierre Corneille.
Sur l’un des 11 feuillets qui nous restent d’un bréviaire de Ferrare, 1499 :
Commentaires
l'attaque de l'hymne est superbe : "L'atroce nuit recouvre, efface/ Toute couleur de toute chose". Et Corneille toujours délicieux : "Bannis de nos désirs ce vain charme qui passe" pour traduire "Sordesque mentis abluas", "(ô Christ), lave les saloperies de notre imagination"